Carnets sur sol

   Écoutes (et nouveautés) | INDEX (très partiel) | Agenda concerts & comptes-rendus | Playlists & Podcasts | Instantanés (Diaire sur sol)


dimanche 31 décembre 2017

Le comte Ory : le mystère Scribe persiste


Un mot déjà mis en d'autres lieux, mais qui abonde une réflexion déjà étalée ici.

Le comte Ory est écrit sous une forme légère, mais ce n'est pas un opéra comique (création sur la scène de l'Opéra de Paris, salle Le Pelletier, et pas de dialogues parlés) ; il est appelé « opéra bouffe » par ses concepteurs, en référence aux modèles italiens.

Et c'est une véritable caricature d'opéra : de la débauche, des déguisements, des ensembles loufoques, des reprises innombrables, des contre-notes souvent, des coloratures partout ! Pas sûr que ce soit ce qui me fait aimer l'opéra, mais c'est chouette quand même !

L'acte II est beaucoup plus réjouissant pour moi, avec son orage qui parodie Iphigénie (II) de Gluck, puis sa prière-beuverie (recyclant au passage Don Profondo), et le trio du lit, évidemment !


Encore un grand coup de Scribe : entre le sacrilège en habits consacrés (célébrant l'amour charnel et le vin) et le triolisme de la chambre à coucher (Podalydès jouant à fond les appétits débordants de la comtesse négligée – elle ne se contente pas de regarder le page faire joujou avec le comte, à la façon d'Octavian, mais elle se jette sur les deux !), ce truc a été un succès partout en Europe !

Pourtant ça n'a pas beaucoup choqué à l'époque semble-t-il, grand accueil comme pour l'invraisemblable acte III de Robert (celui où le héros, fils d'un démon, culbute sur un autel une nonne damnée pour voler une relique) – mais que fait la police la presse ?
Ça reste énigmatique pour moi, mais on voit pourquoi l'Opéra de Paris a depuis cette époque si sulfureuse réputation !

Même en Province, l'accueil fut chaleureux (c'est ce que je lis dans les gazettes, et j'ai eu confirmation d'un doctorant qui travaille justement sur cette circulation des créations de la capitale vers la périphérie) et dans les villes d'Europe où ça a été joué (Londres, Vienne…) !

On se figure une société du premier XIXe très christianisée, mais pas nécessairement de la façon que l'on croit, considérant les succès de Scribe (massacres religieux et moines iniques dans les Huguenots et l'Africaine, sacrilèges licencieux en cascade dans Robert et Ory) : ça pose quelques questions sur l'état d'esprit réel du public. Ne prenait-il pas au sérieux l'opéra, parce que l'opéra n'est pas sérieux ?

Je n'ai toujours pas de réponse à cette interrogation, plus détaillée ici à propos de la collaboration avec Meyerbeer.


Le sujet est tiré d'un vaudeville antérieur de Scribe, écrit en 1816 sous le même titre. Malgré l'indication d' « anecdote du XIe siècle », Scribe admet tout à fait, dans l'édition complète de ses œuvres, que les historiens n'ont aucune idée de l'origine temporelle exacte de l'épisode.

Rossini n'a semble-t-il pas apprécié de se voir imposer Scribe, les relations entre les deux hommes n'ont pas été très cordiales ni très poussées.

Même du côté de Scribe, on ne s'est pas trop fatigué (« Ory » rime avec « lui » et « ici » rime avec… « ici »). Et, de fait, par rapport à Meyerbeer ou même à Auber, ce « n'embraye » pas autant sur le détail du sens.

(Mais ce reste très amusant.)

(Je laisse en annexe les commentaires superficiels sur la production Podalydès-Langrée – actuellement à l'affiche de l'Opéra-Comique – dissimulés ci-dessous.)

Suite de la notule.

mardi 19 décembre 2017

Les opéras rares cette saison dans le monde – #4 : en français


Il est temps de compléter cette série par un petit tour des opéras rares en langue française donnés à travers le monde. Quoi ? Où ?
Mais rassurez-vous, Carmen et Faust se portent très bien, merci pour eux.

