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mercredi 3 février 2016

Benjamin GODARD – Dante : la pastorale des étudiants infernaux


1. Nouveaux horizons

Une nouvelle première mondiale par Bru Zane, et donc impatiemment attendue, qui sera prochainement publiée au disque. Dans l'attente, vous pouvez voir la vidéo du concert munichois de dimanche (achevé, lui) sur le site de la Radio Bavaroise.

Le sujet ne pouvait que rendre curieux ; le nom de Godard un peu moins, après lecture des partitions de Jocelyn et de La Vivandière, assez couramment trouvables dans les fonds de partitions anciennes. Des œuvres bien faites, mais sans grand relief musical, tout coule doucement, avec de jolies mélodies pas trop marquantes sur des harmonies qui, sans être pauvres ou maladroites, ne cherchent pas l'originalité. Disons qu'à tout prendre, j'aime mieux me lire ou m'écouter un Gounod ou un Thomas, plus inventifs, plus sensibles à la spécificité de ce qu'ils mettent en musique.
J'avais commenté ici la parution discographique des quatuors, plus intéressants, sans constituer non plus des révélations majeures. On pouvait espérer que, comme pour Victorin de Joncières, Godard s'adapte à la forme musicale choisie ou, dans le pire des cas, que  comme pour Félicien David, on finirait pas trouver une œuvre (Christophe Colomb, Herculanum…) qui échappe à la ces habitudes un peu lisses.

Ce n'est pas vraiment le cas, mais considérant que l'exhumation d'opéras de langue français est un peu la marotte de CSS, je peux difficilement ne pas en toucher un mot.



2. Alighieri réinventé

Le livret présente l'Enfer et le Paradis uniquement à l'acte III, au cours d'un rêve prémonitoire de Dante, endormi aux champs sur la tombe de Virgile célébré par les Écoliers. Si, si.
L'acte dédié à la Divine Comédie s'ouvre, donc,  sur une tarentelle de « groupes divers de pasteurs et de femmes portant des gerbes de blé », qui s'affairent autour du tombeau de Virgile ainsi invoqué :
Mais le temps, plein de toi, ne peut être oublié
Et ton œuvre est notre Évangile.
Dans un commun amour scellant notre amitié
Nous restons frères en Virgile !
Le reste ne vaut pas mieux : Dante est un pacifiste prêt à combattre pour Béatrice (tentative d'intégrer ses amitiés gibelines à la trame), à qui il conte fleurette dans un coin de boudoir (tandis que la suivante de sa dame soupire aussi après lui), en est séparé par un futur mari cornu, et vient tranquillement au couvent recevoir ses déclarations d'amour avant qu'elle ne meure dans ses bras (on ne sait trop pourquoi, d'ailleurs, si ce n'est que c'est la fin de l'opéra).
Bref, comme dans le pire des livrets de seria, on aurait pu remplacer son nom par celui de n'importe quel héros à la mode, et en tout cas certainement pas d'un poète – car, à l'exception de la courte fréquentation de Virgile au III et de la promesse d'immortaliser Béatrice à la fin, on ne voit pas bien ce qu'il aurait de distinctif.

Le tout dans une langue bien plate, ressassant des situations depuis longtemps démonétisées en 1890, comme si le projet était de reproduire la richesse des tableaux de Faust en l'appliquant à une autre figure littéraire. Le prisme biographique pour atteindre l'objectif n'était, à tout le moins, pas très passionnant.

Mes deux voisins se sont littéralement tenus les côtes pendant tout le premier quart d'heure de l'acte III. J'aurais aimé les en blâmer, mais voir l'ombre de Virgile, traité en Jésus au milieu de danses italiennes exécutées parmi les moutons par des bacheliers mélancoliques, a rendu ma propre stupeur impuissante à s'indigner.
Après ce spectacle, lorsque Virgile paraît, il éprouve évidemment quelque difficulté à imposer sa majesté. Il en va de même pour l'inévitable Lasciate ogni speranza, limité à une interrogation rhétorique de Dante au sein de son rêve : « Faut-il laisser toute espérance ? », qu'on laisserait presque passer inaperçue, tant la valeur n'en est pas du tout équivalente à l'allégorie initiale.

On voit bien pourquoi l'œuvre, souffrant de surcroît de conditions de création défavorables (acte III joué rideau fermé, chœurs pas la hauteur…), était destinée à choir, du moins dans une musique propre à transfigurer cet épais gloubi-boulga particulièrement peu sapide.

