Vaste question que celle du rapport de James avec ce personnage féminin et pour ma part je n'arrive toujours pas à déterminer quelle est la part d'amour et quelle est celle de la moquerie, voire de la satire.
J'ai vu le film avant de lire l'oeuvre, et effectivement, même à la lumière du parti plus empathique de Goetz / Wyler, il est difficile d'être totalement convaincu de la tendresse de James pour son personnage. Oh, elle n'est pas absente, mais de là à déterminer ce qui triomphe en fin de compte, c'est autre chose.
Effectivement, il y a un recul sarcastique presque froid par moment. C'est d'autant plus étonnant qu'on navigue à loisir dans la pensée des personnages.
Cela dit, même chez Wyler, le personnage de Catherine est si gauche qu'on ne peut pas pleinement adhérer, et c'est l'une des grandes réussites du film : ce qui lui arrive apparaît à la fois justifié et insupportable.
Il y a bien la séquence espiègle d'avant la fête de fiançailles de Marian et Arthur, où Catherine émet quelques mots d'esprit, mais la concession est très mince et disparaît vite de l'esprit du spectateur...
Chez Goetz / Ducreux / Damase, c'est différent, parce que Catherine a beaucoup plus de tempérament, ses lignes vocales sont presque spirituelles, et l'absence de reprises à l'anglaise la rend moins gourde. Finalement, la musique de Damase (très homogène d'ailleurs, pas d'évolution) enrobe le tout de façon agréable.
Le gros avantage, c'est que Morris devient assez électrique et irrésistible lors de ses déclarations passionnées. Plus rien du recul calculateur du roman ou de Clift, cependant.
En même temps il est difficile de ne pas ressentir de l'attachement pour Catherine, mais je ne sais pas si c'est une conséquence de ce que son caractère peut avoir de symbolique (après tout c'est quand même Cendrillon) ou quelque chose d'habilement mené par James (ce que fait très bien Maugham, même si c'est beaucoup moins subtil, encore une fois). Un peu des deux peut-être.
A mon sens, c'est la justesse psychologique du portrait, ses faiblesses de victime précisément, qui la rendent attachante. Peut-être tout bêtement une histoire de vraisemblance, réussie à force d'art.
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Adaptations
A propos c'est étonnant comme la scène de l'abandon, y compris dans les quelques paroles de Catherine ("Il m'a abandonné !" Ou quelque chose comme ça, je n'ai pas le texte sous les yeux) a quelque chose de profondèment opératique. A mi-chemin entre le tragique et le mélodramatique. D'ailleurs là encore la simplicité du personnage principale a beaucoup de force étant donné, qu'au vue de cette absence à la culture caractéristique elle ne peut avoir pioché son attitude ailleurs (c'est un peu l'anti Daisy Miller). Ou alors c'est de Bellini et Donizetti qu'elle a appris ce comportement ? :-)
Ce ne peut pas être d'eux qu'elle le tient, puisqu'elle ne les a écoutés qu'à l'orgue de barbarie. <]:o)
Chez Goetz / Wyler, c'est He deserted me. Cette phrase, comme beaucoup d'autres, me paraît vraiment difficile à mettre en musique, question de brièveté, ce ne peut être habité que par la voix parlée à mon humble avis.
A noter que le roman, et non la pièce, a été adapté au cinéma il y a quelques années.
Oui, en 1997. J'avais essayé de le regarder, le tout début est vraiment réussi. On pénètre par la fenêtre dans un intérieur très similaire à James et Wyler, avec le front parlour séparé du salon du fond par une grande porte mobile, il y a une véritable atmosphère surannée, assez proche de l'esprit confit dans lequel se trouvent les Sloper.
Immédiatement, tout est brisé par les derniers hurlements de la mourante en couches. On voit le lit couvert de sang, le mari qui pleure bruyamment, etc. Si j'ajoute que j'image est moche, prosaïque, les mouvements de caméra visibles et la déclamation très banale, autant dire qu'il vaut mieux le regarder avant d'avoir lu, vu ou entendu quoi que ce soit d'autre autour de notre héritière.
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Le film (admirable) de Wyler a pris un parti, mais a aussi l'apparence d'un sérieux qui déséquilibre peut-être le propos.
J'étais certain que c'était votre genre. Je crois surtout qu'il tire tout le parti possible de l'adaptation théâtrale. En l'absence de narrateur ou de personnages qui soliloquent, l'ironie ne peut guère émaner que du père... Difficile d'être tout le temps sarcastique, donc, d'autant que le personnage a sa fonction propre.
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