Carnets sur sol

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vendredi 28 février 2025

Un dernier BIS avant la mort



Comme d'habitude.

2023 : BIS est racheté par Apple, le communiqué de presse annonce « conserver la même exigence » tout en « augmentant les moyens au service des artistes ». Apple va-t-il vraiment injecter des moyens pour amplifier les succès du label, ou simplement le désosser et l'utiliser comme enveloppe creuse ?

2025 : Robert von Bahr, le fondateur de BIS, a été viré (ou poussé au départ). On a simplement découvert que son adresse de courriel en @BIS.se ne répondait plus, et Apple a confirmé qu'il ne faisait plus partie des équipes.

Comme d'habitude.

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En 2013, à l'annonce du rachat d'EMI par Warner, je prophétisais que ça se passerait mal. Avec l'arrivée des plateformes de flux, il n'y a pas eu de rupture d'approvisionnement des disques historiques (au contraire), mais le label a bien disparu, ainsi que tous les plus petits réunis sous bannière Warner – Teldec, Erato, dont tous les projets ont été envoyés au pilon, dont des tragédies en musique par Les Arts Florissants, ce qui marque le dernier jalon du repli de l'ensemble sur un répertoire restreint.

La disparition de Decca, la baisse radicale de cadence dans les productions de Sony et de Deutsche Grammophon (certes, pour ce dernier, avec une ligne éditoriale hardie et passionnante, le label vit paradoxalement son âge d'or à mon sens !) nous ont aussi servi de leçon.

Robert von Bahr a-t-il été licencié, ou est-il parti par dégoût de perdre le contrôle artistique de son label, je ne le sais pas encore, mais dans les deux cas, il s'agit du résultat d'une politique qui ne va pas dans le sens du maintien des ambitions de BIS, avec un répertoire à la fois original et des exécutions de haut niveau servies par les meilleures prises de son du marché, que ce soit en musique de chambre ou en symphonique, toujours à la fois ample et particulièrement lisible et précis, l'impression d'entrer dans une grande bulle transparente au milieu des musiciens – on entend mieux en écoutant leurs disques qu'en allant au concert, en vérité.

On peut s'attendre, hélas, à la baisse du nombre de publications et à la réutilisation du label pour quelques invités de prestige.

Pour rappel, BIS, c'était ça :

(en commençant par les plus indispensables)

Des disques pionniers pour le répertoire symphonique nordique : les symphonies de Tubin, la première intégrale Alfvén avec des moyens de captation modernes (il y a eu mieux depuis, je ne l'ai pas représentée ici), la seule archi-intégrale Sibelius (Naxos y est peut-être ensuite parvenu en dépareillé ?), dont l'unique version originale de la Cinquième Symphonie – très différente de l'état final, les Cygnes du final sont moins réussis mais l'arrivée des deux thèmes du premier mouvement est complètement inversée, je crois que je le trouve encore plus beau, et en tout cas complètement différent. De même pour le mouvement central, plus complexe que les variations très lisibles de la version définitive. Dans cette intégrale Vänskä, on trouve aussi toute la musique de scène, avec chanteurs, un ensemble extraordinairement persuasif – par ailleurs bien joué et très bien capté. À cela, on peut ajouter une des meilleures intégrales Nielsen disponibles, pas la plus spectaculaire, mais absolument réussie pour chacune des symphonies.

En musique de chambre suédoise (ou assimilée), une intégrale du piano de Sibelius aussi, peu donnée en concert, peu enregistrée, et pourtant à partir de l'opus 40 les pépites se succèdent, des pièces courtes « caractéristiques » très contrastées, évocatrices et intensément inspirées. Et les Quatuors de Stenhammar, une sorte de langage Mendelssohn à peine plus moderne, avec tous les potentiomètres poussés à fond, d'une fièvre et d'une classe folles, somptueusement exécutés et captés avec une ampleur et une clarté inégalées.

On retrouve ces qualités pour les œuvres chambristes non nordiques, comme l'album Robert de Visée définitif (écouté en boucle), la Première Sonate de Brahms par Kantorow, les Quintettes à cordes de Mendelssohn d'un élan irrésistible (là encore, quelle captation !). Et puis de très grands artistes : Thedéen, Poltéra (oui, les violoncellistes de BIS ont forcément un accent aigu), Pöntinen dans des Brahms difficilement égalables…

Place toute particulière pour le récital Fanny Mendelssohn-Hensel + Clara Wieck-Schumann + Alma Schindler-Mahler, totalement pionnier dans ces années 90, qui permettait de découvrir le caractère majeur de ces compositrices (en particulier les deux dernières) par une très belle sélections de leurs plus beaux lieder, et une interprétation d'une force poétique qu'on n'a pas retrouvée par la suite dans les quelques intégrales de leurs œuvres qui ont paru ces dernières années.

Si vous doutez du caractère exceptionnel des prises de son BIS, vous devez écouter l'Alpensinfonie : on n'attend rien de São Paulo ici, et on peut imaginer qu'en réalité ce n'est pas tout à fait le meilleur orchestre du monde – pourtant non seulement ils sont excellents, mais par-dessus tout ce que font les ingénieurs du son produit le plus bel enregistrement de tous les temps pour cette symphonie, sans le moindre doute. L'impression de les écouter jouer dans un espace aussi vaste que la montagne elle-même, avec à la fois une radiographie des détails et une qualité des fondus qu'aucun emplacement dans la meilleure salle de concert ne peut offrir.

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Merci beaucoup BIS pour tout ce que tu nous as offert. Attends-nous, on te retrouvera bientôt de l'autre côté du miroir.



lundi 17 février 2025

Les duos de violoncelles


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Comme on m'a récemment posé la question sur Classik, je propose une sélection de duos pour violoncelles, genre (souvent à visée pédagogique) qui vu largement pratiqué mais qui est très peu (et assez mal, en qualité) documenté par le disque. Je vous mets quelques liens de vidéos pour que vous puissiez profiter de la dimension dialoguée, d'autant. Je n'ai pas eu le temps de choisir les meilleurs disques – dans ce secteur un peu sinistré, ce ne serait pourtant pas du luxe.

¶ Morley – 4 Fantaisies  
https://www.youtube.com/watch?v=PeDn4WVzYZ4

¶ C. Simpson – Divisions On A Ground (en ut, en sol), parfois jouées au violoncelle
https://www.youtube.com/watch?v=BEmJGOP3arw

¶ D. Gabrielli – Canon pour 2 violoncelles
https://www.youtube.com/watch?v=9XHFqu9CvCw
disques : Hidemi Suzuki (Arte dell'arco, épuisé) ou à défaut Bettina Hoffmann (Tactus)

¶ Boismortier – Sonates pour 2 basses Op.14
https://www.youtube.com/watch?v=lrCe97FYx6o
disques : je n'en ai trouvé qu'en version basson (Musica Franca, sur bassons modernes chez MSR, est très bien) ou avec clavecin en sus (Senn & Roelofsen, chez Ottavo)

¶ Corrette – Sonate pour 2 violoncelles Op.24
https://www.youtube.com/watch?v=KpS7B1GLE7g

¶ Boccherini – 6 Fugues pour 2 violoncelles G.73
https://www.youtube.com/watch?v=0YnN0ZMck2c

¶ Duport – Duos pour violoncelle Op.1
https://www.youtube.com/watch?v=lZni5EhRClk

¶ Duport – 21 Études pour violoncelle
https://www.youtube.com/watch?v=qId_6qzmAvQ

¶ B. Romberg – Sonates pour 2 violoncelles
https://www.youtube.com/watch?v=jkhZK5Z1EqA

¶ Offenbach – Duos pour 2 violoncelles
https://www.youtube.com/watch?v=DvjOtDmxEnw
disques : Sollima (il n'en aurait pas écrit justement lui ?) chez Brilliant

¶ Hindemith – Duo pour 2 violoncelles
https://www.youtube.com/watch?v=Z5iChF0sq6w

Il en existe par d'autres compositeurs célèbres (Barrière) ou moins célèbres : T. Giordani, Schetky, Guillemant, Schönebeck, Guignon, Reinagle, Dotzauer, Zehm, Koeppen, G. Waterhouse, L. Amanti… c'est sur ma liste, mais je n'ai pas encore écouté.

Morley et Simpson, quoique je les aie rencontrés dans des recueils de « partitions originales » pour duos de violoncelles, devaient être probablement prioritairement pensés pour de la viole de gambe. (Beaucoup de ces partitions sont en effet indiquées comme « sonates / duos » pour « deux basses ».)

Dans cette liste, la superstar (du genre) Duport est clairement celui qui m'impressionne le moins, bien que tout à fait charmant.

Gabrielli est incontournable, toujours de la poésie en barre ; le contrepoint virtuose et les qualités mélodiques de Boismortier, Corrette et Boccherini particulièrement jubilatoires ; chez Bernhard Romberg, j'admire surtout le sens de la structure et là aussi, de grandes capacités poétiques, la virtuosité ne prend jamais le pas sur la nécessité d'idées musicales, de progression logique et étagée, avec un langage assez personnel (ses symphonies valent aussi le détour) ; sans surprise, la veine mélodique est la prime qualité des Offenbach, sans sacrifier pour autant la qualité de construction du dialogue ; quant à Hindemith, pour une composition de 1943, c'est une veine assez romantique et généreuse, pas du tout abstraite ou néoclassique.

lundi 10 février 2025

Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VIII – Qu'en faire ?


Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Pour les lieder et songs : épisode n°5.

Quant à la musique de chambre, au clavecin, au piano solo, aux mélodies slaves : épisode n°6.

Pour finir, les réductions piano d'œuvres célèbres : épisode n°7.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



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Trois des Préludes caractéristiques Op.49 du compositeur ukrainien Théodore AKIMENKO.


8. Qu'en faire ?

Voilà pour près de deux ans de déchiffrages d'inédits – en excluant les œuvres célèbres que j'ai aussi jouées, les accompagnements de chanteurs, le chant pour moi-même, etc. Ce n'est pas si mal.

Je ne sais si cela a du sens, mais le fait d’avoir accès à ces trésors, malgré mes moyens techniques limités, me fait sentir comme une responsabilité : vu que ce répertoire n’est pas près d’être exhumé par les professionnels, n’ai-je pas mission de ne pas rester assis sur mon tas d’or, sur ces émotions vertigineuses, et de contribuer à faire vivre ces oeuvres dont il n’existe aucune trace sonore, pour des compositeur dont on a parfois aucune œuvre accessible, malgré une qualité manifeste ? – typiquement, qu’il n’existe rien de Max von Oberleithner au disque, ce qui est absolument délirant à la lecture de sa magistrale Aphrodite (d’après le roman de Louÿs !).

Cette série répond partiellement à cette question qui me taraude – sans doute de façon un peu immodeste, puisque j'hérite un peu malgré moi d'un véritable complexe du sauveur, pour ne pas dire du Messie – en nommant les oeuvres et les styles des compositeurs marquants que j’ai croisés. Mais à nommer une musique qui reste muette, je conserve l'impression tenace – et ce, depuis des années, dès que j'ai commencé à mentionner des inédits sur ce site – de surtout narguer ceux qui ne peuvent pas l’entendre, sans pour autant fournir le matériau pour permettre à ces compositeur de sortir de l’oubli.

Et c’est là en réalité l’objet premier qui a motivé cette série : pas (seulement ?) de me vanter de mon amélioration au piano, pas de citer une litanie de noms que vous ne pourrez peut-être jamais entendre... je voulais, au terme de cette évocation exploratoire, vous demander votre opinion – estimés lecteurs – sur ce que je devais faire.

Si ce parcours a suscité votre plus ou moins distraite curiosité, je suis curieux – avide – de votre idée sur le sujet. Que faire de cet espèce de superpouvoir dont je ne sais trop quoi faire ?  Pouvoir jouer des opéras à vue, c'est avoir virtuellement tout le répertoire au bout des doigts, et de faire mon Fafner, stérilement avachi sur mon or rhinois.

Je puis continuer seul, évidemment, et me contenter de mentionner ces écoutes si jamais quelqu’un avec un pouvoir de décision passe par ici, me lit et se dit « ah tiens, si j’allais lire une partition dont je n’ai pas la moindre idée », mais soyons franc : aucune probabilité que cela advienne. Il est arrivé que des directeurs de maisons d'opéra me contactent à propos d'un titre rare, mais davantage pour les aider à trouver un enregistrement d'une œuvre qu'ils avaient déjà décidé de monter. Je ne crois pas avoir jamais influencé quelque programmateur que ce soit sur le répertoire – ce serait très étonnant, il faut bien le dire, puisque très peu de monde a la main sur l'orientation artistique des ensembles et des institutions… c'est un privilège farouchement gardé par les directeurs d'institution / producteurs / chefs d'orchestre, durement gagné. Par ailleurs ils ont à la fois la responsabilité budgétaire de remplir et de tenir leur réputation, on comprend bien qu'ils ne s'en tiennent pas à la rêverie du premier mélomane venu.

Je ne dis surtout pas qu'ils ont raison de ne pas m'écouter : je pense très honnêtement que je pourrais être de bon conseil pour des œuvres susceptibles à la fois de générer un moindre coût (en tenant en compte la nomenclature), de constituer un produit d'appel séducteur pour vendre les billets, et de séduire le public une fois assis dans le théâtre. Mais comme ce genre d'investissement est colossal en devises, en temps de travail, en réputation, je comprends bien que les décideurs s'en réfèrent surtout à eux-mêmes. Et, à la fin des fins, si on veut remplir, rien ne vaut un Don Giovanni ou une Traviata.



9. Premières pistes

Parmi les hypothèses plus raisonnables que l'influence à grande échelle, je perçois tout un continuum, depuis le stockage de mes déchiffrages dans un coin de Toile (j'avais commencé ici, en format audio), si jamais quelqu’un tombe par hasard dessus et trouve trace du compositeur dont il traque le legs, tant mieux ; jusqu’au travail soigneux, sur un opéra dans l’année, que je puisse éventuellement préparer avec des amis et publier sans trop rougir.

À la vérité, les extrêmes du spectre me paraissent peu pertinents.

Le stockage ne concernera à peu près personne ; même pour les passionnés les plus motivés, une bande mal captée de déchiffrage inégal pour piano seul d’une œuvre dramatique, il faut vraiment le vouloir !  Par ailleurs ce dossier n'est pas référencé dans les moteurs de recherche, il faudrait le mettre en valeur et l'éditorialiser sur un site pour qu'il soit accessible, sans quoi seuls les fans de CSS en débusqueront l'existence. Pour que les deux ensembles « chercheur de tel incunable » et « lecteurs de CSS » se recoupent, il faudra un sacré hasard. Et, comme je le disais, le résultat ne sera même pas à la hauteur de l'extraordinaire coïncidence.

Quant à l’opéra bien fignolé de l’année, non seulement je ne crois pas en avoir les moyens logistiques (trouver les personnes désireuses de le travailler à fond) ni surtout technique – je suis surtout un lecteur, le progrès possible entre la pièce lue et la pièce travaillée est très limité contrairement à ce qu’on peut peut-être imaginer. Mais principalement, cela va à l’encontre de toute ma démarche : déchiffrer, découvrir. Me priver de découvertes pour essayer de concurrencer les gens sérieux avec un produit de qualité médiocre n’aurait pas, fondamentalement, grand intérêt. Dans l'incommensurabilité de l'offre lyrique gratuite en ligne, le mélomane ira à bon droit plutôt du côté d'Operavision, d'Arte ou, pour les formats avec piano, de la Compagnie de L'Oiseleur pour se faire une idée plus fidèle des œuvres rares. Et avant qu'il ait tout éclusé et en vienne à écouter ce que je produis, même faire métier d'écouteur n'y suffirait pas.
Ma perspective est plutôt de faire quelque chose de mon loisir, pas de le brider ou de le supprimer – répéter la même œuvre pendant une année me lasserait assez vite. A fortiori lorsque je sais que le résultat ne sera pas complètement probant – c'est un métier – et ne concernera que très peu d'auditeurs.

La solution se trouverait donc plutôt dans un intermédiaire : faire un choix des bandes à publier et les apprêter un peu pour qu'elles soient écoutables, mais avec une charge de travail minimale.



10. Dispositif 2025

En réalité, depuis un an que je rédige cette série sur les déchiffrages de 2022-2023, dans le but initial de vous poser ces questions, quelques solutions ont fini par décanter.

Dans beaucoup de cas, le déchiffrage rend suffisamment compte (à défaut d’être parfait ou même simplement joli) de ce qu’est l’œuvre pour être mise à disposition des curieux. Souvent, une première lecture me permet de repérer les difficultés, de comprendre la logique du langage pour faire les bons choix en temps réel, et la seconde lecture me sert de captation. La vidéo s'est révélée un supplément très bienvenu, qui incarne l’intention musicale. Lorsque c’est possible, je lis les répliques, voire les chante (avec un bonheur variable). L’objet me paraît plus stimulant pour le spectateur lorsque j’adjoins, comme je le fais désormais, des commentaires pour aider à repérer les motifs, expliquer les trouvailles, donner des éléments de contexte du livret. Et la plate-forme procure une visibilité supplémentaire, pas tant par l'algorithme que par la possibilité d'abonnement et l'habitude d'un public vaste, plutôt que d'aller spécifiquement sur le site de CSS – le public cible n'est pas nécessairement le lectorat du site, qui est en général attaché au texte.

J'ai aussi commencé à mandater des amis chanteurs pour lire le texte – apprendre tout un opéra (et sans support audio) est une tâche trop importante pour des amateurs. (J'ai aussi pensé à ouvrir des cagnotes pour financer un projet en rémunérant de jeunes professionnels, leur demandant d'apprendre tel opéra que nous aimerions entendre, mais c'est un autre – beau – projet. Je m'y attellerai peut-être un jour.) 
Ainsi, j'ai opté pour des musiciens, sachant le solfège, qui disent le texte au bon moment par-dessus de la musique, façon mélodrame. Cela procure davantage d'impact dramatique à la musique qu'un sous-titre – et c'est aussi un gain considérable en temps de montage. De premières captations ont été faites, des rendez-vous ont été pris.

J'ai reçu beaucoup de retours (contre très peu auparavant), en général très positifs sur l'intérêt de la démarche vidéo – même si peu écoutent l'ensemble des vidéos ou évidemment pas la totalité de la vidéo choisie, cela donne toujours de la visibilité au fonds documenté et pique la curiosité. De surcroît, grâce à la fonction recherche, ces compositeurs très peu documentés peuvent atteindre les personnes qui les cherchent dans YouTube. J'ai été frappé par les statistiques – les opéras produisent 100 à 200 vues, ce que je n'imaginais pas un instant. Clairement, la vidéo paraît mieux calibrée pour ce type de diffusion, même si la contrainte me paraissait initialement superflue.
Mais ce qui m'a vraiment convaincu, c'est la possibilité de réaliser de la médiation par incrustation dans la vidéo (extraits de partition, du livret, commentaire sur le style musical, sur les motifs récurrents…), qui peut permettre de naviguer. Je précise aussi lorsque j'ai fait des erreurs ou des choix contestables dans ma lecture, de façon à pouvoir mieux contextualiser ce qu'on entend.

Je n'aime pas beaucoup le travail abrutissant du montage – on ne peut même pas écouter de la musique pendant ce temps, alors même que ça ne prend pas trop d'espace cérébral ! –, mais cela m'a donné l'idée de vidéos-notules à visée pédagogique, pour faire entendre la structure des motifs d'une partition complexe, par exemple. Les influences du Freischütz sur Mendelssohn, Wagner et Tchaïkovski, les leitmotive dans l'acte III de Die Walküre, dans la fin du I ou du III d'Arabella ou bien sûr dans Pelléas



11. Ce que vous pouvez faire

Soutenez les indépendants, voici ma cagnotte, envoyez-moi de la thune

a) D'abord, j'aimerais beaucoup recevoir votre avis. Y a-t-il une démarche qui permettrait de mettre ces déchiffrages récurrents au service de la collectivité ?

b) Si vous avez des partitions que vous rêveriez d'entendre, vous pouvez aussi m'envoyer leurs références : ainsi non seulement je disposerai de pistes nouvelles d'exploration, mais cela aura une utilité concrète. Je prends commande sans difficulté – je ne promets pas de jouer ce qui ne m'intéresserait pas du tout, serait inaccessible techniquement, ou dans le cas improbable où je serais submergé par les demandes, mais sur le principe, je suis tout disposé à me rendre utile.

c) Si les déchiffrages d'opéra avec récitants s'avèrent probants, je pourrais être tenté de programmer des séances d'enregistrement avec un récitant par personnage. Si jamais vous êtes tenté par l'aventure, n'hésitez pas à vous signaler – le seul prérequis est de pouvoir suivre une partition pour placer les répliques à peu près au bon endroit, il n'y a pas besoin d'être acteur, chanteur ou musicien. Ce ne sera pas pour tout de suite mais cela permettra de savoir qui contacter lorsque le moment viendra dans les prochaines semaines ou les prochains mois.



Je ne suis pas sûr de me lancer à nouveau dans une série descriptive comme celle-ci, aussi vous pouvez suivre l'avancement des projets dans le fichier qui recense ces découvertes ou bien sûr, pour celles qui sont sélectionnées, sur la chaîne YouTube de Carnets sur sol.

À bientôt, très curieux de vous lire !

dimanche 9 février 2025

Playlists 2025 & Nouveautés discographiques


Une sélection des meilleurs albums de 2025 à écouter en priorité : une symphonie mahlérienne de Karl Weigl, de la musique de chambre baroque très inspirée par le compositeur du fameux Concerto pour trompette, le retour aux sources imprimées de la musique populaire du XVIIIe siècle scandinave par les miraculeux Curious Bards, de la musique symphonique juive et décadente de Ben-Haim, de l'opéra seria espagnol musicalement généreux chez José de Nebra, de la belle musique de chambre germanique du romantisme tardif avec Richard Rössler (merci Triendl), un album Palestrina foudroyant par Stile Antico, la Première Symphonie de Ruth Gipps et une version de la Symphonie de Chambre de Schreker dont Steven Sloane exalte particulièrement le lyrisme intense…

Avec cette nouvelle année, lancement de nouvelles playlists d’écoutes de nouveauté : sélection des parutions attirantes dont cette année je déduis celles écoutées et les coups de cœur ; et, de surcroît, l’ensemble des disques écoutés ou particulièrement aimés. Bien sûr, je continue d’empiler au fil de la réécoute dans la playlist disques doudous et à nourrir les diverses playlists thématiques.