Précédents épisodes :
principe général du parcours ;
#1 programmation en langues russe, ukrainienne, tatare, géorgienne ;
#2 programmation en langues italienne et latine ;
#3 programmation en allemand.

À venir : anglais, polonais, slaves occidentaux (tchèques, slovaques) & méridionaux (slovène, croate), celtiques & nordiques (irlandais, danois, bokmål, suédois, estonien), espagnols, et surtout une grosse notule sur les opéras contemporains intriguants, amusants (ou même réussis).



landestheater detmold
Côté cour de l'Opéra d'État de Budapest, manière assez peu gallicane de débuter le parcours.



Gluck, Iphigénie en Aulide (Budapest)
→ Également donnée en allemand à Ostrava, en Moravie. L'œuvre qui, en 1774, renouvelle complètement le style de la tragédie en musique.
→ Diane retient les vaisseaux des Achéens en attendant le sacrifice ultime. Agamemnon tâche de tromper les dieux en éloignant sa fille, prétendant qu'Achille ne souhaite plus l'épouser.
→ Écrite pour Paris, la première présentée par Gluck. Dauvergne raconte dans ses mémoires qu'à la lecture de la partition, les directeurs étaient persuadés que, s'ils donnaient l'œuvre, ils allaient immédiatement ringardiser tout leur répertoire – ce qui advint, d'où la frénésie d'œuvres nouvelles et d'invitation de compositeurs italiens (Piccinni, Sacchini, Salieri, Cherubini…). C'est évidemment une vision rétrospective (et Gossec utilisait le même langage dans Sabinus donné quelques mois avant), mais elle marque bien l'importance de cet ouvrage dans l'esthétique lyrique française.
→ C'est la première partie de la légende d'Iphigénie (son sacrifice), la plus baroque-française des œuvres de Gluck, avec un aspect beaucoup plus galant, moins hiératique que ses tragédies ultérieures. Cela avait tellement touché la sensibilité du temps que les chroniqueurs rapportent que la salle était en pleurs pour les adieux d'Iphigénie (supposée aller épouser son fiancé Achille, mais que son père livre en réalité au sacrifice pour que les Grecs puissent retrouver des vents et partir pour Troie).

Cherubini
, Ali Baba – en français ou en italien ? (Milan)
→ Grand opéra écrit pour l'Opéra de Paris, sur un livret de Scribe et Mélesville (l'excellent librettiste de Zampa), où Cherubini s'adapte (après avoir écrit dans les veines du classicisme finissant et du premier romantisme) au langage nouveau de la musique romantique à flux continu – nous sommes en 1833, c'est le dernier ouvrage scénique du compositeur.
→ Pour ce dont on peut juger dans les (mauvais) enregistrements existants, les récitatifs sont assez empesés et la veine mélodique pas extraordinaire, mais précisément, nous ne disposons que de mauvais enregistrements (le seul un peu étendu, quoique coupé, et disponible commercialement, est en italien, pas très bien chanté malgré Kraus et joué tout à fait hors style).

Spontini, La Vestale (Budapest)
→ Jalon fondamental dans la fusion des styles (sorte de goûts-réunis du début du XIX siècle) entre l'ambition théâtrale de la tragédie en musique romantisée et les élans & effets vocaux de l'opéra italien, Spontini propose ce compromis entre grande déclamation dramatique et belcanto dans cet ouvrage, emblème du style musical Empire.
→ Voir là sur le contexte, le livret et la musique.



landestheater detmold
Intérieur de l'Opéra de Frankfurt-am-Main, maison de l'un des plus beaux orchestres du monde, qui jouera L'Africaine de Meyerbeer.



