A l'Archipel (petit théâtre Boulevard de Strasbourg dont on a mainte fois vanté la programmation), pour deux soirées (4 et 5 mai 2010), un spectacle original fondé sur un concept assez opérant : Orianne Moretti, au gré de lettres choisies parmi la correspondance des époux Schumann, retrace leur existence commune.
Poursuite du cycle
Clara, avec enregistrement librement
téléchargeable.
--
Warum
willst du and're fragen, Op.12 n°11
Un des plus beaux lieder
de Clara repose sur ce poème de Rückert, qui est un
bon résumé de ce que la légende a
retenu de Clara, épouse musicale, aimante, et musicalement
aimante. [On espère que le long-métrage
annoncé l'incluera dans une version anglaise, ce serait
très divertissant.]
Il est tiré des mélanges de l'opus 12 (Liebesfrühling),
qui contiennent deux autres poèmes amoureux de
Rückert : Er
ist gekommen in Sturm und Regen, et Liebst du um Schönheit,
rendu célèbre par la mise en musique de Mahler
dans ses Rückert-Lieder.
On poursuit notre périple
téléchargeable commenté dans
les lieder de Clara. [Ainsi qu'un morceau de discographie indicative.]
Heine n'a pas inspiré que les musiciens, témoin le recueil de nouvelles Es fiel ein Reif in der Frühlingsnacht de l'écrivain thèque d'expression allemande Ossip Schubin (1854 - 1934).
Volkslied («
Chant populaire »)
Le titre se justifie en ce que le poème de Heine s'inspire
d'un poème populaire collecté par Arnim et
Brentano. Il s'agit d'un des tout plus beaux de Clara, sans doute
même le plus touchant avec Warum willst du and're fragen.
Clara Wieck-Schumann en inverse les deux derniers mots dans sa mise en
musique.
Pas d'inquiétude, c'est simplement un complément à propos de la fin du Bildnis de Heine. On a enregistré l'autre version (avec la fin consonante) pour comparer avec celle retenue par Daniel Kim, comme il en était question en commentaires avec Agnès.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Clara Wieck-Schumann a suscité :
On parle beaucoup de Clara - on vient même d'inaugurer une
catégorie consacrée à elle
seule.
Seulement, il n'existe pas d'enregistrements libres de droits, du fait
de sa redécouverte assez récente comme
compositrice,
particulièrement en ce qui concerne sa musique la plus
chambriste - piano solo et lieder.
Aussi, profitant de quelques instants vacants, les lutins
mettent la main à la pâte quand la chose
est possible. En attendant la captation de ce qui sera
téléchargeable, on prépare gentiment
la traduction du corpus, et on propose ici une magnifique version d'Ihr Bildnis, sur le
texte fameux de Heinrich Heine (« Ich stand in dunkeln
Träumen »). Il fait partie des
poèmes du recueil Die
Heimkehr («
Le Retour », 1823-1824)
qui doivent notamment leur
célébrité à leur mise en
musique par Schubert dans le Schwanengesang,
dans l'ordre de Heine : « Du schönes
Fischermädchen », « Am fernen Horizonte » / « Die Stadt », « Still ist die
Nacht » / « Der Doppelgänger », « Ich
unglücksel'ger Atlas ! »...
2.
Mendelssohniens, schumanniens, wagnéro-lisztiens, brahmsiens
et brucknériens
Il faut peut-être préciser que Clara a
traversé plusieurs tempêtes
esthétiques, et que ses positions sont aussi
régies par sa formation, la fidélité
à Schumann et les épreuves de sa vie.
A la fin de sa vie, Clara, s'arrêtant de passage à
Munich pour entendre Manfred
de son défunt Robert, note des observations aussi
pertinentes qu'égarées à propos de Tristan und
Isolde,
qu'elle va entendre deux jours plus tard.
« C'est ce que
j'ai entendu dans ma vie de plus antipathique. Être
obligée de contempler et d'entendre toute une
soirée une pareille aberration d'amour qui
révolte en nous tous les sentiments de moralité,
et voir non seulement le public, mais les musiciens en extase, c'est ce
qui m'est arrivé de plus triste encore dans ma vie
d'artiste. J'ai tenu bon jusqu'à la fin. Je voulais avoir
tout entendu. Pendant tout le deuxème acte, les deux
comparses dorment et chantent. Pendant tout le dernier, Tristan meurt.