De quoi nourrir, je l’espère, des idées d’écoute dans tous les genres. (C’est en tout cas dans cet objectif qu’elles sont publiques.) 

L'organisation diffère un peu de l'année dernière : au lieu de dupliquer les disques dans chaque playlist, quatre catégories de nouveautés discographiques qui ne contiennent pas de doublons :

Coups de cœur nouveautés (19 albums en ce début février), la liste qui a vocation à être explorée.

Documents nouveautés (7 albums), des disques qui ne m'ont pas nécessairement bouleversé en tant qu'auditeur, mais qui abordent un répertoire peu couru, méritant l'écoute pour les curieux.

Nouveautés écoutées (28 albums), les autres disques parcourus (ne vous méprenez pas, ils ont été écoutés en entier). Elle a sans doute peu d'intérêt pour vous – à part de vérifier si j'ai adoré ou pas tel disque récemment paru, ou si vous voulez m'en parler. (Cette liste ne contient donc pas les disques qui m'ont le plus intéressé, répartis dans les deux listes précédentes.)

Nouveautés non encore écoutées (135 albums), ma sélection de nouveautés alléchantes sur laquelle je n'ai pas encore d'avis. Pour compléter la vision de ce qui est disponible – et pour conserver une liste sous la main pour mon usage personnel (les annonces de parutions sont vite englouties sur les sites spécialisés. Pour connaître l'ensemble des parutions, il faut donc parcourir les quatre playlists, ce qui est peut-être, grâce au nouveau classement qui les allège chacune, plus aisé.

D'autres disques marquants de ce début 2025 : des concertos pour trompette planants d'américains vivants, dans l'atmosphère plutôt que la virtuosité ; une version luxueuse (de Hys, Mauillon !) des Quatre saisons de Boismortier ; des concertos pour basson rares au tournant du XIXe siècle, dont une nouvelle version de l'incroyable Édouard du Puy (quelle œuvre, quelle vie ! – je préfère les atmosphères dramatiques de la version Sambeek-Ogrinthouk, cela dit) ; une version très généreuse du Deutsches Requiem de Brahms par Bergen & Gardner ; un concerto pour deux cors du dédicataire du meilleur Quatuor de Mozart ; la suite de la série Vranický chez Naxos ; une superbe version de l'intégrale Grigny ; une très belle prière suspendue d'Akhunov (façon Adagio de Barber) version pour quatuor et version pour orchestre à cordes ; enfin un Stabat Mater de Grandval, pas bien chantée, mais donnant à entendre une œuvre passionnante aux ambitions verdiennes assumées !

Si vous voulez effectuer votre propre relevé, deux sites :

Qobuz qui est éditorialisé, avec les nouveautés les plus vue d'abord (attention à bien sélectionner « toutes les nouveautés », je l'ai fait pour vous, et ensuite à aller chercher le « classique » dans le menu déroulant), mais qui est très incomplet.

Presto Music, qui est très complet et que je vous ai, de même calé avec les bons filtres pour voir apparaître immédiatement le flux des dernières (innombrables) nouveautés. [Merci à Frédérique Reibell qui m'a conseillé ce site salutaire !]

Hors nouveautés, je relève aussi, au fil de mes écoutes et réécoutes, mes coups de cœur (13 albums) pour des disques écoutés cette année mais qui ne viennent pas de paraître et les disques doudous (125 albums) qui me sont indispensables.
Les lurkers et autres amis de la délation qui veulent surveiller ma consommation peuvent se reporter à cette liste de mes dernières écoutes (154 albums depuis le début de l'année, ce qui inclut tout de même les réécoutes d'un même album).

Par ailleurs, je poursuis la constitution de playlists thématiques. Dernièrement les œuvres utilisant des thèmes révolutionnaires ou les meilleurs concertos pour flûte, mais aussi des playlists retraçant l'histoire de l'opéra italien, de l'opéra français, du quatuor à cordes, de l'orgue, etc. Vous pouvez toutes les retrouver sur mon profil Spotify – tout cela est accessible sans prendre d'abonnement, bien sûr.

dimanche 2 février 2025

« L'amour des femmes barbares » – kakemphatons choraux et sacrés


Je me suis rendu compte avec amusement que dans certaines pièces du répertoire, je me suis forgé spontanément un certain nombre d'hallucinations auditives.

La raison en est simple, et j'imagine que le phénomène doit donc être partagé – n'hésitez pas à lâcher vos meilleurs exemples.

Dans certaines pièces du répertoire, découvertes assez tôt à une époque où l'accès au texte n'était pas commode, si l'on n'achetait pas une version CD avec un livret fourni (donc plutôt les versions les plus chères, alors que je cherchais plutôt celles qui me plaisaient le plus)… on devait se débrouiller à l'oreille. Et cela produisait quelquefois des associations d'idées étranges avec des formules plus familières.

On est assez proche de l'hallucination auditive ou du kakemphaton – ces calembours plus ou moins involontaires produits par des liaisons malheureuses (« Et le désir s'accroît quand l'effet se recule » version Corneille, « Un homme tout nu marchait, l'habit à la main » version Bobby Lapointe).

J'y ai repensé récemment en écoutant la dernière version discographie du Requiem de Mozart, par Pichon, puis cette semaine la toute nouvelle version Gardner du Requiem de Brahms. Et il peut être divertissant de partager ces délicieuses naïvetés issues d'écoutes ingénues.


Le faux Magnificat de Brahms

Comme vous le savez, Ein deutsches Requiem de Brahms ne s'appuie pas sur le texte de la messe des morts latine, mais est constitué d'un patchwork de textes sacrés hors de la liturgie : extraits aussi bien de l'Ecclésiaste et de la Sagesse de Salomon (absente du canon catholique), des Psaumes évidemment, que de livres prophétiques tardifs (Ésaïe), des Psaumes, des Évangiles de Matthieu et Jean, de textes apostoliques (Épîtres pauliniennes, Apocalypse). Ces fragments sont juxtaposés à l'intérieur de chaque mouvement.

Dans le sixième, « Denn wir haben hie keine bleibende Statt » (« Car nous n'avons pas de séjour permanent ici-bas »), tirée de l'Épître [anonyme] aux Hébreux, on débouche soudain sur ces exclamations qui promettent la résurrection, extraites de la Première Épître aux Corinthiens de Paul :

Tod, wo ist dein Stachel !
Hölle, wo ist dein Sieg !
c'est-à-dire :
Mort, où est ton aiguillon !
Enfer, où est ta victoire !

On l'entend plutôt bien ici, par le chœur de la MDR (Radio de Leipzig) avec David Zinman – je vous ai calé l'extrait.

Cependant, n'ayant appris l'allemand que plus tardivement, en débutant par la poésie et le théâtre, mon oreille faisait plutôt sonner « dispersit » (« Il dispersa », en général une punition divine du type Babel), et le tuilage du chœur à ce moment-là correspond très bien à cette idée de profusion et de disparité.

L'illusion fonctionne plutôt bien dans cet extrait de la superbe version toute fraîche de la semaine dernière du Chœur Philharmonique de Bergen avec Edward Gardner, voyez vous-même.

Outre les réponses en imitation assez comparables, je pense que mon esprit a pu opérer ce parallèle en raison de l'usage figuratif de ce verbe dispersit dans le Magnificat, souvent assorti de figuralismes profusifs.

Dispersit superbos mente cordis sui.
c'est-à-dire :
Il a dispersé les orgueilleux pour les pensées de leur cœur.

Voyez par exemple la vision de Marc-Antoine Charpentier de ce verset dans la glorieuse chaconne-Magnificat H.73, une des pièces les plus irrésistibles du baroque français.


Le Requiem de Mozart : l'orgie après la victoire

Principal point commun musical entre les mises en musique du Magnificat et des Requiem, les motifs fugués pour signifier la pléthore de la descendance d'Abraham :  « Sicut locutus est ad patres nostros, Abraham et semini eius in saecula. » (« Ainsi fut-ce annoncé à nos Pères, Abraham et sa descendance »), dit le Magnificat. Dans l'Offertoire de la messe de Requiem, dont le texte est tiré non pas des Écritures mais d'un répons du IXe siècle, le même épisode de généalogie abrahamique apparaît dans une syntaxe différente :

Sed signifer sanctus Michael repraesentet eas
in lucem sanctam.
Quam olim Abrahae promisisti,
et semini eius
c'est-à-dire :
Mais que le porte-étendard saint Michel les introduise
vers la sainte lumière,
comme vous l'avez jadis promis à Abraham
et sa descendance.

Puis :

fac eas, Domine,
de morte transire ad vitam.
Quam olim Abrahae promisisti,
et semini eius
c'est-à-dire :
Fais-les, Seigneur,
passer de trépas à vie,
comme vous l'avez jadis promis à Abraham
et sa descendance.

(Traduction maison ; pour toute suspicion d'hérésie, veuillez vous adresser au guichet dicasterepourladoctrinedelafoi@carnetsol.fr.)

À l'origine, dans le cadre du répons, la formule était formulée par le chantre puis reprise par le choeur ou l'assemblée des fidèles.

Voici ce qu'en fait Mozart, de façon très solennelle et farouche, presque sombre – le peuple de Dieu réclame son dû !  Dans la version Pichon parue à la fin de l'année dernière, peut-être la meilleure version discographique que je connaisse.

Mais, vous le savez, ce Requiem est énormément joué, et pas seulement par de beaux chœurs transparents à la diction soignée, mais aussi par de vastes phalanges d'amateurs moins aguerris à la technique du chant, ou au contraire de professionnels aux voix très charpentées et couvertes ; l'école viennoise en particulier est redoutable, avec des voyelles très arrondies assombries, des [i] émis comme des [u] français, beaucoup de [eu] mêlé à toutes syllabes…
Et ce sont souvent les versions auxquelles on était confronté en premier comme jeune mélomane : Karajan avec le Wiener Singverein, Böhm avec le Wiener Staatsopernchor…

Et moi, sans avoir le texte sous les yeux, j'entendais un mélange d'italien et de latin : « amor e barbare promisisti », c'est-à-dire, peu ou prou, « tu nous promis de l'amour et des femmes barbares », ce qui cadrait assez bien avec la sombre vaillance de l'extrait. En réalité, en italien, ce serait « amor e barbare promettesti », et en latin « amorem et barbaras promisisti… », mais dans ma rêverie sonore, ce mélange étrange s'imposait spontanément.

Laissez-vous porter par cette pensée dans cette version où Solti dirige un chœur « de concert » issu de l'Opéra de Vienne.




J'espère, estimés lecteurs, que cette promenade vous aura amusés. Je suis curieux de vos propres hallucinations & kakemphatons dans ce genre.

Messiaen : Catalogue d'oiseaux, version illustrée


Quelqu'un (pas moi) s'est amusé à illustrer les lieux et espèces de la pièce « Le Merle bleu » du Catalogue d'Oiseaux de Messiaen. Je trouve que cela produit une réelle différence sur la perception de l'ensemble.



mercredi 29 janvier 2025

[nouveauté] Pavel Vranický – Symphonie pour la Paix avec la France – ou comment les interprètes façonnent (faussement) l'image publique d'un compositeur


J'ai déjà insisté sur la qualité particulièrement singulière et  novatrice du legs de Pavel Vranický (plus largement connu sous sa déclinaison germanique Paul Wranitzky), à l'opéra surtout – son Oberon (1789), créé entre Don Giovanni et Così fan tutte, évoque bien davantage l'Oberon de Weber (1826) !  Mais si l'on veut écouter de la musique symphonique exaltante de la période mozartienne, qui sorte des canevas prévisibles, Vranický constitue également une approche prioritaire.

On ne disposait jusque là que de quelques (très belles) symphonies, dans un goût qui peut évoquer le panache dramatique de Gossec ; les meilleures versions étant, sans surprise, celles des Tchèques (Bohumil Gregor avec le Dvořák Chamber Orchestra), dont le son acidulé rend justice, même dans une optique tradi, aux équilibres sonores et à l'élan de cette musique.

Naxos a lancé une entreprise de documentation passionnante qui en est à son huitième volume, et d'où sourdent quelques merveilles inattendues, notamment du côté du ballet.

Dans celui-ci, trois symphonies, où triomphe en particulier la Symphonie en ré majeur P17 (sans numéro d'opus), comme ses prédécessrices au disque – l'opus 36 et l'opus 52, que je tiens assez nettement pour ses meilleures. Très généreuse et exaltée, sans doute marquée par Gluck.

La Symphonie pour la Paix avec la République Française, qui ne contient pas d'airs français que j'aie pu identifier, avait déjà été enregistrée et demeure toujours assez peu héroïque ou suggestive, une bonne symphonie du temps parmi d'autres.



Cependant, on retrouve ici la même limite qui serre le cœur que dans tout le reste de la série : l'Orchestre Philharmonique de Chambre Tchèque de Pardubice (veuillez nous transmettre vos idées de dénominations plus longues, nous sommes vivement intéressés) est une phalange qu'on ne peut pas décrire comme « sensibilisée musicologiquement », et les choix stylistiques de Marek Štilec renforcent cet aspect – son d'orchestre très lisse et blanc (vraiment peu de couleurs vives), articulation très legato, primauté du fondu sur la couleur et les accents, uniformisation du spectre, rythmes lissés : c'est une vision très policée de la musique du XVIIIe siècle qui s'exprime, et il me semble que cela souligne surtout les harmonies consonantes, atténue les originalités ou audaces de ces musiques.

La série est donc indispensable, un travail que personne n'a fait – il commence à exister un certain nombre d'anthologies, mais aucun travail d'exploration systématique, ce qui nous privait en particulier des ballets, pourtant véritablement marquants pour certains d'entre eux. Pour autant, à l'écoute, le résultat produit paraît souvent assez mesuré et ne produit pas la sidération que cette musique devrait produire ; je pense même qu'il peut y avoir un aspect contre-productif sur la perception du compositeur, tendant à l'assimiler dans l'esprit du public au style des interprètes de cette anthologie, et compromettant ainsi, paradoxalement, l'engagement pour sa remise au théâtre. 

Ce phénomène advient quelquefois, un peu à la façon de l'engagement absolu et admirable de Colin Davis – qui, pour le coup, a réellement fini par influer positivement sur la programmation de Berlioz ; mais qui a, dans le même temps, par son style propre, largement contribué à la perception d'un Berlioz monumental, emphatique, statique, voire pompier – toutes choses que Berlioz peut être par ailleurs (statique excepté !), mais qui ont à tort été associées à l'essence même de sa musique, alors qu'il ne s'agissait que d'options interprétatives. 

Mon sentiment serait sans doute à nuancer par le fait (indéniable) que le public cible de ce genre de publication de niche est sans doute assez averti – si l'on s'intéresse aux compositeurs moins connus du XVIIIe siècle, on connaît très vraisemblablement la distinction entre les exécutions informées par la musicologie / influencées par la redécouverte des instruments et modes de jeu anciens d'une part, et celles qui n'en tiennent pas compte d'autre part !  Il ne faut donc pas s'exagérer l'influence sur la perception d'une telle série discographique ; pour autant, à l'écoute distraite au rapide d'une oreille curieuse, il serait possible de passer à côté de la formidable singularité de Pavel Vranický – non pas, au demeurant, que les interprétations de Pardubice-Štilec soient dénuées de valeur !



Pour prolonger, d'autres notules sur les demi-frères Vranický : 

¶ une décennie, un disque : 1780 (Symphonies de Vranický par B. Gregor & Dvořák Chamber) ;  

¶ sur l'opéra Oberon, König der Elfen (avec des extraits de cet inédit dans une très belle version radiodiffusée que j'ai moi-même mise en ligne) ;

¶ « Qui peut égaler les symphonies de Mozart ? »

¶ un mot sur le volume 1, le volume 2, puis le volume 3 de la série Naxos, dans le cadre du bilan des nouveautés 2021 ;

quelques symphonies précédemment publiées ;

¶ un double concerto (pour deux altos) par le spécialiste HIP Goebel, dans une série Sony sur les contemporains de Beethoven ;

¶ conseils de quatuors à cordes ;

¶ sur la singularité du style des compositeurs : « D'où vient l'émotion ? — Pourquoi Mozart est-il aussi différent ? — La preuve par l'exemple » ;

¶ un tentative de réflexion plus large : « N'aimez-vous pas les œuvres davantage pour leur rareté que pour leur qualité ? »

samedi 25 janvier 2025

Pourquoi je ne joue pas de piano au piano — [Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VII – Arrangements inédits, de Mozart à Sibelius]


asgér hamerik
Asgér Hamerik, l'une des seules pas-vraiment-superstar de cette notule.

Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Pour les lieder et songs : épisode n°5.

Quant à la musique de chambre, au clavecin, au piano solo, aux mélodies slaves : épisode n°6.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



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(Quelques transcriptions ou fantaisies pour piano à partir de tubes mentionnés plus bas.
Le disque le plus conforme que je connaisse, la Troisième Symphonie de Bruckner
transcrite pour piano à quatre mains par Mahler,
n'est pas disponible en flux.)


13. Tubes en réduction

Je touche à la fin de ce panorama, avec dans l’intervalle des nouveautés, évidemment.

Je n’ai pas évoqué cependant une catégorie d’inédits, qui m’a beaucoup occupée, mais qu’il serait probablement assez peu utile de commenter (et encore moins de diffuser) : une vaste partie des pièces que je joue au piano sont des transcriptions, de symphonies, de quatuors... jamais enregistrées en version piano ou, quand c’est le cas, pas dans l’arrangement que j’ai soigneusement sélectionné.
Je ne parle même pas des opéras en version réduite, où j’intègre moi-même les lignes vocales à l’« orchestre ».


a) Répertoire

Dans cet ensemble, des œuvres peu célèbres (Concertos pour violon de Pierre Rode [lien], Quatuors d’Anton Rubinstein [lien], Symphonie n°1  de Kalinnikov ou n°2 d’Asgér Hamerik [lien]…), et beaucoup de tubes. Les symphonies de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9), de Schubert (3,5), de Mendelssohn (3,4,5), de Schumann (2,3,4), de Bruckner (2,3,4,5,6,7,9), de Brahms (1,4), de Tchaïkovski (1,2,3,4,5,6), de Dvořák (7,8,9), de Mahler (1,2,3,5,8,9), de Sibelius (1,5, faute de trouver les autres) ; les poèmes symphoniques de Tchaïkovski, les trois grands ballets français de Stravinski ; les quatuors de Beethoven (1,2,3,4,5,6,7,8,9,15 pour l’instant), Schubert (12,13,14,15), Mendelssohn (2,6), Schumann (3), Debussy...

Côté opéra, parmi les plus joués :
→ l'horrible Richard Wagner [notules] : le Vaisseau fantôme, les scènes aquatiques et célestes de Rheingold, les actes I et III de la Walkyrie, l'acte III de Parsifal… souvent dans des traductions françaises ;
→ Richard Strauss [notules] : tout le début d'Elektra jusqu'à la fin de la première scène de Chrysothemis, les débuts du I et du II du Rosenkavalier, tout Ariadne auf Naxos, le début de Die Frau ohne Schatten, et surtout tout Arabella, ;
→ Mozart : actes pairs des Noces, tout Don Giovanni, tout Così, toute la Clemenza ;
→ Verdi : Stiffelio, Un Ballo in Maschera (tableau du gibet), Don Carlos (actes impairs), Aida (actes III et IV), Otello (acte II)… ;
→ Debussy : tout Pelléas & Mélisande ;
→ Bizet : tout Carmen ;
→ Puccini : tout Tosca, acte I de La Bohème ;
→ Reyer : acte IV de Sigurd ;
→ Meyerbeer : actes I et V des Huguenots ;
→ Halévy : extraits de La Juive ;
→ Bellini : actes I et II, fin de l'opéra des Puritains ;
→ etc.
Le plus joué sans conteste, l'acte III de Die Walküre (comme d'habitude), suivi des I et III d'Arabella, puis l'acte IV des Noces, tout Tosca, Pelléas, l'acte II d'Otello, le final de Stiffelio. (Si l'on compte les extraits isolés, le duo de révélation du V de La Reine de Chypre d'Halévy arrive dans le trio de tête !  Réduction réalisée par… l'horrible Richard Wagner.)

Côté musique sacrée, beaucoup de lectures de la Missa Solemnis de Beethoven, du Psaume 42 et d'Elias de Mendelssohn, du Requiem de Verdi, du Deutsches Requiem de Brahms

Et sans doute bien d'autres choses que j'oublie.



b) Effets

Et il faut bien le dire, accéder à une partie de la richesse de ces musiques, la réaliser seul, en incarner les arcanes, a quelque chose de particulièrement grisant. Parmi les bonnes surprises, le Quatuor de Debussy se joue assez bien au piano, qui tombe assez bien sous les doigts, peu de sacrifices à opérer dans la musique, alors qu'il faut souvent opérer des choix déchirants dans les réductions de quatuor !  Quant au mouvement lent de l’opus 59 n°2 de Beethoven, voilà probablement l’une des pièces « pour piano » que j’ai le plus jouées... une partie de son caractère ineffable et de la succession ininterrompue d’idées fulgurantes se communique très bien à la version piano.

Évidemment, toutes les polyphonies ne sont pas réalisables (certaines ne sont même pas notées par les transcripteurs !) et les effets de timbre ou de texture peuvent ne pas trouver de correspondance au piano, mais ce reste tout de même un outil d’approche incroyablement intuitif et jubilatoire ! 

Les choix des transcripteurs sont en eux-mêmes éclairants, également : ainsi pour les symphonies de Beethoven, Otto Singer II, le grand transcripteur d’opéras de Wagner et Strauss, n’est-il pas le plus confortable pianistiquement ni le mieux sonnant quand aux équilibres des registres. Liszt, que je n’ai jamais beaucoup aimé ici, me paraît vraiment un attrape-pianiste – des octaves partout, mais cela imite assez mal les textures d’un orchestre à cordes et vents ; on le perçoit déjà à l’audition, et c’est encore plus vrai lorsqu’on le lit et le joue. (En outre, quoique très pianistique, je ne trouve pas ça confortable à jouer, on sent les grandes mains puissantes, on a l'impression de toujours courir après le brillant plutôt que de travailler le fondu et la couleur.) Une œuvre pour faire briller le pianiste plutôt que pour évoquer fidèlement le souvenir de l’original. Après pas mal d’essais, je me suis tourné vers Ernst Pauer, pianiste et compositeur deux générations plus tard (né en 1826), dont les propositions modestes et équilibrées, qui visent davantage à la fidélité qu’à l’effet, permettent réellement de faire réentendre le matériau d’origine, avec, évidemment, son lot de simplifications ou d’impossibilités pratiques. De même pour Tchaïkovski, où j’ai privilégié l’éditeur moscovite Jadassohn, lui-même transcripteur, sur d’autres noms plus prestigieux.



c) Déviance

Vous vous posez peut-être la même question que celle naguère émise par un camarade : il existe tellement de chefs-d’œuvre pour le piano (documentés ou non), pourquoi t’acharner sur des œuvres qui ne sont pas écrites pour l’instrument?