Donizetti, Le Duc d'Albe (Anvers)
Donizetti, L'Ange de Nisida (Londres)
→ Peu avant sa mort, en 1838, Donizetti s'installe à Paris. Il a remporté un grand succès aux Italiens en 1835 avec Marino Faliero et  prépare un opéra de type semiseria en français sur un livret de Royer et Vaëz, d'après une pièce à succès de la fin du XVIIIe siècle (Baculard d'Arnaud, en 1790) autour des amours malheureuses du Comte de Comminges. Mais la troupe du Théâtre de la Renaissance fait faillite pendant les répétitions et l'opéra L'Ange de Nisida n'est jamais représenté. Pis, je n'en n'ai trouvé aucun enregistrement, même épuisé, aucune bande non plus (mais ça a bien dû être donné quelque part). L'œuvre, qui contient des parties empruntées à l'opéra antérieur Adelaide est recyclée dans La Favorite (en 1840), sur un livret adapté par les mêmes librettistes pour le cahier des charges de l'Opéra de Paris.
→ Simultanément, Donizetti a réussi à obtenir une collaboration avec Eugène Scribe, à la fois la garantie d'un livret dense et d'une prise au sérieux par le public et la critique : c'est pour Le Duc d'Albe (avec Charles Duveyrier). Mais la mezzo Rosine Scholtz, redoutant d'être éclipsée par sa rivale Dorus-Gras dans ce beau rôle de soprano, obtient son abandon, l'opéra reste inachevé. On joue La Favorite à la place, dans laquelle Donizetti intègre aussi des portions du Duc d'Albe (dont l'air de ténor « Ange si pur »). Quant au livret, Scribe le recycle en partie dans Les Vêpres siciliennes, pour Verdi !
→ L'œuvre a été achevée par Matteo Salvi en 1882, puis révisée par Thomas Schippers en 1959, dans les deux cas en italien. Et elle a enfin été gravée en français pour Opera Rara. Je n'ai pas été très convaincu, ni par le livret, ni par la musique, assez peu marquante à mon gré (ni drame intense, ni belles mélodies). Très en deçà de la Favorite ou des Martyrs, clairement.

Meyerbeer, Le Prophète (Deutsche Oper de Berlin)
→  Parmi les 6 opéras français (dont 5 majeurs, dont 4 grands opéras à la française), Le Prophète a survécu pour sa pompe avec la fameuse Marche du Sacre très à la mode dans la première moitié du XXe siècle et souvent gravée, mais c'est aussi et surtout une œuvre aux grandes qualités esthétiques et musicales.
→ Comme pour Les Huguenots et L'Africaine, Eugène Scribe y propose une critique radicale du clergé, voire de la religion en général, et présente les fanatiques comme des destructeurs effrayants, tout traitant ses héros avec une certaine distance ironique – Raoul de Nangis comm Jean de Leyde ont leur naïvetés, voire leurs ridicules. L'armature implacable du grand drame y assure aussi bien un spectacle à peu près sans exemple – paysages pastoraux, armées, étangs gelés, grand sacre dans la cathédrale, incendie urbain généralisé… – qu'une tension dramatique qui s'étage sur plusieurs niveaux et s'augmente sans jamais se relâcher.
Musicalement, l'œuvre n'a pas le naturel mélodique de Robert, des Huguenots ou de Dinorah, mais le soin apporté à l'orchestration y est tout particulier (beaucoup de solos instrumentaux, pas forcément brillants ou ostentatoires, y viennent apporter des touches de couleur). De surcroît, les exigences vocales y sont spectaculaires, dans un genre plus sonore et dramatique que virtuose (on y est plus proche du dernier Verdi, là où les précédents sentaient encore, vocalement, le lien avec Rossini et Donizetti) : une œuvre qui n'est pas sa plus délicate, et pourtant d'une prégnance assez hors du commun.
→ Par ailleurs, les artistes réunis à Berlin (Mazzola et Kunde, notamment) sont des spécialistes de cette musique et de cet esprit. Les représentations ont lieu en ce moment, et c'est manifestement un franc succès.

