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samedi 4 novembre 2006

Les frontières de l'Europe, la Turquie, etc.

Je reproduis ici le commentaire que je proposais chez La Nouvelle Europe, en réaction à l'excellente synthèse de Philippe Perchoc.

Il réalise en effet un distinction utile entre critères essentialistes (géographiques, historiques et culturels) et constructivistes qu'on utilise couramment pour déterminer des frontières à l'Europe. Et il souligne à quel point ces critères sont joyeusement mélangés, quitte à se montrer soi-même contradictoire, pour imposer une vision ou l'autre.




Merci pour cette réflexion très stimulante.

Qu'ajouter ? Tout cela est très bien vu, et les critères, en effet, sont allègrement mélangés pour soutenir l'une ou l'autre position.




Petite remarque sur Averroès : cette histoire d'islam et d'Europe est véritablement problématique autour de personnalités comme la sienne. En cas de conflit entre les préceptes du Coran et la raison, Averroès préconisait de suivre la raison - ce qui n'est pas précisément conforme aux exigences très nettement formulées du Coran et de l'islam, pour le coup. En ce sens, Averroès serait plus de culture plus européenne (telle qu'on se plaît complaisamment à la définir idéalement, j'entends) qu'islamique ou arabe.
Cela dit, il est incontestable que la civilisation islamique a fécondé l'Europe, et pas seulement comme transmetteur de la culture antique et extrême-orientale.

Le judaïsme, qu'on le considère comme religion ou comme origine, me semble bien plus clairement européen, avec les personnalités citées ici, ou encore Moïse Mendelssohn pour les penseurs, Hindemith pour les compositeurs, Proust pour les littérateurs, etc.




On justifie une question de sentiments par des critères qui ne se recoupent pas et se contredisent.

C'est on ne peut plus vrai. Pour dire ma pensée, l'argument géographique est une vaste fumisterie. A partir du moment où le territoire est limitrophe (et encore, la Grèce ou Chypre en sont bien...), la question géographique est une fausse question.
En revanche, l'attitude constructiviste, qui me semble également la plus positive (et c'est comme cela que veut le présenter l'article de Philippe), ne doit pas tenir compte seulement de l'envie de bâtir un projet commun, ce serait un peu s'aveugler. Il faut qu'il y ait un minimum de valeurs communes - quand bien même, on le sait, les valeurs sont bien relatives, évoluent au fil du temps et ne sont pas des garanties véritables. Je dis cela tout simplement parce qu'il est nécessaire que l'ensemble des - disons pour faire vite - citoyens européens partagent un minimum de réflexes communs, pour que le dialogue et la négociation soient possibles sur des fondements stables.




A présent, sur la Turquie, puisque c'est toujours l'idée qu'on a derrière la tête - et le moindre mérite de la note de Philippe n'est pas de se hisser au-dessus de cette seule perspective.

La suite.

Suite de la notule.

jeudi 2 novembre 2006

Don sans guerredon [la question du corps humain et du don d'organes]

Voilà longtemps que je n'avais proposé une petite revue de Toile.

Le Bien Commun, fidèle à sa tradition d'excellence, propose un sujet très intéressant sur notre rapport au corps et à la mort - du point de vue du droit, bien entendu.

On y évoque bien des choses passionnantes :

  • la genèse du droit du corps, que le Code Civil écarte de tout type de transaction - le commerce signifiant ici ni plus ni moins que l'échange, avec ou sans contrepartie ;
  • la nécessité, de pair avec la recherche médicale, de permettre la transmission du corps ; le législateur a donc feint de mal comprendre le texte initial, et a doucement déplacé l'exclusion du commerce vers l'exclusion de la patrimonialité (c'est-à-dire d'une rémunération) ;
  • si bien que désormais, le don est gratuit mais cette recherche organique devient lucrative, ce qui pose la question de la rémunération juste de l'ancien propriétaire de l'organe ;
  • le don de personne à personne ne peut se réaliser qu'au sein d'une même famille (sinon, il est redistribué via l'anonymat) ; ce cadre a été élargi en 1994, sans inclure les amis [j'imagine bien les risques de pressions extérieurs et d'abus de confiance que cela comporterait, tandis que, sur le plateau, on semble le regretter] ;
  • afin de pallier cela, les deux invités d'Antoine Garapon, Florence Bellivier (professeur de droit à Paris X Nanterre) et Frédéric Jenny (économiste, conseiller à la Cour de cassation) semblent globalement privilégier la piste de la rémunération, et on discute pendant plus de quarante minutes des protocoles à mettre en place :
    • rémunération de la cession des organes signée bien avant la mort ;
    • rémunération du don de sang, etc.


