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dimanche 27 juillet 2014

Musique Ouverte : musique libre de droits en libre accès


N.B. : Cette page est également accessible par le raccourci suivant : http://musicontempo.free.fr/musique-ouverte.html.

1. Un peu d'histoire (récente)

Il y a quelques années, alors que les grands enregistrements des années cinquante commençaient à tomber dans le domaine public, un petit groupe de mélomanes (voir là quelques discussions, dont les dernières), à rebours de la Toile sauvage, avait décidé de mutualiser les enregistrements libres de droit, avec une contrainte : respecter la législation.
Nous avons donc lu les bonnes pages du Code de la Propriété Intellectuelle (CPI) — du droit français, un des plus protecteurs au monde, donc notre proposition vaut pour une majorité de pays —, et avons stocké nos enregistrements du domaine public sur le forum en question, et rapidement sur le site Musique Ouverte, géré par K-leb.

Il s'avère que le site n'est plus en état de marche aujourd'hui. C'est pourquoi, pour un intérim plus ou moins durable, je me propose de prendre le relais ici.

2. Qu'est-ce qu'un enregistrement libre de droit ou du domaine public ?

Les différents aspects du droit d'auteur (moral et patrimonial) et des droits voisins (des interprètes, protégés différemment), ainsi que leur durée, sont exposés dans cette notule.

Est dit « libre de droit » un enregistrement dont la diffusion n'est plus rétribuée au compositeur et aux interprètes ; soit qu'ils y aient renoncé (amateurs sur YouTube, par exemple), soit qu'il soit tombé dans le domaine public. Est dans le domaine public tout enregistrement dont les droits sont arrivés à expiration : c'est-à-dire qu'on est libre de le reproduire sans rien payer aux artistes.

Vous pouvez en trouver quelques-uns, ainsi que des considérations sur les évolutions du droit d'auteur dans le monde, dans la rubrique Musique, domaine public.

3. Où peut-on télécharger ces enregistrements ?

Ils se trouveront ci-dessous, en commentaires.

Nous n'avons à ce jour, contrairement à l'ancien site, pas de base SQL pour les organiser. Pour trouver un enregistrement, vous devrez utiliser la commande de recherche (ctrl+F sur PC, pomme+F sur Mac) et entrer le nom du compositeur ou de l'interprète pour le trouver dans la page.

4. Comment peut-on contribuer ?

Il suffit de copier votre disque ou votre bande et la mettre sur un hébergeur comme Mega.co.nz, Mediafire, 1Fichier, Uptobox… Vous pouvez ensuite entrer un commentaire sur le site

Étant donné qu'aujourd'hui, avec tous les sites de flux légaux (Musicme et Deezer gratuits, Qobuz à prix très modique) ou semi-légaux (le sulfureux YouTube), on trouve à peu près tout à disposition, il a été choisi de privilégier la qualité sonore. Surtout qu'avec l'entrée dans le domaine public des bandes des années 60, il y a de quoi se faire plaisir avec une vraie qualité CD. C'est pourquoi les formats sans perte (FLAC ou APE), sans être obligatoires, sont particulièrement appréciés.

Avant de proposer un enregistrement, lisez attentivement le CPI ou, à défaut, notre présentation simplifiée des droits d'auteur (et voisins) en France.

Attention notamment à ces points :
¶ La loi française doit être harmonisée avec une directive européenne qui supprime les « années de guerre », mais porte la durée des droits voisins à 70 ans. Attention aux nouvelles parutions, donc.
¶ Pour une bande radio ou une prise sur le vif, il faut vérifier la date de la première mise à disposition du public (les 50 ans courent à partir de là, sauf si 50 ans ont déjà passé). La plupart ont déjà été éditées (ou au contraire publiées tout récemment, donc sans protection), mais ce n'est pas le cas de toutes.
¶ Lorsqu'un texte est utilisé, vérifiez bien les dates du librettiste (voire du traducteur) : une œuvre n'est libre si son texte est encore protégé (Pelléas, par exemple).
¶ Les remastérisations ne sont pas protégées par le droit français, inutile de s'en préoccuper.

5. Alerte ! Un enregistrement sous droits figure dans la liste !

Les contributeurs ne sont pas des juristes — d'ailleurs, avec la meilleure bonne foi du monde, il est possible que mon résumé contienne des approximations. Nul n'est censé ignorer la loi, mais tout est fait pour que la loi reste illisible, tout de même — et encore, le CPI reste plus ou moins intelligible, dans ses principes essentiels, par le profane de bonne volonté.

La liste proposée ci-dessous est régulièrement vérifiée, mais si vous repérez des erreurs, vous pouvez (devez !) nous en faire part en commentaires ou par courriel, afin que nous puissions les retirer.

6. Et les partitions ?

Nous ne nous occupons pas des partitions, puisque le travail est magnifiquement fait par IMSLP, Gallica et quelques autres. En revanche, attention, certains sites suivent la législation de pays plus libéraux (Canada pour IMSLP, bien moins protectrice que la France ou même les États-Unis), vérifiez avant de charger.

Voici donc, en commentaires, la liste des enregistrements proposés à ce jour (certains enregistrements, commentés dans la rubrique Musique, domaine public, n'ont pas encore été reportés) :

mercredi 16 janvier 2013

Partitions : vers un nouveau paradigme ?


Jusqu'à une date très récente (il y a plus ou moins cinq ans), les partitions étaient un objet de luxe, rare, peu accessible, onéreux dès que l'oeuvre était longue, plutôt récente ou rare.

Depuis le milieu des années 2000 se produit une petite révolution, qui est en passe de changer en profondeur le rapport à l'objet et même, de façon plus large, à la musique elle-même.

Suite de la notule.

mercredi 21 septembre 2011

Droits d'auteur et droits voisins en Europe : la vérité sur la dernière directive


Oui, je fais racoleur si je veux.

Il n'empêche qu'on a lu beaucoup de supputations plus ou moins justes sur la question. Aussi, fort d'une assez longue expérience en matière de ratiocinations pénibles autour du droit d'auteur (sans prétendre du tout à la spécialité, précisons), je me propose ici d'expliciter un peu les événements.

Je renvoie au lien ci-dessus pour les définitions de droits d'auteur et de droits voisins, ainsi que sur la façon dont on les comptabilise dans le temps (avec exemples concrets).

Et voici donc des éclaircissements, puissés à la source de la directive elle-même.

