C'est un beau succès, Callas (ou le troll ?) fait toujours recette.
@ Benedictus :
Oui, pas seul, mais vu que nos goûts sont largement les mêmes, le
contraire eût été étonnant. Et puis tu n'es pas un si gros consommateur
de Verdi que ça, tu n'as pas un vague fond de désintérêt pour ces
chanteurs qui font de la petite cabalette toute leur vie ? Pas
parce que tu es un vilain garçon, je veux dire, mais parce que,
fondamentalement, jouer aux comparaisons dans un répertoire un peu
simple ne t'exalte pas spécialement. (On parle dans les études en
sciences sociales, pour désigner ce seuil de tolérance, de plafond de verre glottologique.)
À propos, comme Violetta susceptible de me plaire (à part Scotto),
tu recommanderais qui? (Et dans quels enregistrements, si ce n'est pas
trop te demander en cette période chargée.)
Delunsch forever, la plus grande Violetta de
tous les temps : elle vocalise n'importe comment, la voix est
stridente, mais le charisme est exceptionnel, personne ne dit comme elle (et son petit accent
alsacien me fait fondre). Les névroses de cette vie où voisinent le
luxe personnel et le sordide intime affleurent très bien chez elle, et
l'impact vocal est très particulier.
Sinon, peut-être chez les anciennes, avec
des voix franches et un peu dures, comme Carteri (voire Tebaldi). Stich-Randall en allemand !
Peut-être Zeani, Moffo ou Lorengrar, rond vocalement mais très
intense. Et puis, personnellement, j'ajouterais steber, mais tu
trouveras ça peut-être un peu trop confortable.
Et puis Callas tôt,
l'entourage de Santini est assez passionnant (avec Savarese à la peine,
mais Savarese quand même !).
--
@ Olivier :
Pour ma part, c'est sans doute LA (?)
raison de sa réputation: son timbre de voix, si unique!
Certes, mais c'est le cas d'autres interprètes, et avec des timbres
autrement plus fédérateurs (Janowitz, Popp, Bergonzi, Corelli, Del
Monaco, Siepi !), qui n'ont pourtant pas le même statut.
--
@ Malko :
Je ne suis pas convaincu par ces paradoxes en carton. On pourrait
écrire exactement la même chose pour Bocelli ou Amaury Vassili, et on
n'aurait rien prouvé. Il ne s'agit pas de rationnaliser pour autoriser
à aimer, mais d'essayer d'expliquer les causes de cette unanimité, et
surtout de son intensité.
Le nombre de mélomanes qui, à la question du voyage dans le passé,
répondent Traviata-Callas-Scala ! (alors qu'il y a plein d'autres
soirées envisageables)
Le discours de Callas sur elle-même est encore moins une clef, son
appareil critique est pour le moins étroit (ma voix, ma réputation…), et c'est
précisément pour cela que je doute un peu de sa participation en amont
à la musicologie… c'est une chanteuse, tout entière vouée à son art,
mais le moins qu'on puisse dire est que ça parole n'éclaire pas
grand'chose, à part l'atmosphère d'une époque. (Et puis de toute façon,
on s'en moque un peu, son métier, c'est de bien chanter, pas
d'expliquer pourquoi elle chante bien.)
Je ne parlais au demeurant pas de faiblesses interprétatives, mais de
choix esthétiques qui, comme tout autre choix, peuvent se discuter (et
je m'étonnais qu'ils ne le soient pas, en particulier les portamenti éléphantesques et
l'expression au stabilo).
L'essence du tragique, c'est le refus
de l'intellect.
Une bonne part de la littérature tend à prouver le contraire (Corneille
et Racine, c'est le théâtre de l'instinct ? tout n'y est que
dialectique et flux de conscience), et je ne vois pas trop le rapport,
sauf à vouloir démontrer que Callas c'est bien parce que tu sens que
Callas c'est bien. :)
--
@ Laupéra :
Que voilà un morceau de choix !
Très intéressant, ça répond assez bien à ma question, d'ailleurs, et
rejoint assez mes constats empiriques, notamment sur moi-même.
§2 Pour moi aussi, Callas a été la première de plusieurs rôles (avant
que je ne choisisse de donner la priorité à d'autres, et aussi à des
orchestres plus vaillants). Et, comme par hasard, notamment de ceux où
je la trouve très convaincante (Elvira des Puritains, Amelia du Ballo, alors que je l'aime beaucoup
moins dans les autres opéras du même genre – je l'aime surtout dans les
mezzos ou les méchantes, en somme).
