Carnets sur sol

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mardi 20 juillet 2021

Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 11 : la République des Maris présente… la tragédie d'une infante aimée d'un conquistador russe, sous la forme d'un faux opéra-rock soviétique !


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🔵 Ce 2 juin,

à l'Opéra d'État mari « Sapaev » de Iochkar-Ola (Yoshkar-Ola en translittération anglophone), capitale de la République des Maris – au Nord de la Volga, 150 km au Nord-Ouest de Kazan –,

on donne Juno & Avos (1979) de Rybnikov, vendu comme un opéra-rock mais…

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… mais je ne suis pas certain qu'on ait réellement eu le droit de proposer du rock dans la Russie soviétique des années soixante-dix : l'œuvre est écrite pour des chanteurs lyriques (certes sonorisés), avec de beaux épanchements élancés de cordes très 'opéra', des chœurs travaillés et menaçants dans une tonalité élargie, des mélodrames que soutient une musique d'orchestre bien complète et modulante…

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Çà et là, quelques rythmes qui jouent avec le beat, un peu de guitare électrique ou de batterie, mais c'est tout.

Véritable opéra, et très bien écrit.

(Voyez cette version vidéo captée à Rostov.)

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Intrigue conçue d'après le poème Avos ! (du nom de l'un des bateaux), écrit par Voznesensky en 1970.

Argument :
En 1806, Nikolai Rezanov atteint la Californie. La fille du Gouverneur s'éprend de lui, mais il doit d'abord returner solliciter la permission de l'Empereur russe pour épouser une catholique.

Pendant son retour, il tombe malade et meurt à Krasnoïarsk.

La quasi-infante fait un vœu de silence et se retire chez les Dominicaines (pour du silence, vraiment la bonne adresse ?) jusqu'à sa mort.

Inspiré du journal de bord du personnage réel, avec quantité d'événements (un duel notamment…).

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Ioshkar-Ola, capitale du territoire mari (avec sa propre langue ouralique, hors du spectre indo-européen), est depuis l'ère soviétique un centre industriel et manufacturier important, bien que désormais en cours de dépopulation.

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La ville (260.000 habitants) dispose de 5 théâtres, dont cet Opéra d'État dont la troupe est fondée en 1968.

Son intérieur vert est particulièrement singulier.

(Vous noterez les orgues multiples dans la – petite – salle, dont l'un en majesté au centre et avec chamades !)

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Pour une ville qui n'est même pas dans le TOP 50 des plus peuplées de Russie, une population qui est l'équivalent de celle de Bordeaux !

(Mais son Opéra a l'air tout aussi petit !)

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Très séduit au demeurant par ses inhabituelles teintes vertes : en France il est supposé porter malheur au théâtre – il n'existait pas de teinture verte résistante, aussi les costumes étaient-ils peints, en vert-de-gris… tout à fait toxique par contact cutané. Mais si j'imagine que les problèmes techniques étaient comparables, la superstition n'a pas poussé jusqu'à Iochkar-Ola, ou en tout cas pas jusqu'aux murs de son théâtre.

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La troupe est formée en 1968, par des étudiants de Moscou, Léningrad, Kazan et Gorki pour la partie opéra, et Moscou, Léningrad et Perm pour la partie ballet. Le théâtre est inauguré en 1969 avec Akpatyr d'Eric Sapaev, le premier opéra de la nation mari. Le bâtiment porte désormais le nom du compositeur. 


Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 10 : Maskarade de NIELSEN, coup de foudre au bal, à l'Opéra de Copenhague !


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🔵 Ce 1er juin,

à l'Opéra de Copenhague,

on donne le grand classique (local) Maskarade de Carl NIELSEN

d'après la pièce de Holberg.

(Photos tirées de : archdaily.com/915153/the-roy…

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Maskarade, c'est du Nielsen très gentil (un peu pâle même), avec son flux continu de récitatifs à l'accompagnement très cordé et ses délicieuses chansons strophiques (en particulier pour voix graves).

L'argument : coup de foudre au bal. 

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L'Opéra de Copenhague (couramment appelé Operaen, 'L'Opéra') est un endroit extraordinaire, sis sur l'île de Holmen… à l'histoire étonnante.

Il prend la suite de l'Opéra Royal (compagnie fondée en 1748, le bâtiment de 1874 accueille toujours des spectacles),

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Il est issu du don d'une fondation (celle du transporteur Mærsk), en 2000, offrant de payer pour le bâtiment – ce qui fit débat, le don étant entièrement déductible d'impôts…

Confié aux soins de l'architecte Henning Larsen, il fut largement fêté depuis son inauguration en 2005 comme un grand aboutissement de l'architecture contemporaine, et en particulier comme un modèle pour les opéras nouveaux.