Cela dure quarante minutes [nddlm
: malgré tout, elle est gentille] et ils
appellent cela dramatique !!! Levi dit que Wagner est bien meilleur musicien que Gluck ! Et Joachim
n'a pas le courage de s'élever contre les autres ! Sont-ils
donc tous fous, ou est-ce moi ? Je trouve ce sujet si
misérable ! Une frénésie d'amour
provoquée par un philtre – est-ce qu'on peut en
pareil cas prendre encore le moindre intérêt aux
amants ? Ce ne sont plus là des sentiments, c'est
de la maladie. Ils s'arrachent positivement le coeur du corps, et la
musique représente cela avec les accents les plus
désagréables ! Hélas ! je pourrais
gémir jusqu'à demain et crier hélas !
hélas ! ... »
Mais non,
chers lecteurs lutinants, n'ayez crainte :
;;
Ta bouche
tait-elle tes
questions, Ou bien
laisse-t-elle entendre ma défaveur ? Quoi que
puisse proférer ma bouche, Vois mes
yeux - je t'aime !
La première partie de son commentaire est assez bien vue :
Wagner joue précisément avec tous les codes
moraux au nom de l'amour absolu, les brise même,
comme elle
l'a d'une certaine façon fait en
désobéissant à son père, en
s'alliant aux hommes de loi contre lui pour épouser Robert.
Cette extase quelque peu déshonnête qui parcourt
l'assistance à l'écoute du Maître est
également très révélatrice
- Wagner suscite le fanatisme, voire l'exclusivité, comme
aucun autre, tout un monde à lui seul. Au point que certains
mélomanes, aujourd'hui encore, le fréquentent
jusqu'à l'exhaustivité - et en
écartant tous les autres...
Orianne Moretti m'informe par courriel, en même temps que Patrick manifestement, de ce que son spectacle autour de la musique de Clara Wieck-Schumann... et de sa vie avec son mari (puissent tous les démons aller le faire rôtir gentiment pour laisser la pauvrette en paix) sera repris au théâtre de l'Archipel, à Paris, les 23 et 30 mars prochains.
S'agissant d'un - très rare ! - spectacle tout Clara (piano et lieder), on ne peut que saluer la démarche, remercier l'interprète et conceptrice du spectacle pour son aimable message, et relayer l'information. Si Orianne Moretti a fait le choix de parler de la vie des deux compositeurs, pas de phagocytage par la musique du mari, en tout cas - elle en sera absente.
Le disque du spectacle devrait ensuite être disponible sur le site du théâtre.
Par ailleurs, toujours cette superbe langue musicale, au mélodisme chopinien et à l'harmonie schumanienne.
Le premier s'explique très bien par l'attraction qu'a pu représenter le modèle chopinien (ou même Hummel et Kalkbrenner) sur la jeune virtuose. Pour Schumann, il s'avère que le style a vraiment ses parentés, mais c'est moins expliquable rationnellement.
Rapide introduction à ce lied assez extraordinaire.
De multiples fois mis en musique, notamment par Gade, Proch, Raff, Fibich, Reutter et surtout Liszt (trois fois !), le poème a sa (grande) célébrité autonome. Ce qu'en fait Clara Wieck-Schumann est intéressant à plusieurs titres, aussi bien concernant l'instant choisi, un moment quasiment pictural, qu'au titre des procédés mis en oeuvre.
--
Voir une traduction ici, manière de nous faire économiser un peu de temps.
Et le texte original :
Ich weiß nicht, was soll es bedeuten
Daß ich so traurig bin ;
Ein Märchen aus alten Zeiten
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.
Die Luft ist kühl und es dunkelt,
Und ruhig fliesst der Rhein ;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abendsonnenschein.
Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar,
Ihr goldnes Geschmeide blitzet
Sie kämmt ihr goldenes Haar.