On y découvrira un petit scandale juridique que je n'ai pas vu soulevé jusqu'ici, mais aussi que cette directive n'a pas du tout été dictée, comme on l'a souvent entendu au Café du Commerce, par l'industrie phonographique, car à son détriment.

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1. Style

Je commence d'abord par signaler que je demeure assez dubitatif sur le style littéraire de la chose. Des alinéas entiers servent à exposer les motivations "morales" de l'acte. Certes, cela rend la démarche plus intelligible pour le citoyen soucieux de s'informer, mais il est sacrément étonnant de trouver des bouts de pédagogie (et parfois de comm') dans un texte législatif !

Au demeurant, ce n'est pas désagréable, cela permet d'éclairer les motivations du législateur et de rendre la logique d'ensemble plus sensible au commun des mortels - si tant est que le commun des mortels passe une fois dans sa vie une soirée à bavarder dans un coin de Toile de la question (certes fascinante) du droit d'auteur européen...

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2. Droits d'auteur

Suite de la notule.

dimanche 13 décembre 2009

Franz SCHUBERT - Wiegenlied D.498 (Schlafe, holder, süßer Knabe)



Une autre introduction, avec enregistrement librement téléchargeable.

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Wiegenlied D.498 : Schlafe, holder, süßer Knabe

Il s'agit de l'une des trois berceuses écrites par Schubert (en exceptant celle qui clôt la Belle Meunière), la deuxième. Celle D.304, sur un poème de Körner, est très peu connue. La plus célèbre est cependant la plus tardive, D.867 (Wie sich der Äuglein kindlicher Himmel), qui reprend inlassablement la même mélodie doucereuse, un peu écoeurante à force de longueur.

On a récemment fait entendre un bout de celle que nous avons élue, à l'occasion de la notule récapitulative autour du vibrato (Gundula Janowitz diminuait le sien pour s'adapter au volkston de la pièce).

Elle est écrite assez tôt, en 1816 (à moins de vingt ans, donc), dans une période où les chefs-d'oeuvre deviennent de plus en plus fréquents (c'est un peu après l'écriture d'Alfonso und Estrella), mais n'a été publiée que de façon posthume (1829).

On a souvent attribué le poème à Matthias Claudius, sans doute à cause de la similitude du premier vers avec Die Mutter bei des Wiege :

Schlaf, süßer Knabe, süß und mild !
 
D'autant plus qu'une version de Loewe avait remplacé süßer par holder, ce qui accroissait encore la ressemblance.

En réalité, ce poème n'est en l'état des connaissances actuelles pas attribué.

La mise en musique de Schubert a connu quelque succès chez les anglophones, chez qui il en existe plusieurs versions ; toutes sont néanmoins de véritables berceuses, réellement utilisées, qui omettent donc les discordances qui font toute l'originalité du poème. D'où la stupéfaction de ceux qui découvrent l'original plus tard.

Poème anonyme
Traduction DLM
Schlafe, holder, süßer Knabe,
Leise wiegt dich deiner Mutter Hand ;
Sanfte Ruhe, milde Labe
Bringt dir schwebend dieses Wiegenband.

Schlafe in dem süßen Grabe,
Noch beschützt dich deiner Mutter Arm,
Alle Wünsche, alle Habe
Faßt sie liebend, alle liebwarm.

Schlafe in der Flaumen Schoße,
Noch umtönt dich lauter Liebeston,
Eine Lilie, eine Rose,
Nach dem Schlafe werd' sie dir zum Lohn.
Dors, cher, doux enfant,
Délicatement te berce la main de ta mère ;
Un profond repos, un chaleureux réconfort,
Que ce bercement auquel tu es suspendu te les apporte.

Dors dans ta douce tombe,
Le bras de ta mère te protège encore ;
Tous les souhaits, tous les biens,
Elle les garde en aimant, toutes les douceurs d'amour.

Dors dans le giron de plumes,
Encore sonore, un chant tendre t'entoure ;
Un lys, une rose,
Tu les auras après ton repos.

;;
Toujours le Koboldekammerensemble, hier.
(Les pédales étant plus lentes, elles grincent moins.)


Cette berceuse pour un enfant mort, parole qu'on attribue à une mère égarée, confondant le berceau et la tombe, parlant de réveil tout en manipulant les objets du deuil, est assez saisissante. L'allemand permet une concision sobre que n'autorise pas notre traduction, qui en reprend les principales allusions, mais sans la simplicité désarmante de la berceuse.

La mise en musique de Schubert rend le résultat particulièrement impressionnant, glaçant et fascinant. En alternant imperturbablement sur son balancement régulier tonique et dominante (le mouvement le plus simple de résolution d'une harmonie dans le langage occidental), Schubert écrit sur une mélodie de petit ambitus, simple et touchante, une véritable berceuse, sans aucune fêlure, calme, sûre, pleine.

Lui qui peut commenter musicalement un texte jusqu'à l'hystérie se limite ici totalement à la forme strophique, sans variation au fil des trois strophes, sans incidences dramatiques.
Cela rend tout à la fois plus troublant et plus gracieux le résultat.

Pour l'interprétation, il est bien entendu hors de question vu l'écriture musicale - et aucun interprète à notre connaissance ne s'est engagé dans cette voie - de déglinguer la belle musique pour la rendre expressive, encore que ce serait un parti pris peut-être intéressant du point de vue de la virtuosité interprétative, et de l'originalité du résultat. En tout cas, pour notre suggestion sonore, nous avons plutôt choisi de mettre en relief les affects forts (beschütz dich) que la noirceur proprement dite du poème (Grabe / Nach dem Schlafe) ; ceci afin de conserver l'ambiguïté introduite par la mise en musique stable et extatique de Schubert.

Suite de la notule.

Clara WIECK-SCHUMANN - Warum willst du and're fragen (Rückert)



Poursuite du cycle Clara, avec enregistrement librement téléchargeable.

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Warum willst du and're fragen, Op.12 n°11

Un des plus beaux lieder de Clara repose sur ce poème de Rückert, qui est un bon résumé de ce que la légende a retenu de Clara, épouse musicale, aimante, et musicalement aimante. [On espère que le long-métrage annoncé l'incluera dans une version anglaise, ce serait très divertissant.]

Il est tiré des mélanges de l'opus 12 (Liebesfrühling), qui contiennent deux autres poèmes amoureux de Rückert : Er ist gekommen in Sturm und Regen, et Liebst du um Schönheit, rendu célèbre par la mise en musique de Mahler dans ses Rückert-Lieder.

