Diablotin !
Oui, pas mal de problèmes structurels se télescopent :
→ par essence, petits contingents (la plupart des œuvres s'écoutent mal
en musique de fond, il faut être un peu intéressé) ;
→ les nouveaux modèles de diffusion, dématérialisés, n'ont pas entraîné
un ré-équipement comme pour le passag au CD, les œuvres du grand
répertoire sont donc déjà très bien documentées, tandis que les
nouvelles versions s'empilent ;
→ le public a été biberonné avec l'idée que l'histoire de la musique
s'expliquait avec une poignée de grnads noms et que le reste était
mineur, donc même si les œuvres sont nouvelles, peu d'auditeurs ont
l'idée ou la motivation pour franchir le pas ;
→ la diffusion en flux a une rétribution ridiculement basse pour les
éditeurs (et en bout de chaîne pour les artistes).
Pour autant le disque n'est pas condamné : il reste un objet de
prestige, une preuve de compétence et de désirabilité, une carte de
visite qui sert ensuite à obtenir des engagements pour des concerts. Un
certain nombre de labels fonctionnent d'ailleurs comme des prestataires
qui produisent un disque et de la promo… une fois le financement
apporté par l'artiste (que ce soit par subvention, par mécénat, ou par
ses sous). Ces labels n'ont donc rien à perdre si les disques ne se
vendent pas, et les artistes ne comptent pas non plus là-dessus pour
gagner leur vie, mais sur les cachets, l'enseignement, les
interventions pédagogiques, le régime de l'intermittence…
je le vois bien avec mes
enfants, qui écoutent de la musique quotidiennement mais ne possèdent
quasiment aucun disque, voire aucun pour les deux plus jeunes, et n'ont
guère d'exigence quant à la qualité sonore de reproduction ou à la
politique éditoriale -alors qu'ils ont été éduqués dans un milieu de
"collectionneurs de disques" attachés à un minimum de qualité
sonore...-.
Je dois être plus âgé qu'eux, mais il est vrai que (sauf cadeau, notice
passionnante indisponible en ligne ou acte militant) je ne n'achète
quasiment plus de disques depuis des années… ma discothèque est
ridiculement réduite (elle reflète mes explorations de quand j'avais 20
ans…), et si tu savais sur quel système de reproduction ridicule
j'écoute mes six heures de musique par jour…
Il y a bel et bien un effet de génération – les plus jeunes, j'en ai
parlé avec certains, voient à peine ce qu'est un CD « le truc rond avec
un trou, comme lorsque tes (grands-) parents écoutaient de la musique »
–, mais aussi la puissance des nouveaux modes de mise à disposition.
Investir dans une heure de musique quand on peut avoir toutes les
versions d'une œuvre, tout le catalogue d'un compositeur accessible
gratuitement ou pour un prix mensuel inférieur à celui d'un seul
disque… Ça change clairement les modes de consommation, du moins pour
les mélomanes très actifs, qui pouvaient être très dépensiers en la
matière – je le fus. (Avant que mes goûts ne deviennent décidément trop
bizarres et mes désirs de découverte bien trop transversaux pour être
étanchés au rythme de mes acquisitions…)
Et en attendant que le modèle ne bascule totalement, oui, il n'y a
jamais eu autant de parutions de CDs, sur des répertoires aussi vastes,
peut-être même jamais eu autant d'interprétations d'aussi haute qualité
(ça dépend des répertoires, mais le niveau instrumental du moindre
orchestre pro est devenu progressivement assez hallucinant depuis la
dernière paix d'Europe…), et à des prix aussi doux.
Gobergeons-nous en patientant avant la fin du monde – qui, si j'en crois
tous les synopsis de zombie-movies,
ne saurait tarder !
Merci encore pour tes rebonds !
David
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