Sie kämmt es mit goldenem Kamme
Und singt ein Lied dabei ;
Das hat eine wundersame
Gewaltige Melodei.
Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh,
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur hinauf in die Höh.
Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn ;
Und das hat mit ihrem Singen
Die Lorelei getan.
--
La pièce de notre chère Clara se fonde sur trois procédés qui se succèdent ou s'entremêlent.
Tout d'abord, le plus évident, de très belles figures liquides, soignées harmoniquement - avec toujours ces trouvailles modulantes simples et très efficaces de Clara -, qui accompagnent logiquement une narration autour du fleuve.
Puis un martèlement persistant en rythme ternaire sur le ré 2 (à la basse), qui caractérise aussi bien, d'un point de vue figuratif, les soubresauts de la petite nef que, du côté des affects, le sentiment de danger et de perte inéluctable ressenti par le navigateur.
Enfin une petite figure simple, une mélodie balancée, très conjointe [1], énoncée au piano en tierces à chacune des deux mains (ce qui renforce le son et lui donne une certaine insistance un peu étrange, une forme d'ampleur, d'écho)
;
le chant reprend une fois ce motif, sur les deux vers qui l'explicitent : Ein Märchen aus alten Zeiten /
Das kommt mir nicht aus dem Sinn ("Un conte de temps anciens / Que je ne puis m'ôter de l'esprit").
Le vers commente donc la musique, et non l'inverse, un tour de force ! On comprend alors la signification de cette petite mélodie aimable et inquiétante : elle obsède par son retour, et elle inquiète sur le drame qu'elle promet.
Il s'agit tout simplement du motif qui figure le chant aimable et meutrier de la Lorelei (ou bien la mélodie du conte qui le rapporte).
On notera d'ailleurs la mutation de la figure chantée, d'une évocation lointaine vers, lors du chant pour la seconde fois de ce motif, non plus l'évocation du conte, mais la sauvagerie latente de la sirène derrière son chant fascinant.
Les réponses de notre petite boîte à lied (Liederspielwerk). Avec une présentation des extraits (oeuvres et interprètes), les références discographiques, les liens vers les notices, etc.
Ceux qui désirent encore jouer le peuvent bien sûr. Mais les réponses figurent tout de même ci-dessous.
Chacun est bien entendu cordialement invité, qu'il ait participé ou non, à émettre un avis sur ces oeuvres et interprétations.
--
Palmarès :
Sylvie Eusèbe : 43 points.
Morloch : 34 points.
Zoilreb, au nom de Martha : 2 points.
HerrZeVrai : En attente.
J'attends vos souhaits pour les lots libres de droits (piloris@free.fr).
--
Chaque entrée est reliée à l'article correspondant. Vous pouvez donc écouter les morceaux de l'épreuve tout en vous rafraîchissant la mémoire aux sources farfadesques.
Carnets sur sol propose épisodiquement des concerts à entrée libre, dans divers lieux de vie, de loisirs ou d'études.
Cette fois-ci, ce sera à la faculté de Bordeaux III, dans l'amphithéâtre 700.
En raison de (rudes) démêlés avec le Service Culturel [1], la date de la manifestation n'a été fixée qu'aujourd'hui même... à jeudi prochain (le 21), de 16h30 à 18h. De ce fait, la réservation de la salle ne sera définitive que demain (et dans le cas contraire ?).
Du fait de la grande proximité de la date, nous la signalons tout de suite, et la confirmerons demain. L'entrée est libre, tous les lecteurs de CSS sont cordialement invités bien entendu.
Mise à jour : concert confirmé.
Pour le programme qui suit :
Notes
[1] La notule correspondante a été trappée par la rédaction des lutins comme trop sanglante pour le havre de paix que doit rester, en toute circonstance, un bac à sable.
Cet aimable bac à sable accueille divers badinages :
opéra, lied,
théâtres & musiques
interlopes,
questions de langue
ou de voix...
en discrètes notules,
parfois constituées en séries.
Beaucoup de requêtes de moteur de recherche aboutissent ici à propos de questions pas encore traitées.
N'hésitez pas à réclamer.