Traduction :

Suite de la notule.

dimanche 6 septembre 2009

Livres libres sur la Toile

Une liste classée de sites-sources, glanée sur la Toile depuis 2001-2002. Extrêmement utile pour feuilleter pour découvrir, se documenter aisément, voire pour lire comme le font les lutins - mais le confort de lecture est différent, bien entendu.

On y rencontre souvent des ouvrages totalement épuisés, anciens, des documents rares, parfois en fac-simile. Beaucoup de surprises en tout cas pour qui accepte de se promener... et les grands classiques de la littérature mondiale à disposition.

Vu le sujet de CSS, on a privilégié les sites au contenu littéraire, mais on rencontrera très souvent des scientifiques et des philosophes sur ces pages.

N.B. : Pour plus de commodité, cette notule est également accessible directement par l'adresse
http://musicontempo.free.fr/livres.html .

Suite de la notule.

mardi 30 juin 2009

« Non siam alla baraonda qui ! »

Son le stesse parole di Riccardo Muti...

Suite de la notule.

vendredi 26 juin 2009

Vidéos en pagaille

Arte nous gâte ces jours-ci, grâce à sa récente plate-forme web, qui diffuse gratuitement des choses appétissantes en parallèle de ses productions télédiffusées... Nous avons sélectionné Le Roi Roger de Szymanowski, les deux derniers récitals parisiens de Waltraud Meier (Chausson et Richard Strauss), le Concours International de Chant de Strasbourg et Falstaff à Glyndebourne.

Liens directs vers les vidéos, références et commentaires.

Suite de la notule.

vendredi 29 mai 2009

Clara WIECK-SCHUMANN - Volkslied (Heine)


On poursuit notre périple téléchargeable commenté dans les lieder de Clara. [Ainsi qu'un morceau de discographie indicative.]


Heine n'a pas inspiré que les musiciens, témoin le recueil de nouvelles Es fiel ein Reif in der Frühlingsnacht de l'écrivain thèque d'expression allemande Ossip Schubin (1854 - 1934).


Volkslied (« Chant populaire »)

Le titre se justifie en ce que le poème de Heine s'inspire d'un poème populaire collecté par Arnim et Brentano. Il s'agit d'un des tout plus beaux de Clara, sans doute même le plus touchant avec Warum willst du and're fragen.

Clara Wieck-Schumann en inverse les deux derniers mots dans sa mise en musique.

Suite de la notule.

dimanche 24 mai 2009

Franz SCHUBERT - Die Nacht (d'après Ossian)



Anne-Louis GIRODET-TRIOSON,
Les ombres des héros morts pour la Patrie conduites par la Victoire viennent habiter l'Elysée aérien où les ombres d'Ossian et de ses valeureux guerriers s'empressent de leur donner dans ce séjour d'immortalité et de gloire la fête de la Paix et de l'Amitié,
huile sur toile, 192 x 182 cm, 1801,
Musée National des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau.


Qu'on se rassure, Ossian a aussi inspiré des chefs-d'oeuvre, et c'est ce que nous allons voir tout à l'heure.


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1. L'apogée d'un type

On a très souvent évoqué cette fresque, l'un des lieder les plus émouvants de Schubert pour nous.

Il s'agit du plus réussi des grands lieder récitatifs qu'on trouve souvent chez le jeune Schubert. Dans ces pièces, Schubert se montre aussi près qu'il est possible du sens du texte, en juxtaposant totalement les atmosphères et les motifs, au gré des variations expressives du poème ; la musique n'est plus qu'un serviteur zélé, commentateur parfois à la frontière de l'hystérie, tant le flux musical est ici perpétuellement interrompu et contredit au profit d'un rythme de parole - dont la logique, on le sait, est beaucoup plus contrastée que celle d'une exposition musicale.

Mais, là où cette absence de cohérence peut sembler une maladresse (les deux versions de Der Taucher, Lodas Gespenst...), dans Die Nacht (de même que dans Die Bürgschaft), la puissance des atmosphères et l'urgence de la déclamation l'emportent sur toute réserve.
On connaît par ailleurs le génie de Schubert en matière de coloris dans ses modulations - et ici, le changement de tonalité (peut-on même parler de modulation, tant la juxtaposition est abrupte ?) est pour le moins abondant.

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2. Die Nacht D.534

Ce lied est de surcroît constitué de façon singulière. Il est composé en 1817 (mais publié seulement en 1830), donc à l'âge de vingt ans seulement, et utilise l'adaptation du baron Edmund von Harold sur un extrait de James Macpherson (le 'traducteur' d'Ossian). La partition est corrompue, puisque à la mesure 206, avec les derniers mots, apparaît une étrange indication (Feurig) en 6/8, qui appelle à une fin flamboyante, sans doute sur le thème de la chasse. D'où le complément à partir des appels déjà entendus dans les mesures précédentes - mais vu le caractère hautement volatile des motifs de cette pièce, on ne peut guère déterminer si Schubert souhaiter prolonger celui-ci ou en proposer quelque autre. L'éditeur (Diabelli) y a donc ajouté, en plus d'une coda chasseresse un brin pétaradante, une fin brillante assez improbable, à savoir le chant de chasse composé quelque temps auparavant par Schubert (Jagdlied D.521) dont le ton entraînant et badin, pas très subtil non plus, contraste avec tout ce qui a précédé. [On pourra le proposer à l'occasion en complément, mais il y a assez à présenter pour aujourd'hui.]


Die Nacht par le membre unique du Lutin Chamber Ensemble.


Fichier téléchargeable plus bas. On propose aussi la partition.

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3. Les textes

Voici l'original :

Suite de la notule.

samedi 23 mai 2009

Un autre site de flux

Après Deezer, Jiwa et surtout le pléthorique MusicMe, un nouveau site de flux (streaming) est accessible, de façon très complémentaire, en ligne. La Naxos Music Library est certes payante, mais propose un quart d'heure d'écoute gratuite sur des catalogues qui ne sont pas toujours accessibles sur les autres sites (Timpani, Simax Classics, Signum Classics, CPO, Berlin Classics, Ondine, Delos, Hungaroton, Capriccio, Nimbus, Naxos, Da Capo, Danacord...). L'usage est plus simple que sur le site commercial standard de Naxos (pas d'inscription et lecteur prompt). La qualité sonore, en accès libre, n'est pas très bonne, en revanche.