Meyerbeer, L'Africaine (Frankfurt-am-Main)
→ Meyerbeer a longuement élaboré L'Africaine, mais est mort d'avoir pu proposer ses habituelles retouches d'après les premières représentations. Cela se sent, il manque quelque chose de naturel dans les différentes éditions entendues. Par ailleurs, peu de mélodies marquantes, pas vraiment de distanciation ni d'humour, une orchestration personnelle mais plus opaque… je trouve qu'on ne renoue pas avec l'équilibre idéal de ses quatre autres grandes œuvres françaises.
→ Pour autant, le livret, encore une collaboration de Scribe, travaille toujours sur ces hésitations morales impossibles, sur ces affrontements entre les mondes, entre les fanatismes – mais de façon un peu plus rigide, et en tout cas moins divertissante. On peut cependant y entendre de très belles pièces musicales, pas aussi bien articulées entre elles que de coutume… bien qu'il y ait finalement pas mal de bandes et de disques, on attend toujours une production à la fois luxueuse techniquement et adéquate sur le plan du style et du français pour lui redonner sans ambiguïté la possibilité de convaincre.

Auber
, Fra Diavolo (Palerme)
→ Un opéra comique atypique et charmant, où un brigand célèbre apparaît comme personnage galant et romantique, une sorte de zorro locksleÿsant. Quantité de comique de caractère (les touristes anglais, les sbires gauches) et de situation (tout le monde est déguisé, caché plus ou moins adroitement), sur une musique assez simple et légère, mais pas aux effets sûrs.
→ On le joue quelquefois en italien en Italie, je n'ai pas vérifié ici.
Déjà présenté sur CSS. D'Auber, j'attends désormais surtout une reprise de son plus haut chef-d'œuvre (de très loin), Les Diamants de la Couronne.



landestheater detmold
Grand escalier de l'Opéra de Tours, où Jean-Yves Ossonce propose, au fil des saisons, une des offres les régulièrement plus originales au monde en matière de redécouverte du répertoire français… malgré une suvention sans commune mesure avec les grandes scènes oisives.



Verdi, Jérusalem (Parme)
Verdi, Les Vêpres siciliennes (Londres, Frankfurt-am-Main, Munich, Würzburg)
→ Les deux premiers Verdi composés pour Paris (le troisième étant bien sûr Don Carlos) sont joués cette saison.
Jérusalem est une refonte de son quatrième opéra, I Lombardi alla Prima Crociata (juste après Nabucco : d'un style encore redevable au belcanto, même s'il est déjà ailleurs), avec beaucoup de nouveaux éléments, une mise en avant de récitatifs très bien écrits et un bon livret (de Royer & Vaëz, ceux de la Favorite de Donizetti) à rebondissements multiples. Verdi n'aimait pas écrire pour Paris, mais peu le faisaient aussi bien que lui. Il n'y a pas beaucoup de tubes dans la partition – les grands ensembles à la fin du I avec les imprécations de Roger, la cabalette « Quelle ivresse » d'Hélène, le chant de guerre des croisés, peut-être le grand air de Roger… mais ce sont surtout les situations dramatiques, l'enchaînement des récitatifs et des ensembles, qui convainquent, comme un grand tout dramatico-musical très cohérent et abouti.
→ Les Vêpres (avec des portions du livret du Dom Sébastien avorté de Donizetti, récupéré par Scribe) ont les mêmes qualités organiques d'enchaînement entre récitatifs, numéros, ensembles, finals, mais à un niveau de maîtrise carrément meyerbeerien, et cette fois avec la qualité mélodique propre à Verdi… l'œuvre déborde de mélodies bien prosodiées, dont le sens claque et dont la musique s'imprègne immédiatement. Un de ses plus hauts chefs-d'œuvre, qui semble avoir repris racine en Europe depuis une quinzaine d'années.

Gounod, Cinq-Mars (Leipzig)
→ Ressuscité récemment par Bru Zane, l'un des fleurons de tout Gounod, dont il faut absolument entendre l'acte II (qui débute par « Nuit resplendissante » et se clôt par un grand ensemble irrésistible de conspiration patriotique). Le voici repris, en version scénique.

Gounod
, Philémon et Baucis (Tours)
→ Pas exactement trépidant dramatiquement, pas non plus le meilleur Gounod sur le plan musical, c'est néanmoins une belle partition, presque jamais donnée. Encore une contribution particulière de Tours au répertoire français, que peu d'autres maisons font à cette régularité, et avec ce soin de chanteurs adéquats !