J'ai remarqué moi aussi qu'elle vampirisait, plus que d'autres, les
rôles : la personnalité (et notamment du timbre, c'est vrai) est telle
qu'il est très difficile d'entendre après d'autres voix qui paraissent
malingres ou tièdes, en comparaison. J'ai mis très longtemps avant de
tolérer d'autres voix pour les rôles où j'ai commencé par elle. Ça
explique peut-être, surtout vu la largeur de diffusion de ses albums,
une partie du phénomène d'adulation exclusive.
§3 Le comble de l'horreur, c'est bien sûr la Vestale et Médée (surtout
pour l'ambiance générale, sacré massacre stylistique).
Sa Kundry est assez difficilement défendable (et rarement défendue,
même par les callassolâtres wagnérocompatibles), je troue : c'est la
seule faiblesse de l'excellent studio Gui (superbement dit et chanté
par tout le monde), où elle paraît totalement absente, tout à fait
inattendu. Alors que sur le papier, s'il y avait bien des rôles où je
voulais l'entendre, c'était Ortrud et Kundry ! (et Fricka, et Erda,
mais je m'exagère sans doute sa bonne volonté) Qu'est-ce qui te
plaît là-dedans, alors ? Même le timbre paraît moins voluptueux –
ça sent le déchiffrage, pour tout dire.
Mon propos n'était pas forcément de caresser à rebrousse-poil les
admirateurs de Callas (même si je n'essaierai pas de prétendre ne pas
avoir du tout cédé à cette tentation), mais plutôt de mettre en lumière
l'étrange unanimité sur des aspects qui auraient dû être clivants – à
tout prendre, par rapport à plein d'autres liseuses de partitions bien
fades, Callas reste forcément quelqu'un qui suscite mon intérêt
et mon admiration.
[En revanche, dans le sens inverse, c'est plus intéressant : je sors
souvent mon couplet de défense de Bocelli – que je n'aime pas, mais qui
chante assez bien et dont les partenaires sont en général excellents –,
et là, aller contre la majorité prend du sens : le préjugé, la peur
d'être dupe fait souvent exagérer la détestation de ces artistes
excentrés et célèbres.]
Je crois volontiers que l’affinité
que l’on a, ou pas, avec telle ou telle voix relève parfois d’une pure
réaction épidermique involontaire, difficile à expliquer (ou à
rationnaliser), quasi impossible à transmettre … et dont on chercherait
inutilement (et vainement) à en déduire qu’il s’agit d’une référence
universelle, ou un « horizon indépassable » ! Pire ! J’aime aussi
Tebaldi, c’est dire à quel point la contradiction ne m’effraie pas… Je
n’ai donc aucun mal à comprendre que cette voix si particulière puisse
laisser certains relativement insensibles.
Je suis effectivement un enthousiaste de Tebaldi, qui a aussi ses limites
(tout y est très de son temps),
mais dont la qualité verbale est sans commune mesure, dans le sens où
la pureté des mots est première, là où Callas place l'affect avant
tout. J'aime beaucoup toute cette école avec des voix très antérieures
et franches, Curtis Verna, Carteri, Stella, (Floriana) Cavalli, avec des héritières et
jusqu'à Cruz-Romo ! Mais
je n'ai rien contre Souliotis
ou (Adelaide) Negri, bien au
contraire ! Elles me touchent bien plus que Callas, étrangement –
et même si la seconde n'est clairement pas de la même trempe technique !
je continue, avec Callas, à trouver souvent mieux ailleurs
(Lucia/Sutherland, Butterfly/Scotto, Lady Macbeth/Rysanek ou Gencer,
Leonora (Forza)/Tebaldi, Leonora (Trovatore)/Caballé…), mais rarement
aussi beau, aussi épidermiquement efficace (sur moi en tout cas).
Vu la liste, je dirais sûrement pareil ! (parce que sur
Sutherland et Caballé, voire Rysanek, j'ai des réserves autrement plus
profondes que pour Callas, qu'au fond j'aime beaucoup)
Une simple réaction à la suite d’une
notule approuvée par mon oreille gauche (elle en a apprécié, comme
toujours la qualité et la pertinence) et violemment rejetée par mon
oreille droite. Ou est-ce le contraire ? Il faudra que je vérifie
laquelle des deux est la plus émotive !
Hémisphère droit, donc oreille gauche, en principe.
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