Carnets sur sol

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vendredi 14 juillet 2017

[Pretty messed up] – Le medley déviant de Håkan Hagegård


À l'issue d'un cycle autour du baryton Håkan Hagegård (de bien belles gravures de lied en particulier), je découvre un récital… troublant.

Je crois que c'est même le récital le plus déviant que j'aie entendu. Pourtant, on en trouve, et pas tous jolis-jolis : les horribles orchestrations de lieder d'Alma Schindler-Mahler (toutes plus ratées les unes que les autres, écrites manifestement avant le premier cours d'orchestration de ces gens), les effrayantes incursions de Kiri Te Kanawa dans le musical, les rencontres de l'Arpeggiata (spécialiste du premier baroque italien) avec un clarinettiste de free jazz… les Debussy de Fleming. Les concepts ne manquent pas pour faire frémir dans les foyers et nourrir des nuits agitées.

Celui-ci a néanmoins la particularité très inhabituelle d'oser quelque chose de particulièrement bancal… mais d'aboutir à un résultat assez beau et réussi.

On y trouve Gunnar Idenstam (à l'orgue) et Håkan Hagegård (baryton lyrique), immortalisé par la Flûte de Bergman et peu célèbre en France, mais une belle figure nationale, et une discographie très honorable – de grandes parties chez Teldec (Figaro du Barbiere), Decca (le Comte de Capriccio), RCA (Ein deutsches Requiem avec Levine), plusieurs disques de Noël, et surtout un beau legs en lied. Ses ballades suédoises (couplées chez Caprice avec de grands airs italiens, allemands et français par ailleurs très réussis), son Schwanengesang, son récital Mozart-Schubert-Brahms-Wolf-Strauss-Gounod-Hahn chez BIS témoignent d'une éloquence simple et jamais prise en défaut, d'une capacité à se fondre dans tous les formats, en assombrissant joliment sans jamais tuber, ou en laissant la clarté naturelle de son timbre s'épanouir. Tout cela assis sur une technique sans faille – toutes ces langues sont très bien prononcées, avec simplement une pointe d'accent qui tient à la couverture à la suédoise, au placement de départ du son, toujours étrange alors même que les couleurs vocaliques respectives et les accents sont exacts.

Hagegard portrait

Alors que son Papageno que tout le monde connaît est sympathique mais pas extraordinairement doté ni charismatique, la découverte de son Schwanengesang m'avait frappé par sa justesse de ton : toujours très engagé dans le sens des mots sans maniérisme, très impliqué émotionnellement sans jamais perdre de son élégance. Et dans la transparence aussi bien que dans l'épique, il fond à chaque fois sa personnalité et sa voix dans un nouveau moule, avec à chaque fois l'impression qu'il chante « dans sa voix ».

En Suède, c'est après Ingvar Wixell le grand baryton vedette de la seconde moitié du XXe siècle. Wixell avait même représenté son pays à l'Eurovision (voyez cette notule détaillée, §C) – c'était un autre temps, certes, mais cela ne serait jamais arrivé en France avec Bianco, Dens ou Blanc. Wixell est mieux connu à l'étranger que Hagegård, certes, mais souvent vu avec un brin de mépris : commis dans le redoutable Don Giovanni de Colin Davis, verdien qu'on trouve (à tort, on ne fait pas mieux que son Rigoletto en allemand, et son Amonasro tout en moelleux est impressionnant) pas assez métallique et claquant… Pourtant, autre chanteur extraordinaire. Pour le XXIe, c'est plutôt Peter Mattei, comme eux capable de chanter extraordinairement le musical, et pourvu de cette voix à la fois claire, douce, très projetée, et rompue à tous les styles.

Honnêtement, offrez-vous une séance de glottophilie YouTube avec ces gens, c'est un émerveillement garanti. Voilà des gens qui savent choisir leurs vedettes !  (Si leur distinction est, comme dans les autres pays, relativement aléatoires, je n'ose me figurer le niveau moyen des seconds rôles en Suède ! — Mais je ne crois pas que ce soit le cas, je n'ai pas l'impression que leurs productions débordent d'artistes de ce niveau, ils ont simplement mis en avant ceux qui sont réellement les meilleurs.)

Hagegard Contrasts

Le nom de l'album, Contrasts, assez peu original, promet un programme diversifié. Et, de fait, il l'est : du traditionnel suédois, des lieder de Mahler, les Don Quichotte à Dulcinée de Ravel et même un peu de musical (Nine de Yeston, Les Misérables de C.-M. Schönberg).

En soi, le spectre est large, mais il est loin d'être le premier – j'ai trouvé son album mélangeant des airs de Verdi, Wagner et Gounod dirigés par Cillario à des ballades suédoises d'Aulin et Alfvén beaucoup plus déstabilisant dans son originalité (et son partage en deux parties très distinctes, malgré la présence du Tannhäuser de Söderman).

C'est que le contraste se situe à l'intérieur même de certaines pistes, témoin l'air des Misérables. Je n'en ai pas cru mes oreilles.

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Oui, c'est bien le Choral du Veilleur de Bach qui sert d'accompagnement au thème principal du fameux « I Dreamed a Dream ». Les impressions se bousculent dans ma tête.