Et en effet, je joue beaucoup plus d’opéras, de symphonies, de musique de chambre (avec ou sans piano prévu !) que de musique pour piano. Phénomène encore spectaculairement accentué lorsqu’il s’agit de jouer des œuvres qui figurent dans le grand-répertoire.

C’est à la vérité une très bonne et légitime question, et il se trouve que je dispose de réponses – qui éclairent certes mon approche, mais aussi, je crois, une dimension musicale susceptible de tous nous concerner à divers degrés.

1) Beaucoup de pièces pour piano sont déjà disponibles au disque : ce sont les plus faciles à enregistrer et diffuser ; même si je ne les trouve pas de prime abord, il est fréquent qu’en réalité une piste isolée (et mal référencée) se dissimule dans une anthologie, sans parler bien évidemment des captations artisanales publiées sur YouTube. Le risque de travailler pour rien est donc assez élevé.

2) Les œuvres pour piano sont souvent écrites pour mettre en valeur les pianistes, nécessitent de la virtuosité, contiennent des traits purement pianistiques. Autant je peux arriver à donner le change en première lecture d’un opéra (quitte à opérer des choix d’urgence dans les voix et/ou l’accompagnement), autant sur une pièce écrite pour piano, si on escamote les cabrioles prévues, le résultat paraît tout de suite moche. Néanmoins, cette considération ne concerne en réalité surtout les captations / diffusions – rien ne m’empêche de les jouer pour moi-même.

3) La véritable raison, c’est que ladite virtuosité est souvent présentée comme une vertu (un grand pianiste, c’est un « virtuose »), alors que pour ma part, en tant qu’auditeur, à matériau égal, je trouve l’œuvre virtuose moins intéressante. Non seulement les fanfreluches n’apportent rien au discours, mais elles l’affadissent (pour moi), se reposant sur des formules vives et stéréotypées au lieu de laisser chanter la mélodie, l’harmonie, en somme le discours.
Or, très peu de compositions pour piano échappent à ce genre de réflexe. Je trouve donc plus satisfaisant de jouer d’autres genres musicaux transcrits, qui échappent à ces formules prédéfinies que je trouve à la fois inutilement difficiles à jouer et particulièrement pauvres en sens musical.

4) Mais la motivation ultime, celle à laquelle vous n’aviez peut-être pas pensé, celle qui fait que je reviens sans cesse, à mon piano, plutôt aux Quatuors de Beethoven et aux Symphonies de Tchaïkovski (pourtant vraiment virtuoses) qu’aux Études de Chopin et aux Rhapsodies de Liszt : la rêverie.
Lorsque vous jouez une pièce pour piano écrite pour le piano, tout est écrit sur la partition, il faut exécuter ce qui est prévu, il n’y a pas vraiment de place à la créativité. Tandis qu’avec une œuvre prévue pour un autre instrumentarium, il faut souvent opérer des choix (y compris sur la réduction piano déjà écrite, pas nécessairement exécutable en l’état), choisir les voix à faire sonner... Une sorte de co-transcription, en quelque sorte, assez stimulante intellectuellement. Cet aspect est encore plus évident concernant les opéras, évidemment : il faut chercher à intégrer les voix au maximum tout en jouant l’accompagnement piano, lire le texte et les didascalies pour comprendre ce qui s’y passe... mais quel cocktail d’émotions !

5) Corollaire : une grande partie du travail se situe du côté de l'imagination. Il faut se figurer les timbres des instruments absents, et essayer de rendre audibles leurs textures, leur étagement,  leurs contrastes – l'attaque fine d'un hautbois, la transparence pénétrante d'un cor, un glissando de corde ou un portamento de voix. on a réellement l’impression d’effectuer un travail d’interprète, de coloriste, de concepteur. On se représente les timbres que l’on veut suggérer, et ce sont des mondes qui s’ouvrent en plus de la simple exécution : ainsi, jouer une symphonie, c’est aussi être chef d’orchestre en plus d'être co-arrangeur.
Évidemment, je ne pense pas du tout avoir le niveau pour parvenir à communiquer cela (j’essaie), mais sur le plan intérieur, cette approche est d’une richesse sans commune mesure avec la simple tentive de jouer bien propre des bouts de gammes ou d’arpège conçus pour épater la galerie – et, accessoirement, pour écarter des scènes des pianistes médiocres comme moi.

6) Encore plus irrationnel, dans des pièces transcrites, je ressens le frisson d’être utile (même si ces lectures-plaisir n’ont pas du tout vocation à être jamais diffusées !) : je suis certain que personne n’a capté les transcriptions de Pauer, Jadassohn ou Singer, et d'une certaine façon, je documente un état de la partition qui n'est disponible nulle part. (Et ce, même si l'intérêt de publier des disques de transcription piano assez littérales par des pianistes compétents n'aurait peut-être pas un intérêt majeur – vous ne serez pas surpris que je pense en réalité que si.)



D) Point final

Vous connaissez à présent mon secret, celui que mon confesseur tremble de devoir un jour révéler sous les sévices, portant ainsi malgré lui le désarroi dans le monde, pour la seconde fois depuis l’Arbre de la connaissance du Bien et du Mal.

Vous pouvez désormais vous constituer tribunal et me mettre aux fers avec Dreyfus et Valjean.

Vous serez, estimé lecteur, le héros de l'épisode qui achèvera cette série : je dois vous poser une question dont dépendra – peut-être – le reste de ma vie.

lundi 20 janvier 2025

Un an et demi de déchiffrages d'inédits – VI – Musique de chambre, piano & clavecin solos, mélodies slaves – (G. & A. Krein, Bürgel, Posa, Samson-Himmelstjerna, Berezovsky, Bortniansky, Kalinnikov, Akimenko, Ornstein…)


theodore akimenko
Théodore Akimenko, le symboliste ukrainien qui exerça longuement en France.

Pour les implications techniques (pianistiques) de l'entreprise, voyez la première notule de la série.

Pour le point sur les dernières découvertes côté opéras en français, voyez la deuxième notule de la série.

Pour les opéras en allemand, voyez la troisième.

Pour les opéras en d'autres langues, le répertoire sacré, la musique symphonique, les mélodies françaises : épisode n°4.

Quant aux lieder et songs : épisode n°5.

J'ai aussi recueilli ces lectures dans un fichier que je mettrai à jour.



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(Choix parmi quelques œuvres disponibles des compositeurs dont les inédits sont présentés ci-dessous.)



10. Mélodies slaves

Du côté des mélodies slaves, je n'ai pas remis sur le métier les mélodies inédites de Roslavets (notamment les Verlaine, traduits en russe), vraiment élusives rythmiquement, et dont le sens prosodique et plus généralement expressif est difficile à suivre – clairement pas la part la plus généreuse de sa production. J'ai en revanche essayé celles d'Obouhov / Obuhow, toujours aussi énigmatiques (avec son propre système de notation, du reste).

En revanche, deux découvertes importantes.

La première, le recueil Lvov-Prač, dont j'ai déjà devisé à propos de la « Grande Matrice » commune des musiques ukrainienne et russe.

Extrait de la présentation :
Une large part de la musique russe se fonde sur des thèmes folkloriques russes : beaucoup des mélodies prenantes qu'on entend dans les œuvres emblématiques de Tchaïkovski, Moussorgski, Rimski-Korsakov, Arenski… sont en réalité des thèmes préexistants.

Ces mélodies sont en général tirées du premier recueil du genre, et le seul à ma connaissance avant un regain d'intérêt à la fin du XIXe siècle : Collection de Chansons populaires russes avec leurs mélodies, de Nikolay Lvov & Jan Prač (souvent sous la forme Ivan Prach), plus communément connue sous le nom de « Lvov-Prač Collection ». Lvov était l’ethnographe qui a collecté les chants (également architecte, et à ses heures perdues poète, historien, géologue, etc.), Prač le compositeur qui les a transcrits de façon nette, incluant même leurs accompagnements au piano.

Ce recueil est fondamental pour comprendre la constitution de la musique russe au XIXe siècle : énormément de thèmes utilisés par les principaux compositeurs que nous connaissons y sont empruntés. Et un certain nombre sont en réalité des thèmes ukrainiens !

J'en ai donc lu-joué-chanté une partie pour retrouver certains thèmes, vous trouverez quelques exemples particulièrement évidents dans la notule concernée. Prač ayant écrit un accompagnement, tout cela se lit très facilement ; c'est plutôt la langue qui ralentit la lecture, en fin de compte.
(Je m'aperçois à cette occasion que ladite notule arrive en premier des résultats Google pour « lvov prac collection », même sans être connecté et depuis un ordinateur tiers, je suis impressionné – je veux dire, impressionné à quel point ça n'intéresse manifestement personne depuis une IP francophone. Résultats suivants tous en anglais : un article universitaire sur JSTOR, un extrait de catalogue sur WorldCat, l'article anglophone de Wikipedia.)

Seconde découverte importante, les frères Krein, issus d'un père violoniste lituanien spécialiste de la musique klezmer. Les deux frères furent, d'ailleurs, membres de l'antenne moscovite de la Société de Musique Folklorique Juive, et ont réutilisé abondamment le folklore et les sujets juifs dans leurs œuvres – Rhapsodie hébraïque, poème symphonique Saul & David pour Grigori, et pour Alexandre Esquisses hébraïques, 3 Chansons du Ghetto, Caprice hébraïque, cantate Kaddish pour ténor, chœur mixte et orchestre, 2 Chansons hébraïques, Mélodie juive pour violoncelle & piano….

C'est Aleksandr, le plus jeune (né en 1883), ayant étudié la composition à Moscou avec Taneyev, et violoncelliste de formation, qui a laissé le plus vaste catalogue et s'est le mieux intégré musicalement, occupant même des fonctions dans les instances artistiques soviétiques. Les quelques mélodies (Chansons du Ghetto) que j'ai lues de lui sont très personnelles et écrites avec science.

Mais j'ai encore été encore plus frappé par Grigory (né en 1879), avec ses 3 Peintures vocales Op.8 (comme les Esquisses hébraïques de son frère, le titre est en français), tableaux sonores évocateurs, sinueux, à la fois exigeants et séduisants, écrits sur des glossolalies – « Berceuse funèbre », « Air », « Un matin dans la forêt de Pan  ». Ce cycle est précédé d'un autre, au titre identique, que je n'ai pas encore lu (avec les mélodies « Chant d'automne », « Sainte Cécile », « О милом » – assez polysémique, je ne sais pas quel sens prévaut ici).
Sa formation a été un peu différente, puisqu'il était violoniste comme leur père, et formé à la composition à Moscou par le Suisse Paul Juon et l'Ukrainien Reinhold Glière, mais aussi à Leipzig par Max Reger. Après avoir été professeur de violon et de théorie musicale à Moscou, il a vécu en divers point d'Europe avec son fils Julian, également compositeur : Vienne, Paris, Berlin, Tachkent, Saint-Pétersbourg et des retours à Moscou…

Clairement des corpus que j'entends explorer à l'avenir.



11. Chambre

Autant la fascination pour l'opéra est comprise (et il est souvent possible de se débrouiller pour chanter soi-même ou pour intégrer les lignes de chant dans la partition piano), autant il peut paraît étrange de déchiffrer seul au piano des œuvres écrites pour un dialogue à égalité entre plusieurs instruments – les partitions de piano en musique de chambre sont souvent les plus difficiles (parfois plus exigeantes même que des concertos !), et ne permettent pas d'intégrer les lignes mélodiques des autres instruments.
Pour autant je trouve l'exercice très stimulant, et fais l'hypothèse qu'en plus de la qualité musicale souvent supérieur qu'on y rencontre (par rapport aux pièces pour piano solo notamment, c'est frappant !) que la dimension onirique en est bien plus puissante, puisqu'il faut à tout moment imaginer des interactions, des équilibres, et qu'on ne produit jamais un résultat tout à fait complet et autonome.

C'est probablement l'un des ressorts qui me fait jouer autant de réductions d'œuvres symphoniques, d'arrangements de quatuors à cordes ou de piano prévu pour jouer en interaction chambriste, alors même que je n'ai aucune perspective d'exécution avec des partenaires.

(Je ne serais pas contre au demeurant, si jamais je croise des gens curieux de répertoire nouveau prêts à partager une expérience de lecture à vue de qualité moyenne… mais la plupart des chambristes que j'ai croisés sont professionnels ou peu s'en faut, ou pas intéressés par le répertoire occulté, ou trop épris de perfection pour l'aventure d'un déchiffrage simple.)

Constantin Bürgel (né en 1837), Sonate violon-piano. La chose est écrite dans un langage très avancé pour sa génération : très lyrique et expansif, du grand romantisme tardif - on peut faire le lien avec une génération Tchaïkovski, mais en Allemagne, le style de ses contemporains les plus célèbres reste dans des normes beaucoup plus massives en général. J'ai été très séduit (et amusé) par la façon dont il utilise des éléments archaïques (des rythmes pointés très présents et les tremblements, comme lorsque le dernier XIXe siècle veut faire du baroque) dans une grammaire tout à fait romantique. Très beau, avec quelques poussées grisantes qui évoquent davantage, çà et là, la génération Posa.
J'y reviendrai à propos de la musique pour piano, puisque la découverte de la sonate m'a incité à aller fouiller plus avant dans le peu qui se trouve aisément disponible en partition.

Oskar Posa (né en 1873), Sonate violon-piano. Une progression absolument folle, pas une mesure qui ne soit musicalement indispensable, le jeu des harmonies et la récurrence des motifs créent une forme de halètement permanent. Tout cela est à ajouter au beau lyrisme, pour un résultat totalement grisant, même en version piano seul sans intégrer les lignes de violon ! 
J'en ai déjà parlé dans l'épisode précédent à propos des lieder, mais aussi dans plusieurs notules, dont celle-ci.
(Un double disque comprenant une belle version de la Sonate sortira à l'automne.)

Toujours de Posa, des extraits du Quatuor à cordes, à partir de la partition d'origine à quatre voix. Je pressens là aussi de très belles idées, pas aussi tourmentées et urgentes que dans la Sonate, mais d'une grande beauté musicale - là aussi, rien n'est écrit à la légère ou pour le remplissage, même si le ton y est un peu plus traditionnel et purement consonant. 

Côté Ukraine, outre un regard jeté sur le Trio (déjà présent au disque, une très belle veine mélodique assez sobre et directe, dans un style qui reste globalement assez germanique) de Vladimir Dyck (né en 1882 à Odessa), j'ai pu découvrir son Kadisch pour violon et piano de 1932, dédié à son frère Jacques. Style qui évoque plutôt les années 1860 que 1930, mais le langage y est particulièrement maîtrisé et proportionné à son propos expressif.
Terrible destin que celui de ce compositeur ukrainien, arrivé en France à dix-sept ans, remportant le Prix de Rome 1911, professeur de piano de Mme Poincarré… arrêté en 1943 par la Gestapo et assassiné peu après son arrivée à Auschwitz.
Tant d'histoires en une seule vie, je suis étonné qu'il ne suscite pas davantage l'intérêt, ne serait-ce que pour conter son histoire. (Et la musique est bonne.)

Sinon, beaucoup lu de choses pas très fréquentes, mais qui existent déjà au disque, comme la musique de chambre de Taneïev (Quintette et Quatuor piano-cordes) et de Pejačević (Quintette, deux Sonates violon)…



12. Piano (ou clavecin) solo

Pour la les mêmes raisons proposées pour expliquer mon intérêt pour les réductions d'opéras ou de symphonies, voire la musique de chambre même en l'absence de partenaires, j'ai finalement assez peu déchiffré de musique pour piano solo, qui serait la plus naturelle à explorer en théorie. (Et encore moins joué de musique pour piano connue à la simple fin de me contenter, alors que je me suis gavé de réductions de symphonies et de quatuors superstars.)

J'ai donc poursuivi avec Constantin Bürgel (né en 1839), où j'ai retrouvé sensiblement les mêmes qualités : un geste mendelssohnien (le scherzo de la Sonate pour piano Op.5 !) mais aussi une sensibilité archaïsante qui affleure (ces accompagnements en notes alternées dans le premier mouvement). La Suite Op.6 est plus personnelle dans ses explorations, toujours de très belles idées. Pour finir (en réalité, j'ai commencé par là) un Schlummerlied, sorte de romance sans parole en forme de berceuse, très joli mais qui n'est pas très représentatif de la personnaltié de son auteur.

Chez Guido von Samson-Himmelstjerna (né en 1871), le langage n'est pas nécessairement plus avancé, au contraire. Très consonant – jusqu'à des basses d'Alberti dans le final, c'est perturbant ! –, pour autant j'aime beaucoup les éclats consonants de son premier mouvement – un peu dans le goût de ceux de la Symphonie n°2 de Hamerik, pour situer. (Autrement dit, une œuvre qui utilise plutôt le langage musique de la génération Mendelssohn, voire légèrement antérieur.)
Le mouvement lent à variations est le plus périlleux à jouer ; ça ne rend pas grand'chose en première lecture. Le reste utilise davantage des empreintes très familières.
(Dans l'intervalle, la Sonate a été captée et diffusée en vidéo sur la chaîne YouTube de Carnets sur sol.)

Autant j'ai admiré passionnément les opéras de Paul von Klenau (né en 1883) dans ma série de déchiffrages (les postromantiques comme les dodécaphoniques !), ou ses quatuors et symphonies au disque… autant au piano, que ce soit son ballet ou, ici, les 3 Stimmungen, j'ai perçu peu de saillances. Beaucoup moins d'invention ici, des œuvres qui pourraient être de n'importe qui ayant des connaissances en musique.

Pour quitter l'aire germanique, je cite Alexandre Tinyakov (né en 1886, j'imagine qu'on translittère plutôt Tiniakov en français, mais comme vous ne verrez guère son nom dans des ouvrages ou articles francophones…) et ses 2 Lieder ohne Worte, Op.1 (1900), charmants.



Mais en réalité, l'essentiel de mon énergie pianistique, en ce qui concerne le corpus expressément écrit pour l'instrument, s'est concentrée sur la série ukrainienne – qui avance peu, mais c'est précisément parce que je lis beaucoup de musique pour avoir une idée de ce dont je parle, et préparer les illustrations sonores !

J'ai déjà publié une Sonate de Maksym Berezovsky (né vers 1745), le premier des compositeurs ukrainiens (et des compositeurs russes, par la même occasion), transcription d'une sonate pour violon et piano, afin d'illustrer la notule-podcast sur la Triade d'Or. J'en avais parcouru quelques autres pour choisir laquelle enregistrer, toutes dans le même style classique, pourvues de réelles qualités d'évidence mélodique.

De même, dans le premier des épisodes consacrés à Anton Rubinstein (né en 1829), après avoir feuilleté pas mal d'œuvres et joué en survol les 6 Préludes & Fugues Op.53, j'en avais choisi le Prélude en sol (que vous pouvez donc entendre ici). Comme c'est en général la norme pour les préludes d'esthétique romantique, il se fonde sur une structure rythmique assez régulière, où accords pour grandes mains répondent à des octaves en intervalles de secondes mineures dans le grave du clavier. Le principe en est très perceptible à l'écoute seule, et les suites d'accords très complets (beaucoup de doigts sollicités), souvent des renversements du même accord, sont typiquement de l'écriture de Rubinstein… même lorsqu'il écrit pour orchestre !  (Ce qui, comme je l'évoquais dans l'épisode précédent, entre en amusante contradictions avec les conseils prodigués à ses élèves.)
La pièce a déjà été gravée par Martin Cousin (et il en existe aussi une version MIDI sur les sites de flux…) pour Naxos, et publiée dans les jours même où je l'enregistrais, à l'été 2023… si bien que malgré mon suivi régulier des nouveautés, je n'avais pas encore vu que mon inédit ne l'était plus guère. Je vous invite bien évidemment à découvrir le cycle entier, avec ses fugues, dans une interprétation techniquement incomparable à la mienne.
Le contraste est cependant intéressant entre les deux approches : à la lecture, je perçois une ambiance assez furieuse – un peu dans l'esprit du Prélude Op.28 n°22 de Chopin –, avec des graves martelés et en regard des accords altiers ou vindicatifs, tandis que Martin Cousin joue la chose avec beaucoup plus de souplesse et de modération, rien de tempêtueux chez lui, et des accords qui répondent plus doucement aux basses (ce n'est pas marqué sur la partition). Deux interprétations (au sens linguistique !) possibles de ce texte, donc.

J'ai ensuite poursuivi dans mon ordre chronologique, même si je ne suis pas certain de vouloir faire éterniser la série dans les parties les moins singulières du patrimoine sonore ukrainien – peut-être faudra-t-il accepter d'en passer par des thématiques qui oscilleront d'une période à l'autre, en classant plutôt par degré d'intérêt.

De Mikhailo Kalachevsky (ou Kolachevsky ; Kalatchevsky en translittération française), né (en 1851) et mort dans la même région du centre de l'Ukraine (dans la courbe du Dniepr), je n'ai mis la main que sur un Nocturne, de facture très traditionnelle : basse + accord à la main gauche, des enchaînements typiques du romantisme, quelques recherches de contrechant simples (une descente chromatique en triolets, par exemple), et beaucoup de réponses en imitation d'un petit motif de quintolets – en cela, nocturne dans la veine chopinienne, avec des rythmes en forme d'ornements de durée variée.
Très joli et agréable. (Le compositeur est surtout célèbre pour sa symphonie sous-titrée « ukrainienne ».)