Attention toutefois, il semblerait que les quinze minutes ne soient pas prises sur le temps réel d'écoute, mais sur les pistes lancées, voire sur le temps de connexion au site, recherche comprise... On peut avoir ensuite un essai gratuit de sept jours. Utile si on veut se documenter sur un catalogue.

dimanche 17 mai 2009

Clara WIECK-SCHUMANN - Ihr Bildnis (Heine)




On parle beaucoup de Clara - on vient même d'inaugurer une catégorie consacrée à elle seule. Seulement, il n'existe pas d'enregistrements libres de droits, du fait de sa redécouverte assez récente comme compositrice, particulièrement en ce qui concerne sa musique la plus chambriste - piano solo et lieder.

Aussi, profitant de quelques instants vacants, les lutins mettent la main à la pâte quand la chose est possible. En attendant la captation de ce qui sera téléchargeable, on prépare gentiment la traduction du corpus, et on propose ici une magnifique version d'Ihr Bildnis, sur le texte fameux de Heinrich Heine (« Ich stand in dunkeln Träumen »). Il fait partie des poèmes du recueil Die Heimkehr (« Le Retour », 1823-1824) qui doivent notamment leur célébrité à leur mise en musique par Schubert dans le Schwanengesang, dans l'ordre de Heine : « Du schönes Fischermädchen », « Am fernen Horizonte » / « Die Stadt », « Still ist die Nacht » / « Der Doppelgänger », « Ich unglücksel'ger Atlas ! »...

Suite de la notule.

vendredi 24 avril 2009

Le piano français - type et discographie (3, Erik Satie)


3.4. Erik Satie (1866-1925)

rose-croix eric éric satie rosicrucien


CSS n'est pas placé au mieux pour parler de Satie.

Son piano, qui constitue l'essentiel de son oeuvre [1], contient quantité de citations, de parodies (la plus flagrante est celle de la marche funèbre de la Deuxième sonate de Chopin) ; le contenu musical, lui, tourne souvent en rond - les partitions sont plus drôles à lire, avec les indications très précises et absurdes, qu'à entendre, en fin de compte. Ou alors, il faut goûter un certain type de référence ; et, dans ses pièces les plus sérieuses, de contemplation.

Certes, son harmonie est résolument moderne, quoique pas du tout spectaculaire. Cependant, cela ne semble souvent mener nulle part, avec le ressassement à l'infini de la même trouvaille sur toute la longueur de la pièce - ce qui peut faire long.
Par ailleurs, le ton des différentes oeuvres est finalement assez homogène ; ou très badin et léger, ou d'une contemplation douce.

[1] A part Geneviève de Brabant (son opéra pour marionnettes), Parade et la Mort de Socrate, un peu de musique de scène et un peu de musique vocale, il n'y a pas grand'chose d'autre.

Quoi écouter ?

Suite de la notule.

Le piano français - type et discographie (2 : Rossini, Fauré et Debussy)


On va à présent débuter notre balade dans le piano français. Pour chacun, on s'efforcera de cerner le caractère, de proposer des indications discographiques, et, lorsque c'est possible, le téléchargement d'enregistrements libres de droits et de partitions du domaine public.

On ne pourra pas tout traiter, évidemment. Tout d'abord parce que tout n'est pas intéressant ; ensuite parce que tout n'est pas enregistré et que nous ne pouvons pas tout déchiffrer de ce qui est inédit...
Les oeuvres rares et exceptionnelles seront distinguées par
la récompense suprême de CSS : le lutrin de contreplaqué de noyer. lutrin Il y avait bien aussi le lutrin de jardin, mais ça faisait moins sérieux.

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3. Une anthologie du piano français pionnier

Il doit exister, de même que pour les mélodies, des quantités extraordinaires de pièces caractéristiques écrites pour les amateurs - qui, alors, ne pouvaient reproduire de la musique que par leur propre jeu. A l'exemple aussi des réductions pour piano (avec voix ou tout intégré) des opéras, ces choses-là étaient plus accessibles à l'honnête homme que les Etudes d'exécution transcendante.

Cela se trouvait aussi dans les pays germaniques, et bien que le ton en diffère (plus de tenue outre-Rhin, plus de sucre en deçà), ce n'est pas là qu'on fera une distinction nourrissante - ni, tout simplement, qu'on rencontrera quantité d'oeuvres intéressantes. De toute façon, ces feuillets d'album ne sont à peu près pas du tout enregistrés, vu leur faible spectaculaire, leur faiblesse d'écriture et leur ennui.

On ne penchera donc, sans prétendre du tout à l'exhaustivité (mais bien plutôt à la sélection !), sur les oeuvres les plus caractéristiques d'une certaine invention française.

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3.1. Gioacchino Rossini (1792-1868)

gioacchino rossini gioachino portrait caricature

On pourrait faire remonter une certaine tradition de la pièce de caractère à Rossini, qui écrit mainte pièce « à programme » une fois qu'il s'est retiré de la scène lyrique. Beaucoup de choses légères, d'humour, mais aussi de l'évocation (réminiscences de ses opéras au milieu de la marche pour mon dernier voyage).
Cependant, stylistiquement parlant, on est assez loin de notre objet, donc on ne s'attarde pas.

D'autant qu'on ne trouve pas aisément les partitions (elles sont peut éditées et très chères), et qu'il n'existe pas à notre connaissance de témoignages libres de droit sur la question.

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3.2. Gabriel Fauré (1845-1924)


Suite de la notule.

vendredi 17 avril 2009

Allongement européen de la durée des droits d'auteur

Petit nouvelle qui nous concerne.

Il semblerait que le projet patine. Attention tout de même à ce que peuvent dire les articles de presse sur ces sujets, pas toujours parfaitement au fait de la législation. (Déjà, le veto est-il engageable sur cette question ? Ensuite, y a-t-il vraiment eu arrêt maintenu depuis fin mars ?)

Contrairement à beaucoup d'internautes, nous ne serions pas fondamentalement contre cet allongement si les modèles de distribution se diversifient en parallèle et si cela peut permettre à l'actuel âge d'or discographique de perdurer quelque temps.