Pourtant, Édouard Blau (Alfred, celui de Sigurd et d'Esclarmonde, est son cousin) n'est pas toujours médiocre : au moins aussi exécrable pour Le Cid, mais tout à fait valable pour Le roi d'Ys et bien sûr Werther.



3. Composer sans Wagner

La musique vaut mieux que le livret, mais ce n'est pas non plus une révélation fulgurante.

Godard n'écrit pas de formes fermées (mais en 1890, c'est bien le moins !), assez peu de moments ressemblent à des airs (le lamento de Béatrice y arrive assez bien, le reste est vraiment intégré, n'appelle pas l'isolement ni les applaudissements), et même pas de Prélude, le chœur des Florentins (Guelfes et Gibelins) fait très rapidement son entrée ; pour autant sa musique ne tire pas le meilleur parti de cette souplesse structurelle.

La musique de Godard, de simples mélodies assez peu dansantes (on pourrait comparer ça à du Gounod sans l'évidence mélodique et le sens de la modulation, à du Thomas sans la qualité de la déclamation et du rythme), s'orchestre à coups de grosses doublures de trompettes ou de trombones-tuba, unissons et homophonies (écriture en accord, tout le monde sur le même rythme) y sont la norme – il ne faut pas en attendre de beaux contrechants dans les parties intermédiaires.

godard_dante_partition_iii.png

Il aimait à se vanter, nous dit Bruneau, de ne jamais avoir ouvert une partition de « ce bon monsieur Wagner », et cela s'entend : sans réclamer de lui un wagnérisme hors de propos, il aurait au moins pu s'instruire auprès des partitions de Meyerbeer, car l'œuvre semble alterner les contrastes sans réelle nécessité. Je me suis demandé, par exemple, au début de l'acte II, si les solos de bois servaient une métaphore renaissante ou « romaine », mais il semble, en réalité, qu'ils interviennent de façon assez arbitraires, comme de jolis moyens de renouveler les couleurs, sans lien direct avec les affects et les situations. Cette gratuité se révèle au bout du compte un peu frustrante.

Dans l'acte du rêve infernal, on est frappé par la disproportion du sujet par rapport aux moyens convoqués, de timides marches harmoniques (le même motif repris en montant un palier de la gamme), de simples cors en syncope pour l'apparition de Virgile (comme dans une reprise de thème chez Tchaïkovski, pas exactement la pointe de l'inédit) et même un thème qui s'apparente au trio « Marsch ! Marsch ! Marsch ! Trollt euch fort ! » de l'Enlèvement au Sérail. Pourtant, les figuralismes les plus réussis à l'orchestre évoquent étonnamment ceux utilisés par Rachmaninov dans Francesca da Rimini (1905) ; mais le moins qu'on puisse dire est que la science harmonique et orchestrale ne se compare guère.

L'instrumentation paraît de surcroît assez déséquilibrée vis-à-vis des voix, avec un orchestre très fourni tandis que les chanteurs sont sur des notes faibles de leur tessiture – je me demande d'ailleurs comment tout ce monde pouvait tenir dans la fosse de Favart, sauf à alléger sérieusement l'effectif des cordes et à déséquilibrer encore davantage l'ensemble.

Sa grande audace doit être l'utilisation du Dies iræ pour annoncer la mort de Béatrice.

Ce n'est pas que l'œuvre n'ait pas ses bons moments, comme l'affrontement entre la suivante (mollement) éprise et le (futur) mari très jaloux, qui évoque (en beaucoup moins marquant) celui de Leyla et Zurga dans les Pêcheurs de perles, le charmant solo de hautbois au début de l'acte IV, l'air d'adieu de Béatrice dépourvu de virtuosité (pas étonnant que la créatrice l'ait refusé), très beau, le duo étrangement léger de la dernière rencontre entre les amants… Mais tout cela reste de l'ordre du plaisant, pas vraiment de la grande intensité non plus. D'une manière générale, les actes I et II sont vraiment faibles, tandis que les deux derniers (Virgile-enfer-paradis, couvent) contiennent un certain nombre de sujets de satisfaction.



4. Pourquoi Dante ?

Alexandre Drawicki opère un travail salutaire et assure de nombreux choix clairvoyants (Sémiramis de Catel, La mort d'Abel, Cinq-Mars, Le Paradis perdu, Les Barbares…), mais j'avoue que si je m'explique Le Mage de Massenet (pas convaincu, mais il est légitime de vouloir les avoir tous à disposition), je reste assez frustré par des choix comme le cycle Félicien David (même si Colomb et Herculanum sont d'une qualité très inattendue), Dimitri de Joncières ou ce Dante, qui illustrent plutôt l'ordinaire de la composition du XIXe français dans ce qu'elle a d'un peu routinier : des gens qui savent écrire, mais qui ne cherchent pas particulièrement à en faire quelque chose d'un peu personnel.