Sergei Yuferov (ou Sergueï Youferov, ou Serge Youferoff…), né à Odessa en 1865, a en revanche une éducation musicale russe, aux conservatoires de Saint-Pétersbourg (sous la conduite de Glazounov, notamment) et Moscou. Comme Dyck, il est l'auteur d'un très beau trio piano-cordes qui se trouve au disque, ainsi que de plusieurs opéras (Myrrha, Yolande, Antoine & Cléopâtre) qui ne sont pas enregistrés.
Dans l'Élégie que j'ai déchiffrée de lui (depuis publiée en vidéo ici), tirée de ses Arabesques Op.1, je suis frappé, malgré le moment précoce de sa carrière, par la grande intelligence musicale de la construction : il s'agit d'un nocturne assez traditionnel (un chant accompagné, avec une partie plus vive au milieu), mais où le chant s'épanouit sur des silences (la basse s'interrompt) et se développe sur le même patron rythmique un peu hésitant (un triolet dont la deuxième note est allongée) ; sa mutation rapide centrale, progressive et  généreuse, ainsi que sa progression harmonique, se caractèrisent non par l'ostentation, mais pas la juste mesure et la connaissance précise de ce qui fait la différence entre une pièce fade et une miniature pleine d'esprit.

Par pure appropriation culturelle (les Russes annexent les frigos, je peux bien leur subtiliser un compositeur obscur si je veux), et pour permettre l'inclusion de compositeurs marquants, j'ai décidé que Vasily Kalinnikov (ou Vassili ou Basile, né en 1866 à Voïna) pouvait être considéré comme compositeur ukrainien – cela n'a pas grand sens eu égard à sa formation en Russie, mais comme il est mort à Yalta, sur un territoire qui est depuis devenu ukrainien, tout dépend de la délimitation (nécessairement arbitraire) que l'on met à « compositeur ukrainien ». Ethniquement ukrainien, incluant des territoires perdus ?  Ou à l'inverse correspondant au sol ukrainien, incluant l'histoire de territoires qui ne l'étaient pas à l'origine – de même qu'on considère le patrimoine de Nizza comme du patrimoine français. C'est une question de principe, un choix à faire en amont – et, comme je l'ai expliqué dans les notules concernées, je pars du principe que les appartenances simultanées sont possibles, et choisis donc l'extension maximale. Ainsi, tout compositeur ayant des origines ethniques ukrainiennes ou ayant résidé sur un fragment de terre ayant appartenu à un moment ou l'autre à l'Ukraine peut entrer dans cette série – je m'efforce ensuite à chaque fois de bien préciser la nature de cette appartenance. Cela permet d'élargir au maximum le corpus de belles choses que l'on peut embrasser – et, je l'avoue, ça m'amuse de pouvoir moi aussi annexer des trucs.
En ce qui concerne Rubinstein et Kalinnikov, on se situe clairement à la limite de l'exercice, rien dans leur musique n'est marqué, à ma connaissance par une influence du terroir ukrainien.
Je crois que j'ai oublié de parler de sa grande cantate 1812 que j'ai un peu parcourue, débauche de moyens musicaux, très généreusement écrit… et dans l'Ouverture, réduite pour quatre mains, j'ai d'abord cru à une œuvre pour deux mains, tant la densité en idées est forte. On y retrouve l'élan mélodique irrésistible de sa Première Symphonie, mais avec un degré de sophistication rythmique et formel plus grand.
Pour le piano proprement dit, j'ai pu trouver un petit nombre de pièces, où, comme chez Youferov (et peut-être encore davantage) j'ai admiré la qualité de la finition musicale : rien n'est jeté au hasard, tous les équilibres sont travaillés.
¶ Le Nocturno (sic) en fa mineur est un petit bijou, bâti sur des rythmes complexes avec liaisons, silences, syncopes, pas mal d'irrégularités sur ce qui débute comme une romance sans paroles avant de développer des lignes polyphoniques et des harmonies de plus en plus subtiles – même si l'ensemble reste romantiquement consonant. On pourrait dire qu'on se trouve à équidistance presque parfaite entre les Nocturnes de Chopin et ceux de Mossolov.
¶ Sa Valse en la, plus simple, contient tout de même les petites tensions harmoniques et les notes de goût ajoutées (appoggiatures) qui procurent un caractère inhabituellement dynamique et ample (beaucoup d'accords de quatre notes à la main droite pour jouer la mélodique), pour un format destiné au salon !
¶ Lui aussi a commis une Élégie, en si bémol mineur, sur un balancement simple mais parcouru de petites fusées en chevron, comme un trait de flûte pastorale – Debussy en use quelquefois. Là aussi, appoggiatures rythmiques, enflements dramatiques et même évolutions harmoniques fortes ponctuent, avant de retrouver la dimension chopinobelcantiste de l'exercice dans l'accroissement des fusées (avec beaucoup plus de notes à placer dans le même tempo) à la réitération du thème principal. Délicat, simple et direct à l'écoute, mais à nouveau écrit au cordeau, beaucoup de beautés musicales à se mettre sous la dent.
¶ Une Pièce isolée dans la tonalité rare de sol bémol majeur, fondée sur la superposition du thèmes (sur le temps) et d'accompagnements syncopés, développe les mêmes qualités : petites subtilités rythmiques, évolutions harmoniques, évidence mélodique… Simple en apparence, et beau en tout cas.
¶ La seule pièce réellement simple, plus proche du charme folklorisant de la Première Symphonie, était cet Intermezzo russe, moins aventureux mais d'une force mélodique, d'un caractère et d'une force souterraine pour ainsi dire tribaux. Carton plein dans le corpus de Kalinnikov, j'ai envie de tout entendre à présent.

Andrey Shcherbachov (Chtcherbatchov), dont le nom patronyme se confond avec Vladimir, l'auteur de l'exceptionnel nonette avec harpe et danseuse-mime (dans le goût du futurisme pré-soviétique, quoique publié en 1930).
Vraiment rien à voir, celui-ci est né en 1869 et écrit dans un style tout à fait romantique, bien écrit pour le piano et non dépourvu d'idées, mais tout à fait consonant. Je n'ai lu que le « Crépuscule » des Pièces de l'opus 4 ; pour les 6 Miniatures Op.5, le geste pianistique m'a paru plus osé – des frottements de seconde ajoutés à des octaves qui s'enchaînent, pour les accords de septième, une configuration inhabituelle car elle contraint le pouce et l'index à être très rapprochés alors que la main est par ailleurs en extension.
Pour autant, le discours musicale lui-même, quoique tout à fait harmonieux et bien mené, ne présente pas de saillances majeures. Je n'y ai clairement pas pris le même plaisir que pour Youferov et Kalinnikov (ou même Rubinstein), sans parler des profils plus fantaisistes qui vont suivre !

Je n'ai pas pu trouver aisément de partition disponible de Lopatynsky (né en 1871) en ligne, et pour ce qui est de Mossolov (né en 1900), je crois que ce qui a été publié, du moins, est disponible au disque – même si, dans le cadre de la série, je ferai sûrement l'effort, puisque c'est le jeu, d'en enregistrer moi-même un bout. Nous restent donc, dans la suite, deux oiseaux rares, très singuliers.

Théodore Akimenko d'abord (né en 1876).
(Prénom russophone Fiodor francisé, le plus couramment diffusé dans les notices en français et en anglais.) Compositeur itinérant, né à Kharkiv (alors Kharkov), étudiant et exerçant à la Chapelle Impériale de Saint-Pétersbourg (élève de Rimski-Korsakov et Balakirev), directeur de conservatoire en Géorgie, puis professeur (de Stravinski !) au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, chef de chœur à l'église russe de Nice, repassant par Kharkov et Saint-Pétersbourg, fuyant la Révolution russe en France puis à Prague, avant de finir sa vie à Paris.
Je ne connaissais de lui que ses œuvres pour violon avec accompagnement de piano, publiées par Toccata Classics (dont il faut saluer le formidable travail, documentant inlassablement des corpus totalement perdus de vue) – des œuvres postromantiques assez traditionnelles, où rien ne m'a pas particulièrement accroché l'oreille au cours de mes deux écoutes, certes un peu distraites. J'ai aussi survolé en lecture ses Poèmes ukrainiens Op.91 (voix-piano), d'un romantisme tout à fait habituel, quoique ménageant de belles modulations et des contrastes très réussis.
Au piano solo en revanche !  Beaucoup de cycles sont disponibles, et je les ai enchaînés devant leur intérêt et, plus encore, leur disparité de ton.
¶ En quatre mains, les Six Pièces ukrainiennes Op.71 explorent des matières folkloriques avec une recherche polyphonique (n°3) ou harmonique (n°4) assez marquante.
¶ J'ai été absolument fasciné par plusieurs cycles où, sans avoir du tout lu sa biographie, je sentais l'influence de couleurs françaises (peut-être davantage du côté de Dupont ou Mariotte que de Debussy) : les Préludes caractéristiques Op.49 reprennent une structure assez chopinienne (avec des allures de nocturne, ou de pièces fulgurantes à la main gauche tempêtueuse), mais enrichis par une exploration harmonique qui semble guider toute l'inspiration et rechercher avant tout la couleur et l'évocation, bien au delà du caractère univoquement pianistique qui prévaut en général, pour un Prélude. Les influences qui affleurent naviguent entre le postromantisme franc, les sophistications scriabiniennes ou même le goût pour les mélodiques chromatiques et les enchaînements imprévus propres aux futuristes – un futurisme largement pondéré par toutes les autres influences. J'en ai publié des extraits en vidéo ici.
¶ Pour les Récits d'une âme rêveuse Op.39, c'est encore plus évident, beaucoup d'ambiances de préludes debussystes (n°1) ou de danses françaises (n°2, proche du schrerzo de la Symphonie n°3 de Magnard, de danses de d'Indy, etc.), avec toujours une identité propre, des enchaînements harmoniques inattendus, des couleurs évocatrices. « Au bord du lac » a été publié par mes soins en vidéo ici.
¶ Le plus étrange de tous étant Uranie, La muse du ciel Op.25, un cycle dans une couleur beaucoup plus néoclassique, des effets de nudité et de répétition, mais pas du tout simplifiée harmoniquement, quelque chose de très étrange, un peu comme les œuvres les plus personnelles de Poulenc et de Riisager, mâtinées de symbolisme, voire de futurisme ou de minimalisme. Je ne sais pas si j'aime vraiment, mais c'est fascinant. (captée en vidéo, je dois désormais réaliser le montage des commentaires)
¶ Les Deux Esquisses fantastiques (en français dans le texte à chaque fois), qui promettent aussi de très belles ambiances et des pièces de nature très variée.
¶ Il me reste à lire le cycle Rêve mystérieux. Le reste n'est pas aisément trouvable, ou peu propice à l'exécution en solo.

Je voulais terminer en mentionnant Leo Ornstein (né en 1893), bien documenté par le disque, mais pas complètement, croyais-je. Natif de Krementchouk (oblast de Poltava, au centre-Est de l'Ukraine, une région d'où proviennent beaucoup de nos héros dans cette série), il est dès neuf ans élève à Saint-Pétersbourg (ce qui, à nouveau, en fait aussi un artiste culturellement formé par le centre du pouvoir en Russie) : alors qu'il donnait un récital dans sa ville natale, le pianiste superstar Josef Hofmann le remarque et lui offre une lettre de recommandation, clef pour les études dans la capitale de l'Empire. Cependant l'essentiel de sa vie se déroule aux États-Unis et une bonne partie de sa formation a lieu a la future Juilliard School : il n'a que douze ans lorsque sa famille fuit les pogroms et s'installe à l'autre bout du monde.
    Bien qu'éloigné de l'Ukraine et de la Russie, Ornstein creuse un sillon très parent du futurisme, avec une audace qui stupéfie ; des pièces chargées d’enchaînements plus expressifs que fonctionnels (au sens de la syntaxe musicale), ou suspendant la tonalité, mais toujours avec une verve, en particulier rythmique, immédiatement saisissante.
    Je me suis fait plaisir en jouant (partiellement, c'est vraiment exigeant digitalement, et on a peu de repères en lecture tant qu'on n'est pas immergé dans son style très idosyncrasique) les Sonates 4 et 7, la Tarentelle diabolique, Suicide in an Airplane, et même les Impressions de Notre-Dame, que je croyais inédites mais qui se trouvent en cherchant – et bien mieux jouées que je ne pourrais le faire, ces pièces sont vraiment exigeantes techniquement. Je crois qu’on n’a pas capté tout ce qui a été publié, sans même parler de probables inédits dans ses archives ou de pièces jamais rééditées, mais dans ce qui est accessible sans courir les bibliothèques, je n’ai finalement rien trouvé. Je le mentionne car j’ai cru, dans mon cycle de raretés ukrainiennes, en enregistrer certaines pour la première fois – mais il n’en était rien.
    Figure d’une puissanye singularité que je vous recommande vivement, dans le top des compositeurs du vaste legs ukrainien.




Le prochain volet devrait clôturer cette série qui se sera en réalité étendue sur un an, pour « deux ans et demi de déchiffrages », même si je n'ai pas mentionné au fil des publications les nouvelles partitions explorées dans les genres déjà traités !

Il comprendra des questions à votre attention, estimés lecteurs. La Nation, le Continent et l'Univers comptent sur votre indispensable contribution.

dimanche 19 janvier 2025

HAENDEL, Rinaldo : la révision de 1731


Quelques mots sur l'état de la partition de 1731 (jamais enregistrée, ce me semble) et aussi sur les enjeux musicologiques, esthétiques et glottologiques de l'interprétation d'Il Groviglio. C'est par ici.

Et davantage de nouveautés et de commentaires discographique sur cette annexe à laquelle il est possible de s'abonner.



Anton BRUCKNER – la wagnermania jusque dans les motets


Des parentés attendues et inattendues entre l'univers des motets mendelssohniens de Bruckner et… l'horrible Richard Wagner. Avec des extraits calés pour pouvoir bien tout entendre. C'est par ici.

Et davantage de nouveautés et de commentaires discographique sur cette annexe à laquelle il est possible de s'abonner.



mardi 14 janvier 2025

Anton BRUCKNER : la Wagnermania, jusque dans les motets


En réécoutant les (divins) motets de Bruckner – pour ceux qui n'ont pas encore essayé, dans un style très épuré et mendelssohnien, très loin du grandiose (du tapage ?) de ses symphonies –, je suis frappé coup sur coup par deux parentés wagnériennes. L'une très explicable, l'autre qui constitue peut-être une coïncidence, ou plutôt une imprégnation.

Je vous ai calé les vidéos pour que vous puissiez entendre le bon extrait.

Tout figure dans cette annexe de CSS.

samedi 11 janvier 2025

[inédit] Théodore AKIMENKO – symbolisme, scriabinisme ou futurisme ? – 3 Préludes caractéristiques Op.49


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Une nouvelle vidéo consacrée à la musique ukrainienne. Déchiffrage de trois pièces inédites, tirées des 11 Préludes caractéristiques de l'Opus 49.

Inclut commentaires et extraits de partitions. Je vous reproduis le texte ci-dessous, pour qu'il soit plus facilement accessible si vous préférez l'écoute pure (ou distraite).



Théodore (Fiodor) AKIMENKO (1876-1945)
Compositeur symboliste ukrainien.

Compositeur itinérant, né à Kharkiv (alors Kharkov), étudiant et exerçant à la Chapelle Impériale de Saint-Pétersbourg (élève de Rimski-Korsakov et Balakirev), directeur de conservatoire en Géorgie, puis professeur (de Stravinski !) au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, chef de chœur à l'église russe de Nice, repassant par Kharkov et Saint-Pétersbourg, fuyant la Révolution russe en France puis à Prague, avant de finir sa vie à Paris.

Au catalogue, des œuvres symbolistes (Souvenirs d'une âme rêveuse), parfois mêlées de néoclassicisme (Uranie), purement romantiques  (Poèmes ukrainiens, œuvres violon-piano…), parfois folklorisantes, ou encore, comme ici, davantage marquées par le postromantisme décadent – et peut-être les courants scriabiniens.

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Prélude caractéristique n°8

Une basse de nocturne chopinien, une mélodie très chromatique (descendante), qui m'évoque le thème de l'Adagio atonal de la Sonate de Barber, des frottements de seconde qui ne sont pas tout à fait des accords… à la fois romantique et très dégingandé.

Étrange cadence soudain très consonante.

Pour finir, un riche accord de cinq sons (on hésite entre cadence plagale très enrichie et une appoggiature de cadence parfaite, dans les deux cas c'est d'une jolie sophistication) qui débouche sur un accord parfait, mais présenté de façon peu mélodique, avec la quinte à la partie supérieure.

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Prélude caractéristique n°6

Lui aussi fondé sur une mélodie chromatique, mais tout en accords, une sorte de prélude Op.3 n°2 de Rachmaninoff, version décadente, avec une conception harmonique plus proche des futuristes.

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Prélude caractéristique n°3

Je l'inclus à titre de documentation, puisqu'il n'existe aucun enregistrement
de ce cycle, mais pour ce prélude-ci, on entend très fort toutes les hésitations du déchiffrage : après 2h30 de lectures d'inédits, j'étais manifestement rincé…
Navré, ce n'est pas agréable à écouter.

Je le joue ici avec le balancement d'une berceuse, mais c'est écrit en spécifiant l'indépendance de la mélodie, davantage à la façon d'un nocturne.

(Oui, cette vidéo contient à la fois la présentation des œuvres, leur exécution filmée, et la critique de l'interprétation.)
CARNETSOL GESAMTKUNSTWERK

J'aime beaucoup les deux moments en accords, aux harmonies étonnantes. Leur étrangeté est pour beaucoup dans le charme de la pièce.

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Pour les autres vidéos d'inédits ukrainiens, voir par ici (playlist YouTube).

Et davantage de musique ukrainienne, célèbre ou inédite, en notule ou podcast, dans ce chapitre : http://carnetsol.fr/css/index.php?La-musique-en-ukraine .

dimanche 5 janvier 2025

[bilan] Les meilleures nouveautés de 2024


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2024 s'achève, et tout occupé à mes méditations autour des concerts, à mes enregistrements d'inédits et à diverses notules futiles ou profondes, j'ai manqué de temps pour conseiller des disques, que ce soient mes compagnons réguliers, mes belles découvertes, ou les nouveautés.

Comme j'ai tout de même pris la peine de sélection 514 albums parus en 2024 et d'en écouter 276, je peux au moins vous proposer, classés par genre (puis par ordre chronologique approximatif), les quelques-uns qui me paraissent particulièrement remarquables.

Voici les playlists qui correspondent : ma sélection des 514 nouveautés les plus attirantes, les 276 que j'ai écoutées, et les coups de cœur qui apparaissent ci-après.

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Musiques vocales

1. Opéra

¶ LULLY, Armide – Le Poème Harmonique
¶ Jacquet de la Guerre, Céphale & Procris – A Nocte Temporis
¶ Destouches, Télémaque & Calypso – Les Ombres
¶ Duval, Les Génies – Il Caravaggio 
¶ Blamont, Les Feſtes Grecques & Romaines – Les Ambassadeurs
¶ Mondonville, Le Carnaval du Parnasse – La Chapelle Harmonique
¶ Gluck, Iphigénie en Aulide – Le Concert de la Loge Olympique

Côté tragédie en musique (LULLY, Jacquet de La Guerre, Destouches, plus tard Gluck) et opéra ballet à entrées (Duval, Blamont, Mondonville), c'était faste !

On gagne quelques versions de haute volée pour Armide, Céphale & Procris (l'une des meilleures tragédies pessimistes de la génération post-LULLYste, dont il n'existait qu'une version, en mauvais français et difficile à trouver) et Iphigénie en Aulide, et surtout on documente pour la première fois deux opéras ballets musicalement très intéressants – en particulier Les Feſtes Grecques & Romaines qui pétarade très généreusement dans ses ensembles triomphaux.

Et surtout, découverte de bijoux : Télémaque qui s'enflamme de plus en plus, finissant par atteindre le meilleur de l'école post-LULLYste, tout en urgence déclamatoire ; Les Génies, un ballet où l'absence d'intrigue permet à la compositrice, l'énigmatique Mlle Duval, de déployer une vaste fantaisie d'effets très prenants – dans l'esprit du Destin du Nouveau Siècle de Campra, mais avec un aspect un peu plus tardif / galant / Louis XIV.

¶ Bellini, I puritani – Oropesa, Brownlee, Frizza – chez EuroArts 
¶ Borgstrøm, Der Fischer – Opéra d'Oslo, Terje Boye Hansen
Erlanger, La Sorcière – Tourniaire
¶ Messager, Coups de Roulis – Les Frivolités Parisiennes
¶ Yvain, Yes ! – Les Frivolités Parisiennes
¶ Samaras, Tigra – Sofia Amadeus Orchestra, Fidetzis

Deux opérettes (Messager, Yvain) qui ont circulé en tournée avec les Frivos, pleines d'invention… la musique s'en soutient remarquablement au disque, il faut juste tolérer les résumés mal faits et mal dits, qui partent d'une bonne intention mais rejettent loin de l'action… des dialogues raccourcis auraient été beaucoup plus agréables.
aire sorciaire

Des opéras romantiques inattendus : une nouvelle version des Puritains chantée par la crème des belcantistes, et s'incarne très bien ; l'autre opéra du critique Borgstrøm (dont je tiens Thora på Rimol pour l'un des plus beaux opéras de tous les temps), cette fois en allemand, très dramatique et réussi, quoique nettement moins saisissant et coloré que Thora (Der Fischer imite beaucoup les invariants de l'opéra du XIXe siècle) ; une sorte d'opéra verdien grec du XXe siècle (Samaras) ; et surtout le premier opéra d'Erlanger officiellement publié, très bien chanté (Borras !), mâtiné d'influences tristaniennes, d'une grande richesse musicale et orchestrale, bâti sur des caractères forts, bien balancé dramatiquement, le grand choc d'opéra post-1800 de l'année. (J'ai dans mes projets de déchiffrer et mettre à disposition d'autres Erlanger, mais ce ne sera jamais pareil que Tourniaire avec un excellent orchestre et plein de grands chanteurs.)


2. Musiques de scène

¶ Mendelssohn, Athalie – Spering (réédition numérique)

J'ai inclus dans ma sélection (souvent, je m'en suis rendu compte a posteriori) certaines rééditions (ou premières éditions en numérique) de disques qui étaient parfois difficilement disponibles ou peu visibles auparavant. J'ai fait des choix, parfois arbitraires, pour ne pas saturer ma liste de nouveautés de non-nouveautés – mais clairement, l'entrée de Château de Versailles Spectacles et d'Hyperion au catalogue des plateformes de flux, ce fut pour moi comme un déversoir soudain de nouveautés !