Quoi qu'il en soit, ce blocage de la décision d'allongement est une excellente nouvelle pour la musique libre de droits. Economiquement, ça se discute sans doute. Nous avons de toute façon en projet de revenir sur la loi Hadopi (ou plutôt Hadœpi), qui comme la DADVSI (dont il a abondamment été question ici même), pose plus de question qu'elle n'en résout.

Page de synthèse sur la législation française actuelle : http://musicontempo.free.fr/droits.html .

samedi 28 février 2009

Musique, domaine public - XLIII - Heinrich MARSCHNER, un gros bouquet de lieder

Même si les sites d'écoute gratuite et légale en flux, parfois très bien servis comme MusicMe.com, Jiwa.fr ou Deezer.com rendent un peu caduque l'entreprise de la bibliothèque libre de droits et a quelque peu freiné nos efforts, il est des situations qui rendent indispensables la mise à disposition du public. (Ainsi que son commentaire...)

En l'occurrence, les lieder de Marschner ne disposant d'aucune monographie au disque, il n'était pas possible de passer outre.

Vous pouvez télécharger directement l'ensemble d'enregistrements historiques à partir de notre compte :

Suite de la notule.

samedi 6 décembre 2008

Corneille / Charpentier : Stances de Rodrigue

1. La légende Charpentier

Marc-Antoine Charpentier n'a jamais occupé la place de rival malheureux de Lully que la légende lui prête souvent.

Certes, comparativement à son génie, il a été maintenu dans une ombre relative, et la place centrale de Lully dans la distribution politique de l'organisation musicale laissait peu de latitude à l'épanouissement au sommet de la pyramide des genres. [1]
Cependant, il n'a jamais eu l'occasion de s'affronter en quoi que ce soit à Lully, qui le connaissait sans doute à peine, et n'avait nul lieu de se sentir jaloux ou menacé.

Dans le grand genre de la tragédie en musique, Charpentier n'a laissé qu'une Médée qui reste un jalon majeur de l'histoire de la musique du XVIIe siècle.

Il est également l'auteur d'autres musiques dramatiques, notamment sur les oeuvres de Pierre (Andromède) et Thomas Corneille (Cicé, L'Inconnu, La Pierre Philosophale, Le Triomphe des dames), mais jamais d'autre tragédie lyrique : il s'agit soit de tragédies parlées comportant des sections musicales (Andromède et Circé appartiennent au type des « pièces à machines »), soit de divertissements musicaux qui n'ont pas le statut du grand genre tragique lyrique.

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2. Le choix des Stances

Dans cette oeuvre vocale assez riche et très diversifiée, Charpentier nous laisse en particulier une très précieuse mise en musique des Stances de Rodrigue dans le Cid, isolée de son contexte.

Il est vrai que si la rondeur régulière et un peu indolente de l'alexandrin se prête peu à la mise en musique, ces stances [2], avec des vers de mètres différents, se prête très précisément à la mise en musique - la variété des mètres est l'une des caractéristiques des tragédies destinées à la mise en musique, pour permettre en quelque sorte de varier les carrures et rendre le discours toujours mobile.

Le texte que Charpentier exalte ici n'est pas à proprement parler une pièce de théâtre (contrairement à la musique de scène pour la reprise d'Andromède). C'est à partir de la réédition dans le Mercure de France'', en 1681, de ce qui est devenu une oeuvre emblématique, qu'il habille les trois premières strophes de ces Stances - celles où se sentent le plus nettement la douleur amoureuse et l'hésitation, les deux dernières apportant la résolution.

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3. Texte et musique
Paul Agnew chante accompagné par les Arts Florissants dirigés par William Christie.


DON DIEGUE
Et ce fer que mon bras ne peut plus soutenir,
Je le remets au tien pour venger et punir.
Va contre un arrogant éprouver ton courage :
Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage ;
Meurs, ou tue. Au surplus, pour ne te point flatter,
Je te donne à combattre un homme à redouter ;
Je l’ai vu, tout couvert de sang et de poussière,
Porter partout l’effroi dans une armée entière.
J’ai vu par sa valeur cent escadrons rompus ;
Et pour t’en dire encor quelque chose de plus,
Plus que brave soldat, plus que grand capitaine,
C’est…

DON RODRIGUE
. . . . . . . De grâce, achevez.

DON DIEGUE
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le père de Chimène.

DON RODRIGUE
Le...

DON DIEGUE
. . . . . . Ne réplique point, je connais ton amour,
Mais qui peut vivre infâme est indigne du jour ;
Plus l’offenseur est cher, et plus grande est l’offense.
Enfin tu sais l’affront, et tu tiens la vengeance :
Je ne te dis plus rien. Venge-moi, venge-toi ;
Montre-toi digne fils d’un père tel que moi.
Accablé des malheurs où le destin me range,
Je vais les déplorer. Va, cours, vole, et nous venge.

Scène VI - Don Rodrigue

DON RODRIGUE
Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue [3] 5
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
O Dieu ! l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène ! 10

Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse ;
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix, ou de trahir ma flamme, 15
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
O Dieu ! l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ? 20

Père, maîtresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie :
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse, 25
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer, qui causes ma peine,
M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ? 30

Il vaut mieux courir au trépas ;
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père :
J’attire en me vengeant sa haine et sa colère,
J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.
A mon plus doux espoir l’un me rend infidèle, 35
Et l’autre indigne d’elle ;
Mon mal augmente à le vouloir guérir,
Tout redouble ma peine :
Allons, mon âme, et puisqu’il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène. 40

Mourir sans tirer ma raison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire
D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée 45
Voit la perte assurée !
N’écoutons plus ce penser suborneur
Qui ne sert qu’à ma peine :
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout il faut perdre Chimène. 50

Oui, mon esprit s’était déçu :
Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse ;
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur, comme je l’ai reçu.
Je m’accuse déjà de trop de négligence. 55
Courons à la vengeance,
Et, tout honteux d’avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui mon père est offensé,
Si l’offenseur est père de Chimène ! 60

[Fin de l'acte I.]

--

4. Structure

Chaque stance est traitée individuellement, selon un modèle d'air de tragédie ou un mouvement de cantate, mais de façon très continue et libre. La voix est seulement soutenue par le continuo, y compris dans la partie la plus proche de l'air, de façon à ne jamais concurrencer le texte.

La première (sans doute la plus belle) s'organise comme un récitatif, très mobile et expressif, fortement calqué sur le mouvement expressif du texte, parcouru de contradictions, de silences. Seul la seconde moitié du dernier quatrain est répétée, selon une habitude propre aux airs de la tragédie lyrique.