Gounod, Le Tribut de Zamora (Radio de Munich)
→ Voilà le grand inédit attendu pour l'anniversaire Gounod !  Hélas, cette année, Munich ne se déplace pas à Versailles (ni à Vienne, comme pour Cinq-Mars), il faudra voyager ou se contenter de la bande et du disque. Je n'ai pas lu toute la partition, mais ce m'avait paru du bon Gounod, sur un sujet bien dramatique. On n'en a jamais eu qu'une méchante bande piano-chant très mal captée (et publiée seulement chez des pirates), je crois bien. En tout cas aucun enregistrement officiel écoutable, très clairement. Grand événement, il s'agit du dernier grand Gounod jamais redonné.



landestheater detmold
Le Musical Arts Center de Bloomington, dans l'Indiana, où L'Étoile est prévue – et son caractéristique dégradé de balcons latéraux.



Chabrier
, L'Étoile à Bloomington (Indiana)
→ Cette petite merveille est revenue en cour depuis la fin du XXe siècle, depuis redonnée de loin en loin. Il s'agit d'un opéra-comique aux effets extrêmement soignés, aux ensembles très caractérisés (Quatuor des représentants de commerce, Trio de l'Enlèvement, Quatuor des Baisers, Couplets & Chœurs de la Noyade…), farci de sous-entendus égrillards. Je me figure que ce pourraît susciter l'adhésion d'un public adolescent un peu éveillé – la façon detout y suggérer assez clairement l'air de rien n'est pas sans charmes.
→ Outre le (très bon) disque de Gardiner et quelques bandes diversement accessibles de la RTF, il existe une captation vidéo de la mise en scène de Pelly à Bruxelles, remarquablement distribuée (d'Oustrac, Mortagne, Guilmette, Varnier, Boulianne, Piolino…), diffusée à l'époque en haute qualité sur CultureBox (et France 2 ?). Cela doit se retrouver aisément (peut-être même paru en DVD, je ne suis pas les sorties), et mettait en valeur toute la fantaisie (et les pointes de mélancolie) de ce leste livret.

Massenet, Cléopâtre (Saint-Pétersbourg)
→ Le dernier opéra de Massenet, à une époque où, à partir du Jongleur de Notre-Dame, sa veine mélodique et son invention de mondes (quel lien entre les profils sonores de Werther, Esclarmonde, Thaïs, Cendrillon ou Grisélidis, créés sur une dizaine d'années ?) s'étiole un peu dans du drame plus sec (Chérubin, Ariane, Thérèse, Don Quichotte, Roma, quels que soient leurs moments de grâce –  pour Quichotte en particulier – reviennent tous à du théâtre romantique un peu hiératique). Il y a pourtant de la variété dans Cléopâtre, mais la déclamation et la veine mélodique restent un peu sévères. Au demeurant une jolie partition, rarement donnée.
→ Des Massenet qu'on ne donne jamais, je voudrais surtout voir Grisélidis (là, le récitatif est savoureux !), la féerie sonore étrange d'Amadis, notamment dans son Prologue en mélodrame (pas du tout du figuralisme, ni vraiment debussyste, vraiment un monde singulier), ou bien les archaïsmes jubilatoires de Panurge.

Saint-Saëns
, Ascanio (Genève)
→ Inspiré du roman homonyme d'Alexandre Dumas et de la pièce qui en a été tirée par Paul Meurice (collaborateur de Dumas sur le roman), le livret de Louis Gallet se penche sur l'histoire de Benvenuto Cellini et de son apprenti Ascanio – en transfigurant le personnage peu sympathique, dont les mémoires étaient disponibles en français depuis 1822, en protecteur paternel.
→ Je ne sache pas qu'on dispose d'enregistrements couramment disponibles. Les rares extraits donnés en concert au fil du XXe siècle sont de nature légère, mais ce ne doit pas être le seul aspect, pour un opéra en cinq actes donné à l'Opéra de Paris – en 1890.



landestheater detmold
Treppenhalle de l'Opéra de Graz, où vos pieds glisseront sur des lys si vous allez entendre l'Ariane de Dukas et Maeterlinck.