En l'occurrence, la meilleure musique de scène de Mendelssohn après le Songe, que j'aime beaucoup et qui se pare ici d'urgence et de couleurs que je n'avais pas soupçonnées jusqu'ici.


3. Oratorio

¶ Ziani, La morte vinta sul Calvario – Dagmar Šašková, Les Traversées Baroques
¶ Franck, Les Béatitudes – Madaras

Un assez inventif oratorio du XVIIe siècle (toujours beaucoup plus variés que ceux de l'époque de l'opera seriatriomphant), à la forme assez souple (mais où l'on sent l'arrivée de plus en plus forte des numéros clos), et une révélation pour une œuvre de Franck qui m'avait paru platement sulpicienne, et qui se révèle ici contrastée, débordant d'ambition et de tension totalement insoupçonnées !


4. Musique sacrée

¶ YULE – Trio Mediæval
¶ LULLY, Te Deum – Les Épopées
¶ Desmarest, Te Deum de Lyon – Les Surprises

¶ Haendel, Dixit Dominus – Les Argonautes
¶ Zelenka, Missa Gratias agimus tibi – Barockorchester Stuttgart, Bernius
¶ Mozart, Requiem – Pygmalion
¶ Beethoven, Missa Solemnis – Le Concert des Nations
¶ Fauré, Requiem & Gounod, Messe de Clovis – Le Concert Spirituel
¶ Lloyd, A Symphonic Mass – Bournemouth SO & le compositeur
¶ Briggs, Hail Gladdening Light – Trinity College Cambridge, Layton

Une version totalement repensée du Te Deum de LULLY, une lecture cinglante du Dixit Dominus de Händel, le plus beau et personnel Requiem de Mozart entendu depuis… (Currentzis ? mais Pichon me paraît à la fois plus consensuel et plus abouti), de même pour un Requiem de Fauré particulièrement déclamé et animé. J'y ai adjoint la Messe Symphonique de Lloyd, grand format aux belles idées musicales.
Par ailleurs le grand organiste David Briggs (auteur notamment d'une transcription tétanisante de la Cinquième Symphonie de Mahler) propose des œuvres pour chœur radieuses, à la fois riches harmoniquement et tournées vers des atmosphères qui évoquent davantage l'espérance.

Dernière pépite arrivée, des hymnes en bokmål, suédois, anglais et latin par le Trio Mediæval, des épures d'une grande beauté, avec quelques mélodies très entraînantes( Det hev ei rosa sprunge !).

5. Musique chorale profane

¶ Mendelssohn, Chœurs masculins profanes – SWR Vocalensemble Stuttgart, Bernius

Mendelssohn excelle dans l'écriture chorale, mais ses œuvres profanes pour chœur d'hommes sont très peu données, et à peine plus enregistrées. Le meilleur spécialiste du compositeur (qui a tout enregistré de sa musique sacrée, et à très degré d'inspiration) propose ici l'une des plus vastes anthologies disponibles, suprêmement articulée de surcroît.


6. Récitals d'opéra avec orchestre

Nahuel Di Pierro – Fra l'ombre e gl'orrori
Christopher Purves – Handel: Finest Arias for Base Voice vol.1 (2012, réédition numérique)
¶ Michael Spyres – In the Shadows
¶ Pene Pati – Nessun Dorma
¶ Roberto Alagna – 60

Deux disques baroques pour basse, trois disques romantiques pour ténor. Le marché est ainsi fait.

Clairement pas la gamme de disques la plus exaltante… et pourtant on y rencontre quelques pépites : le disque de Nahuel Di Pierro mêlant recitar cantando et opera seria met une diction affûtée au service d'extraits judicieusement choisis. Le disque de Christopher Purves, pas du tout une nouveauté mais paru en dématérialisé cette année, quoique exclusivement consacré à du seria haendelien, a tourné en boucle pendant deux mois pour accompagner mes moments de délassement…

Un Méhul tubesque, un Meyerbeer italien, un Marschner méconnu, le jeune Wagner… une très originale sélection par le versatile et électrique Michael Spyres, accompagné par les Talens Lyriques. Beaucoup de standards au contraire pour le second album solo de Pene Pati, mais lorsqu'on l'a entendu en salle, l'aisance surnaturelle de la voix et la générosité de l'acteur se perçoivent – de près en studio, on entend aussi le détail de charpente, moins joli que de loin (et l'on peut aussi comparer avec les chanteurs morts, ce qui diminue le caractère exceptionnel du disque). Enfin l'album des soixante ans de Roberto Alagna, le ténor-sapin (moins à cause de Noël que de sa morphologie), dont la diction impeccable et la belle patine sont un délice à écouter dans ce florilège improbable : chansons américaines, italiennes et espagnoles, airs de Gounod, Verdi, Wagner, Sadko de Rimski-Korsakov en français mais Onéguine en russe et Halka de Moniuszko en polonais… Il faut aimer le style un peu sanglotant, mais la générosité emporte mon adhésion, et c'est pour le coup un ensemble… original.


7. Lieder avec orchestre

¶ Samuel Hasselhorn, « Urlicht » – Philharmonique de Poznań, Łukasz Borowicz
Strohl, mélodies orchestrales – Marie Perbost, Lucile Richardot, ONDIF, Case Scaglione
¶ Schoeck, Nachhall – Stephan Genz, Symphonique de Berne, Graziella Contratto

Émerveillé en découvrant le naturel de Samuel Hasselhorn dans le lied et la mélodie lors de ses deux ans au CNSM de Paris, avant de remporter le Concours Reine Élisabeth, cette clarté si singulière qui se répand au gré de couleurs changeantes, ce sens du texte, je suis aussi conscient depuis toujours des limites de cette voix, fragile techniquement. Ce qui la rend très touchante est aussi ce qui la perd dès qu'il s'éloigne de son répertoire prédilection : en anglais, le timbre devient soudain tout gris ; et avec orchestre, l'orchestre concurrence impitoyablement cette voix très peu métallique. Je suis donc ravi qu'il ait réussi à se faire connaître dans le seul créneau où il pouvait réellement faire carrière. Les derniers disques montrent qu'il a épaissé et charpenté son timbre, ce qui doit grandement lui faciliter la vie mais lui a fait perdre, dans sa Meunière par exemple, pas mal de charme et de singularité. Ce disque le présente quelque part entre ces deux mondes, robuste mais sensible, pour un répertoire de décadents : Humperdinck, Mahler, Zemlinsky, Braunfels, Pfitzner, Korngold, Berg !

Encore plus incroyable, une nouvelle version très aboutie avec, là aussi, un orchestre de niveau exceptionnel et précisément spécialiste de Schoeck (Mario Venzago lui a fait jouer en enregistrer trois de ses opéras et des lieder orchestraux, notamment). Stephan Genz semble inaltérable, toujours aussi splendidement chanté et dit après une carrière déjà vaste.

La grande découverte, ce sont les mélodies orchestrales (sur Rodenbach, Louÿs, Baudelaire) de Rita Strohl, d'un romantisme généreux mais très personnellement orchestré – on dirait qu'elle a entendu pas mal de Sibelius, des effets de nappes très différents mais très marquants. Avec Lucile Richardot et l'ONDIF, c'est de la dynamite.


8. Mélodies & lieder

Wonder Women – Capezzuto, L'Arpeggiata, Pluhar
Doux silence  – Roset, Richardot, Les Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch
Contes mystiques – de Hys, Beynet
¶ Mélodies sur des poèmes de Ronsard – Mauillon, Le Bozec
¶ Cycles de Louis Beydts – C. Dubois, Raës

Énorme coup de cœur pour le parti pris très bienvenu, chez Pluhar de faire chanter un spécialiste de la chanson italienne, Vincenzo Capezzuto (dont la voix semble à s'y méprendre féminine, j'ai vraiment dû opérer des vérifications tant je n'y croyais pas), pour interpréter en particulier la bouleversante Canzone di Cecilia, œuvre anonyme des Pouilles du XVIIIe siècle, exhumée par Leonard García Alarcón, qui l'a fait chanter à nombre de ses interprètes (à commencer par la magnétique Francesca Aspromonte – et ici plus officiel avec traduction). Chaque inflexion est particulièrement juste pour raconter cette histoire terrible. Par ailleurs album chatoyant à la manière de l'Arpeggiata, largement consacré aux compositions féminines du XVIIe siècle italien (Barbara Strozzi, Francesca Caccini, Isabella Leonarda, Antonia Bembo).

Les pistes chantées de Doux silence, des airs de cours français, sont très réussies, avec des choix d'alliages et de coloris très spécifiques aux Musiciens de Saint-Julien. Malgré son ton très homogène (uniquement des prières) de Contes mystiques, la variété des compositeurs et les qualités des musiciens proposent un album passionnant – un récital parmi les plus intelligents qu'on puisse trouver : parmi toute une époque de la musique française, une collection de prières ou de scènes édifiantes, servies par une collection de grands compositeurs. Le résultat est, forcément, un peu ressemblant, mais offre un camaïeu de sentiments mystiques qui ressemble à un acte de recherche, illustrant la sensibilité de chacune de ces figures tutélaires. (Et évidemment chanté au cordeau.)
De même, pour les mélodies sur les poèmes de Ronsard, la diversité des compositeurs et les qualités de conteurs des interprètes constituent l'essentiel de ce témoignage précieux.

À l'inverse, pour Louis Beydts, l'intérêt provient en premier lieu du corpus : bonheur d'entendre D'ombre et de soleil, déchiffré avec plaisir (et c'ce fut un étonnement, Beydts étant surtout connu comme compositeur d'opérettes, certes raffinées…) il y a plus de dix ans, renaître ainsi. Tout le disque se révèle à la hauteur : ce sont des mélodies très travaillées musicalement, sans mettre le texte au second plan ni se contenter de support à des poèmes ou de jolies mélodies… de véritables œuvres d'art total, finement calibrées, dans un langage qui doit à Fauré mais qui semble aussi regarder vers Schmitt. Et la bonne surprise est que Cyrille Dubois, que je trouve d'ordinaire très opératique dans le lied (tout est chanté à pleine voix, sans beaucoup de variété de textures et de coloris, comme son intégrale Fauré qui m'a très peu touché), parvient ici à une intimité et une tendresse tout à fait adéquate, tout en conservant son verbe clair et sa voix insolente. Grand disque de mélodie !


9. Chansons

Sea Songs – Bryn Terfel
¶ Imants Kalniņš, Klusās dziesmas - Līga Priede, Andrejs Grimms

Deux ambiances très différentes.

Je n'ai jamais trop aimé les autres cross over de Terfel, ses chansons galloises noyées sous un sirop de flonflons néoromantiques qui standardisaient et affadissaient tout. Ici au contraire, arrangements très bien pensés, comparses chanteurs de haute qualité, et lui-même trouve un ton moins uniment opératique… le fameux Wellerman trouve ici une des versions les plus probantes que je connaisse !  Album de bout en bout réjouissant, que j'ai pas mal réécouté à sa sortie.

Imants Kalniņš est la grande figure patrimoniale vivante de la Lettonie, sur un versant différent de Vasks : toujours à cheval entre la chanson (comme ici) et le classique – j'ai le souvenir émerveillé d'un Psaume 150 pour six voix de femmes, chanté en letton, et d'une évidence mélodique miraculeuse. Très belles mélodies très naturelles qui s'écoutent avec grand plaisir, même sans le texte.


Musiques instrumentales

10. Symphonies

¶ Haydn, dernières symphonies vol.3 – Chambre Danoise, Ádám Fischer
¶ Beethoven, intégrale des symphonies – Kammerakademie Potsdam, Manacorda
Ries, Symphonies 4 & 5 – Tapiola Sinfonietta, Nisonen
¶ Bruckner 9 – Symphonique de Bamberg, Hrůša
¶ Brahms, intégrales des Symphoniques – Chamber Orchestra of Europe, Nézet-Séguin
¶ Mahler 9 – Mahler Academy Orchestra, Philipp von Steinaecker
Sibelius 4 – Göteborg, Rouvali
¶ Strohl, Symphonie de la Forêt – Orchestre National d'Île-de-France, Scaglione
¶ Khatchatourian, Symphonie 1 – Philharmonie Robert Schumann, Beermann
¶ Adam Pounds, Symphonie n°3 – Sinfonia Of London, John Wilson
¶ Carlos Simon, A Folklore Symphony – National Symphony (Washington), Noseda

Beaucoup de versions remarquables de symphonies déjà très documentées, je ne m'attarde pas : non seulement j'ai réévalué très à la hausse l'intelligence de l'intégrale Haydn d'Ádám Fischer (les timbres ne sont pas fabuleux, les instruments pas d'époque, mais tout est construit et phrasé avec une très grande intelligence), mais ses dernières productions avec la Chambre Danoise, qui ont le mordant des meilleures interprétations musicologiques, sont d'une finition tout à fait extraordinaire. Une nouvelle (remarquable) version des symphonies de Beethoven, avec la vivacité de Manacorda. Une Neuvième de Bruckner tendue et colorée par Bamberg & Hrůša (probablement l'association orchestre-chef actuellement la plus révérée par les mélomanes concertivores). Une lecture à la fois dégraissée et voluptueuse des Symphonies de Brahms par Nézet-Séguin (je redoutais une sorte de facilité cursive, mais pas du tout). Une Neuvième de Mahler sur instruments d'époque (des jeunes musiciens encadrés par des instrumentistes des meilleurs orchestres d'Europe), aux timbres particulièrement savoureux et captés avec un beau réalisme physique. Surtout, une Quatrième de Sibelius où Rouvali propose son concept révolutionnaire, jouant les infinies transitions comme si elles étaient les thèmes, associé avec un train instrumental saisissant, comme si le son sourdait de la terre même.

Je n’avais jamais aimé le tapage de Khatchatouriane (Khachaturian en graphie anglaise sur les disques), et ce davantage encore dans le redoutable Concerto pour violon que pour Gayaneh (dont l’exubérance est le propos). Ses symphonies – pas toutes écoutées, à la vérité – ne m’avaient pas non plus laissé un bon souvenir. Sont-ce la direction plus carrée de l’excellent Frank Beermann (son intégrale Schumann est une merveille d’équilibres intelligents), la culture plus germanique de la Philharmonie Robert Schumann (orchestre de l’Opéra de Chemnitz) ?  En tout cas je suis émerveillé ici par les couleurs et la qualité du récit assez dramatique de cette Première symphonie et de la Suite de danses qui suit (en particulier les deux numéros ouzbeks), véritable musique de scène !

Le plus intéressant réside bien sûr dans les œuvres qui n'était pas documentées ou peu mises en avant : ainsi l' « Elegie » de la Troisième Symphonie d'Adam Pounds servie par les couleurs de Wilson (au sein d'un album lui-même original), les déhanchements issus du gospel dans le symphonisme consonant de Carlos Simon (issu d'une communauté religieuse américaine où la musique profane était bannie).

Impressionné par les qualités d’orchestratrice de Rita Strohl dans son album symphonique. Pour la Symphonie, au sein d’une forme rhapsodique, qui évoque les épisodes de vie de la forêt (sous un prisme très romantique : âme en peine, marche funèbre…), on entend une véritable touche singulière, proche des Nocturnes (parfois de façon saisissante, comme ces appels de trompettes mystérieux très parents de « Fêtes ») et de la Mer de Debussy, mais aussi du roi Arthus de Chausson pour les sections plus sombres, et, par touches, Shéhérazade de Ravel, Boris Godounov de Moussorgski, (les doublures de piano pour des mélodies dégingandées, comme pour le début de la scène du Couronnement), le jeune Scriabine, la Sixième Symphonie de Tournemire, l’horrible Richard Wagner (les bois seuls comme dans l’interlude qui précède le dernier duo de Die Walküre). Et cependant, le style en est tout à fait cohérent, c’est vraiment une personnalité complète qui s’en dégage, avec ses parentés mais sans impression de patchwork. J’aime assez ses effets bondissants (lutins), la construction dramatique de l’épisode de chasse, avec les appels de cuivres qui s’approchent et s’éloignent, se perdent, reviennent, ambiance assez opéra. Harmoniquement aussi, il se passe de belles choses, par exemple du côté de l’usage des quintes augmentées, ou encore la façon dont la couleur de la chasse mute soudain (de Debussy à Wagner), de l’épure plutôt lumineuse jusqu’à une atmosphère plus sombre et menaçante, simplement en faisant bifurquer une résolution : elle nous transporte soudain d’un univers calmement descriptif à un autre, fantastique et terrible – comme un nuage, en voilant le soleil, révèle immédiatement d’autres émotions enfouies.

Le plus gros choc symphonique de cette année : les symphonies de Ferdinand Ries. J'avais déjà été frappé, en 2023, en découvrant ses opéras, d'une qualité exceptionnelle – du romantisme allemand très animé, sans les baisses de tension récurrentes chez Beethoven, Schubert ou Weber. Il en va de même pour ses symphonies, qui complètent très bien le corpus beethovenien, dans une belle interprétation qui n'est pas sur instruments anciens mais conserve des équilibres très décents et fait valoir une belle animation. Hâte de découvrir les autres !


11. Poèmes symphoniques

¶ « French Opera Overtures » – National d'Estonie, Neeme Järvi
¶ Brahms-Sheng, « Black Swan » – Kansas City Orchestra, Michael Stern
¶ Fauré, Dolly – National d'Irlande, Tingaud
¶ Stanford, Verdun – Ulster Orchestra, Shelley (réédition numérique)
Schmitt, La Tragédie de Salomé – Radio de Francfort, Altinoglu
Bliss pour Brass Band – Black Dyke Band, John Wilson
¶ Gilse Kverndokk, Le Tour du Monde en 80 jours – Symphonique de Trondheim, Peter Szilvay
¶ Crumb, Americascapes 2 – National Basque, Treviño

Parmi les œuvres symphoniques déjà connues, les ouvertures d'Auber et Planquette, et surtout une suite tirée de Lecocq (La Fille de Madame Angot), dans des interprétations très élancées du National d'Estonie – qui sans adopter un équilibre « français », comprennent très bien l'enjeu de cette musique. Ou encore cette version d'un équilibre suprême de la suite Dolly de Fauré, par Tingaud et le National d'Irlande, qui ont déjà livré des cycles Franck et Fauré d'une qualité inattaquable. Plus original mais toujours au sein du grand répertoire, les orchestrations de pièces de Brahms : Chorals pour orgue par le grand symphoniste Virgil Thomson (la Symphonie n°2 vaut le détour !), une version très équilibrée et limpide du Premier Quatuor piano-cordes (dans la célèbre orchestration de Schönberg), et surtout cet inattendu Black Swann orchestré par Bright Sheng, d'après les pièces tardives pour piano de l'opus 118 !

Je n'ai en réalité pas été passionné également par tout le disque Stanford (qui documente cependant des œuvres moins lisses que la majorité de son corpus), mais particulièrement frappé par Verdun, une orchestration de sa Sonate pour orgue n°2. La façon dont la Marseillaise est sans cesse retravaillée et sourd çà et là, sans fanfariser, m'a beaucoup séduit – un sens épique plein de dignité, qui ne cède rien au clinquant.

Deux versions intégrales de La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt ont paru en quelques mois, très belles, mais celle de la Radio de Francfort avec Altinoglu, où les pupitres de cordes sont renforcés, fait valoir une évidence, une tension, un lyrisme assez merveilleux. Grande version d'un des chefs-d'œuvre ultimes du symphonisme français (et ce n'en est que la troisième intégrale).

Et puis les pièces les plus improbables : Americascapes 2 de George Crumb, beaux paysages évocateurs dans une langue contemporaine ; une réjouissante Suite de Gilse Kverndokk (compositeur norvégien né en 1967), dans un style plaisant, bondissant et pittoresque caractéristique du goût du premier XXe siècle) consacrée à Phileas Fogg !

Pour finir, le bon, les suites de musiques d'accompagnement ou de cérémonie d'Arthur Bliss arrangées pour section de cuivres… je les ai abondamment écoutées, et je les trouve sensiblement plus jubilatoires ainsi que les Suites bien connues d'Adam Zero ou Checkmate dans leurs versions originales !


12. Concertos

¶ « Venice » – Kobekina, Kammerorchester Basel
¶ Vivaldi, « Norwegian Seasons » – Ragnhild Hemsing, Barokkanerne
¶ Mozart, Concertos piano n°20 & 23 – Pashchenko, Il Gardellino
Antoine & Max Bohrer, Grande symphonie (concertante) militaire, deux Concertos (violon, violoncelle) – Eichhorn, Hülshoff, Philharmonique de Jena (Iéna), Nicolás Pasquet
¶ Gershwin, Concerto en fa – Trifonov, Philadelphie, Nézet-Séguin
¶ Thomas de Hartmann, Concerto pour violon – Bell, Lviv, Stasevska
Nather, Matthus, Kochan – Concertos pour flûte d'Allemagne de l'Est – Frankfurt (Oder), David Robert Coleman
¶ Akhunov, Concerto pour violoncelle « Actus Tragicus » – Andrianov, Orchestre Svetlanov, Zangiev

Bien qu'on puisse (à juste titre) considérer les concertos comme la lie de la production musicale mondiale, je vais en toucher un mot, pour quelques belles productions. Parmi les tubes : une version trépidante du Concerto de Gershwin avec Trifonov et Philadelphie, la plus marquante que j'aie entendue à ce jour – au sein d'un album de raretés, mais beaucoup moins intéressant dans l'ensemble. Une version mordante et méchante des concertos-phares de Mozart, sur piano ancien, qui renouvelle un peu l'écoute et fait valoir les véritables équilibres pour lesquels cette musique a été pensée – même si la prise de son met artificiellement en avant le pianoforte. Une version hallucinée des Quatre Saisons de Vivaldi par les Barokkanerne, jouée comme de la musique populaire de plein air semi-improvisée, avec quantité de notes de goût ajoutées, et volontiers mimétique de la nature, beaucoup d'attaques par en-dessous, de raucités… à la fois d'un niveau instrumental fulgurant et comme joué au débotté à un coin de rue pendant un marché aux asperges. Très différente de toutes les autres (ce qui fait du bien, vu la discographie pléthorique), et contre toute attente très réussie.