De façon très intégrée, à la française, la deuxième stance tient lieu d'air. Les répétitions de mots sont plus nombreuses, les lignes avant tout musicales - bien que très respectueuses du texte, imposant des accentuations qui ne sont pas dans le vers initial. Surtout, la tessiture devient beaucoup plus aiguë, une marque alors conventionnelle de l'héroïsme et du caractère exceptionnel, presque surnaturel des héros. La tension s'en accroît, ne serait-ce que par l'effet physique sur l'auditeur de la constriction des cordes vocales - cette tessiture-là n'est pas naturelle, y compris pour un ténor aigu.

La troisième revient à une forme moins mélodique, à nouveau entrecoupée d'hésitations, mais toujours haut placée, parcourue d'élans désespérés vers l'aigu. Elle retournant progressivement vers des hauteurs plus proches de la voix parlée, jusqu'à l'extinction de la délibération - sans réponse.

L'ensemble constitue un bijou à la fois sur le plan prosodique - extrêmement respectueux du texte, mais apportant de nouvelles informations - et sur le plan formel, une intégration parfaite d'un propos musical à un propos théâtral, avec des pointes qui favorisent tour à tour musique et théâtre, progressant vers l'une, régressant vers l'autre.

--

5. Interprétations

Lire la suite.

Notes

[1] De ce point de vue, la musique répondait à une logique similaire à l'art pictural.

[2] Le terme a plusieurs sens, et peut aussi bien désigner un ensemble de vers « fermé » qu'un texte destiné à être chanté - ici, les rimes croisées interdisent la linéarité des rimes suivies propres au théâtre, suspendent en quelque sorte le cours du drame dans un univers plus poétique. Faute de temps, on n'a pas vérifié si le Cid disposait, dès 1636, de parties musicales, mais quelque savant lecteur nous renseignera à coup sûr sur ce point. En tout état de cause, il ne s'agissait pas de Marc-Antoine Charpentier (qui n'avait alors même pas vu la lumière du jour).

[3] La version discographique observe une autre leçon pour cet hémistiche : et ma force abattue.

Suite de la notule.

vendredi 21 novembre 2008

Musique en libre écoute - Franz LISZT - Via Crucis

Pour ceux de nos lecteurs qui souhaitent suivre notre série, l'écoute gratuite en ligne d'une bonne version est possible. Puisque nous sommes sur le point de publier un éloge du piano, restons-en à celle fraîchement parue de Brigitte Engerer (un très beau piano même si le choeur paraît modérément investi).

Disponible sur le site Musicme (inscription simple, gratuite... et utile).

jeudi 13 novembre 2008

Le disque du jour - XXIV - Béla Bartók, intégrale des quatuors à cordes (Keller)

Les quatuors de Béla Bartók peuvent rebuter par leur aspect extrêmement vindicatif et sombre - et, d'une certaine façon, très complexe et abstrait. La discographie regorge de témoignages rugueux très engagés.

Pour les esthètes aux oreilles sensibles, néanmoins, il existe des solutions alternatives.

Les plus lyriques pourront par exemple choisir le Quatuor Alban Berg. Malgré un son un petit peu léché et grisaille, il est ici donné une lecture très internationale de cet ensemble, qui n'esquive pas la violence, mais dans un cadre beaucoup plus formel et traditionnellement germanique - à mettre entre toutes les oreilles.

--

Mais, chez les farfadets guyennais, ce seront les Keller qui pourront nous émouvoir le plus vivement. Avec un son très fin, légèrement pincé (sans être typé à la tchèque, bien entendu), mais s'arrêtant toujours au seuil de la stridence, ce quatuor spécialiste du vingtième Mitteleuropa livre une lecture rêveuse de ces monuments.

La véhémence en est assez fortement bannie, au profit d'une introspection qui, d'un certain point de vue, tient plus de Chostakovitch - hésitant entre lyrisme postromantique très sobre et pause méditative bien plus contemporaine.

Chaque phrasé y porte son but, et la délicatesse partout présente n'évacue pas non plus l'inquiétude et surtout l'intensité propres à cette musique.

Aux antipodes des brutalités habituelles, une autre modernité plus apaisée - et sans doute mieux comprise, plus profonde.

Il faut dire que, mieux que tout autre, le Quatuor Keller, fondé il y a vingt-et-un ans par quatre hongrois au Conservatoire Liszt de Budapest (András Keller, János Pilz, Zoltán Gál et Judit Szabó), est à même de percevoir et de reproduire la place fondamentale (et exacte) du folklore dans les mouvements les plus typés de ces six quatuors. Et de l'assimiler à leur connaissance intime du répertoire du vingtième siècle. Ils sont aussi les auteurs de la meilleure (et de la plus complète) intégrale Kurtág, où les mêmes qualités de clarté, rigueur, souplesse, lyrisme et poésie font merveille.

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Il faut ajouter que la lisibilité des lignes y est idéale (des voix saisissantes y naissent...) et que le tout se trouve publié chez Apex - donc disponible à prix ridicule (6€ les deux CDs sur Amazon Marketplace).

Pour convaincre les plus sceptiques ou parachever leur dégoût, vous pouvez entendre cette intégrale légalement sur CSS.

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Par ailleurs, rappelons que le meilleur de la musique de Bartók, tous genres confondus,

Suite de la notule.

samedi 1 novembre 2008

Carnet d'écoutes - Charles IVES, Symphonies 2 & 3 (Bernstein, New York)


Ives a toujours évoqué la vocation qui lui était venue en écoutant, depuis un clocher, les échos de fanfares distantes qui se mélangeaient. On retrouve ici, dans deux symphonies où dominent les cordes, un ton extrêmement joyeux et amène, qui semble recycler des souvenirs rêvés de réjouissances populaires - dans des tempi pourtant modérés.

Dans la Deuxième Symphonie, la plus célèbre du compositeur, après un troisième mouvement qui s'étale très plaisamment dans une contemplation à cordes (plus nourrissante que Central Park in the Dark ou The unanswered question), la fin de la dernière section, la seule dissonance ostensible de la partition, s'apparente à un pied de nez, qui rappelle l'origine de cette inspiration : le mélange d'interprétations déjà approximatives.

Bernstein se trouve bien sûr à son affaire dans l'intensité de ces nappes infinies de cordes. Et, en prime, nous gratifie de près d'un quart d'heure d'exégèse très accessible et suggestive.