Tout cela est bel est bon, cependant je suis circonspect :

  • ces rémunérations ouvrent une brèche vers une possibilité de coercition pour le don (aujourd'hui tellement difficile au vu des limitations légales), que ce soit par l'intimidation ou par la nécessité financière.
    • Concernant le don de sang, pourvu que la fréquence des participations soit contrôlée, ça n'est pas bien grave. C'est même plutôt une bonne mesure - même si cela incite d'abord les plus pauvres à donner leur sang, ce qui gêne un peu aux entournures sur le plan moral, mais sans être toutefois essentiel.
    • Concernant la cession des organes par de jeunes gens (les accidentés de la route fournissant les "meilleurs morceaux"), il y a le problème souligné par Florence Bellivier, à savoir la nécessité de penser à sa mort très tôt, chose désagréable qui ne sera que peu faite. Il est peu probable aussi qu'une compensation financière (proposée par Frédéric Jenny), modeste car déjà onéreuse, incite les gens à "vendre" leur corps. Si on proposait d'acheter les âmes, quel serait l'athée qui la vendrait ?
      • Il y a autre chose qui me semble au moins aussi important, une part de superstition issue de croyances populaires plusieurs fois millénaires : dans toutes les civilisations, on a considéré que la garantie de la survie de l'âme était liée au traitement du corps, que ce soit par la conservation (Egypte, Chine, Grèce, chrétienté, etc.) ou par la dispersion pour libérer l'âme (les fameux "jetés" de Bénarès). Ainsi, pas mal d'athées (sans parler des autres !) auront culturellement du mal à se détacher de ce corps, qu'on est peiné de voir souillé (au minimum quand il s'agit de proches, si pas de soi) ; voire, dans certains cas, seront tentés de ne pas enfreindre un pari de Pascal post mortem, bien qu'il ait de leur vivant tout du sophisme grossier et du vilain marché de dupes[1]. Mais ici, cela ne demande aucun effort, simplement de s'abstenir de coopérer en donnant ses organes.


Ainsi, tout cela pose question :

  • quels sont les risques ?
  • et, d'abord, cela sera-t-il vraiment efficace ?


Peut-être, oui, la rémunération pour le don de sang, mais, comme le soulignait Florence Bellivier, il faut étudier les spécificités du 'marché' pour chaque organe. Voir le problème des "dons de paternité", qui se réduiraient à néant si l'anonymat était levé, mais qui ne pose pas nécessairement les mêmes problèmes dans d'autres domaines, à part éventuellement, à mon sens, la psychologie et la coercition.




Tout cela est très bien, mais on n'aboutit pas une solution totalement sûre pour les individus, ni surtout vraiment efficace pour les patients.

Mais... pourquoi ne nous a-t-on pas épargné cette discussion, alors qu'il existait une solution simplissime ?
(Voir ci-après.)

Notes

[1] En deux mots, grossièrement : on part du principe que si rien n'existe, on ne peut rien gagner, et que si Dieu existe, un peu de discipline nous évite l'au-delà. C'est un sophisme assez grossier, l'une des prémisses est bancale : car si rien n'existe et qu'on obéit aux lois inhibantes de l'Eglise, on a perdu le peu d'existence qui nous était alloué. Et il y aurait même une troisième voie moyenne, à savoir le pari du Purgatoire...

Suite de la notule.

David Le Marrec

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