Si vous êtes agité par la perspective de ne pas savoir encore ce que
vous ferez en décembre 2020, cette notule est pour vous.
À la suite d'une avance délibérée ou d'une maladresse involontaire, la
saison officielle de l'Opéra de Paris, attendue fiévreusement par les
amateurs d'opéra (la plus étendue de France en nombre de titres, de
dates, et en prestige des chanteurs et metteurs en scène invités), est
connue : les premières brochures ont été envoyées et reçues – tandis
que la présentation officielle n'a lieu qu'à la mi-mars.
Pour les plus impatients donc :
ITALIEN (11)
¶ Mozart, Don Giovanni – Van Hove & Jordan – J. Wagner, d'Oustrac,
Barbeyrac, Sly, Pisaroni
¶ Mozart, Così fan tutte – De Keersmaeker & Manacorda – J. Wagner,
Lauricella, Costello, Sly, Szot
¶ Rossini, Il Barbiere di Siviglia – Michieletto, Montanaro – Oropesa,
Anduaga, Lepore, Sempey / Filonczyk, Baczyk
¶ Bellini, Il Pirata (version de concert) – Frizza – Radvanovsky,
Spyres, Tézier
¶ Bellini, I Puritani – Pelly & Frizza – Dreisig, Camarena /
Demuro, Bertin-Hugaut
¶ Verdi, Rigoletto – Guth & Scappucci – Dreisig, Antoun, Lučić,
Siwek
¶ Verdi, La Traviata – Stone & Mariotti / Montanaro – Yende /
Machaidze, Bernheim / Ayan, Tézier / Lapointe
¶ Verdi, Don Carlo (5 actes «
Modène ») – Warlikowski & Luisi – Kurzak /
Car, Rachvelishvili, Alagna / Fabiano, Pape
¶ Puccini, La Bohème – Guth & Viotti – Jaho / Stikhina /
Costa-Jachson, Fuchs / Tsallagova, Demuro / Grigolo / Bernheim
¶ Puccini, Madama Butterfly – Wilson & Sagripanti – Martínez /
Alieva, Lemieux / Hubeaux, Berrugi / D. Popov
¶ Cilea, Adriana Lecouvreur – McVicar & Sagripanti – Netrebko /
Stikhina, Semenchuk, Eyvasov, Lučić
ALLEMAND (5)
¶ Wagner, Das Rheingold – Bieito & Jordan – Gabler, Gubanova,
Vasar, Paterson
¶ Wagner, Die Walküre – Bieito & Jordan – Westbroek, Serafin,
Gubanova, Kaufmann, Paterson (Wotan), Relyea
¶ Wagner, Siegfried – Bieito & Jordan – Fuchs, Serafin
(Brünnhilde), Lehmkuhl, Schager, Paterson
¶ Wagner, Der Götterdämmerung – Bieito & Jordan – Gabler, Merbeth
(Brünnhilde), Connolly, Kränzle, Schmeckenbecher (il me manque Hagen)
¶ Reimann, Lear – Bieito & Luisi – Herlitzius, Skovhus, Saks
FRANÇAIS (4)
¶ Rameau, Les Indes Galantes (à Bastille) – Cogitore &
García-Alarcón– Devieilhe, Devos, Fuchs, Vidal, Barbeyrac, Duhamel,
Crossley-Mercer, Sempey
¶ Offenbach, Les Contes d'Hoffmann – Carsen & Elder / Vallet –
Devos, Gens, Arquez, Fabiano, Briand (il me manque les Diables)
¶ Massenet, Manon – Huguet & Ettinger – Yende / Fomina, Bernheim /
Costello, Tézier, Tagliavini
¶ Boesmans, Yvonne princesse de Bourgogne – Bondy & Mälkki –
Lyssewski, Uria-Monzon, Naouri
RUSSE (2)
¶ Moussorgski, Boris Godounov – Van Hove & Schønwandt –
Malevskaya, Conrad, Pape…
¶ Borodine, Le Prince Igor – Kosky & Jordan – Stikhina,
Rachvelishvili, Černoch, Nikitin
Hors Traviata, Indes, Manon, Igor et le Ring, uniquement des reprises
de productions existantes récentes (Don Giovanni est donné en juin de
cette saison !) ou anciennes (Yvonne a 10 ans, les Contes davantage
mais très régulièrement repris).