Excellente prescription pour le moral : de la musique originale et assez joyeuse, comme on en rencontre peu au vingtième.

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N.B. : L'interprétation en question ainsi que l'entretien sont librement disponibles sur le site MusicMe.

jeudi 9 octobre 2008

[Musique en libre accès] Schreker, Kammersymphonie (Symphonie de chambre) - Eötvös

(Diffusion complète ci-après.)

1. Contexte

Composée en 1916-1917, la Symphonie de chambre de Franz Schreker, contemporaine de ses Gezeichneten, est à la fois d'une réelle modernité sans appartenir à l'avant-garde et l'une des oeuvres majeures laissées par le compositeur.

En effet, tout en s'inscrivant dans une recherche très impressionnante dans les harmonies et les textures, cette Kammersymphonie prolonge essentiellement le versant le plus lyrique (et sucré) du langage de Salomé et Elektra de Richard Strauss. Point cependant d'hésitation avec l'atonalité, ou de recherches polytonales.

On peut rappeler quelques dates pour remettre en contexte :

  • 1900 : « Minuit passe », premier des Clairs de lune d'Abel Decaux, pièce visionnaire qui s'émancipe assez complètement des fonctions tonales.
  • 1905 : Salome de Richard Strauss, avec déjà beaucoup de lyrisme inquiétant.
  • 1907 : Ébauche d’une nouvelle esthétique musicale, où Busoni annonce quelques-uns des traits marquants de l'évolution musicale des années à venir. On le sait, il est également le concepteur malheureux d'un système inachevé de microtonalité, incluant des microintervalles pour enrichir le système musical occidental. (Busoni était cependant, dans sa musique, moins audacieux qu'un Schreker.)
  • 1909 : Elektra de Richard Strauss, dont les épanchements lyriques inspirent sans doute grandement l'esthétique de Schreker, mais dont les moments les plus audacieux, dans la grande scène de Klytämestra au premier acte, ressortissent tout de bon à l'atonalité.
  • 1909 : Fünf Orchesterstücke (« Cinq Pièces pour orchestre ») Op.16 de Schönberg, où les fonctions tonales ne sont plus nettement sensibles.
  • 1909 : Erwartung de Schönberg, grand monologue dont l'écriture tient de l'atonalité libre.
  • 1911 : Petrouchka de Stravinsky, où la polyrythmie et l'inventivité bien assise dans la tonalité peuvent se comparer au goût de Schreker.
  • 1912 : Pierrot lunaire de Schönberg, son atonalité libre et sa tentative d'invention d'un nouveau mode d'expression verbale, entre parole et chant.
  • 1913 : Le Sacre du Printemps de Stravinsky, dans la conscience de la postérité, une sorte d'acte de naissance éclatant d'une modernité sensible d'abord aux textures, à la violence, à la polyrythmie.


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2. Aspects de l'oeuvre

On le constate rapidement ainsi : en 1917, Schreker, malgré les réceptions houleuses de ses opéras (plus liées aux problématiques de la morale personnelle et du désir exposées dans ses livrets), n'invente rien de majeur musicalement.

Il se situe cependant résolument du côté de l'esthétique des novateurs (car il existe une immense majorité de postromantiques à cette époque), et présente des aspects très personnels. En particulier cette capacité assez hors du commun à exprimer des affects mêlés, voire simultanément contradictoires - notamment grâce à des superposition d'accords, des hésitations de tonalité, des modulation nombreuses, des textures orchestrales antagonistes.
Son orchestration, à la fois limpide et riche, porte des mondes sonores à elle seule, varie à l'envi. Caractérisée notamment par l'emploi généreux de percussions claires (au timbre desquelles ont peut assimiler le célesta), versatile, elle accompagne les changements de climats incessants de l'harmonie par le choc de textures diverses et harmonieuses.

La symphonie, en un seul mouvement, développe ainsi une multitude de microclimats successifs ou simultanés, fondés sur des motifs communs mais des tonalités et des instrumentations très contrastées.

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3. Format

Composée pour 23 instruments, comprenant 7 instruments à vents, 11 cordes, harpe, célesta, harmonium, piano, timbales et percussions, la pièce tient en un seul mouvement. La légèreté de la formation de cordes n'interdit pas une véritable ampleur par le savoir-faire remarquable de l'orchestrateur. Ce goût pour le réduit s'inscrit à la fois dans les expérimentations intellectuelles du temps (où l'on cherchait à découvrir des domaines sous-explorés auparavant) et dans les nécessité pratiques de la création d'oeuvres pour des novateurs prolifiques. Il était ainsi possible de se réunir entre amis, voire de mandater quelques musiciens pour compléter, et de les jouer dans un cadre privé ou semi-privé. C'est la raison d'être, plus encore que la recherche esthétique, des (géniales) réductions de Schönberg (par exemple pour les Lieder eines fahrenden Gesellen de Mahler ainsi que son Chant de la Terre), plus éloquentes encore que les originaux.

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4. Ecouter l'oeuvre intégrale

Grâce aux sites jiwa.fr et deezer.com, on peut écouter légalement certains disques non libres de droits en intégralité. C'est ce qui motive grandement la présente notule, qui sera plus parlante confrontée à l'audition - avec quelques repères et parallèles que nous fournissons.

C'est en outre la meilleure version que nous ayons entendue qui est ici proposée.

Suite de la notule.

mercredi 1 octobre 2008

... et en français


La version originale du duo, moins ardente sous la baguette de Carlo Rizzi, mais très élégante, respectueuse du style français.

(Jerry Hadley en Henri, Thomas Hampson en Montfort)

mardi 30 septembre 2008

Avant-bouche

Faute de temps pour terminer ce soir l'un des nombreux articles en court de réalisation, un avant-goût de ce nous comptons vous communiquer bientôt en entier.

La plate-forme Deezer ayant passé des accords avec les ayants droit (éditeurs et SACEM), il est loisible de proposer, légalement, leur catalogue sur des sites personnels (il demeure simplement défendu d'enregistrer le flux). On pourra revenir sur les limites éthiques et les enjeux culturels et économiques de l'opération - qui ouvre bien des possibilités pour CSS.

Aujourd'hui, ce sera juste piquer la curiosité, avec une oeuvre assez peu appréciée des verdiens, et inconnue des autres.