Pourquoi faire ça, sérieusement ?

→ Ce pourrait être pour donner une atmosphère alternative, un nouvel environnement : elle (pardon, il, j'y reviens) est dans une église, et élève son chant de désespoir vers la Vierge, un truc comme ça.

→ Mais enfin, ils sont musiciens tout de même, ils ne se rendent pas compte que ça sonne faux ?

Car, indépendamment des caractères émotionnels très différents qui sont ainsi superposés (cet accompagnement paisible, qui explore les possibilités musicales en une sorte de méditation, face à ce chant qui exprime au contraire la mélancolie et les tourments primitifs de l'âme, totalement lié à une situation de théâtre), il se trouve que musicalement, non, ce n'est pas possible.

Certes, la basse est la même (un simple tétracorde descendant, si je me souviens bien, un truc qu'on trouve partout dans le baroque et au delà – ils auraient aussi bien pu prendre le ground de Dido), mais le développement mélodique est totalement contradictoire. Pour une pièce solo, Bach explore des possibilités mélodiques plus vastes que la simple ligne du chant… et il faudrait que j'ouvre les partitions pour vérifier, mais j'ai bien l'impression que cette mélodie sous-entend à plusieurs reprises une harmonie différente de celle du chant !  Une erreur de débutant du premier jour, se dire que deux mélodies sur la même basse ont forcément la même harmonie, ou qu'une même tonalité n'a qu'une couleur mélodique possible. En tout cas des directions mélodiques incompatibles, et cela s'entend très bien – comment deux musiciens de ce niveau, même tout contents de leur trouvaille de Bach accompagnant du musical, peuvent-ils ne pas s'apercevoir c'est non seulement assez peu joli, mais faux ?

[En plus de cela, vous aurez noté le remplacement du he en she ; pourtant les auditeurs de classique qui achètent ce CD sont parfaitement habitués à l'indifférenciation sexuée des interprètes de lied. Par ailleurs, je ne suis pas complètement convaincu dans la mesure où cela abolit la référence aux Misérables (Fantine résume sa vie et ses espoirs déçus), et que, hors sol, ça sonne un peu grandiloquent et geignard (elle l'a quitté, le pauvret), voire assez dérangeant (« she took my childhood in her stride »). Forcément : Fantine raconte comment le fait d'être laissée seule avec une waelsunguette en son sein la conduit à se prostituer, deux événements plus difficiles à associer à un locuteur masculin !]

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Il arrive la même chose à la mélodie suédoise d'Olle Adolphson, où le 3/8 a manifestement inspiré l'envie d'un parallèle avec la Sérénade de Don Giovanni. Les caractères sont à nouveau très distincts, entre la berceuse nordique et la sérénade italienne d'opéra, mais les traits de mandoline sont conservés pour l'introduction et la conclusion seulement, sans le chant ; et les parties d'accompagnement ne font qu'imiter le principe des arpèges brisées de la mandoline de Don Giovanni déguisé, sans réutiliser les notes exactes de Mozart qui n'auraient pas été compatibles avec la nouvelle composition. Le principe est toujours aussi bizarre (pourquoi faire ça ?), mais le résultat n'est plus erroné.

Superbement chanté, au demeurant.

Le reste de l'album contient de très belles choses, et le moins intéressant se trouve finalement du côté des pièces plus classiques : les Mahler (très beaux, mais je trouve la monographie Forsström-Landgren chez Musica Rediviva plus stimulante dans la perspective d'assumer les spécificités de l'orgue) et les Ravel qui fonctionnent très bien, mais ne paraissent pas si différents de la version pour piano (la chanson épique est quand même magnifique, je l'admets).

Mais je voudrais revenir sur la piste la plus insensée, celle des Miz :

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À présent que j'ai exposé pourquoi elle me paraît très exotique, je puis avouer que je l'aime… beaucoup. Je regrette ce mélange peu heureux avec du Bach qui n'a rien à voir, mais dès que l'on s'en abstrait, tout est très prenant.

► D'abord, sur le simple plan de la technique vocale : Hagegård chante (contrairement à Mattei aujourd'hui, champion du belting lorsqu'il quitte l'opéra) réellement avec une technique lyrique, mais sans l'appuyer ni l'empâter, si bien qu'une voix a priori peu adéquate (la voix de tête amollie de Dame Te Kanawa reste un traumatisme sévère pour tous les amateurs de comédie musicale) parvient à trouver le ton adéquat. Et l'anglais, toujours avec cette couleur suédoise dont il ne se départit jamais, est assez beau.

Pour le reste, je vous propose quelques remarques avec minutage :

► 0'40 : La voix conserve son positionnement lyrique avec une voix ample et ronde, légèrement couverte (les voyelles sont comme mêlées de [eu]), pas trop en avant (on entend même le vibrato). Mais aucune insistance sur l'épaisseur, et un respect des phrasés à côté du beat, typique de ce répertoire (« and unafraid » est phrasé autour de la pulsation, pas dessus), que les compositeurs notent même souvent sur les partitions (et que les interprètes ajoutent ad libitum).