Dukas, Ariane et Barbe-Bleue (Graz)
→ Maeterlinck écrit ce texte spécifiquement pour être mis en musique… Il vise au départ la collaboration de Grieg, qui finit par se rétracter. Il y joue avec lui-même en donnant les noms de ses anciennes héroïnes aux femmes captivers de Barbe-Bleue (et Dukas fait même une jolie citation du motif de Mélisande lorsque celle-ci se présente).
→ Musique à la voix d'ampleur postwagnérienne et aux irisations très françaises, j'en ai touché un mot lors d'un précédent concert, salle Pleyel.
→ [Une vidéo, mise en scène Olivier Py.]

Martinů, Ariane à Düsseldorf et Moscou (au Stanislavski).
→ L'opéra est écrit en 1958, en guise de pause pendant la conception du plus sombre The Greek Passion (il est créé la même année, en 1961).
→ Il est écrit en langue française dès l'origine (quoique créé à Brno) et se fonde, comme Juliette ou la Clef des Songes (son chef-d'œuvre lyrique) sur Le Voyage de Thésée de Georges Neveux, une version surréaliste et psychanalysante du mythe du Minotaure : Thésée, en tuant son doppelgänger Minotaure, tue aussi une part de lui-même et son amour pour Ariane (qui semble de toute façon plutôt amoureuse du Minotaure). L'opéra s'achève sur la plainte d'Ariane.
→ La veine musicale en est très archaïsante, néo-baroque par certains aspects (dans l'introduction instrumentale, on entend les rythmes de la Toccata initiale de L'Orfeo de Monteverdi), néo-grec en d'autres instances (monodies de flûte et percussion, chœurs a cappella sur des tétracordes), et même quelquefois du diatonisme quasiment grégorien, tout en passant par du récitatif romantique ou de grands aplats lyriques de cordes homophoniques… Et le monologue final de l'abandon vraiment de ce postromantisme français mêlé de néoclassicisme. Malgré ces influences disparates, le résultat reste très séduisant.
→ Ces bizarreries s'expliquent par le projet : l'opéra ne dure que 45 minutes, la création s'est déroulée comme un programme à thème, incluant le fameux lamento de Monteverdi (seul vestige de l'opéra composé) et le mélodrame de Jiří Antonín Benda (sans doute le plus célèbre mélodrame du XVIIIe siècle).
→ [Son.]



landestheater detmold
Pour finir, toute la sobriété authentique du Teatro Massimo de Palerme accueille la légèreté un peu plus attestée de Fra Diavolo.



Pas énormément de diversité de titres, donc, et c'est en particulier décevant pour le vingtième siècle, que ce soit chez les postwagnériens, les postdebussystes, les néoclassiques, les poulenquiens ou les landowskisants : beaucoup de bijoux à programmer qui seraient au goût du public.
Certes, pour cela, encore faudrait-il que les maisons des pays francophones programment des ouvrages patrimoniaux, ce qui n'est pas vraiment le cas cette saison – ce n'est pas tout le temps vrai, les deux dernières furent plutôt fastes, et pas seulement en France.

En revanche, du côté du grand opéra à la française, des œuvres historiquement importantes sont redonnées (Ali Baba de Cherubini, les Meyerbeer, les Verdi…), voire des quasi-inédits de compositeurs majeurs comme Nisida, Zamora ou Ascanio.

Ce que ça valait ?  Réponse à la fin de la saison !

David Le Marrec

Bienvenue !

Cet aimable bac
à sable accueille
divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées
en séries.

Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées. N'hésitez pas à réclamer.



Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




Recueil de notes :
Diaire sur sol


Musique, domaine public

Les astuces de CSS

Répertoire des contributions (index)


Mentions légales

Tribune libre

Contact

Liens


Chapitres

Calendrier

« décembre 2017 »
lunmarmerjeuvensamdim
123
45678910
11121314151617
18192021222324
25262728293031