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Cependant Larsen dut concéder beaucoup au donateur (l'acier sur la façade en verre, notamment) et publie, après l'inauguration, un livre où il déplore que le projet soit devenu un 'mausolée' pour le commanditaire (Møller), perdant beaucoup d'arbitrages.

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Même si la maison entend montrer son rayonnement international (témoin le Ring de Holten-Schønwandt), elle programme régulièrement quelques titres nationaux : très souvent Maskarade.

Le National de la Radio, de son côté (dans la salle de Tivoli ?), contribue aussi à quelques titres plus confidentiels mais essentiels pour le patrimoine local et européen, comme l'incroyable Lulu de Kuhlau !

[Kuhlau, dans la veine du premier romantisme, est le créateur de l'opéra national danois. Son Lulu est un bijou d'élan dramatique et d'évidence mélodique, le tout serti dans une musique nourrissante, un cousin de Weber et de Gade – en tirant le meilleur de l'un et de l'autre.  Le prince Lulu, quand à lui, est une sorte d'équivalent de Tamino, n'y cherchez pas Wedekind avant l'heure. Pour écouter une version récente…]
 

Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 9 : L'Ours de Khodosh, d'après Tchekhov, dans l'Ukraine russe de Lugansk…


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🔵 Ce 31 mai,

à l'Opéra du Donbass (à Donetsk),

on donne L'Ours de Vitaliy KHODOSH,

d'après la pièce de Tchekhov.

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Chose amusante, la longue page d'histoire, sur le site de l'Opéra, ne mentionne pas la création de la compagnie à Lugansk (l'autre grande ville d'Ukraine orientale), en 1932.

Il est vrai qu'elle déménage à Donetsk (alors appelée Stalino !) la même année.

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Début de la construction en 1936, inauguration en 1941 avec Ivan Soussanine de Glinka (un des premiers opéras russes à grand retentissement) – aussi connu sous le nom Une vie pour le tsar (état différent de la même partition), et étrangement bien en cour en Russie soviétique, au prix de quelques ajustements : il faut dire que l'histoire du sacrifice individuel était un grand lieu commun des productions dramatiques soviétiques. Que ce soit le dévouement des ouvriers du Boulon (le ballet de Chostakovitch), la résistance de Semyon Kotko (dans l'opéra homonyme de Prokofiev) à son père contre-révolutionnaire, le sacrifice de ses amours immédiates à son projet de service de la Cause par Alekseï (dans Histoire d'un homme véritable de Prokofiev, l'aviateur fait serment de ne pas écrire à sa fiancée avant qu'il n'ait pu piloter à nouveau un avion, malgré ses jambes amputées au combat).
Évidemment, les conditions politiques actuelles et l'imaginaire qui les entourent rendent encore plus savoureuses ces références.

Les autres productions de cette première saison de la compagnie furent notamment Le Barbier de Séville, Faust, et Pagliacci. Les grands titres italiens (ainsi que la poignée de superstars françaises comme Faust et Carmen) restent très joués dans les maisons d'opéra russes, couplés avec le patrimoine russe. Très peu d'autres écoles lyriques circulent dans les programmations – Wagner au Mariinsky, c'est vraiment un microclimat très local, et largement dû à Gergiev lui-même.

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(Je reste fasciné par la date tardive de fondation des troupes d'opéra dans les provinces slaves occidentales un peu isolées : en Ukraine, il y a pourtant des maisons d'Opéra dès le milieu du XIXe siècle à Odessa, Lviv et Kiev.)

Pour cette fois, le sujet n'est pas particulièrement lié à la politique (une farce autour du mariage, avec beaucoup de comique de caractère).


Khodosh écrit une musique assez néo, avec des aspects circassiens… ce pourrait assez fonctionner !

samedi 10 juillet 2021

Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 8 : au Teatro Real de Madrid, création d'après une pièce républicaine




🔵 Ce 30 mai,

au Teatro Real de Madrid,

on donne Tránsito (création mondiale) de Jesús TORRES,

sur le texte littéral de la courte pièce de Max Aub, républicain espagnol contraint à l'exil au Mexique (achevée en 1944, création en 1947 à Mexico).

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¶ Situé face au Palais Royal (qui n'est plus la demeure des souverains), le Théâtre Royal est construit sur les ordres d'Isabelle II et inauguré en 1850… avec La Favorite de Donizetti !  Parmi ses aventures, la Forza del destino en présence de Verdi en 1863 ou ses avanies à cause du métro, fragilisant le bâtiment et le contraignant à la fermeture par décret royal en 1925… jusqu'en 1966 !

 

Mais pour accueillir à nouveau des opéras (et pas seulement des concerts), il fallut attendre… 1997 !

Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 7 : Highway 1, USA, opéra patrimonial afro-américain




🔵 Ce 29 mai,

à l'Opera Theatre of Saint-Louis, sous la direction de Leonard Slatkin,

on donne Highway 1, USA de William Grant Still , le fameux « doyen des compositeurs afro-américains ».  