► 1'15 :  L'orgue estompe le choral de Bach et propose des réponses en imitation très simples et évocatrices sur les petits jeux d'anche. Un écho qui accompagne aussi, dans une musique dont l'accompagnement est rudimentaire. Très réussi.

► 1'38 : Partie centrale. L'orgue n'est plus qu'accords, Hagegård assombrit légèrement sa couverture, et joue entre vibrato et non-vibrato (propre au style), tout en se payant le luxe d'un diminuendo inhabituel (2'10).

► 2'20 : Retour du choral. L'anglais est vraiment détaillé (« endless wonder »), grâce au niveau d'intensité bas (plutôt murmuré).

► 3' : Début du final, grands accords, petites imitations et contrechants avec les grands jeux.

► 3'15 : La voix évolue vers des nuances fortes, où la technique lyrique fait vraiment sentir sa différence avec le belting traditionnel, et à ce moment, Hagegård dévoile un très joli [a] très suédois (« cannot be ») au détour d'une phrase impétueuse.

► 3'18 : Superpositions harmoniques. Là, enfin, l'orgue montre sa compatibilité avec le répertoire, en utilisant les notes extérieures à l'accord parfait pour créer une tension. Progressivement la registration augmente.

► 3'30 : Ça y est, on entend les grosses mixtures et le thème est repris à l'orgue (ce qui est prévu par la partition d'origine, seule véritable « relance » / ritournelle de l'air), avec la basse descendante en pédale.

► 3'40 : Hagegård se débat un peu avec la tessiture très basse (qui lui a sans doute permis une diction plus facile et une voix moins lourde), pas facile d'être sonore face à des orgues en furie, lorsqu'on est sous son centre de gravité. Néanmoins, il le fait non pas en poussant sa voix, mais en exaltant la personnalité des consonnes, ce qui conserve le primat au texte et à la situation – belle façon, à nouveau, de tirer le meilleur de contraintes qu'on pouvait discuter.

► 3'50 : Gros accords très pleins, très organistiques, qu'on croirait tirés d'un final de Widor, assez grisant pour les amateurs d'orgue qui ont dans l'oreille ce type de registration. (Et impressionnant pour les autres aussi, je crois, c'est vraiment là un type organistique très immédiat par rapport à tout le répertoire contrapuntique…)

Dans tous ces détails, malgré la déception du principe de départ (et la frustration que ces réussites ne soient pas étendues à toute la pièce), on puise une succession de petits émerveillements successifs, qui rendent l'ensemble assez jubilatoire : voilà une version qui est très différente de l'original, mais qui fonctionne finalement très bien.



Le reste du disque est très beau aussi, surtout les chants suédois dont j'ai mis un exemple. Ce n'est pas la première urgence pour goûter l'art de Håkan Hagegård (privilégiez plutôt le lied, donc : les Ballades orchestrales chez Caprice, le récital BIS ou son Schwanengesang), mais un beau chemin de traverse très étrange, rien que pour voir ce qu'on peut oser.

Ou bien si vous voulez entendre une illustration musicale du kitsch, ça marche aussi.

dimanche 27 avril 2014

Into the Woods de Sondheim & Lapine (Blakeley, Abell, Châtelet)


Un mot, tiré du fil de la saison en cours d'actualisation :

Soirée 41 : Into the Woods de Sondheim & Lapine

(Théâtre du Châtelet, samedi 12 avril.)

Les amateurs d'opéra râlent beaucoup après le virage Choplin de la maison, à présent largement dédié au musical. Mais quel plaisir de disposer d'une nouvelle offre musicale qui n'existait que par rares touches à Paris, d'autant qu'on y joue essentiellement des classiques éprouvés du répertoire. Personnellement, j'aimerais, plutôt que les pâles Rodgers & Hammerstein, qu'on nous montre un peu ce qui se joue dans le monde en ce moment, même ceux qui s'adressent à d'autres publics – pourquoi pas Wicked de Schwartz (plutôt conçu pour des adolescentes, mais fascinant) ou, plus grand public encore (et assez inégal), Rebecca Levay & Kunze. Ou bien, plus dans la veine « intellectuelle » ou « de bon goût » du Châtelet (qui conserve pour partie son public issu du classique), Next to Normal de Yorkey & Kitt.

Suite de la notule.

samedi 27 avril 2013

Stephen Sondheim - Sunday in the Park with George, le spectaculaire à tous les étages


Après avoir assisté à la représentation du 25 avril 2013 au Châtelet.

Typiquement l'univers qui m'est cher dans la comédie musicale : très déclamatoire et spirituel, où l'on échappe au lyrisme parfois plat du genre (en somme, je me sens infiniment plus proche de The Frogs que de Sweeney Todd). La liberté d'invention du livret de James Lapine force l'admiration : à partir d'un seul tableau, non seulement il invente l'intrigue qui prévaut sa création, mais fait aussi parler les personnages en tant que membres du tableau, puis nous projette dans l'avenir au musée, et fait dialoguer le nouvel artiste avec un spectre du tableau (de surcroît relié par une vague filiation). Rien de tout cela ne se rapproche des habituelles normes du théâtre - le maintien de la tension, par exemple, n'a que peu à voir avec l'intrigue...