Une version propre de Sigurd, Salammbô ou Gwendoline, des œuvres lyriques manquantes de grandes figures (Frédégonde de Saint-Saëns, La Légende de saint Christophe de d'Indy, les Pierné, Les Pêcheurs de la Saint-Jean de Widor, de grandes réussites de surcroît), des pièces qui magnifient la forme du grand opéra comme Patrie ! ou La Dame de Monsoreau, raffinés harmoniquement comme Salvayre, Hirchmann, Février, d'Ollone (Le Retour, un sacré bijou), ou qui ont une portée symbolique comme L'Aigle de Nouguès… rien de tout cela ne serait de refus. Pour ne parler que des (post-)postromantiques, car il y a tout autant à faire dans la première moitié du XIXe siècle, où les choix ont jusqu'ici été tous heureux (sauf Les Bayadères de Catel, mais je tenais à les entendre, moi le premier, malgré la partition qui m'avait parue assez peu marquante à la lecture).

Je suppose que c'est une démonstration volontaire de ce qui se faisait, et cela peut se défendre, explorer le fonds réel du répertoire (encore qu'ici, ce soit celui d'un échec) plutôt que les exceptions avant-gardistes retenues par les histoires de la musique. Mais, à l'usage, je trouve que des partitions comme celle-ci restent confinées à un intérêt documentaire, ce qui n'est, vu le public déjà assez restreint de ce répertoire, pas la première des priorités.
Je ne néglige pas la part de subjectivité, bien entendu : un certain nombre de camarades meyerbeero-regeriens (et plus que cela, LULLYstes, pelléasisants…) m'ont confirmé avoir beaucoup apprécié Dimitri de Joncières.



5. Au service de la France

Il faut dire aussi que, contrairement aux habitudes de Bru Zane, l'exécution n'était pas totalement satisfaisante.

L'Orchestre de la Radio de Munich (qui n'est pas celui dit de la Radio Bavaroise) et son directeur musical Ulf Schirmer avaient surpris, l'an passé, par leur justesse stylistique dans Gounod. Les timbres conservent leur étrange crudité (et en particulier cette clarinette solo surpuissante, sans vibrato, incroyablement persuasive et présente), mais en bien moins bonne part cette fois : l'ensemble m'a paru assez lisse, et surtout raide, pas du tout sensible aux souplesses de cette musique qui ne peut pas vivre en s'appuyant sur une structure (tout à fait absente, ce sont des épisodes plus ou moins bien juxtaposés, comme la plupart du temps dans la musique française de l'époque). L'effort de créer un climat n'était pas patent (peut-être moins motivés par cette partition ?).

munchner-rundfunkorchester_ulf-schirmer.png

Le Chœur de la Radio Bavaroise, lui non plus, n'atteignait pas du tout les mêmes cîmes (beaucoup de visages différents) : absolument inintelligibles là où il s'étaient au contraire distingués par le naturel et la clarté de leur français. Disparue aussi, cette souplesse dans le dégradé mixte du pupitre de ténors ; même les voix féminines, vraiment au-dessus de l'ordinaire des grands chœurs permanents, paraissent un peu moins fraîches.

choeur-radio-bavaroise_femmes.png

Par ailleurs, les autres chanteurs (à l'exception de Véronique Gens bien sûr, d'Andrew Foster-Williams, et dans une moindre mesure d'Edgaras Montvidas) utilisent aussi une phonation à la fois un peu lourde et pas du tout typée française, si bien qu'il est très difficile de suivre le détail de l'action sans livret – j'ai découvert un peu tard l'existence de http://www.bruzanemediabase.com, qui réunit des articles de fond et les livrets des œuvres concernées.

Bru Zane insiste beaucoup sur l'adéquation stylistique et sur le travail de la langue, mais ici, contrairement à ses habitudes, on était non seulement en deçà de ses standards, mais aussi en deçà de ce qui est le minimum souhaitable. S'il faut plisser le front pour suivre ou avoir le nez dans la brochure à acheter ou imprimer à la maison, une partie du projet part en fumée.