La violoncelliste Kobekina a toujours des programmes originaux et des arrangements intéressants, cette fois-ci elle arrange des extraits d'opéras de Monteverdi et Sartorio, au milieu de concertos de Vivaldi et d'autres pièces plus inattendues (Britten, Kurtág, Eno…).

Dans le lot, quelques concertos beaucoup plus rares.

Le Concerto pour violoncelle « Actus Tragicus » d’Akhunov a déjà bénéficié d’un enregistrement il y a quelques semaines : généreux et riche, ça s’écoute très bien – que ce soit dans une perspective romantique-lyrique ou soviétique-inventive.

Le Concerto pour violon de Thomas de Hartmann m'a révélé une facette jusque là inédite du legs de ce compositeur ukrainien, beaucoup plus sophistiqué et décadent que les pièces postromantiques assez traditionnelles qui avaient paru au disque.

Première parution discographique des frères Bohrer, et elle est particulièrement marquante !  Fils d'un trompettiste (& contrebassiste !) de la Cour de Mannheim, nés à Munich dans les années 1780 à deux années d'intervalle, ils sont violoniste et violoncelliste. Leur langage évoque l'opéra comique du temps, avec une grammaire qui reste marquée par le classicisme, mais aussi une versatilité émotive un peu mélancolique, caractéristique du premier romantisme – on pense à Rossini, Hérold et surtout, me concernant, à Pierre Rode !  Ce n'est pas absurde, Rodolphe Kreutzer fut le professeur de violon d'Antoine à Paris. La symphonie (« militaire » surtout par sa caisse claire liminaire et son ton décidé) est co-écrite par les frères (bien que l'interaction des instruments reste très largement de jouer en homorythmie à la tierce ou à la sixte !), tandis que chacun a écrit le concerto pour son instrument fourni en couplage (très beaux, mais moins prégnants à mon sens). Sur instruments modernes, mais le Philharmonique d'Iéna a déjà enregistré avec les mêmes Eichhorn et Pasquet les concertos de Pierre Rode avec beaucoup de présence, le résultat est très probant !  Quant à Eichhorn, toujours aussi exceptionnellement sûr, généreux et éloquent, je le trouve vraiment extraordinaire.

Mais le clou de cette livraison concertante 2024, ce sont les concertos pour flûte d'Allemagne de l'Est de Gisbert Nather (en particulier), Günter Kochan, Siegfried Matthus… chacun dans un style propre, pas de facilité douceureuse ni de complexités inaccessibles… de belles œuvres personnelles et qui explorent la symbiose plutôt que l'affrontement entre soliste et orchestre. Album très marquant pour moi.


13. Musique de chambre

¶ Coleridge-Taylor, Quintette clarinette & quintette piano – Nash Ensemble (réédition numérique)
¶ Taneïev, Quintette piano-cordes – Spectrum Concerts Berlin
¶ Donizetti, Quatuor à cordes 15,17,18 – Quatuor Delfico
¶ Debussy, Poulenc… « Impressions parisiennes – Quatuor Van Kuijk
¶ « Chopin Project » (via Sabina Meck, Piot Moss, Leszek Kołodziejski) – Polish Cello Quartet
Jeanne Leleu,  Quatuor piano-cordes – A. Pascal, Hennino, Luzzati, Oneto Bensaid
¶ Wolf-Ferrari, Trios à cordes – Trio David
¶ Brahms, intégrale des Trios – Trio Sōra
¶ Chaminade, Trio n°2 – Trio Aralia
Strohl, Trios (et autres œuvres de chambre) – les Moreau, Williencourt
Melcer-Szczawiński, Trio – Apeiron Trio

Du fait des moindres coûts impliqués (et du temps de préparation maximisé), les parutions de musique de chambre contiennent immanquablement mainte merveille.

Du côté des Quintettes, ceux de Coleridge-Taylor, au sein de la série que je lui ai consacrée – j'ai été assez émerveillé de la qualité de ce qu'il a produit dans tous les genres, et la délicatesse de pensée de ces quintettes n'y fait pas exception. (Il en existe beaucoup d'autres très belles versions.)
La version du Quintette piano-cordes de Taneïev n'est pas aussi suprême que les Trios parus par le même Spectrum Concerts Berlin, mais ce demeure une splendide interprétation d'une œuvre majeure, alliant exigence du développement et abandon émotionnel.

Pour les Quatuors, si les versions de ceux de Donizetti (très réussis, d'une densité musicale sans comparaison avec ses opéras) sont nombreuses, elles ne sont pas toujours de très haut niveau, le répertoire semble boudé par les meilleurs ensembles, aussi cette très belle interprétation des Delfico est particulièrement bienvenue, incluant deux de ses meilleurs opus (le 17 et le 18) !  J'ai été surpris d'être autant séduit par les arrangements (Petite Suite de Debussy, mélodies de Poulenc sans chanteurs…) joués par le Quatuor Van Kuijk, d'une fraîcheur et d'une vérité telle qu'on les croirait pensés d'emblée pour l'effectif à cordes

De même pour les arrangements du Chopin Project, etite merveille inattendue : des arrangements de Chopin pour quatuor de violoncelles. Ce serait, a priori, une très mauvaise idée – ajouter les pleurnicheries du violoncelle, dans une zone très concentrée du spectre, aux interprétations déjà dégoulinantes de Chopin… C'est tout l'inverse qui se produit.
1) Le choix des pièces est particulièrement intelligent : il inclut évidemment des tubes (Préludes n°4 et n°15, Nocturne opus posthume en ut dièse mineur, Nocturne Op.9 n°2, Valse op.18, Valse-Minute, Valse Op.64 n°2…), mais aussi des œuvres beaucoup moins courues comme le Nocturne en sol dièse mineur (le n°12) et trois Mazurkas – pas les plus célèbres d'ailleurs, mais toutes parmi les plus belles à mon sens. L'occasion de se faire plaisir de façons très différentes, qui ménage à la fois le plaisir de la transformation de la chose connue et des (semi-)redécouvertes.
2) L'arrangement ne sonne pas du tout comme les horribles ensembles de violoncelles (plus larges, il est vrai, octuor souvent) qui s'entassent sur la même zone du spectre… on croirait entendre un véritable quatuor à cordes, d'autant que les interprètes ont une technique et un son merveilleux – l'impression d'entendre une contrebasse dans le grave, un alto dans le médium, un violon dans l'aigu… Si bien que le résultat est particulièrement équilibré et homogène. Les siècles d'expérience dans l'écriture pour quatuor à cordes ont clairement été mises à profit, et nous jouissons d'un festival de contrechants et pizz bien pensés. Les arrangeurs (Sabina Meck, Piot Moss, Leszek Kołodziejski) ont fourni des reformulations très abouties des œuvres originales.
3) Les interprètes sont formidables, on se repaît des couleurs sombres et chaleureuses, des touches de lumière, de la précision immaculée.
4) Surtout, ce disque procure une rare occasion de réentendre Chopin comme compositeur et non comme compositeur-pianiste. Non pas que personne ait jamais pu considérer que Chopin n'était qu'un pianiste, mais l'œuvre qu'il laisse est tellement liée au piano qu'on s'est habitué à entendre des tics pianistiques, des traits (écrits, bien sûr), et que l'instrument ou les modes pianistiques font quelquefois écran à la musique telle qu'elle est écrite. On peut alors, grâce à cette nouvelle proposition, s'abstraire des contingences pour en goûter la substance pure, réinvestie dans d'autres truchements – qui ont aussi leurs contraintes propres, évidemment. Et je dois dire qu'entendre Chopin sans les aspects percussifs du piano, un Chopin caressant, un Chopin plus harmonique (et polyphonique !) que jamais… m'a absolument ravi. Car il est sans conteste, aux côtés de Berlioz (pour l'orchestration) et de Meyerbeer (pour la pensée formelle) le musicien le plus novateur des années 1830 ; personne n'est aussi avancé que lui sur les questions harmoniques. Le libérer du seul piano lui rend d'autant mieux justice.

Le Quatuor piano-cordes de cette sélection est dû à Jeanne Leleu, compositrice encore moins documentée, s'il est possible, que les précédentes publications du label La Boîte à Pépites (Sohy, Strohl). Une véritable immédiateté des motifs dans un langage qui reste dans un esprit français marqué par Debussy, élégant, épuré, recherché, mais jamais élusif. Beaucoup de séduction à tous les étages ici, et des interprètes particulièrement chaleureux. (Les mélodies sont intéressantes mais la diction opaque et le timbre peu varié de Marie-Laure Garnier ne permettent pas d'en prendre toute la mesure ; il est à espérer que ces œuvres puissent vivre désormais, dans des interprétations variées répondant à tous les goûts !) 

Il faut vraiment attendre la fin du disque consacré à la musique de chambre pour cordes (frottées) de Wolf-Ferrari pour tomber sur quelque chose d’intéressant, mais les trios à cordes à la fin de l’album en valent la peine : larghetto du trio en si mineur, presto fugué du trio en ut mineur…

Et pour finir une belle brassée de trios piano-cordes. Une très belle interprétation, épurée et incarnée, de tous les trios de Brahms (dont celui avec cor) par le Trio Sōra. Et de réelles raretés.

Le Deuxième Trio de Cécile Chaminade, d'une sensibilité dramatique très inattendue. (Avec la charismatique Iris Scialom au violon.)

Melcer-Szczawiński (1869-1928) est quelquefois (et notamment pour ce disque) nommé plus simplement Melcer (à prononcer « Mèltsèr »). Pourtant, il dispose d'atouts proprement musicaux exceptionnels. Formé aux mathématiques et à la musique à Varsovie puis à Vienne, il devient concertiste, comme pianiste accompagnateur et soliste, tout en remportant pour ses compositions le premier prix lors de la deuxième édition du Concours Anton Rubinstein (1895). Je suis avant tout frappé par la générosité de ses inventions mélodiques. Ce Trio, que je n'entendais pas pour la première fois, développe quelque chose dans le goût la phrase slave infinie, comme une chanson d'opéra inspirée du folklore, mais dont la mélodie s'étendrait sur un mouvement entier. L'évidence, l'élan, mais aussi la cohérence thématique sont immédiatement persuasifs, et le rendent accessible à tous les amateurs de romantisme tardif, même sans connaissance des normes en matière de structure – sans lesquelles il est plus difficile d'apprécier d'autres figures comme Brahms, mettons. J'ai vraiment pensé très fortement au Premier Trio et au Second Quatuor d'Anton Arenski. Le reste du disque n'est pas beaucoup moins intéressant, incluant une Rhapsodie en trio de Ludomir Różycki (autre figure polonaise capitale, davantage tournée vers la modernité, quelque part entre Melcer et Szymanowski), une très lyrique Romance en duo (violon-violoncelle) d'Antoni Stolpe, et 6 Bagatelles de Mikołaj Górecki (le fils de Henryk) pleines de simplicité. Un petit tour d'horizon d'œuvres polonaises remarquables, qui élargissent le répertoire du trio, dans une exécution à la fois maîtrisée et intense.(extrait)

Enfin, le clou du spectacle, la musique de chambre de Rita Strohl. J'ai classé ici le disque sous le patronage des Trios, mais le Quintette piano et le Quatuor piano sont aussi des merveilles !  Le feu qui se dégage de chaque mouvement est assez spectaculaire, avec une qualité mélodique remarquable, des thèmes longs, très lyriques et passionnés. Les mouvements lents, en particulier, sont d’une intensité rare (je pense quelquefois à ceux de Taneïev, pas tant dans le style que dans l’attitude exaltée !). Le Quatuor piano-cordes est sans doute le sommet de tout cela, avec un Thème et variations final dont l’incroyable surenchère (à tempo modéré) rappelle le second mouvement du Trio de Tchaïkovski, ou encore son Andante dont le thème est très apparenté à l’apothéose retrouvée des Contes d’Hoffmann (« Des cendres de ton cœur », réapparu à la fin des années 1980), mais en plus varié dans les résolutions ; irrésistible. Ce thème se révèlre assez parent, d’ailleurs, de celui du premier mouvement du Quintette. Servi par une équipe de chambristes incroyables, parmi lesquels Héloïse Luzzati, Célia Oneto-Bensaid, Alexandre Pascal, Edgar Moreau et bien d’autres, particulièrement engagés (et d’un niveau individuel, d’une singularité sonore plutôt extraordinaires). Clairement le type d’anthologie dont on sent (dont on sait !) qu’elle a été mûrie – les œuvres ont été données en concert, plusieurs fois –, et non enregistrées en un après-midi pour compléter une intégrale économique comme cela arrive quelquefois (et c’est déjà très bien en soi).


14. Sonates ou duos

Schmelzer, Döbel, Biber : « Labyrinth Garden » – Josef Žák, Ensemble Castelkorn
¶ Bruckner (arr. Hermann Behn), Symphonie n°7 (pour deux pianos) – Julius Zeman, Shun Oi

Labyrinth Garden a tourné en boucle pendant des semaines chez moi : répertoire mal connu (danses de Döbel de Gdańsk, sonates et danses de Schmelzer, vice-Maître de chapelle de la Cour de Vienne, une chaconne irrésistible de Biber…), très inventif formellement, dense musicalement, et toujours prompt à l’élan mélodique et à l’esquisse du pas de danse, davantage suggéré que souligné. Vraiment ce que le baroque a fait de meilleur – pour moi le plus beau disque de violon baroque de tous les temps, place enviable à partager Il Sud de l’Ensemble Exit (sur un autre grand pôle violonistique européen : Falconieri, Montalbano, Pandolfi, Trabaci, Leoni…). Les danses sont vraiment transfigurées en quelque chose de très musical et organique, sans aucune rigidité formelle, sans l’impression d’un patron prévisible ; et les sonates « représentatives » qui imitent les bruits de la nature font valoir leur aînesse sur Les quatre Saisons, dont elles annoncent hautement le principe – l’évocation se produit par le truchement d’une virtuosité qui cherche d’abord la musicalité, tel ce Coucou de Schmelzer, dont le chant se devine caché au milieu de traits très habillés et lyriques du violon. L’ensemble porte le nom de l’évêque d’Olomouc, qui fournit aussi le programme de ce concert via ses archives de Kroměříž : des copies, parfois uniques, de la musique de la Cour impériale. Quatre musiciens, parmi lesquels je remarque tout particulièrement l’inventivité très juste de Felipe Guerra (clavecin & positif) et bien Josef Žák au violon, fulgurant sur tous les registres : projection sonore exceptionnelle pour du violon baroque, timbre toujours très charnu, phrasés extrêmement variés, expressifs et dansants. Il est pour beaucoup dans la qualité superlative du disque (et du concert vu peu après).

¶ Bruckner (arr. Hermann Behn) – Symphonie n°7, version pour deux pianos – Julius Zeman, Shun Oi (Ars Produktion) Absolument enchanté de cette proposition, où les pianos scintillent. Tandis que l'Adagio fonctionne très bien au piano seul (c'est même une œuvre officielle du piano de Bruckner), les mouvements vifs, et en particulier le premier, permettent d'atteindre une qualité vibratoire toute particulière qui rend bien justice à l'œuvre – d'autant plus aidés par les très beaux timbres de ces deux solistes.


15. Solos

Piano solo

Mendelssohn, intégrale du piano – Howard Shelley
Brahms, Sonate n°1 – Alexandre Kantorow
Liapounov (Lyapunov) – Luca Faldelli
¶ Reger, Variations Bach Op.81 – Eden Walker
Schmidt (arr. Kolly), Chaconne en ut#m – Karl-Andreas Kolly
¶ Alkan, Erkin, Cowell, Ichiyanagi… « Hydropath » – Işıl Bengi
Cage², In the Name of the Holocaust – Bertrand Chamayou

Dans le choix immense du piano, quelques albums se dégagent assez nettement dans mes écoutes. Deux grandes versions de corpus très connus : l'intégrale Mendelssohn de Howard Shelley, remarquablement équilibrée et élégante, mettant en valeur y compris les pièces moins courues. Même si le piano n'est pas le médium où Mendelssohn a le plus fort exprimé sa puissance créatrice, cette somme est l'occasion d'en découvrir d'innombrables facettes (129 pistes, 5h30 de musique !) dans les meilleurs conditions possibles grâce à l'élégance et l'aisance de Howard Shelley, tête de pont du label Hyperion, admiré à juste titre pour la vastitude de son répertoire et la justesse de ses interprétations. J'ai pu entendre probablement pour la première fois quelques pièces remarquables qui étaient passées sous mon radar (Reiterlied, certains Préludes…), réévaluer jusqu'à certaines Romances sans paroles, et dans des interprétations qui ne réclament pas d'aller ensuite voir ailleurs !  Proposition salutaire.
Et contre toute attente, magnétisé par la Première Sonate de Brahms par Alexandre Kantorow, suprêmement capté par BIS – comme tout chante et respire, un Brahms qui a l'évidence de Schubert, sans rien perdre de sa majesté, simultanément ample et intime. Je l'ai beaucoup réécoutée, j'en suis le premier surpris. Le reste du disque, autour des transcriptions de lieder de Schubert par Liszt (que je ne trouve pas très bonnes, comme souvent chez Liszt on perd beaucoup de la saveur de l'original pour en faire une pièce de concert beaucoup plus impersonnelle), est remarquablement joué mais m'intéresse beaucoup moins.

De belles Variations Bach de Max Reger, qui prévilégient l'atmosphère sur la pure virtuosité, tout y est très phrasé et pudique. Un rare album de Franz Schmidt pour piano solo, avec en particulier deux pièces orchestrales arrangées par le pianiste : profiter avec de la Chaconne en ut dièse mineur avec ce luxe de détail, c'est un rare bonheur, se plonger dans les méandres de cette musique sans être tributaire des équilibres d'orchestration, d'interprétation, de prise de son !

Alkan, Massenet, Brahms, Moussorgski, Beach, J. Scriabine, Cowell, Erkin, Augusta Read Thomas, Ichiyanagi…  Album particulièrement original et intelligent d'Işıl Bengi, fondé sur l'exploration de figuralismes aquatiques de nature très différentes, autour de compositeurs variés. En termes d'interprétation (quel timbre magnifique !), suprêmement joué et phrasé comme à chaque fois.

Je n'attendais que de la curiosité de Cage, en pensant à ses Préludes pour piano préparé (dont l'écriture, hors procédés timbraux, est très conservatrice finalement), mais les effets de cloche déchirée pour commémorer le génocide m'ont beaucoup impressionné, pièce en deux volets qui appelle au recueillement plus qu'à la tristesse, quelque part entre le cri et la prière. Le reste de l'album est beau aussi, et Chamayou révèle, comme dans ses Messiaen, une ardeur et une intensité qui n'affleurait pas lorsqu'il jouait le grand répertoire.


Théorbe solo

Visée, suites pour théorbe – Jakob Lindberg
Visée, Hotman, du Buisson, Bousset, Lambert – Thibaut Roussel

Depuis que je l'ai entendu dans une cave (littéralement), il y a une dizaine d'années, je me dis que Thibaut Roussel est un très grand du théorbe… dans un instrument où il est difficile de soutenir le son, peu parviennent à phraser avec sa précision et son éloquence. Très bel album, qui mêle deux suites de Robert de Visée (dont la célébrissime Suite en la, le grand standard de l'instrument) à une Chaconne de Nicolas Hotman (peut-être le plus intéressant des compositeurs de danse du XVIIe) et à des airs de cour de la même époque, très bien chantés (Perrine Devillers). Le disque, bien bâti, remarquablement joué, pâtit seulement de la proximité de sa parution avec un banger absolu.

Un des disques que j'ai le plus écoutés cette année : les Suites de Robert de Visée par Jakob Lindberg, qui jusque là avait plutôt enregistré du répertoire plus tardif et plus léger (du type Gaspar Sanz, début du XVIIIe pour guitare baroque), où il ne m'avait pas paru spécialement singulier. Ici, l'évidence, l'éloquence, le léger déhanché, l'impression d'ampleur aussi (merci les ingénieurs de BIS !), rendent chaque pièce absolument irrésistible ; d'ordinaire, dans ce répertoire, le rythme se perd un peu dans les contingences des doigtés et la faible durée du son, avec l'impression un peu vaporeuse d'une danse qui ne danse plus vraiment… ici c'est tout l'inverse, tout pulse, avec beaucoup de souplesse, et un chant d'une très belle fermeté. Le plus beau disque de théorbe (archiluths compris) de tous les temps, sans hésiter. Si vous ne devez n'en écouter qu'un dans votre vie : celui-ci.

Guitare solo

Porqueddu, « The Impressionistic Guitar » – D'Alo, Pucci

Pour finir, un ravissement inattendu : Cristiano Porqueddu est un interprète guitariste très bien représenté au disque… mais aussi un compositeur. Et cet album, à travers trois Sonates, des Études, une série de Métamorphoses, nous fait traverser un langage riche où miroitent beaucoup de belles harmonies – rien de dissonant comme le laisse pressentir le titre de l'album, mais beaucoup d'irisations, de recherches de coloris, et qui ne s'y limite pas, avec un discours bien conduit. Vraiment magnifique – transcrites pour piano, ces pièces auraient sans doute à espérer une belle diffusion auprès d'un plus vaste public.




Les plus écoutés

Mon opinion est une bonne chose, l'épreuve des faits en est une autre… lesquels de ces disques sont revenus le plus souvent dans mes écoutes ?

En réalité, les deux plus écoutés sont des cas particulier : le disque Haendel de Christopher Purves est une réédition numérique d'une parution Hyperion de 2012, tandis que, sur, Wonder Women, j'ai énormément écouté la piste isolée de la « Canzone di Cecilia ».

Si je les écarte, ce sont donc deux disques de musique instrumentale baroque – étonnamment, puisque ce n'est pas du tout le genre que je fréquente le plus assidûment, étant plutôt tourné vers la musique vocale baroque, ou alors la musique de chambre à partir de la fin du XVIIIe siècle. D'une part Labyrinth Garden de Castelkorn, d'autre part, vous l'aurez compris, le disque Visée de Jakob Lindberg.

Très écoutés aussi, mais en de moindres proportions, les trios de Strohl, les quintettes de Coleridge-Taylor, Bliss pour brass band et la Sonate de Brahms par Kantorow – alors même qu'il s'agissait d'une parution assez tardive dans l'année.


Les références

Je vous laisse ci-après les références plus complètes de ma sélection.