Musicalement aussi, l'objet est étrange : énormément de mélodrames, c'est-à-dire de répliques parlées accompagnées par l'orchestre, des chansons qui se développent sur le mode conversationnel, et des ensembles d'une science digne des grands opéras du répertoire. L'harmonie emprunte beaucoup au jazz (ou à Ravel, comme on veut), mais avec une évidence qui évite l'impression d'un musical d'art & d'essai un peu prétentieux.

Le premier acte est largement structuré par un motif récurrent... pas particulièrement beau, mais en tout point pointilliste. Il est vrai que le second acte n'a pas la puissance évocatrice du premier - et qu'il ne s'y passe finalement pas grand'chose de nouveau, ni dans l'intrigue (dont le principe reste néanmoins assez piquant), ni surtout dans la musique, qui recycle essentiellement les trouvailles du premier acte.


« Air d'entrée » de Dot, maîtresse de George (forcément !).
Sophie-Louise Dann, le 25 avril 2013.


Le succès de la soirée doit beaucoup

Suite de la notule.

mardi 23 avril 2013

Trois disques du jour : Don Juan de Gluck, Mozart par les Schubert, Beethoven par les Brentano


Du nouveau sur Diaire sur sol.

Arnold BAX - Quatuor n°1

Ecriture concentrée, assez lyrique, avec des poussées de folklorisme (assez fortement récrit et complexe). Très beau.

Version : Quatuor Maggini, spécialiste de la musique britannique du XXe, chez Naxos. Superbe comme d'habitude.

Beethoven - Quatuors 12,14,15,16 - Brentano SQ (disque du jour)

Aeon vient de publier deux volumes interprétés par le Quatuor Brentano. Le résultat est très impressionnant et s'impose comme majeur dans une discographie pourtant très concurrentielle.

Sans être pourtant signalés comme "baroqueux" ou jouant sur instruments d'époque (et effectivement, on entend bien que ce ne sont pas des boyaux), les Brentano font le choix d'un vibrato très parcimonieux, et d'un tranchant exceptionnel. La netteté du trait, la clarté du discours, l'intensité des affects impressionnent. Ils disposent en plus d'une superbe maîtrise du cantabile, si bien qu'ils semblent additionner les vertus des meilleures versions de chaque type. Et pourtant, malgré le niveau technique ahurissant (je ne suis pas sûr d'avoir déjà entendu autant de sûreté instrumentale chez un quatuor), on n'entend pas les interprètes en premier, mais bien l'oeuvre, sans effets ni originalités ostentatoires.

A mettre dans la même famille que le Quatorzième de Schubert par les Jerusalem (ou, dans un genre plus audacieux, par les Voce).

C.-M. Schoenberg - On My Own (''Les Misérables'') - Lea Salonga

Cet air donne lieu à énormément de lectures très différentes ; il faut dire que la liberté de changer la partition, dans ce répertoire, ouvre bien des perspectives. Sans parler les types d'émission innombrables qui sont compatibles avec les micros, contrairement aux modes de chant projetés, qui sont moins nombreux. La prise de rôle de Salonga à Broadway (1993), puis à Londres (1996), pourtant jusque là largement spécialisée dans les rôles d'ingénues, marque une rupture dans la conscience du public et des interprètes vis-à-vis d'Eponine.

Jusqu'alors, la norme était plutôt aux Eponine fillettes ou garçonnes, en tout cas timides - à commencer par la créatrice de la version anglaise, Frances Ruffelle. Salonga est la première, du moins parmi les interprètes les plus célèbres, à en proposer une lecture à la fois plus combattive et plus lyrique. On ne se limite plus à la louseuse, le personnage se tourne du côté du désespoir véhément, du pathétique bruyant, quasiment de la révolte.

C'est aussi, d'un point de vue vocal, une interprétation beaucoup plus mainstream, qui ressemble davantage aux standards des chansons pop. Le portrait fonctionne à merveille ici, grâce à un engagement remarquable, et grâce à quelques détails (de petits décalages volontaires, des flexions de rythmes) qui, avec l'effet-loupe des micros, procurent tout le frémissement nécessaire.

Depuis, beaucoup ont suivi cette voie, sans bénéficier toujours de la même générosité - par exemple la plus récente titulaire du West End, Samantha Barks (issue d'un émission télévisée, avec Andrew Lloyd-Webber sur un trône chamarré... un truc anglais). Le problème avec des voix au centre de gravité plus élevé et une pulpe vocale moindre est qu'on peut vite sentir une forme de tension un peu pauvre, voire stéréotypée.

Mozart - Quatuors 14 à 23 - Franz Schubert SQ (disque du jour)

Les quatuors classiques sont particulièrement difficiles à réussir : trop d'évidence les aplatit, trop de matière les coule. L'équilibre des parties doit être parfait, et ménager tout de même une subtile imperfection de la gravité, pour conserver suffisamment de relief.

Le Quatuor Franz Schubert a tout cela, et livre un Mozart très stable dans ses rapports timbraux, mais aussi éminemment lyrique du côté du premier violon (pas totalement soliste néanmoins), et avec quelque chose d'un peu bondissant, voire chaloupé, qui exalte la danse et les reliefs qui font la singularité du style Mozart. J'y reviens sans cesse, au point de négliger les autres versions que je découvre au fil du temps.