C'était pour partie imprévisible, je l'admets : Jean-François Lapointe était méconnaissable. Alors que, même récemment, la voix a toujours été très sonore, parfois dure, même, elle semblait bloquée à l'intérieur, aisément couverte par l'orchestre malgré les harmoniques très denses sollicitées, et le texte impossible à saisir. On aurait dit une technique totalement différente, je ne m'explique pas bien ce qui s'est passé – peut-être une méforme, puisque la bande de Munich, deux jours plus tôt, est meilleure. En tout cas, ce n'était pas un mauvais pari pour la qualité de la langue.

Pour ceux qui s'en sortent bien, Andrew Foster-Williams, malgré une émission très couverte, teintée de [eu], semble devenir toujours meilleur, toujours plus naturel dans sa diction exacte et expressive, malgré une tessiture, encore une fois, trop basse pour sa nature – ce qui a un impact sur son volume sonore, mais pas sur son équilibre vocal qui demeure inchangé, respect.

Je peux m'expliquer aussi le choix d'Edgaras Montvidas, un très rare cas de gain de notoriété internationale en chantant des raretés – Bru Zane doit être fier de l'avoir déniché, et l'utiliser en conséquence. Le français n'est pas parfait, et lui est de toute évidence peu naturel (l'emplacement de la voix n'est pas du tout français), néanmoins il est toujours correctement articulé, et surtout sa voix très particulière se prête bien à des rôles vaillants qui ne doivent pas être bûcheronnés pour autant. La voix, placée en arrière et toujours couverte (il émet tous ses sons avec une sorte d'effort teinté de [eu]) demeure claire et rayonne de façon sonore, en distinguant malgré tout les voyelles de façon nette. La tierce aiguë est même assez impressionnante. Tout cela est probablement lié à un type d'émission très vertical : le son est peut-être produit en arrière, mais monte haut dans les résonateurs crâniens, ce qui ne crée pas du tout l'effet « bloqué » de nombre de ses confrères chez qui l'impédance est si haute que le son ne sort plus (syndromes Wottrich et Behr, que j'aime beaucoup au demeurant).
Cette étrangeté et cet impact sont assez séduisants, je dois dire, même si, dans l'absolu, je voudrais entendre du français plus naturel comme Castronovo l'an passé (et, si possible, gourmand comme chez Vidal).

veronique-gens_egdaras-montvidas.png

Évidemment, au-dessus de tout le monde, plane toujours Véronique Gens, qui combine le timbre molleux, le verbe haut et délicat, une forme d'autorité très particulière qui ne passe pas par l'impact vocal (elle laisse la voix s'amollir et flotter au lieu de chercher les harmoniques dures, mais pas par pis-aller comme beaucoup de collègues, car le soutien est bandé comme un arc et lui permettrait tout à fait d'attraper ces autres couleurs). Elle conserve ce soir-là un brin moins de squillo (éclat trompettant, harmoniques hautes) que d'habitude, sans doute l'effet à la marge de rôles bas et larges qui semblent n'avoir quasiment pas affecté sa technique ni son instrument, immaculés, et elle paie cette technique d'aigus un peu tirés lorsqu'on dépasse le si bémol (donc un ou deux par opéra), mais alors quelle beauté extraordinaire du timbre, à la fois altier et familier, et quel verbe direct, là aussi permis par cette émission souple. C'est pourtant une configuration plus fragile, mais sa régularité dans l'excellence prouve à quel point la chanteuse reste en maîtrise absolue de l'exercice.
Effet très impressionnant, sur « Je vais mourir / Mais dans tes bras », deux pages avant la fin, d'entendre la voix détoner soudain, comme si le soutien se dérobait, puis voir l'actrice jouer l'effondrement, rattrapée par sa suivante. Il s'avère que, si elle n'est pas réellement morte sur scène (simple chute de tension, chacun lui souhaite de prendre soin d'elle et de se rétablir promptement), Véronique Gens entre dans la prestigieuse tradition mythologique des acteurs qui disparaissent avec leur personnage – et ici, dans une synchronisation parfaite, privant simplement Dante de sa dernière promesse (et le public de la fin de l'ouvrage). A posteriori d'autant plus impressionné qu'aucune imperfection, aucune distance n'était audible dans son chant de toute la soirée, jusqu'aux deux dernières notes s'effondrant en même temps que le personnage et qu'elle-même.



Bru Zane sortira cela dans la collection « Opéra Français » chez Singulares, et je ne déconseille évidemment pas l'achat, pour la documentation écrite et sonore, même si ce n'est pas forcément le volume que vous devez acquérir en priorité si d'aventure vous ne disposez pas déjà de tous.

David Le Marrec

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