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mercredi 16 novembre 2016

Les Contes d'Hoffmann – Lorsqu'on joue Choudens aujourd'hui


Après les avoir vus sur scène hier dans une version supposément Choudens (production Carsen à Bastille), je reviens sur les questions d'édition déjà amplement évoquées dans ces pages (voir ici ou ).


La réelle édition jouée

J'ai lu beaucoup de mal de l'édition Choudens (l'édition arrangée couramment utilisée, assez incohérente et très discontinue) utilisée pour cette production. Mais ce n'est en réalité pas tout à fait le cas, et comme pour tant de représentations actuelles des Contes, chacun fait un peu son marché.

¶ Les actes sont remis dans l'ordre d'origine (acte d'Antonia en deuxième partie, acte de Venise en troisième), mais c'est une rectification qui est devenue assez habituelle (et elle ne coûte rien éditorialement, pas de nouveau matériel d'orchestre, pas de droits supplémentaires…). Elle me paraît cela dit assez peu fondamentale : la logique est que Hoffmann vieillissant et désabusé vient se repaître de courtisanes sans scrupules, mais on pourrait très bien y voir une initiation de jeunesse, avant les amours plus sérieuses. Le problème reste en effet que Niklausse fait référence aux amours passées, et que le livret semble se contredire lui-même dans l'ordre Choudens.

La chanson de Niklausse dans l'acte de la Poupée (« Une poupée aux yeux d'émail ») est remplacée par une trouvaille plus récente (Oeser 1976, je crois) « Voyez-la sous son éventail », plus sombre, qui semble s'imposer progressivement sur les scènes – je le trouve relativement peu inspiré pour ma part, alors que l'autre, plus primesautier, a au moins pour lui une certaine séduction mélodique.
Les deux sont authentiques, il s'agit simplement de versions alternatives, comme il y en a énormément dans ces Contes (on dispose d'au moins cinq fins différentes pour l'acte de Venise !).

¶ Comme dans à peu près toutes les représentations de l'édition Choudens, on a ajouté « Vois sous l'archet frémissant », à la fois un grand air pour Niklausse et un morceau réellement prégnant, qui n'est quasiment jamais omis. C'est pourtant un numéro révélé par Fritz Oeser.

¶ L'apothéose finale exhumée par Oeser est ajoutée – ce qui évite le final désespéré et aviné, reprenant les thèmes du début (certes une boucle, mais pas passionnant musicalement et inachevé dramatiquement). C'est un véritable bijou qui tend là aussi à s'imposer, mais qui est tout sauf systématique sur les scènes aujourd'hui encore.

L'acte de Venise en revanche reste un champ de ruines : il se réduit à très peu de chose, l'action y paraît précipitée, les sections mal reliées. Seul reste intéressant de Choudens, le Septuor apocryphe composé par Raoul Gunsbourg (directeur de l'Opéra de Monte-Carlo, et lui-même compositeur d'opéras intéressants).

Assez symptomatique des éditions mêlées qui courent un peu partout aujourd'hui, et d'une certaine norme de représentation – non-musicologique, mais plus opérante que l'édition Choudens traditionnelle, ce qui n'est déjà pas si mal.


Logique de composition

Je n'y avais pas prêté attention sous cet angle, mais la citation du thème du trio avec le spectre de la Mère, au début de l'acte d'Antonia, est l'indication de ce que les numéros ont dû être composés avant les récitatifs – et en tout cas que la composition ne s'est pas déroulée dans l'ordre chronologique de représentation.

La genèse de l'œuvre est documentée par de multiples chercheurs (voir… ici ou ), mais ce genre de détail rend curieux de la façon plus générale dont un compositeur conçoit l'économie de son œuvre. Comme un flux, ou comme des « numéros » reliés par des ponts, et bien sûr souvent un entrelacement de plusieurs attitudes – des urgences qu'il faut écrire tout de suite, d'autres endroits écrits de façon plus continue, etc. [Et sans logiciel de composition, ça veut dire alors écrire des sections gratuites, spécialement prévues pour moduler vers le ton nécessaire ou devoir éventuellement tout retransposer à la fin – ce qui m'a toujours paru tellement décourageant.]

Impressionné, autrement, par la densité de l'œuvre : livret spirituel, avec de belles saillies, action très vive (et les entrées, du fait notamment de l'évolution des deux voyageurs, ne sont pas trop pauvres psychologiquements), et musique dont la veine mélodique se renouvelle à l'infini, assise de surcroît sur une écriture harmonique qui n'est pas indigente. Tout cela se suit avec tellement de facilité, sans les nécessités d'initiation (ou de glottophilie) d'autres opéras, même de grande qualité…

David Le Marrec

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