Une référence, chez Nimbus (son très raisonnablement réverbéré).

Suite de la notule.

mercredi 20 mars 2013

Carousel de Rodgers & Hammerstein au Châtelet


Quelques impressions à l'issue de la première :

Suite de la notule.

mercredi 28 mars 2012

Pastiches


Publié dans le fil de la saison :

Spectacle 24 : Snow White's Hollywood Follies

(12 mars 2012.)

Salle polyvalente Jacques Brel de Gonesse - parce que l'exotisme ne fait pas peur aux lutins de Qaanaaq.

Un hommage étonnant de la Compagnie Oz à l'héritage cinématographique, en forme de comédie musicale et burlesque, à travers une relecture primesautière et distanciée de Blanche-Neige et Boucle d'or, réalisée avec beaucoup d'esprit et de justesse - la parodie des films noirs avec Bogart est extrêmement amusante, même si elle a dû échapper au plus jeunes spectateurs.

De quoi justifier le voyage dans ces contrées du Septentrion parisien.


mercredi 21 mars 2012

Carnet d'écoutes : « Serious Cabaret »


Très beau concept, très bel album.


Récital de Mary Carewe accompagnée par Philip Mayers (également arrangeur), chez Orchid Classics.


Il s'agit d'un récital de musical, mais :

=> On y rencontre beaucoup d'auteurs de musique "sérieuse" (Gershwin, Weill, Wolpe, Barber, Bolcom... et même Zemlinsky !). Pas toujours les pièces les plus inspirées - Gerswhwin si, Barber diversement, mais le Wolpe n'est pas très bien choisi et le Zemlinsky assez plat.

=> Surtout, la réalisation avec piano (seul) est développée, il ne s'agit nullement d'une réduction (comme on en entend très souvent, et qui sonnerait très pauvre vu le contenu sobre des partitions originales), mais d'une forme de redéveloppement à partir de la matière musicale (ou ajouté à la matière musicale !), dans une esthétique plus proche de la musique savante.

Un extrait sonore :

Suite de la notule.

mardi 21 février 2012

Mel Brooks & Stéphane Laporte - Frankenstein Junior


(Théâtre Déjazet, représentation du vendredi 10 février 2012.)

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1. L'objet

Pour situer : le film de 1974, qui reprenait exactement le fameux film de James Whale de 1931, a été adapté (sur le modèle de l'immense succès de The Producers) en comédie musicale et créé tout récemment, en 2007. Mel Brooks en a composé lui-même la musique, et réalisé le livret avec Thomas Meehan, d'après son scénario co-écrit avec Gene Wilder.

C'est donc à l'issue de sa carrière (moins brillante que The Producers, évidemment) à Broadway qu'elle apparaît en France dans l'adaptation de Stéphane Laporte.

Le fantaisiste théâtre Déjazet était tout indiqué, malgré l'étroitesse du plateau, pour l'accueillir. Les représentations ont été prolongées et les lutins de céans ont assisté à une représentation donnée par la seconde équipe... Pourtant, la salle était très peu remplie (parterre plein aux trois quarts, le reste totalement vide). Et aussi affables qu'à l'habitude, la maison dispensait des réductions généreuses (sur ma bonne mine, en l'occurrence) ! Comment peuvent-ils équilibrer leurs frais ?

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2. L'aspect

Suite de la notule.

mercredi 18 janvier 2012

E.W. Korngold, père de la variété - [Die stumme Serenade]


CPO vient de publier la sixième et dernière oeuvre scénique (absente à ce jour au disque, me semble-t-il) de Korngold, la seule écrite après 1937. Die stumme Serenade est une "comédie en musique", faite de dialogues parsemés de numéros très lyriques, quelque part entre le post-richard-straussime sucré qui le caractérise, les opérettes de Lehár, la musique de cabaret d'avant-guerre et la musique grand public que Korngold produisait pour les films américains.

Il faut attendre 1954 pour que l'oeuvre (débutée dès 46 et créée en 1951 à Vienne en version de concert) soit représentée, à Dortmund.

L'accompagnement musical est assuré par un piano, quelques percussions et plus ou moins un quatuor à cordes. Le résultat, pas du tout majeur, est très plaisant dans son genre léger et hors du temps.

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Hors du temps, c'est bien le mot, puisque j'ai été à plusieurs reprise assez étonné de retrouver des couleurs mélodiques ou harmoniques qui sont aujourd'hui assez courantes dans la variété. Voir ainsi le post-richard-straussisme, courant qui s'apparente à un néo-rococo, présider à la naissance des modulations sommaires et un peu crues en vogue à la fin du vingtième siècle, c'est un vrai paradoxe.

Et j'ai été absolument cueilli en découvrant un motif récurrent dans un des duos du deuxième acte dont voici quelques extraits :

Suite de la notule.

jeudi 21 juillet 2011

(Far) West Opera


On admirera la culture lyrique de Calamity Jane, du moins celle de Paul Francist Webster, le lyricist de l'histoire :

Here's a hat from Cincinnati,
same as Adelina Patti
wore in ev'ry famous concert hall.