Nom de l'album Nom(s) de l'artiste
Polish Piano Trios Melcer-Szczawiński, Różycki, Stolpe, Górecki – par l'Apeiron Trio – chez DUX
Beethoven: Missa Solemnis, Op. 123 Ludwig van Beethoven, Jordi Savall, Lina Johnson, Olivia Vermeulen, Martin Platz, Manuel Walser, Le Concert Des Nations
Franck: Les Béatitudes César Franck, Orchestre Philharmonique Royal de Liège, Gergely Madaras, Hungarian National Choir, Csaba Somos, Anne-Catherine Gillet, Héloïse Mas, John Irvin, Artavazd Sargsyan, Patrick Bolleire, David Bizic
Charpentier & Desmarest: Te Deum Henri Desmarets, Ensemble les Surprises, Louis-Noël Bestion de Camboulas, Jehanne Amzal, Jean-Christophe Lanièce
Stanford: A Song of Agincourt & Other Works Charles Villiers Stanford, Howard Shelley, Ulster Orchestra
Sibelius: Symphony No. 4 - The Wood Nymph - Valse Triste Jean Sibelius, Gothenburg Symphony Orchestra, Santtu-Matias Rouvali
Chopin Project Frédéric Chopin, Polish Cello Quartet
Jeanne Leleu, une consécration éclatante, Vol. 1: Musique de chambre et mélodies Jeanne Leleu, Alexandre Pascal, Léa Hennino, Heloïse Luzzati, Célia Oneto Bensaid
Briggs: Hail, gladdening Light & Other Works David Briggs, The Choir Of Trinity College\, Cambridge, Stephen Layton, Harrison Cole
Schmidt: The Piano Album Franz Schmidt, Karl-Andreas Kolly
Mademoiselle Duval: Les Génies ou les Caractères de l'Amour Mademoiselle Duval, Guilhem Worms, Camille Delaforge, Ensemble Il Caravaggio, Chœur de l'Opéra Royal
Hjalmar Borgstrøm: Der Fischer Hjalmar Borgstrøm, Ketil Hugaas, Ingebjorg Kosmo, Terje Boye Hansen, Steffen Kammler, The Norwegian Opera Orchestra, Norwegian National Opera Orchestra
Coleridge-Taylor: Piano Quintet & Clarinet Quintet Samuel Coleridge-Taylor, Nash Ensemble
Ravel, Berkeley, Pounds: Orchestral Works Adam Pounds, Sinfonia Of London, John Wilson
Mendelssohn: Chöre für Männerstimmen Felix Mendelssohn, SWR Vokalensemble Stuttgart, Frieder Bernius
Handel: Finest Arias for Base (Bass) Voice, Vol. 1 George Frideric Handel, Jonathan Cohen, Christopher Purves, Arcangelo
Venice Antonio Sartorio, Anastasia Kobekina, Kammerorchester Basel
Mendelssohn, Felix: Athalie Felix Mendelssohn, Dirk Schortemeier, Anna Korondi, Sabina Martin, Ann Hallenberg, Barbara Ochs, Chorus Musicus Köln, Neue Orchester, Christoph Spering
Donizetti: String Quartets Gaetano Donizetti, Quartetto Delfico, Mauro Massa, Andrea Vassalle, Gerardo Vitale, Federico Toffano
Antoine Bohrer & Max Bohrer: Orchestral Works Antoine Bohrer, Max Bohrer, Friedemann Eichhorn, Alexander Hülshoff, Jena Philharmonic Orchestra, Nicolás Pasquet
Felix Mendelssohn: Complete Works for Solo Piano Felix Mendelssohn, Howard Shelley
Contes Mystiques Guy Ropartz, Paul Beynet, Enguerrand de Hys
In the Shadows Daniel Auber, Michael Spyres, Christophe Rousset, Les Talens Lyriques
Lully: Te Deum Jean-Baptiste Lully, Stephane Fuget, Les Épopées, Les Pages & Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles
Elisabeth Jacquet de la Guerre: Céphale et Procris Élisabeth Jacquet de La Guerre, Lisandro Abadie, Deborah Cachet, Reinoud Van Mechelen, A Nocte Temporis
Louis Beydts: Mélodies & Songs Louis Beydts, Cyrille Dubois, Tristan Raës
Bruckner: Symphony No. 7 in E Major, WAB 107 (Arr. for 2 Pianos by Hermann Behn) Anton Bruckner, Julius Zeman, Shun Oi
Maurice Yvain: Yes! Maurice Yvain, Les Frivolités Parisiennes, Sandrine Buendia, Léovanie Raud, Amélie Tatti, Irina De Baghy, Norma Nahoun, Laure Ilef, Marion Dhombres, Servane Brochard, Tiphaine Chevallier, Guillaume Durand, César Matthieu, Sinan Bertrand, Aurélien Gasse, Philippe Brocard, Olivier Podesta
Sea Songs Bryn Terfel, Archie Churchill-Moss, Ben Tunnicliffe, Patrick Rimes, Evan Carson, Sion Owen, Phylip Nichols, Iwan Griffiths, Aled Powys Williams, Osian Rowlands
NACHHALL - Othmar Schoeck Orchesterlieder Othmar Schoeck, Graziella Contratto, Berner Symphonieorchester, Stephan Genz
Porqueddu: The Impressionistic Guitar Cristiano Porqueddu, Riccardo D'Alo
Doux silence Honoré d'Ambruis, Les Musiciens De Saint-Julien, François Lazarevitch, Julie Roset
Brahms: Piano Trios, Opp. 8 & 87 Johannes Brahms, Trio Sora
Destouches: Télémaque & Calypso Andre Cardinal Destouches, Les Ombres, Sylvain Sartre, Margaux Blanchard, Isabelle Druet, Emmanuelle De Negri
Beethoven: The Complete Symphonies Ludwig van Beethoven, Antonello Manacorda, Kammerakademie Potsdam
Mondonville: Le Carnaval du Parnasse Jean-Joseph Cassanéa De Mondonville, Mathias Vidal, Les Ambassadeurs ~ La Grande Écurie, Alexis Kossenko
Wonder Women Traditional, Christina Pluhar, L'Arpeggiata, Vincenzo Capezzuto
Sergey Ljapunov: Piano Works Sergey Mikhailovich Ljapunov, Luca Faldelli
Schmitt: La Tragédie de Salomé & Chant élégiaque Florent Schmitt, Frankfurt Radio Symphony Orchestra, Alain Altinoglu
Bruckner: Symphony No. 9 in D Minor, WAB 109 (1894 Version, Ed. L. Nowak) Anton Bruckner, Bamberg Symphony, Jakub Hrůša
Robert de Visée: Theorbo Solos Robert de Visée, Jakob Lindberg
Lully: Armide Jean-Baptiste Lully, Vincent Dumestre, Le Poème Harmonique
Entre deux mondes Cécile Chaminade, Iris Scialom, Magali Mouterde, Théodore Lambert
Reger: Bach Variations, Op. 81, Träume am Kamin Max Reger, Eden Walker
Cage² John Cage, Bertrand Chamayou
Labyrinth Garden: Violin at the Court of Kroměříž Johann Heinrich Schmelzer, Ensemble Castelkorn, Josef Žák
Ziani: La morte vinta sul calvario Marc'Antonio Ziani, Pietro Antonio Bernardoni, Les Traversées Baroques, Etienne Meyer
Mahler: Symphony No. 9 on Period Instruments Gustav Mahler, Mahler Academy Orchestra, Philipp von Steinaecker
Colin de Blamont: Les Fêtes grecques et romaines François Colin de Blamont, Valentin Tournet, La Chapelle Harmonique
French Opera Overtures Alexandre Lecocq, Estonian National Symphony Orchestra, Neeme Järvi
Brahms: Reimagined Orchestrations Bright Sheng, Kansas City Symphony, Michael Stern
Akhunov: Cello Concerto "Actus tragicus" Sergey Akhunov, Boris Andrianov, State Academic Symphony Orchestra of Russia "Evgeny Svetlanov", Timur Zangiev
Mozart: Piano Concertos 20 & 23 Wolfgang Amadeus Mozart, Olga Pashchenko, Il Gardellino
Urlicht: Songs of Death and Resurrection Hans Pfitzner, Samuel Hasselhorn, Poznań Philharmonic Orchestra, Łukasz Borowicz
Lloyd: A Litany & A Symphonic Mass George Lloyd, Bournemouth Symphony Orchestra, Brighton Festival Chorus
Brahms: Symphonies Johannes Brahms, Chamber Orchestra of Europe, Yannick Nézet-Séguin
Bliss: Works for Brass Band Arthur Bliss, Black Dyke Band, John Wilson
Brahms: Piano Trio Op. 101, Trio for Horn Op. 40, Wiegenlied & Op. 49 No. 1 Johannes Brahms, Trio Sora
Fauré: Requiem - Gounod: Messe de Clovis Gabriel Fauré, Le Concert Spirituel, Herve Niquet
Samaras: Tigra, Epinikeia & Chitarrata Spyridon Samaras, Maria Vlachopoulou, Lenia Safiropoulou, Angelo Simos, Sofia Amadeus Orchestra, Byron Fidetzis
Haydn: Late Symphonies, Vol. 3 Joseph Haydn, Danish Chamber Orchestra, Ádám Fischer
Thomas de Hartmann Rediscovered Thomas de Hartmann, Joshua Bell, INSO-Lviv Symphony Orchestra, Dalia Stasevska
Taneyev: Violin Sonata in A Minor & Piano Quintet in G Minor, Op. 30 Sergei Taneyev, Spectrum Concerts Berlin
Wolf-Ferrari: String Trios, Quartets & Quintet Ermanno Wolf-Ferrari, Trio David, Gloria Santarelli, Chiara Mazzocchi, Tommaso Castellano
Wolf-Ferrari: String Trios, Quartets & Quintet Ermanno Wolf-Ferrari, Trio David, Gloria Santarelli, Chiara Mazzocchi, Tommaso Castellano
Ronsard et la musique. Cueillez, cueillez votre jeunesse ! Albert Groz, Marc Mauillon, Anne Le Bozec
Rita Strohl: Volume 2, Musique de chambre Rita Strohl, Raphaëlle Moreau, Edgar Moreau, Tanguy de Williencourt
Roberto Alagna: 60 Richard Wagner, Roberto Alagna, Morphing Chamber Orchestra, Giorgio Croci
Nessun dorma Saverio Mercadante, Pene Pati, Orchestre National Bordeaux Aquitaine, Emmanuel Villaume, Amitai Pati
Carlos Simon: Four Symphonic Works Carlos Simon, Gianandrea Noseda, National Symphony Orchestra\, Kennedy Center
Messager: Coups de Roulis (Live) André Messager, Christophe Gay, Chœur des Frivolités Parisiennes, Orchestre des Frivolités Parisiennes, Alexandra Cravero
Impressions parisiennes Claude Debussy, Quatuor Van Kuijk
Ries: Symphonies Nos. 4 & 5 Ferdinand Ries, Janne Nisonen, Tapiola Sinfonietta
Gluck: Iphigénie en Aulide Christoph Willibald Gluck, Le Concert de la Loge, Julien Chauvin, Cyrille Dubois, Tassis Christoyannis
My American Story: North George Gershwin, Daniil Trifonov, Philadelphia Orchestra, Yannick Nézet-Séguin
Mozart: Requiem Wolfgang Amadeus Mozart, Ensemble Pygmalion, Raphael Pichon
Rita Strohl: Volume 3, Musique orchestrale Rita Strohl, Orchestre national d'Île-de-France, Case Scaglione, Lucile Richardot
Vivaldi - The Norwegian Seasons Antonio Vivaldi, Ragnhild Hemsing, Barokkanerne
Aram Khachaturian: Symphony No. 1 · Dance Suite Aram Khachaturian, Robert Schumann Philharmonie, Frank Beermann
Camille Erlanger: La sorcière (Live) Camille Erlanger, Andreea Soare, Joé Bertili, Chœur de la Haute école de musique de Genève, Orchestre de la Haute école de musique de Genève, Guillaume Tourniaire
East German Flute Concertos Gisbert Nather, Claudia Stein, Brandenburgisches Staatsorchester Frankfurt, David Robert Coleman
Americascapes 2: American Opus George Crumb, Basque National Orchestra, Robert Trevino
Alexandre Kantorow plays Brahms and Schubert Johannes Brahms, Alexandre Kantorow
Fauré: Orchestral Works Gabriel Fauré, National Symphony Orchestra Of Ireland, Jean-Luc Tingaud
Imants Kalniņš. Klusās dziesmas
Līga Priede, Andrejs Grimms
Dixit Dominus - Händel, Lotti George Frideric Handel, Les Argonautes, Jonas Descotte, Julie Roset, Camille Allérat, Anthea Pichanick, Maxence Billiemaz, Ilia Mazurov
Fra l'ombre e gl'orrori George Frideric Handel, Nahuel di Pierro, Ensemble Diderot, Johannes Pramsohler
Robert de Visée: Suites à la Mémoire d'un Poète Jacques Du Buisson, Perrine Devillers, Mathilde Vialle, Myriam Rignol, Thibaut Roussel
Hydropath Ulvi Cemal Erkin, Işıl Bengi
Zelenka: Missa Gratias agimus tibi Jan Dismas Zelenka, Hannah Morrison, David Allsopp, Kammerchor Stuttgart, Barockorchester Stuttgart, Frieder Bernius
Bellini: I Puritani Vincenzo Bellini, Dresdner Philharmonie, Riccardo Frizza


Autres écoutes

Je ne pourrai pas faire un bilan de tout ce que j'ai aimé cette année hors nouveautés, mais vous pouvez vous en faire une idée par les playlists suivantes : liste de toutes mes écoutes (discographiques) de 2024, soit 1500 albums – ne me demandez pas comment ça entre, je lis juste les chiffres et pourtant j'ai écouté nettement moins de musique que les années précédentes, du fait de mon temps dévolu à la pratique musicale, à la marche…. Surtout, la liste des 124 coups de cœur hors nouveautés – que ce soient des découvertes pour moi ou des retrouvailles avec des disques déjà aimés. Et bien sûr, je continue d'alimenter la liste (très incomplète) de mes disques indispensables (les « doudous ») au fil des moments où ils reviennent sur la platine.

Par ailleurs, énormément de playlists (dernièrement, concertos pour flûte et concertos pour cor) qui permettent d'explorer des genres par ordre chronologique. Du quatuor à cordes à la musique d'orgue en passant par l'opéra. Même si vous n'écoutes pas sur Spotify, il y a sans doute beaucoup d'idées d'écoutes à glaner, selon vos goûts – sachant qu'à peu près tous les disques sont désormais disponibles intégralement sur YouTube.

Beaucoup de projets de notules pour 2025, tous ne pourront pas être réalisés… à bientôt pour la suite, estimés lecteurs !

mercredi 18 décembre 2024

Dernières notules & vidéos (décembre 2024)


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Comme, pour des raisons techniques, il est de plus en plus difficile de publier de longues notules sur l'ancienne interface de Carnets sur sol, je recense ici pour les fidèles les dernières publications. (En attendant de pouvoir tout regrouper sous le même site, une fois rénové. Mais rénover le site, ça veut dire ne pas produire de notule, de vidéos, de podcasts pendant quelque temps – et c'est triste.)

Pour l'heure, j'ai ouvert un Linktree, https://linktr.ee/carnetsol , qui recense les (nombreuses) plates-formes sur lesquelles j'exerce.



¶ Sur Carnets sur sol concerts, j'ai tenu trace de tous les concerts vus depuis le début de saison, avec de jolies images en sus. Certaines excèdent le cadre du compte-rendu pour raconter autre chose susceptible d'intéresser les lecteurs non concertivores. Je précise ci-dessous lorsqu'un tel aspect est abordé. Ce n'est pourtant pas la priorité de mes écrits, d'ordinaire, mais l'attention non partagée pendant le concert permet de mettre le doigt sur des choses stimulantes, et le fait de produire un retour sur la diversité des lieux et des formats possibles me réjouit assez !

1. Les notules « de fond »

Je commence par le plus intéressant, trois notules un peu plus vastes sur des concerts auxquels je ne suis pas allé, et qui explorent donc surtout le contexte.

La vue écoute la musique

→ En partant du Don Giovanni de l'Athénée, rempli de chouchous et acclamé par tous, je pose la question de l'importance de la part visuelle dans le geste musical. On parle souvent de l'attitude scénique comme de la poudre aux yeux, mais je pense au contraire qu'elle explicite et prolonge l'intention musicale.
→ J'y reviens aussi sur les changements dans la technique lyrique au fil du XXe siècle, et les mutations profondes (et problèmes) que cela pose.

Anniversaire Christie

La Philharmonie de Paris, l'Opéra-Comique, l'Opéra Royal de Versailles et Harmonia Mundi célèbres en grande pompe William Christie, en louant la « flamboyance » de son caractère et la source d'inspiration qu'il est pour les jeunes générations.

Cela m'a mis très mal à l'aise, voire en colère, car la qualité exécrable de ses relations humaines est largement connue et documentée. Cette notule remet en perspective ce qui a déjà paru dans la presse, et pose la question, non pas de faire jouer ou non Les Arts Florissants, mais, pour commencer, de ne pas abuser le public avec de la communication mensongère – une complaisance qui coûte cher à ceux qui le fréquentent et doivent le subir au quotidien, sans espoir d'être entendus s'ils parlent, vu le personnage fictif qui a été créé par les producteurs.

Cette notule a depuis suscité beaucoup de témoignages, éparpillés sur les réseaux, qui dressent un portrait terrifiant, au delà de ce que je pouvais imaginer.

Notre-Dame-de-Paris : le réveil des orgues et le grand scandale

Dans cette notule, je tâche d'expliquer pourquoi il était parfaitement légitime de trouver ces improvisations insupportables… ou au contraire tièdement conformistes. L'occasion de reposer des questions autour des spécificités techniques de l'orgue. (Et de raconter un peu des épisodes de ma vie.)

Inclus dans la notule : les improvisations dont tout le monde a parlé, déjà calées dans la vidéo, pour ceux qui les auraient manquées.



2. Commentaires de concerts (et un peu au delà)

Et puis les notules liées à des concerts spécifiques. Je précise lorsque je raconte davantage que le seul concert, des éléments potentiellement intéressants même si la soirée elle-même vous indiffère.

#25 Fragments de Massenet rares – Chérubin, La Grand’Tante, Dialogue nocturne…

#26 Emmanuelle Da Costa, un nouvel opéra sur Actéon – et les bizarreries narratologiques des opéras de Maîtrise

→ Je pose ici la question de la narration dans des opéras écrits pour chœurs d'enfants sans solistes, naviguant de troisième en première personne, souvent distinctes. Une convention hardie lorsqu'il s'agit de s'adresser à un jeune public !

#27 LA MALÉDICTION DU TUBA INVINCIBLE : Moussorgski, Dukas, Tomasi, Escaich pour cuivres & percussions (CNSM)

→ Brièvement, les problèmes d'équilibre sonore (et la laideur) induites par l'usage du tuba. (Faut-il noyer les tubistes ?)

#28 Lieder et quatuor d’Emilie Mayer par l’Académie de l’Opéra : la TRAHISON

→ Ici, je me plains (comme d'habitude) de programmes non annoncés et changés sans avertissement – mais je ne ferai jamais mieux que la notule sur Pierre Rode.

#30 Enjeux techniques de la mélodie française : Fauré & Hahn par Gens & Fauchois (Cortot)

→ Ici, j'insiste sur des questions techiques : la technique d'opéra utilisée dans la mélodie française et la gestion de la fatigue vocale en concert. Avec des anecdotes marquantes dans la vie d'un mélomane.

#31 Ensembles de Rossini au CNSM

→ J'y félicite juste les intervenants, ce devait être un exercice pour les jeunes chefs et c'est devenu un spectacle d'opéra assez incroyable.

#32 Quand les critiques ont la berlue – (quatuors de Dvořák, sonates clarinette de Janáček et Poulenc)
(feat. Quatuor Akilone.)

→ Je repose, en d'autres termes, les questions que j'avançais dans L'imposture de la critique : le critique (en l'occurrence, j'étais invité par les relations presse) est-il vraiment le mieux placé pour s'exprimer ? En l'occurrence, j'ai été dubitatif sur l'approche interprétative d'un ensemble que j'aime énormément et dont j'ai par la suite adoré le disque dans le même programme. Est-ce vraiment moi qui ai ce soir-là après une journée de boulot tout mieux compris que les artistes et que moi-même à tête reposée quelques jours plus tard ? Ne donne-t-on pas une place exorbitante à des non-spécialistes, qui en savent bien moins que les artistes eux-mêmes ? 

#33 Symphonie de Vaňhal et Requiem de Kraus à Gaveau
(feat. Ensemble Lyrique Champagne-Ardennes, Orchestre de l'Alliance)

Raretés, je n'ai pas encore eu le temps d'en parler, au profit de l'association Abbé Priape.

#34 Dassoucy – comédie burlesque, en musique – Bibliothèque Mazarine

→ Exploration de ce genre, avec des extraits commentés du texte.

#35 Pong Concerto – pour tennis de table, percussions, violon et orchestre
(Gymnase de La Muette)

#36 Une association idéale : clavecin & accordéon – (pourquoi ?)

→ Quelques réflexions sur les raisons de la réussite de cette association inattendue.

#37 Adieux de Thierry Escaich à Saint-Étienne-du-Mont

→ Je n'ai pas encore eu le temps d'en parler, mais j'en ai publié un fragment sur la chaîne vidéo de Carnets sur sol.

#38 Vénus et Diane vues par Dubois, Godard & Fauré
(Maison de la Radio)

→ Cantates choisies par Bru Zane pour le Chœur de Radio-France. J'en parlerai.

#39 Dialogues des Carmélites par Les Siècles
(Py, TCE)

→ Impressionné par le nombre de prêtres dans la salle (et de fidèles qui se retrouvaient sur le ton « ah tiens, on croirait une sortie paroissiale »), et l'air particulièrement réjoui, alors que l'oeuvre n'est pas forcément favorable, sinon à la foi, du moins à l'Église. Les échanges polis à base de miséricorde totalement passifs-agressifs, les situations d'abus spirituel et les opinions personnelles hérétiques qui se succèdent me paraissent montrer l'institution dans sa complexité.
→ Notule en projet sur le livret, notamment autour de ces aspects.

