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jeudi 9 octobre 2014

Toutes les écoles et beaucoup de théâtre : Le Consul de MENOTTI — Collet, Encina Oyón, Herblay-Athénée 2014


Un tout petit mot sur la production de The Consul, la rareté annuelle donnée à Herblay (1,2) à la fin de la saison passée, et reprise à l'Athénée cette semaine (la première était ce mercredi, et à partir de vendredi s'enchaînent les trois autres dates).


1. Un librettiste qui compose

Gian Carlo Menotti (né en Italie en 1911, mais ayant largement vécu aux États-Unis) est avant tout un homme de théâtre : sa carrière illustre des genres lyriques assez différents, et culmine probablement davantage dans ses livrets (il est l'auteur de Vanessa de Barber, une des plus belles pièces à chanter du répertoire) que dans sa musique. Au début de sa carrière, la MGM l'avait d'ailleurs recruté pour écrire des screenplays — aucun n'a abouti à l'écran, mais The Consul provient de l'une d'entre elles.

C'est néanmoins un compositeur habile et assez inspiré, qui parcourt les styles sans produire peut-être de chef-d'œuvre ultime, mais toujours avec bonheur, depuis la très courte conversation en musique (The Telephone en 1947, un clin d'œil sur la romance au quotidien revue par les nouvelles technologies) jusqu'au grand opéra ultralyrique postpuccinien (Goya en 1986, écrit pour Plácido Domingo).

2. Les styles du Consul

The Consul (1950) est son premier grand opéra sérieux, et se situe pourtant à la jointure de ces univers ; on y voit passer la plupart des influences de Menotti :

¶ la conversation en musique badine, avec ses vents très sollicités et ses rythmes primesautiers ou dandinés, dans la lignée des néoclassiques italiens (Wolf-Ferrari par exemple) ;

¶ le lyrisme puccinien (occasionnellement straussien) qui éclate sans pudeur dans les grands moments, avec ses doublures de cordes et ses thèmes très intenses, quasiment lacrymaux ;

¶ la sévérité un peu abstraite de Britten dans les moments dramatiques, dont la carrure (avec pourtant des mesures simples et nettement pulsées) semble échapper, de même que la mélodie, peu saillante, un peu grise, étouffante et propice aux huis-clos ;

¶ les aspects 1 et 3 tissent aussi beaucoup de liens avec Poulenc que ce soit pour cette jovialité pleine de contorsions ou pour l'oppression d'harmonies et de temps martelés, très parents avec les Dialogues des Carmélites.

3. Qualités du Consul ?

Le livret reste assez dense en nombre d'événéments mais n'hésite pas à laisser les atmosphères se développer. Menotti se donne peu de limites dans la dureté du propos, et sa force est accrue, je trouve, par l'absence de leçon politique donnée : même si la famille Sorel est clairement l'objet de persécutions, aucun pays n'est mentionné, ni celui où l'action se tient, ni celui dont le consulat est censé ouvrir les portes. On peut se figurer que le modèle se trouve dans les démocraties populaires de l'Est de l'Europe, mais cela fonctionne aussi bien avec les régimes nationalistes d'avant la guerre, ou dans n'importe quelle dystopie sans libertés individuelles. Par ailleurs, le combat de John Sorel n'est pas précisé ni exalté, ce qui nous laisse, là aussi, tout au théâtre — sans l'embarras d'opinions qui ne sont pas forcément les nôtres et auxquelles l'artistes nous sommerait de nous soumettre.

Deux sujets essentiellement : le sort de la famille d'un opposant politique traqué (vision excessivement sombre de la réalité), et l'attente dans le consulat — qui est à la fois le lieu d'une indifférence cruelle, et le terrain propice à toutes les facéties librettistiques.

La partie sombre, quoique très prenante, n'est pas la plus intéressante musicalement (c'est là qu'on entend du Britten-Barber sombre, et le Poulenc des Dialogues), avec une véritable efficacité théâtrale, mais peu de saillances.

En revanche les séances au consulat, qui empruntent davantage les couleurs du néoclassicisme italien de Malipiero, Rota et surtout Wolf-Ferrari, sont assez jubilatoires ; pas tant à cause de leur propos (il est un peu facile de supposer l'indifférence et l'incompétence des gens dans des admninistration surchargées) que grâce à leur fantaisie (beaucoup de personnages de caractère, assez savoureux) et à leur musique. Menotti utilise des recettes simples (répétitions de cellules musicales, de pair avec les échanges rigides au secrétariat du consulat), mais très bien coordonnées avec le texte, et pas dépourvues de charme musical.
Ce sont, à mon avis, les moment qui font réellement le sel de l'œuvre.

Aussi étrange que cela puisse paraître, les deux aspects alternent sans se nuire : la jubilation des jeux de la salle d'attente n'est pas ternie par l'atmosphère générale, pas plus que le sort désespérant des Sorel n'est adouci par ces intermèdes bouffons.

4. Production Collet-Pasdeloup

Suite de la notule.

David Le Marrec

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