Pas tout à fait l'image qu'on se fait de la culture de l'héroïque mais fruste alcoolique, que les spécialistes supposent vaguement analphabète (invalidant au passage l'authenticité des fameuses lettres à Janey). Mais le film de David Butler n'élude pas la propension du personnage à enjoliver sa propre légende, et la cuistrerie de la référence est assez amusante.

Cela pose aussi la question de la popularité des chanteurs d'opéra d'alors : je doute qu'on trouve Willard White ou Bryn Terfel cité dans un musical d'aujourd'hui... (et ce même si le second a déjà interprété le rôle-titre de Sweeney Todd, à Chicago)

Au passage, j'ai placé en illustration la ligne vocale de cet extrait sonore, mais il s'agit de la partition de la version théâtrale de 1962 de Ronald Hanmer et Phil Park, un peu remaniée et surtout augmentée de nouveaux numéros (par le compositeur lui-même, Sammy Fain), tandis l'extrait sonore, avec Doris Day, est tiré de la bande originale de 1953.

Elle diverge donc quelque peu, mais vous remarquerez aussi la liberté que l'interprète prend sur les hauteurs écrites, et pas seulement pour échapper au fa 2 (la partition n'est pas transposée). On vérifie également la présence raisonnable de rythmes déhanchés, ainsi que le caractère très bas des tessitures : la voix paraît claire, juvénile et sopranisante alors qu'en théâtre lyrique on parlerait de tessiture de contralto.

Bref, un illustration du propos tenu hier autour des évolutions et spécificités du genre musical, du point de vue de l'opéra.

mercredi 20 juillet 2011

La comédie musicale : écarts historiques (et lyriques)


En lisant un certain nombre de partitions de musicals des années 30 à 50, en parallèle avec d'autres des années 80 à 2000, je note un certain nombre de choses qui ne sont pas forcément évidentes à la seule écoute. La comparaison entre Fain et Schwartz est particulièrement édifiante.

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1) Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la complexité d'écriture a considérablement augmenté,

Suite de la notule.

mardi 6 juillet 2010

Schönberg - Les Misérables (Châtelet 2010) : retour sur une évolution esthétique


Le point de vue de l'amateur d'opéra.

Hier, les lutins se sont rendus, comme prévu, à la dernière représentation de ce spectacle musical qui se situe un peu hors du périmètre habituel de ces pages. Il faut dire que la gent korrigane est très admirative de ce qui a été réussi dans cette pièce.


1. Un sujet

Le choix est celui de vignettes qui parcourent amplement la fresque de Hugo, en en conservant les épisodes partagés dans la culture commune française. Plutôt que de choisir un fil narratif qui évolue de façon fluide, on privilégie les épisodes en forme de saynètes parfois très brèves, afin de reproduire le plus vaste nombre possible d'épisodes de ce qui est devenu une forme de mythe, avec sa puissance symbolique, son caractère fédérateur et la plasticité même de son intrigue. Il ne manque guère que la défiance initiale de Valjean à l'encontre de Pontmercy, tout y est.

On perd certes la langue de Hugo, et on entend quelques sentences un peu catégoriques qui sont très loin de l'art du balancier pratiqué par le poète dans ses raisonnements, qu'il résout par une forme de transcendance qui rend la voie évidente, et non pas par un réel choix. Néanmoins, contrairement à l'original français d'Alain Boublil et Jean-Mars Natel (à la fois précieux et d'une niaiserie assez ridicule), la version anglaise (Herbert Kretzmer) dispose d'une certaine élégance - nous ne nous nous serions pas déplacé, assurément, pour la version francophone.


2. Une adaptation digne de considération
2.1. Structure générale

Il y a quelque chose d'émouvant à voir cette foule assez populaire (à côté de la troupe joyeuse et farfadesque, une famille qui mettait les pieds pour la première fois au Châtelet) communier en présence, sinon de l'oeuvre elle-même, de sa marque sur l'imaginaire collectif.

C'est en effet un objet assez étonnant, qui transpose de façon tout à fait évidente les codes de l'opéra dans un format plus populaire :

  • voix amplifiée ;
  • orchestre d'une dizaine de musiciens traité en temps réel par un ingénieur du son, et complété par un synthétiseur (qui était quasiment seul à l'origine, mais l'orchestre a été ajouté lors de la refonte de l'oeuvre et au fil des succès) ;
  • beaucoup de tubes ;
  • pas de transitions entre les scènes, des "blocs" très identifiables.


Mais l'on conserve les récitatifs : comme dans la tragédie lyrique, ce peut être une forme de basse continue du synthétiseur, ou bien l'orchestre entier ou en partie qui soutiennent la déclamation, selon l'impact dramatique que l'on veut donner. Restent aussi l'ambition théâtrale, une nombre assez considérable de clins d'oeil à l'Opéra ("Don Juan", "mieux qu'un opéra", "nous battons-nous pour une nuit à l'Opéra ?", avec au besoin une ligne lyrique au hautbois qui imite la ritournelle introductive d'un grand air), et la construction complexe, qui échappe à l'alternance simple air / récitatif.

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2.2. Un drame postwagnérien ?