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Informations généreusement partagées par
Adalbéron
et
Xavier (qui en plus d'être bien informés écrivent
immanquablement des choses intéressantes !).
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Pas de grande éditorialisation à faire ici. Je ne puis dire que je sois
déçu, puisque j'ai fini par accepter que la tendance Lissner (qui fut
pourtant le grand promoteur de Janaček en France dans les années 90,
contribuant aussi à faire d'Aix un lieu d'essais théâtraux plus tournés
vers la mise en scène et le répertoire du vingtième siècle qu'un
simple festival Mozart) s'inscrit probablement un projet de fond, voulu
par la tutelle, de faire de la maison un lieu de prestige – plutôt
fondé sur des noms de metteurs en scène à la mode et de
chanteurs-vedettes, pas destiné avant tout à servir la musique, le
patrimoine, l'ouverture à des horizons variés et / ou nouveau.
Lorsqu'on a accepté que l'Opéra de Paris a décidé d'entrer dans un
modèle de théâtre de répertoire type Vienne, où l'on rejoue en circuit
fermé les mêmes titres dans les mêmes productions, en attirant les
vedettes les plus en vue, on cesse d'être bougon et d'attendre de
l'institution ce qu'elle (devrait peut-être mais) ne souhaite pas nous
donner.
Les distributions vocales sont splendides et font
toutes très, très envie, incontestablement.
J'ai déjà formulé mille fois ma frustration de ce que la maison qui a
le plus de moyens (et un public captif, puisque les opéras de grand
format ne sont donnés que par elle, que son prestige est tel que la
province, les touristes accourent et remplissent les derniers sièges
libres) ne propose pas des parcours qui permettent aussi d'élargir ses
horizons, dans des œuvres, des langues, des adaptations, des
traductions – que sais-je ! – qui fassent voir l'opéra sous un jour
nouveau. Qu'il est beau d'entrer dans une salle et d'en ressortir en se
rendant compte qu'en réalité il existait tout un pan artistique dont on
ignorait l'existence !
À ce titre, même dans le cadre d'une programmation ultra-conservatrice
comme ici, il est dommage que l'horizon linguistique et géographique
soit aussi réduit : italien, français, allemand, russe. Rien en anglais
(où le choix est pourtant vastissime, et justement du côté de genres
hybrides, d'œuvres récentes et accessibles inspirées du cinéma ou de la
culture populaire…), rien dans des langues plus rares.
Bien sûr, on peut se sentir floué dans la mesure où l'Opéra National de
Paris est la seule maison de la région qui puisse proposer des saisons
aussi vastes et monter certains ouvrages – le Comique et l'Athénée,
même les Champs-Élysées peuvent difficilement monter des opéras de
Schreker en version scénique (rien que les coûts fixes les mettraient
en faillite, je suppose). Néanmoins, considérant l'offre démentielle
dans la région, il est possible d'aller se consoler dans quantité
d'autres endroits : en combinant Champs-Élysées, Favart, Jouvet,
Versailles, CRR, Massy, Bouffes, Frivolités Parisiennes, Herblay,
Saint-Quentin et les productions itinérantes, on trouve largement de
quoi saturer son calendrier, même si l'on ne va voir qu'exclusivement
de l'opéra mis en scène !
J'ose à peine ajouter que, si c'est pour entendre coincé au fond de
Bastille un orchestre qui joue à l'économie et qui ne devient vaguement
en place qu'en fin de série, on se console d'autant mieux d'aller voir
ailleurs. (J'ai vraiment du mal à m'expliquer cette désinvolture,
connue par quantité d'anecdotes, mais qui se voit et surtout s'entend tout au long de la saison,
alors que le recrutement est probablement le plus exigeant de France…
qu'est-ce qui peut se passer entre l'instrumentiste fulgurant qui entre
et le gars qui s'ennuie ostensiblement, le groupe qui refuse d'écouter
les chefs invités ?)
Cela n'empêche pas évidemment de passer d'excellentes soirées sur place
– ma plus belle expérience de la saison 2018-2019 a sans doute été
d'entendre
Les Huguenots en
action ! (mais c'était et une œuvre un minimum originale, et
l'avant-dernière représentation – on entend clairement dans les vidéos
officielles que ce n'était pas pareil les autres jours…)