Il faut dire - mais c'est un secret - qu'elle est imitée de... Meyerbeer. (Comme quoi, lorsqu'on y met de la bonne volonté, le génie d'une pièce s'explique aisément.)


Ici, vous entendez un duo d'affrontement (à l'acte I, seul l'un des deux connaît le lien de parenté qui les unit) ; une scène de réjouissances à la faveur de noces, bientôt le théâtre d'une révolte politique ; enfin un ballet évoquant les Quatre Saisons (de l'Hiver au Printemps). Quelques moments choisis pour mettre en appétit, juste ce qu'il faut.

Je crois qu'il est inutile de souligner l'investissement assez exceptionnel des interprètes, et, au premier chef, de l'orchestre.

Suite de la notule.

mardi 5 août 2008

Musique, domaine public - XLII - Yves (Nat) spielt auf

Aujourd'hui, pour reprendre le fil de nos enregistrements du domaine public, une petite collection de piano solo par Yves Nat.

Il faut recommander la fougue et la plénitude sonore (paradoxale, vu la saleté relative de son jeu) de sa Première Sonate de Beethoven, ou bien la folie poétique de sa Première Rhapsodie de Brahms, assez inapprochable, mais nous n'en disposons pas présentement.

Au programme, donc, par l'ordre alphabétique selon lequel les pièces apparaissent sur le serveur :


Beethoven, Quatorzième Sonate

Celle sous-titrée Clair de Lune par l'éditeur. Evidemment, la rondeur du son fait merveille dans la rêverie ratiocinante du premier mouvement. Le deuxième, sorte de Fanfarinette modérément grotesque, une feste galante raisonnablement claudicante, gagne en plastique captivante ce qu'elle perd en exactitude rythmique (précieuse ici, pour le rebond dansant).
La course à l'abîme du dernier mouvement, loin des chevauchées de la Lenore, demeure largement méditatif, bien plus que déchaîné, en évitant les paroxysmes et en profitant de chaque temps de pause pour s'étendre tout à loisir.

Suite de la notule.

mercredi 9 juillet 2008

Réouverture d'IMSLP

Voilà deux semaines que rouvrait IMSLP, site essentiel dont nous parlions dans notre liste de partitions.

CSS regrette un peu l'incurie de la législation qui s'est lue dans les forums de redémarrage (au diable, si les autres pays sont plus protecteurs, tant que nous ne risqusons rien !) ; cela dit, que la force des menaces (évidemment, il s'agissait d'intimider autant que possible, puisque juridiquement, il n'y avait manifestement pas matière, et que la diffusion de partitions du domaine public fait du mal aux éditeurs) et la protection anormalement longue des droits d'auteurs (perdurant après la mort pour protéger la veuve, mais elle peut bien avoir moins de vingt ans au moment du décès, elle en aura pour largement plus qu'une vie à les toucher) provoquent une réaction épidermiquement hostile de la part des concepteurs du site, c'est compréhensible. Surtout que leur engagement bénévole tient précisément dans la mise à disposition d'un patrimoine culturel. Désaccord structurel très prévisible, donc.

Bref, aujourd'hui, chaque document comporte une mention des droits, ce qui permet à chacun de savoir ce qu'il peut charger ou non. Je suis plutôt sceptique sur l'efficacité de ces avertissements bien formels, mais même dans le cadre restrictif du droit européen (le pompon revenant à la législation française), ce site contient de très nombreuses merveilles indispensables ou raretés précieuses.

lundi 7 juillet 2008

Enregistrements, domaine public - XLI - Max REGER, Quatre poèmes musicaux d'après Böcklin (Abendroth, Concertgebouw)

Vier Tondichtungen nach Arnold Böcklin Op.128

Chacun de ces quatre poèmes en musique s'attache à un tableau précis.

1. Der Geigende Eremit

L'Ermite au violon. (Huile sur toile de 1884.)

Une très paisible mélodie pour violon soliste, aux contours, comme souvent chez Reger, à la fois évidents (très peu d'accords enrichis, essentiellement des accords parfaits de trois sons) et fuyant la mémoire. Ce tempo très lent, cette orchestration dans le grave portent avec eux une profondeur singulière pour une pièce concertante.
L'atmosphère n'en est cependant pas spécifiquement religieuse ni même mystique, plutôt d'une naïveté recueillie.

Durée : 9 minutes.

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2. Im Spiel der Wellen

Dans le jeux des vagues. (Huile sur toile de 1880.)

Suite de la notule.

mercredi 25 juin 2008

Enregistrements, domaine public - LX - Beethoven, Deuxième Symphonie - Mengelberg / Concertgebouw

Voilà fort longtemps que les lutins, faute de temps, ont préféré se concentrer sur des notices un peu plus proches des oeuvres que sur des présentations d'enregistrements du domaine public. En principe, nous n'étions pas censés les commenter abondamment, mais enfin, quelle serait la plus-value de CSS s'il s'agissait simplement de charger des documents déjà disponibles en médiathèque ou à petit prix dans le commerce ?

Revoici donc une petite contribution à notre fonds du domaine public, avec la Deuxième Symphonie de Beethoven - notre favorite, du moins si l'on considère que la Cinquième n'est plus audible à force de l'avoir trop entendue, mais il s'agit d'un authentique chef-d'oeuvre de premier ordre.

Vous l'entendrez ici dans une version d'une sauvagerie ravissante, avec les détachés omniprésents, si caractéristiques du style de Mengelberg, qui conviennent à merveille à l'écriture par motifs brefs de Beethoven. CSS ne peut qu'être très sensible à la présence très forte des bois dans cette lecture, ou bien à l'urgence avec laquelle les petites figures y sont traitées.

La prise de son, d'une grande présence, rend assez bien les sensations d'impact en concert, très loin des fresques léchées et un peu abstraites que nous proposent les prises de son Decca.

Suite de la notule.

dimanche 4 mai 2008

Medici - vidéos commerciales en libre accès jusqu'au 15 mai

Avant son passage en « vidéo à la demande » (système payant), le site - dont nous avions déjà signalé les diffusions du festival de Verbier, dont un récital de norvégiens et suédois rares par von Otter et Forsberg - laisse ses archives ouvertes librement à la consultation :

Suite de la notule.

vendredi 2 mai 2008

[Vidéos] Master class (Le Roux) et répétition (van Dam) autour de Duparc

Puisque nous parlons de Duparc ces jours-ci, voici deux courtes vidéos qui feront écho à la discographie en préparation.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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