Alors qu'on devait représenter Porgy and Bess, les restrictions sanitaires ont incité le théâtre à programmer une œuvre courte (2 scènes de 25 minutes), accompagnée par un orchestre allégé pour l'occasion (membres du Saint-Louis Symphony, indique la page de l'événement).

¶ L'intrigue de cet opéra de 1963 est afro-américaine et traite de solidarité familiale, de difficile ascension sociale et de crimes.

Mary et Bob financent les études du petit frère de Bob, Nate, qui n'en fait pas grand'chose. Lorsque celui-ci essaie de séduire  Mary et qu'elle lui résiste, Nate la poignarde. (Puis s'ensuivent coups de théâtre et dénouement).

¶ Musique très romantique pour 1963 (avec de vrais récitatifs bien stables accompagnés de cordes), mais on y entend passer, non pas le blues comme je lis sur la page du théâtre mais de rapides échos plus français post-debussystes (et un ou deux cuivres cinglants alla Varèse). Sinon, grands aplats de cordes plutôt dans le goût de la musique de film de style post-brahmsien.


Il y aurait une grande histoire de Still à résumer : homonyme de son père, destiné à la médecine, étudiant auprès de Chadwick (romantisme américain & autres bizarreries) et de Varèse, engagé dans la Renaissance de Harlem


¶ Je ne trouve pas qu'il s'agisse d'un compositeur majeur, mais cet opéra très ramassé est une réussite, quelques réelles beautés (la flûte solo, le petit chœur…) – je le trouve bien plus captivant que Porgy & Bess.

¶ L'Opera Theatre of Saint-Louis, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'est pas une salle mais un festival !

Depuis 1976, sur le modèle du Santa Fé Opera, il présente chaque été 4 opéras en langue anglaise, avec des titres souvent très originaux.

Un jour, un opéra – Saison 2, épisode 6 : Une demande en mariage de Tchekhov par Luciano Chailly, compositeur immortel du Rivage des Syrtes


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🔵 Ce 28 mai,

au Teatro Coccia de Novare (Novara), à l'immédiat Ouest de Milan,

on joue l'unique représentation

d'Una domanda di matrimonio de Luciano CHAILLY (père de Riccardo) – son œuvre la plus représentée à ce jour – sur un livret d'après Tchekhov.


 

Après « l'altro Riccardo », « l'altro Chailly »

Luciano Chailly (1920-2002) a beaucoup composé, jusque très tard (il gagne un concours d'écriture chorale en 1992 !), et pour des genres très variés, souvent d'ailleurs des oeuvres d'assez vastes dimensions : 13 opéras de tons extrêmement différents (dont 4 Tchekhov, 2 Buzzati, 1 Stevenson, 1 Dostoïevski, 1 Ionesco, 1 Pirandello, 1 Gracq !), un Kinder-Requiem, des oeuvres symphoniques et autres oratorios. 




Chailly a beaucoup étudié l'écriture traditionnelle, et son style change volontiers selon les sujets :
le fonds de son langage se revendique de Hindemith, mais l'expression harmonique & vocale peut aussi être très directe (La Riva delle Sirti doit beaucoup à Verdi), & inclut volontiers les influences dodécaphoniques (dans Procedura penale d'après Buzzati !) dans sa grammaire.

 
Una domanda di matrimonio (1957) est son deuxième opéra, d'après Tchekhov. C'est son oeuvre la plus représentée, avec une centaine de levers de rideau recensés.

Faute de disposer d'extraits, vous pouvez vous faire une idée de Procedura penale de 1959 :


Et puis ce très rare extrait de La Riva delle Sirti ! Que j'espère tellement voir un jour programmée, même si la densité littéraire du livret de Renato Prinzhofer, au verbe simple et à la temporalité directe comme un Piave, ne semble clairement pas comparable à l'original...

soundcloud.com/user-519817322…



¶ Le délicieux Teatro Coccia de Novare (seconde ville du Piémont après Turin) remplace un théâtre de 1779 devenu trop étroit.

Plusieurs propositions trop ambitieuses ont été écartées, et ce fer-à-cheval de 800 places avec 3 étages de loges (et 1 galerie supérieure) fut retenu.

 
Édification achevée en 1888. Il prend le nom du compositeur Carlo Coccia, ultime représentant du style napolitain, mort 15 ans plus tôt à Novare.

Inauguration avec Les Huguenots de Meyerbeer (en italien) !

 


Répertoire essentiellement italo-italien.

S'y tenait de 1961 à 1980 le concours Cantelli (qui a dirigé dans ces murs), avec la Scala dans la fosse et pour lauréats notamment Inbal, Muti, Ádám Fischer, Zagrosek, Soudant, Renzetti !

David Le Marrec

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