Extrait
vidéo de Normandie joué par
les Frivolités.
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L'Athénée a dévoilé sa nouvelle saison.
L'exemple de la maison qui fait
varié
– théâtre (dont musical ou en langue étrangère), opérette,
recoins inexplorés du répertoire (seria de langue allemande, opéra
comique dodéphonique…), opéra contemporain, récitals de lied (Wolf !)
et mélodie (Messiaen !) –, qui fait
ambitieux,
qui propose
du neuf dans les
meilleures conditions d'exécution… En termes de
mise en scène, on y fait toujours
très animé, même avec des moyens
limités – véritables directions d'acteur, pensée de l'espace scénique
au delà des automatismes…
Je ne compte plus les
découvertes
ou
expériences extraordinaires
en ces murs :
Les Bains macabres
de Connesson,
The Lighthouse de
P.M. Davies,
The Importance of Being
Earnest de Gerald Barry,
Trouble
in Tahiti de Bernstein,
Le
Testament de la Tante Caroline de Roussel… Si bien que j'ai fini
par appliquer la règle : « l'Athénée fait une création, je cherche pas
à deviner si ça vaut la peine, je viens ». Je m'en suis toujours
félicité depuis.
De surcroît, cette saison, la salle est en tarif unique (on était à un
double tarif 32/26€, je crois), à 26€ la place, déjà raisonnable… mais
en abonnement, on peut avoir 50% de réduction, sachant que les places
sont déplaçables et même
remboursables
sans justification.
13€ en première
catégorie pour de l'inédit toujours original et servi avec soin…
de quoi prendre le goût du risque !
Il faut ajouter à cela qu'il s'agit d'un des plus jolis
théâtres de Paris, qu'on y est
proche des artistes, y voit bien et entend bien de partout… et que
le personnel est le plus aimable de
toute la capitale, toujours prévenants et adorables – d'ailleurs
beaucoup de ces petits jeunes assistent au spectacle, on les sent
vraiment intéressés par ce qu'ils font.
Pour entendre de l'opéra à Paris, c'est avec l'Opéra-Comique (dans un
autre genre), l'adresse où l'on peut vraiment se lancer aller écouter
un opéra en toute confiance : on sera bien servi.
(C'est tout de même plus agréable à écrire – mais peut-être
moins
amusant à lire – que mon opinion sur l'Opéra de Paris, qui constitue à
peu près le miroir parfait de l'Athénée : hors de prix, inconfortable
pour les fesses, les yeux, les oreilles, accueil standardisé,
répertoire rabâché, mises en scène paresseuses, orchestre d'une
désinvolture sidérante…)
En théâtre, je ne goûte en
général pas trop la dominante, des pièces pour initiés (un peu du
théâtre méta-, beaucoup de Tchekhov et de Beckett) jouées parfois en
langue étrangère, mais dans des approches assez austères / abstraites
qui ne m'ont pas beaucoup touché. Non que ce soit fait à la légère,
mais pas du tout mon genre, je ne suis pas le public cible.
Je puis donc seulement conseiller à propos de leur saison musicale,
particulièrement avenante cette année !
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Déjà, les soirées de
lied.
→
Pass-Cemin dans des ballades
hugoliennes, Ives et les Australiens ;
→
Röschmann-Martineau ;
→
Kleiter-Drake dans Wolf ;
→
Boché-Cemin.
Et puis les opéras. Ma sélection :
1)
Normandie de
Misraki par les Frivolités
Parisiennes. Hilarant, interprété au plus haut niveau (l'humour grivois
à la française, tout dans l'
innuendo
jubilatoire, même pour moi dont ce n'est pas le fonds de commerce),
avec de beaux numéros musicaux. J'ai déjà vu la production, c'est un
moment assez grisant. ·
2) Pour les Fêtes,
Le diable à Paris
de
Lattès avec les Frivolités
à nouveau, mis en scène par l'excellent Édouard Signolet (qui fait
énormément avec très peu !). Dans le domaine du léger,
Yes ! la saison dernière avec la
même équipe était un enchantement.
3)
Von Heute auf Morgen de
Schönberg (scène maritale assez
intense, de loin son meilleur opéra) en réduction pour 5
instrumentistes par l'excellent
Némoto
(notamment auteur d'un Winterreise pour ensemble très opérant), couplé
avec un
Offenbach diabolique
rare.
·
4) L'eau-péra de
Lavandier ;
je ne sais ce que ça vaut, mais Lavandier a les qualités de caméléon
nécessaires pour éviter l'ennui à l'opéra. Il écrit aussi correctement
pour la voix, même si je n'avais pas été ébloui par son dernier cycle
de mélodies, et orchestre redoutablement bien.
5)
Mr Shi and his
Lover, théâtre chinois avec musique de scène, me tente beaucoup.
Mais
expériences pas toujours probantes dans cette salle du théâtre étranger
– Strindberg en italien – ou musical –
Ismène de Rítsos avec la
musique d'Aperghis, subjectivement la pire expérience en salle depuis
10 ans (ce n'était objectivement pas mal réalisé du tout, mais
musicalement peu dense, et la pièce se contentait de ressasser le mythe
d'Antigone dans un dispositif visuel qui me mettait mal à l'aise).
6)
Les Sept Péchés capitaux
de
Weill & Brecht : un
ballet chanté (écrit pour Balanchine), organisé autour d'Anna qui tente
de faire fortune aux USA, commentée par la voix moralisatrice de sa
sœur et un quatuor vocal masculin… Beaucoup plus lyrique que le
Weill cabaretier, à peine si l'on peut comparer.
7)
Powder Her Face d'
Adès : sorte de remix un peu
jazzy de l'histoire de
Lulu, célèbre dans la presse pour
la faveur buccale qui y est représentée, mais ici le fond de sauce
brittenien du langage d'Adès est vraiment teinté d'irrémédiable
déréliction – ambiance
Wozzeck
dans la solitude de l'hôtel-lupanar désert.
(Pas très réjouissant, je le trouve aussi moins prenant que
The Tempest, ni que ses jeux
chambristes ou orchestraux… mais indéniablement bien écrit
musicalement, et théâtralement assez marquant.)
8)
Croesus de
Keiser (auteur de la
Passion selon saint Marc un temps
attribuée à Bach, que je trouve bien plus intense que la
Matthieu et aime peut-être même
davantage que la
Jean –
quels chorals !), du
seria
hambourgeois (l'exception écrite en allemand, donc), très bien fait. Ce
restent des récitatifs secs entrecoupant des airs clos, mais la qualité
musicale en est réelle et séduisante.
9) 10) Je suis moins optimiste sur le mash-up
Salomé (ce peut être jubilatoire
comme laborieux, à tester) et sur le
Mélisande
& Pelléas revu par
Stücklin
avec musique pour claviers électroniques (je crains que ça ne rejoigne
pas le Maerterlinck taiseux, évanescent et parfois grotesque que l'on
aime). Mais je n'ai pas vraiment d'éléments pour m'en faire une
opinion.
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Voilà une maison qui mérite de franchir le pas… en particulier si votre
budget est mince et votre curiosité étendue !
[Dois-je préciser que je n'ai aucun partenariat, aucune invitation avec
l'institution, et n'y connais même personne, malgré les aspects de publi-reportage de cette notule : éloge sincère.]