Car c'est assurément une oeuvre ambitieuse : non seulement il n'existe aucun passage parlé sans accompagnement, mais surtout, l'ensemble du discours est tenu par la présence de véritables leitmotive, et de leitmotive originaux, d'une façon qu'aucun farfadet n'a jusqu'ici ouïe dans aucun opéra, et qui n'a rien de pataude.
Ces motifs récurrents ne sont pas attachés, comme chez Wagner, qui en est l'un des plus virtuoses utilisateurs, à un objet ou à un sentiment d'un personnage, ni comme chez Strauss qui l'attache à un aspect de la psychologie d'un personnage, voire à un personnage, et encore moins comme Debussy ou Schreker, qui sont beaucoup plus nettement liés à un personnage précis (et donc moins riches de sens, en dehors de la structuration musicale de l'oeuvre).

Claude-Michel Schönberg a choisi des motifs (et en a développé la récurrence lors de la révision de la partition) qui ont un lien avec des concepts, mais des concepts libres, qui peuvent voguer d'un personnage à l'autre, et innervent ainsi d'une façon assez saisissante le drame. Ce qui est d'autant plus impressionnant que la musique en elle-même est assez peu subtile : toujours les mêmes rythmes de type croche-croche-noire (la seconde croche étant sur le temps), et des harmoniques habiles, avec des progressions agréablement tendues (notamment des frottements délicats en faisant bouger la basse), mais assez peu riches - bien qu'assez au-dessus de la moyenne du genre.

On en a relevé quelques uns :

  • Les damnés de la terre : ce motif pesant apparaît à chaque fois qu'une masse populaire, harassée par la pauvreté, le travail, l'injustice de la société, apparaît. Bagnards, filles des rues, mendiants, peuple de Paris...
  • La justice : ce motif consiste en une résolution harmonique implacable. Il est le plus souvent attaché à Javert (Honest work, just reward / That's the way to please the Lord), à cause de sa rectitude dans l'application de son devoir. Mais il est intéressant de remarquer, et cela, nul autre opéra qu'on ait de notre côté lu, entendu ou vu ne l'a essayé, que ce motif apparaît pour la première fois dans la bouche du personnage très positif de Monseigneur Bienvenu. Ce motif qui représente le respect des normes n'est donc ni positif ni négatif, il indique simplement une sorte de légitimité formelle du discours. Et cela rejoint admirablement le livret qui insiste sur le caractère foncièrement honnête de Javert, que lui reconnaît Valjean en lui laissant la vie sauve sans conditions.
  • L'identité : ce motif est plus spécifiquement attaché à Valjean, et resurgit à chaque questionnement sur son nom, sur son destin, sous la forme d'un flux de parole haché, comme hébété, avec une thématique assez banale.
  • La bonté : un motif tournoyant qu'on entend dès que Valjean commet un acte altruiste.
  • Les rêves passés : ce motif est d'abord attaché à Fantine, et innerve son fameux air I dreamed a dream in time gone by, mais on le trouve également vis-à-vis de Valjean, et pas seulement lorsqu'il évoque la mère de Cosette ; à chaque allusion voilée au passé, il est susceptible de resurgir.
  • Révolution : Une sorte de slogan collectif (Rouge et noir) qu'on retrouve évidemment lors de la bataille des barricades, avec une apothéose cuivrée qui figure le panache plus que la victoire, évidemment.
  • Le monde nouveau : Ce motif est d'abord attaché à la Révolution (Do you hear the people sing, singing the song of angry men ?), mais réapparaît lors du grand final de l'acte II, pour annoncer un monde nouveau qui est celui d'un idéal plus vaste, pour ne pas dire d'un au-delà. En somme, c'est assez la façon dont la Rédemption par l'amour dans le Ring de Wagner passe d'un acte isolé de Brünnhilde vers Sieglinde à la salvation de l'humanité tout entière dans son seul retour, à la toute fin du cycle.
  • Les étoiles : Plus anecdotique, ce motif aigu et diaphane débute le premier air de Javert qui leur est consacré, et se trouve cité sous forme d'allusion musicale dans le second, sans que le texte y fasse référence.


Et ainsi, alors que les va et vient des personnages s'y prêtaient très bien, Schönberg évite la facilité de thèmes liés de trop près aux personnages. Valjean en a bien un ou deux qui lui sont très fortement liés, mais les autres personnages ne sont pas caractérisés de cette façon, ce sont plutôt les concepts mis en jeu par le texte qui miroitent à travers ce tourbillon de motifs.

Et lorsque plusieurs se superposent comme dans l'affrontement de Javert et Valjean au chevet de Fantine, c'est assez impressionnant, et très rare dans le domaine de la "musique populaire".

[L'autre aspect wagnérien réside dans la qualité limitée de l'humour : souvent du comique de caractère bien lourd et guère drôle comme pour Beckmesser, Mime ou alors des exagérations à peine plus amusantes comme la fameuse Chevauchée des Walkyries - qui est réellement conçue par Wagner comme quelque chose de souriant.]

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2.3. Quel statut ?

Par ailleurs, on y trouvera d'assez beaux climats, qui ont fait avec quelque raison le succès des airs isolés passés à la célébrité.
Pas de longueurs, une collection de situations par ailleurs très efficacement résumées, et une musique qui touche juste.

