Dommage que cette version Harnoncourt ne semble pas destinée à la publication.
Oui ! Quelques petites coupures dans les ensembles (certains couplets ne sont pas répétés), mais le tout est d'un souffle peu commun.
J'avais entendu autrefois la version Suitner, longtemps la seule, rééditée pour pas cher par Berlin Classics.
Une catastrophe côté direction. Tout est joué mezzo piano, aucune différenciation des caractères des scènes... on dirait du MIDI. Dommage, beau plateau. On ne se fait vraiment pas une idée fidèle de l'oeuvre avec ça, on comprend les accusations de longueurs et d'ennui.
Il faudrait que je m'y remette attentivement. Les opéras de Schubert recèlent des trésors.
Oui, mais faute de publications convaincantes, on laisse généralement entendre qu'ils sont ratés. Beaucoup demeurent indisponibles, au demeurant.
Quant à l'altération du texte, elle est tout à fait symptomatique d'une tendance générale, et qui dépasse la crainte de ranimer les cendres de l'hitlérisme.
Oui, tout à fait. En l'occurrence, disons que le terme en ce lieu pouvait faire interférence, troubler l'innocence du cadre, etc. C'est plus gênant lorsqu'on coupe !
Par ailleurs, l'obsession des metteurs en scène à tout transposer dans les années trente est un peu paradoxale, de ce point de vue...
À l'Opéra Bastille, le surtitrage des Troyens (à ce que j'ai entendu rapporter) esquivait bien évidemment "les hordes immondes d'Africains". Et qu'a-t-on fait des imprécations de Didon contre Rome ? Il se trouvera bien des gens pour les entendre comme un appel au génocide.
Peut-être pas, réflexe culturel oblige.
Si on allait par là, il faudrait interdire Samson, voire la Bible, puisqu'on y fait l'éloge, sinon du génocide, au moins de massacres "généreux", disons. Ca n'a pas encore été proposé à ma connaissance.
Pourtant, on pourrait assimiler avec quelque raison l'éradication des Philistins à des situations plus contemporaines dans la région. [J'espère qu'aucun metteur en scène ne lit ces pages, Grand Dieu !]
On notera qu'on balance d'ailleurs entre deux frilosités, et seules les valeurs sûres sont autorisés : d'une part ne rien laisser dire "contre les droits de l'homme", d'autre part ne pas froisser les minorités, qui ont droit à leur culture, avec des phénomènes paradoxaux d'autocensure.
Enfin, les minorités supposées victimes, les autres sont généralement moins entendues.
Le plus frappant, finalement, c'est ce refus de la distance historique. Les livrets sont sommés de parler pour le présent et dans le même langage que lui. On croirait voir recommencer, au petit pied, la Querelle des Anciens et des Modernes.
Avec un rien moins de panache en effet... d'autant plus qu'il n'y a guère débat.
C'est aussi extrêmement sensible au cinéma. Les dialogues, les montages, doivent toujours être réalistes. On doit parler comme on parle dans la vie (aussi mal si possible). Sans doute est-ce la raison pour laquelle j'ai de la peine à considérer le cinéma d'après 1950 comme de l'art. On y feint très souvent de rejeter l'esthétique au profit du réel.
Et dans le cas de la mise en scène d'opéra, l'opposition est très simple, les autorités (du "concret" pour rendre accessible au public) contre le public (qui veut du rêve).
Amusant, le public d'opéra est généralement considéré comme un public cultivé, voire pédant, et on suppose que contrairement au public des blockbusters, il n'est pas capable d'interpréter un costume dix-huitième.