En espérant que tes aventures au vert t'aient fourni enthousiasme et énergie pour affronter la suite de 2021.
Merci ! C'était excessivement agréable. Beaucoup de montagne et beaucoup de chapelles & cathédrales romanes, exactement ce qu'il faut pour se consoler des concerts et des musées.la précédente livraison n'a suscité aucune réaction
que je donne enfin quelques retours discographiques.
Commençons par dire du mal, c'est une lubie que l'on me passera, du moins une compulsion que j'espère excusable.
Emilie Mayer et Helena Munktell m'ont assommé. Ce n'est pas mal ficelé ou indigent, mais ce n'est pas l'originalité ou la fulgurance des idées qui prévaut. Le fait que tu aies rejoué Emilie m'a incité à faire de même, et je m'en suis repenti (tout en te maudissant, car il faut bien équilibrer les choses...). À la même époque, il y a infiniment plus intéressant, et si le critère dominant est celui du genre, j'ai la même réserve à émettre. Pour d'exactes contemporaines, Elfrida Andrée m'a semblé tellement plus inspirée que madame Munktell. Quoi qu'il en soit, ta notule sur la question en offre la preuve.
Le disque « Verklärte Nacht » de Gardner m'a dérangé. Quel beau son, mais quelle direction artistique épouvantable ! Le Schoenberg pris à un train d'enfer est un contresens terrible pour moi. Le Fried de très grande classe est trop poli (dans tous les sens du terme) comparé à la concurrence, et le Lehár est amusant sans parvenir à me convaincre de son intérêt. Donc, superbe programme, exécution superlative, mais résultat qui m'a vraiment posé problème.
Le quintette et le sextuor de Reger chez CPO. Oui mais. Ainsi que je l'écrivais ailleurs, "Très, très beau quintette pour clarinette. Peut-être trop uniment automnal et apaisé pour son bien, mais vraiment une œuvre majeure. Le sextuor est plus contrasté (cette ouverture pleine d'allant !) mais n'en reste pas moins difficile, trouvé-je, à pénétrer."
Idem avec Krug, très bien fait mais qui ne m'a pas emporté. Question de goût et de facture, je présume...
Satisfaction en demi-teinte pour les symphonies de Reinecke également, je suis ravi de les avoir découvertes, mais je ne suis pas transporté, même si les 2 et 3 me gagnent un peu plus à chaque écoute.
Enfin, et cela me fait mal de l'écrire, le disque Lazzari-Kienzl-Jeral en exergue n'emporte pas pleinement mon adhésion. La piécette de Jeral est aussitôt oubliée, le trio de Kienzl est honnête mais tellement en-deça de ses merveilleux quatuors (surtout les 1 et 3). Seul le trio de Lazzari me plaît énormément, or cette nouvelle version CPO, à l'exécution léchée et à la qualité sonore exemplaire, m'ennuie. Je préfère étrangement la version du Trio de France, et je suis bien incapable de le justifier objectivement. Ils sont plus lents mais creusent davantage, les émotions affleurent plutôt que la virtuosité ? Je ne sais pas, à vrai dire... J'encourage les lecteurs à tester ce disque CPO quoi qu'il en soit, tout en suggérant de tenter l'autre version du trio de Lazzari s'il se trouvait sur leur chemin (ne serait-ce que pour m'expliquer en quoi j'ai tort).
On me dira donc : Mefisto, tu es un esprit bien contrariant. Des disques superbes de raretés et on se permet de se plaindre ? Hélas, oui... Mais tout n'est pas perdu, j'ai aussi aimé des choses sur la liste !
Tout d'abord, le disque Salieri & Beethoven in Dialogue. Surprenant programme, passionnante comparaison. Pas ce que je goûte en théorie, mais disque trissé, il peut donc plaire même aux non-spécialistes ?
Dans la même veine (ce que je ne consomme pas spontanément) mais pas du tout le même langage, le septuor et le sextuor de Kalkbrenner sont charmants ! Que de gaieté et d'entrain, cela met du baume au cœur ! Versions du Linos Ensemble, je n'ai pas accès à l'autre disque avec le quintette.