Le type même d'oeuvre qui ne peut que confondre ceux qui veulent cloisonner les genres dans une forme de morale (l'opéra c'est ennuyeux, la musique populaire c'est pauvre, etc.).

Cet objet constitue en réalité une oeuvre extrêmement cohérente, très dense (ses épisodes très courts ne sont pas des facilités, ils ont véritablement du caractère), qui comporte même, malgré ses personnages taillés à la serpe et son langage musical relativement rudimentaire, l'un des usages les plus intéressants des leitmotive que les lutins aient entendu.

Ainsi, au delà du panache, des trépidations et des climats, même en la considérant avec les critères de la musique savante, l'oeuvre est aussi intéressante.


Ruines d'un aqueduc.


3. En salle

Plusieurs choses sont frappantes pour l'amateur d'opéra dans cette salle. Tout d'abord le public, pas habillé (certes, on est un dimanche et les gens ne sortent pas du travail, mais d'habitude, au concert, même un dimanche...), une moyenne d'âge beaucoup plus basse (beaucoup de trentenaires et quadragenaires, et très peu au-dessus), et très décontracté, d'un abord très bon enfant, discutant volontiers entre voisins, nullement crispé par l'événement (qui est pourtant considérable si l'on considère la durée à attendre pour revoir cette oeuvre-culte par rapport à un Don Giovanni).

Lorsque la musique débute, une clameur s'étend pour exprimer la joie d'être là à entre cette musique. La musique n'étant pas essentiellement à ce moment-là, c'est une manifestation assez sympathique (qu'on retrouve, plus discrètement, pour saluer certains bis célèbres dans les récitals classiques, en particulier d'opéra). Les airs sont applaudis, parfois les actions (alors qu'il ne se passe pas grand'chose musicalement, le retrait de Cosette de l'auberge des Thénardier est ovationnée !), mais pas les décors si le moindre aigu, la moindre action.
On a d'ailleurs été très agréablement surpris qu'à la fin des airs, le public attende, sinon la fin de la résonance, la fin de la musique pour applaudir, ce qui n'est pas toujours le cas à l'Opéra (c'est même plutôt l'exception). Même les discussions pendant le spectacle ont été finalement très rares, à peine plus fréquentes que pour un concert classique.

Il a simplement marqué son enthousiasme à certaines fin de parties, en couvrant de fort beaux interludes. [A ce propos, l'orchestration du final du II est beaucoup plus impressionnante en salle, vraiment spectaculaire, et pas vraiment de mauvais goût, en réalité.]

La sortie des spectateurs est aussi accompagnée par la reprise d'un pot-pourri des thèmes du concert, on est au cinéma plus qu'au théâtre.

L'amplification n'était pas désagréable, le volume tout à fait raisonnable. En revanche, faute de gestes suffisants des interprètes (nous étions loin et ne pouvions entendre le point de départ de la voix contrairement à Magdalena, qui comportait de toute façon uniquement des chanteurs lyriques, plus modérément sonorisés), la localisation du chanteur était difficile dans les scènes de groupe puisque le son provenait des baffles et non du personnage.
On a tout de même noté l'égalisation des dynamiques par le potentiomètre : lorsqu'un chanteur passe dans le grave (par exemple le couplet modulant au centre du grand air de Fantine), alors qu'on entend que la voix se tasse, l'amplitude sonore demeure strictement identique. De plus, les tessitures étant écrites assez basses par rapport à une voix projetée d'opéra (aussi parce qu'il faut que chaque membre du public puisse chanter cela aisément en rentrant chez lui), la voix serait véritablement très peu audible sans amplification. Certains interprètes qui chantent à la fois opéra et comédie musicale s'en plaignent quelquefois : leurs nuances dynamiques changent la couleur de la voix, sa texture, mais absolument pas la dynamique et le volume entendus par le public.

Le nombre de décors est quant à lui proprement hallucinant, avec quantité de changements à vue... C'est une petite fortune que cela doit représenter en conception, construction et transport. D'où le nombre assez important de représentations, sans doute, et surtout le nombre d'années de tournée d'une production... mais la salle n'était pas pleine du tout (dernier étage vide).

En somme, un public très agréable et attentif, et un cadre d'écoute assez confortable.



4. Une représentation
4.1. Mise en scène

Visuellement, une jolie mise en scène littérale assez animée, plutôt spectaculaire. On relève surtout l'excellente idée de placer en fond des projections inspirées de dessins de Hugo ou d'encres réalisées dans son style. Dans les égoûts de Paris, il y a en plus un défilement, sous trois angles différent, qui donne réellement l'impression de cheminer dans une étrange cathédrale sorti de l'imaginaire hugolien. Un épisode visuellement assez magistral, et tout à fait poétique en plus.

Il faut cependant reconnaître que la nouveauté de la nouvelle production de Laurence Connor & James Powell n'est pas conceptuellement vertigineuse par rapport à l'ancienne de Trevor Nunn & John Caird... On reste dans un spectacle littéral et agréable à l'oeil. Mais on a aussi le droit à quelques trouvailles, comme l'entrée et la présence des amis tombés au combat lors de la déploration Empty chairs and empty tables.

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4.2. Orchestre

Suite de la notule.

David Le Marrec

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