Georg Schumann, évidemment que je me devais d'y revenir... J'ai donc repassé son quatuor pour piano et sa sonate pour violoncelle. Très bien, vraiment, pas les sommets de sa symphonie qui me transcende toujours, mais voilà un compositeur rarissime facile d'accès et immédiatement enthousiasmant.
Goetz a été revu à la hausse. J'ai donc testé son quintette dans la version Triendl parce qu'on ne se refait pas, c'est d'un lyrisme brûlant bon teint (façon Schumann ci-dessus). La vraie découverte heureuse est son quatuor pour piano. Les deux premiers mouvements sont superbes, paysage ensoleillé façon Gernsheim suivi d'un deuxième mouvement (des variations) à fendre l'âme. J'en redemande, c'est un chef d'œuvre malgré la baisse d'inspiration que je lui trouve dans les deux mouvements suivants.
Même si le sublime quatuor ci-dessus est dédié à Brahms, le massif de cette esthétique que j'ai exploré fut Hans von Koessler (et non, je ne listerai pas les multiples variations perverses de son patronyme). Beaux chants sacrés, quintette à cordes bien ficelé, trio un peu salonnard mais pas vilain. Mais les pièces de résistance sont clairement le quintette pour piano, intense, lyrique, brûlant, et le sextuor à cordes. Cette espèce de ritournelle qui innerve la pièce, peut-être est-ce un peu facile, mais j'ai bien dû réécouter cet opus une demi-douzaine de fois en moins de 2 jours.
Pour conclure, si je n'ai pas osé André Rieu, j'ai sauté le pas pour les quatuors d'Anton Rubinstein. Trissés. D'une élégance, d'une évidence confondantes. L'opus 47-1 est superbe de bout en bout, le 47-3, sans avoir le caractère impérieux d'un article 49-3, ou la "facilité" de son prédécesseur, ménage bien de beaux moments, et le mouvement final est un pur joyau, d'une richesse étourdissante.
Enfin, court aparté pour jeter des noms qui m'ont occupé ces derniers temps et peut-être t'intéresseront.
Blackford, des choses passionnantes dans tous les registres. En musique de chambre, ses Hokusai Miniatures aux atmosphères variées et particulièrement évocatrices. À l'orchestre, outre sa réorchestration du Carnaval de Saint-Saëns et sa propre symphonie pour animaux qui mange à tous les râteliers (de Rautavaara à Williams), son concerto pour violon Niobe avec des vrais morceaux de Banks et de Szymanowski m'a fortement convaincu.
Plus ancien et susceptible de te plaire, Bargiel. Le deux premiers quatuors évoquent Beethoven, respectivement opus 18 et 59, les troisièmes et quatrièmes sont plutôt d'obédience Schumann/Brahms/Mendelssohn (même si j'ai pensé aux gémissements utilisés par Onslow au début du No. 4). Plus sophistiqués, moins immédiats en ce qui me concerne, avec un pathos un peu forcé parfois, mon goût désordonné ne doit pas empêcher d'y trouver maintes satisfactions. Mais c'est bien son octuor, d'une noirceur incroyable, qui m'a cueilli et que j'enjoins d'essayer sans attendre. Sa symphonie est au menu prochainement, je ne saurais rien en dire à l'heure actuelle.
Enfin, la musique de chambre de Flury. Son quatuor No. 5 est bien ficelé dans une optique assez traditionnelle, le No. 6 possède un II d'une grande mélancolie et déploie un cœur suspendu dans le III à fondre. Le No. 7 est peut-être le plus intéressant, qui démarre en fugue à quatre voix avant de virer à une pièce romantique tout en pizzicatti. Ces deux derniers sont couplés avec une suite pour orchestre à cordes assez déconcertante (III), variée (Atterberg dans le II, marche instable dans le IV) qui ne manque pas de sel. Le quintette pour piano, bien que souvent d'un sentimentalisme parfois caricatural, n'aura pas dépareillé avec les pièces ultra-lyriques écoutées récemment. Plaisir sûrement coupable mais plaisir malgré tout.
Voici donc pour mes retours tardifs, plaintifs et possiblement riches en mauvais cholestérol musical, mais qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ?
En espérant que tes aventures au vert t'aient fourni enthousiasme et énergie pour affronter la suite de 2021.