#40 Entendre l’orgue de la plus belle église de Francilie
(Saint-Thibault-de-Marly, incluant Bruhns, Grigny, Balbastre et Messiaen)

→ Vaut surtout pour les photos, si vous ne connaissez pas le lieu !

#41 Ein Deutsches Requiem sur crincrins & pouêt-pouêts
(Pygmaglion, Pichon)

→ Pas encore écrit.

#42 Concerto pour alto (et sans violons) de Schnittke
(Tamestit, Philharmonique de Radio-France, Shani)

#43 Soprano, chœur & orchestre : Mendelssohn, Brahms, Bruch
(Béréau, Calligrammes, Ondes Plurielles, Terrail)

→ Inclut quelques pépites méconnues de Mendelssohn, et un extrait du meilleur opéra de Bruch !



3. Nouvelles vidéos

Côté vidéos, un extrait des improvisations d'adieu de Thierry Escaich le 1er décembre, montées sur la vidéo et les photos de ma visite de Saint-Étienne-du-Mont. Quatre improvisations dédiées chacune à une ville où il a séjourné : New York, Vienne, Saint-Pétersbourg, Paris. J'ai choisi New York, où l'on entend les échos des rythmes déhanchés et pétaradants de Broadway mêlés avec les relations harmoniques et les boucles des minimalistes (on entend l'empreinte du John Adams de Short Ride in a Fast Machine), se bâtissant au fil de marches harmoniques toujours plus tendues.
Un disque paraîtra avec d'autres improvisations autour de villes.

Et puis la suite et fin de l'acte I d'Ivan le Terrible de Raoul Gunsbourg, avec des vignettes de médiation pour repérer les éléments remarquables de la partition. (Je m'efforce de lire le livret tout en jouant.)
J'avais déjà parlé de l'œuvre et du compositeur dans cette notule, il y a deux ans.
Au programme  : prière et départ de Wladimir, édification d'Elena, arrivée épouvantable des Opritchniks, premier affrontement entre le Boyard et Ivan.



4. Projets

À court terme, publier la retranscription des commentaires sur Ivan le Terrible, pour ceux qui veulent lire sans écouter.

Et d'ici début janvier, la notule sur Dialogues des Carmélites – le texte m'a paru encore plus stimulant cette fois –, et une notule de bilan discographique 2024 : les belles découvertes, nouveautés ou non, de l'année écoulée, puisque j'ai peu eu le temps d'en parler dernièrement.

Sur le temps un peu plus long, je voudrais terminer le bilan des déchiffrages des deux ans et demi écoulés (il ne me reste plus qu'à écrire sur une poignée de pièces pour piano ukrainiennes), et surtout poser la question de ce que je peux faire de ce loisir… les vidéos ont déjà commencé à apporter des réponses, mais je voudrais accueillir des suggestions, et quand même poser les principes du projet, les possibilités ouvertes, les hésitations…

Parmi les notules un peu plus ambitieuses, j'aimerais beaucoup pouvoir mener à bien celle sur le Freischütz comme matrice orchestrale d'une large part du XIXe siècle, et/ou celle sur les leitmotive dans Arabella et le troisième acte de Die Walküre. Le format vidéo est peut-être pertinent ici, mais ça prendra dans ce cas encore plus de temps. Nous verrons.

Bien sûr, certaines séries attendent toujours leur conclusion, comme 1 décennie, 1 disque1 jour, 1 opéra, ou simplement leur poursuite, comme le panorama de la musique ukrainienne (qui n'en est qu'à son début !) ou la Bible par la musique (un gros travail sur les représentations XXe de Caïn, pour commencer !).

Je n'ai pas encore repris les podcasts, je suis un peu au milieu du gué : il y a un public, mais moins rapide que ne l'est pas production, je le laisse digérer l'existant et aviserai ensuite.

À bientôt pour les prochaines aventures !    (et la chute des tyrans)

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dimanche 8 décembre 2024

Comédie burlesque mêlée de musique – Dassoucy, Apollon & Daphné




Comme d'habitude, je prends le prétexte d'un concert pour évoquer un aspect musical plus général : ici, la comédie burlesque mêlée de musique du XVIIe siècle.
(Cliquez sur l'une des vignettes pour lire la notule illustrée.)



samedi 7 décembre 2024

Les disques de Notre-Dame



Notre-Dame vue depuis l'embouchure du Canal Saint-Martin, aujourd'hui même.


Quelques jours après le bel événement pyrotechnique d'avril 2019, j'avais proposé ce petit tour d'horizon des maîtres de chapelle et de tribune à Notre-Dame-de-Paris, assorti de recommandations discographiques et d'extraits sonores. J'imagine que ce soir est le moment d'inviter à le découvrir.

Je n'avais pas eu le temps d'écrire la suite de ce qui était prévu (notamment les disques enregistrés à Notre-Dame, les interprètes de Notre-Dame), sans doute aussi parce que cela me passionnait moins que la fabrique des compositeurs… mais s'il y a des questions, je puis toujours essayer de proposer quelques pistes.

dimanche 24 novembre 2024

Carl LOEWE – Gutenberg & les archevêques zombies


Je poursuis ma documentation à base de captation de déchiffrages. L'idée étant de passer au stade supérieur de la notule, celle qui inclut le son (et même l'image).

Oratorio étonnant, débordant de chorals et de thèmes archaïsants qui sous-tendent le discours. Gutenberg y débat avec Faust (Johann Fust), qui dans l'histoire véritable fut son investisseur, puis celui qui le dépouilla de son invention. Ici, au sein d'une guerre (réelle, avec des soldats et des batailles) entre archevêques, Fust dirige une milice qui détourne l'imprimerie pour produire des pamphlets politiques et religieux… et sa fille, Maria, est bien sûr le 𝑙𝑜𝑣𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑒𝑟𝑒𝑠𝑡 de Gutenberg.

C'est à nouveau un déchiffrage – je ne l'avais lu qu'une fois, il y a quelques mois. Et j'en avais témoigné dans la série qui en rendait compte.

Cette vidéo contient donc, enchâssés comme le bâton de saint Boniface, mes traductions, commentaires musicaux et contextuels. Je les reproduis ci-après pour ceux qui voudraient écouter en faisant autre chose, ou qui, sait-on jamais, ne voudraient que lire.



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Un oratorio de Carl Loewe

(1837)


                     Comme dans cette Ouverture, partout beaucoup d'effets
                     de chorals, de contrepoint ancien, pour suggérer l'atmosphère
                     de la Mayence de la Renaissance. Cet oratorio dispose vraiment
                     d'une couleur propre.
                     Par ailleurs, la partie vive de l'Ouverture, très différente, davantage
                     post-classique ou jeune-romantique, est particulièrement réussie.


    Le poème de la pièce est dû à Ludwig Giesebrecht, qui fut un de
    ces jeunes enthousiastes de Napoléon, engagé volontaire, avec
    son frère, dans les hussards du Mecklembourg-Strelitz.

    L'action se déroule à Mayence, alors que la machine de Gutenberg
    a déjà été inventée et développée.

    L'atmosphère est celle de guerres religieuses ; pas encore les
    guerres entre catholiques et luthériens, mais une lutte entre
    deux archevêques. De 1461 à 1463 – à la fin, donc, de la vie
    de Gutenberg, deux archevêques mènent une lutte pour le
    pouvoir.
   
    Thierry d'Isembourg est élu archevêque de Mayence en 1459
    avec peu de voix d'avance sur Adolphe de Nassau. Mais il
    refuse de payer l'impôt sur les bénéfices dû au Pape à chaque
    succession, se retrouve ainsi excommunié, et se fâche avec
    l'Empereur.

    La guerre est perdue sur le terrain militaire par Adolphe, mais
    avec l'aide des bourgeois de Mayence, il s'introduit dans la ville
    et, au termes de combats qui font 400 morts, s'en empare,
    laissant quantité d'habitations (et un cloître) incendiés.

    Après négociations, Thierry laisse la place à Adolphe victorieux
    contre quelques fiefs. C'est à cet archevêque excommunié que
    fait référence Gutenberg, je pense, dans la première scène de
    l'oratorio.

    Faust, décrit comme le meneur des citoyens de Mayence, est
    manifestement une version de Johann Fust, l'investisseur qui,
    après avoir financé l'invention de Gutenberg, en a obtenu
    la propriété auprès du tribunal –

    Gutenberg avait été obligé de tout reprendre à zéro.

    Ici, Faust est aussi le meneur d'hommes violents, et le père de
    Marie, que nous découvrirons plus tard.

    C'est donc tout le grand contexte de la vie de Gutenberg et
    de la Mayence du XVe siècle qui passe dans cet oratorio.

    Ces épisodes étaient-ils si bien connus du public d'oratorio
    du XIXe siècle, y compris de la région ? 

    (Que ce soit un sujet d'oratorio, c'est-à-dire d'opéra sacré
    à visée édifiante, ne laisse pas d'étonner, également.)

    Les sujets en sont en général plutôt tirés de l'écriture,
    mais le genre connaît un vif succès dans l'Allemagne d'alors
    et certaines œuvres deviennent plutôt des opéras sans mise
    en scène.

    [vers la fin de l'Ouverture]
    Thème de choral archaïsant à la basse – je n'ai pas
    vérifié s'il s'agissait d'un pastiche écrit par Loewe
    ou d'un emprunt (c'est le plus probable, et le texte
    du Psaume est sans doute en relation avec l'intrigue).

Première scène : introduction et scène d'ensemble

                                      GUTENBERG
    « Ô Mayence lumineuse, dont les forêts ont fourni le bâton
       de saint Boniface, qui apporta la foi de la Croix aux Allemands »


                                      GUTENBERG
             Comme la nuit autour de toi déploie ses ailes,
             Et les torches vacillantes et incertaines
             Apportent la guerre civile, qui a brisé
             L'ordre de la cité au moyen du sacrilège.

       Ô Mayence lumineuse, dont les forêts ont fourni le bâton
       de saint Boniface, qui apporta la foi de la Croix aux Allemands »

                               
    Un groupe de citoyens armés, menés par Faust    
    (pas Georg Faust, a priori, l'alchimiste qui donne naissance à la légende), remonte la rue et     chante :

    CHŒUR DES CITOYENS ARMÉS
        Ô fière Mayence, fondée par Rome,
        Fille intrépide de la vertu romaine,
        Tu as proclamé à nouveau ta liberté
        Et chassé la cohorte des tyrans !


    GUTENBERG, en même temps que le chœur
    Ton évêque, tes chanoines se détournent
    De toi en frémissant —
        Et dans les mains d'un prêtre banni,
    Le bâton sacré de saint Boniface !


    CHŒUR DES CITOYENS ARMÉS
    Une voix ne résonne-t-elle pas ici ?
    N'y a-t-il pas quelqu'un dans l'ombre ?

    FAUST
    Halte, qui es-tu ?
    Nomme-toi !
   
    GUTENBERG, avec calme
    Gutenberg. Tu me connais, Faust.


Le duo Gutenberg-Faust et tout le reste de l'acte sont déjà captés, il faut à présent continuer de les traduire et de les monter !

dimanche 10 novembre 2024

Carl LOEWE – Gutenberg et le chœur des imprimeurs assassins


Tentative de raffiner le format vidéo : un extrait de l'acte I capté en entier d'un inédit intriguant (et de haute volée), Gutenberg de Carl Loewe. Un chœur d'imprimeurs enragés qui imite les terrifiants crissements des machines, et annonce l'usage dévoyé de l'imprimerie pour faire la guerre et le mal, sorte de cauchemar du pieux inventeur. Cette scène clôt l'acte I et constitue, à mon sens, la pièce la plus étonnante de tout cet oratorio.

J'ai donc tenté un format de vidéo où mes commentaires musicaux et la traduction des textes sont incrustés au fil de la musique, pour rendre la chose plus pédagogique. Un peu long à faire – difficilement tenable pour les vidéos sur des actes complets –, mais il me semble davantage pertinent pour le public. (N'hésitez pas à me le faire savoir.)

Et pour ceux qui ne jurent que par l'écrit, les commentaires incrustés figurent ci-dessous dans la notule.

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(Bien sûr, comme vous le savez, je fais comme je peux sans avoir les moyens pianistiques de l'intention ; il faut le voir comme du déchiffrage – même si pour cette fois j'ai tout de même joué la pièce plusieurs fois auparavant pour arriver à rendre vaguement l'esprit, vu les difficultés pianistiques qui jalonnent tout l'extrait et vu le tempo pas vraiment négociable sans altérer l'atmosphère farouche du mauvais rêve…)


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Un oratorio de Carl Loewe
(1837)

Le chant des compagnons imprimeurs.

Gutenberg a une vision d'horreur : des hommes
en armes qui glorifient l'usage de l'imprimerie pour
des pamphlets qui servent à nourrir la guerre civile.

Section allegro feroce assez délirante, où l'on entend
les crissements de la presse et le cliquetis des armures.

Les frottements de seconde bien âpres,
sur un rythme ternaire furieux !

Faust, le bourgmestre de Mayence, dont la fille
est aimée de Gutenberg, le met en garde
contre le « vase de Pandore » de l'imprimerie.

Gutenberg gémit : il voit la porte s'ouvrir soudain sur
des hommes porteurs de torches et ceignant l'épée, qui
s'emparent des « signes pacifiques » d'un poing menaçant.

La dissonance est bien écrite, mais le fruit d'un arbitrage dans
ma réalisation de l'accord (trop périlleuse à jouer en déchiffrage) ;
c'est un rapport tension-détente normal (V-I) mais réparti sur
des octaves différentes, d'où le (joli) frottement qui cadre bien,
je trouve, avec la situation paroxystique.

Nous sommes désormais (étrangement) en mode majeur,
et le chœur des compagnons imprimeurs se met à chanter :
— Portez le pamphlet à travers marchés et ruelles,
Contre le Pape et l'Empereur à la fois !

Nous l'avons préparé pour un coup mortel :
Lettres magiques, devenez flèches,
Feuilles volantes, devenez couronne de poix !

Sur ces dernières imprécations, tout l'orchestre se met à triller
de façon insolente, sans doute pour figurer les stridences de la
machine d'imprimerie. Vraiment saisissant, et répété comme
peut l'être une tâche mécanisée.

— Pour appeler nos amis, pour écraser l'ennemi,
Volez sur le Rhin, traversez chaque cité !

Ici, le chœur devient beaucoup plus polyphonique,
avec une sorte d'effet de pléthore qui fait écho à
l'idée de dissémination des pamphlets…

(Je n'ai hélas pas assez de mains ni de place sur
le piano pour le jouer.)

GUTENBERG
Hélas, armes mortelles et meurtrières,
Vous saccagez ma pieuse invention !

CHŒUR DES COMPAGNONS IMPRIMEURS
Pour nous libérer du joug d'un tyran,
Ce qui était muet – et servait à rêver –
Prend soudain vie !

Fin du premier acte.

(Mon geste emphatique final ne matérialise
pas ma satisfaction d'exécutant mais plutôt
mon soulagement, comme un poids vertical
et descendant qui est soudain ôté !)

J'espère qu'en dépit des conditions d'exécution
vous aurez été comme moi saisis par ce moment
très inattendu au sein d'un oratorio dont la matrice
musicale imite par ailleurs volontiers les chorals luthériens !

Tout l'acte I a été enregistré et sera bientôt publié sur la
chaîne, en attendant que des gens compétents s'emparent
de la réduction piano ou de la partition d'orchestre, totalement
disponibles. (Si L'Arpa Festante voulait s'en charger comme
pour Jan Hus, ce serait un merveilleux cadeau pour nous tous.)


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samedi 9 novembre 2024

Nouveaux contenus (novembre 2024)


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Comme, pour des raisons techniques, il est de plus en plus difficile de publier sur l'ancienne interface de Carnets sur sol, je recense ici pour les fidèles les dernières publications.

Les autres sites de Carnets sur sol

¶ Sur Carnets sur sol (boueux), la déclinaison pédestre de CSS, Mission les Vineuses, résumé de mes émerveillements de marche dans la vallée de l'Yonne, dans le Sud de l'Auxerrois.

¶ Sur Carnets sur sol concerts, j'ai tenu trace de tous les concerts vus depuis le début de saison, avec de jolies images en sus. Certaines excèdent le cadre du compte-rendu pour raconter autre chose susceptible d'intéresser les lecteurs non concertivores.
#13 Influence du belcanto en Europe, via les Viardot – C. & J. Hugo (insistance sur la technique vocale et sur les caractéristiques des pianos viennois milieu XIXe)
#14 Autolied : Ulrich Messthaler, baryton-pianiste (Villa Viardot) (et la question des enjeux musculaires du chant auto-accompagné)
#15 Bourgault-Ducoudray, La Conjuration des Fleurs (Compagnie de l’Oiseleur, Temple du Luxembourg)
#16 Scie musicale, métro Bastille
#17 Airs de cour Louis XIII à gambe seule (Pitié-Salpêtrière) – où j'insiste sur les enjeux de la pratique retrouvée de la réalisation du continuo à l'aide d'une viole de gambe non accompagnée.
#18 Rita STROHL, Symphonie de la Forêt (ONDIF à la Philharmonie)
#19 Ubu Roi de Jarry avec musique de scène de Claude Terrasse (Les Frivos, Athénée)
#20 Andrea Chénier (Pirozzi, Enkhbat, Rustioni au TCE) – où je remets en perspective les paradoxes de l'étiquette « vériste ».
#21 Stockhausen, acte III de » Donnerstag « auf Licht (Philharmonie)
#22 Picture a Day Like This de Benjamin (à venir)
#23 Musique de chambre lituanienne (CNSM)
#24 Belt ouest-africain (ligne 5 du métro)
#25 Fragments de Massenet rares à l'Opéra-Comique (à venir)

¶ Sur Carnets sur sol disques, je retente l'idée d'un commentaire régulier de mes écoutes discographiques, sans tout mentionner (déjà essayé, c'est impossible, travail à temps plein), mais de façon plus commode à survoler pour vous, et à diffuser ou citer pour moi. (Et puis la page est jolie.) Parmi les entrées dont je n'ai pas parlé :
Martha Argerich dans Mozart.
→ Rita Strohl, volumes de chambre et d'orchestre.
→ Un étrange coup de cœur Khachaturian (Symphonie n°1 par Chemnitz & Beermann).
→ Louis Adam, le Professeur de piano.
Playlist de ma marche auxerroise, les bons sons slaves qui donnent du cœur !
→ Et bientôt : La Sorcière d'Erlanger, Les Argonautes, Vito Maria Brunetti…
Il est possible de s'abonner par courriel à ce site annexe comme aux autres, si jamais c'est plus simple pour vous. Clairement, vu la facilité de publication, cela me permet de publier bien davantage, je vais donc en faire un usage assez important jusqu'à ce que je trouve le temps (et la connaissance) pour réaliser un site unique sous une nouvelle version Dotclear ou Wordpress (mais qui inclue les archives, et cela rend la tâche sensiblement plus complexe). L'idée est de pouvoir déverser des écoutes éphémères dans des parties distinctes, sans noyer les notules un peu plus ambitieuses sous le flux.

¶ J'ai aussi ouvert, en prévision de l'avenir, un Carnets sur sol (notules) consacré aux sujets un peu moins éphémères. J'y ai pour l'instant reporté les parties les plus informatives des récits de concert, sur la réalisation à la basse de viole seule et sur les enjeux étranges de l'étiquetage vériste.

¶ Je manque de temps pour l'instant pour enrichir 1 jour, 1 opéra de nouveautés, mais je continue patiemment de reporter les archives (le fil Twitter d'origine étant difficilement lisible, et plus totalement public à cause des fantaisies de Gédéon Civette).

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Les autres formats de Carnets sur sol

¶ Je poursuis aussi avec les playlists :
→ le relevé des nouveautés intriguantes se poursuit inlassablement, de pair avec celle qui recense uniquement les coups de cœur parmi elles ; un bon moyen pour survoler ce qui se produit et trouver quelques bonnes idées d'écoutes (Vivaldi, Strohl, Erlanger, Nather, Crumb…) ;
→ la liste autour des œuvres à découvrir dans la saison francilienne s'enrichit d'œuvres vraiment improbables (Sonate pour piano de Louis Adam, Vitrail d'Escaich, Sonate violon-piano de Dubois, Fanfares Liturgiques de Tomasi, Quatuor à cordes de Šenderovas…) ;
→ une liste arbitraire de symphonique slave oriental que j'aime réécouter souvent (et notamment pour marcher) ;
→ suite à une grosse crise autour des versions « informées » des concertos (4 et plus) de Mozart, et autour du Double concerto de Ries, création de la liste Favoris pour cor solo (au sens large, incluant les concertos) : Mozart, Czerny, Ries, Brahms, Dukas, Børresen, Büsser, Bozza, Britten
→ suite à la publication toute récente chez Naxos d'un formidable disque de concertos pour flûte est-allemands, création de la liste Concertos pour flûte chouchous : Vivaldi, Grétry, Devienne, Mozart, Lachner, du Puy, Winter, Rosetti, Mendelssohn, Graener, Kochan, Nather… Genre très pratiqué au XVIIIe siècle, beaucoup moins ensuite, mais il existe tout de même quelques pépites, parfois atypiques, que je vous ai ici recommandées. (Commencez par du Puy pour le début XIXe, dans un esprit « opéra comique » de la transition romantique, Graener pour un discours qui allie la flûte à l'orchestre plutôt qu'elle ne met en gloire le soliste, et les langages du plein XXe siècle, très différents et très aboutis, de Kochan et Nather…) ;
→ et bien sûr toujours le compte-rendu de mes dernières écoutes, incluant mes coups de cœur et, lorsque je les croise à nouveau, mes disques doudous.

¶ Et bien sûr le projet déchiffrages publics, sous forme de diffusion vidéo brute : du score unboxing, je découvre avec vous et devant vous la partition, qui ne fut jamais enregistrée. Je ne sais pas si c'est utile, mais ça me donne toujours l'illusion de ne pas découvrir tout ça (je le fais de toute façon) en égoïste. Et le temps à mettre en ligne ces rushes bruts n'est pas trop considérable. (Même si, au fil des vidéos, j'affine la qualité de l'image et des commentaires. Car, oui, chaque vidéo est assortie d'un commentaire pour remettre en contexte et détailler les trouvailles de la partitions, en général à la fin de la vidéo.)
En piano :
Sergueï YOUFEROV, Élégie Op.1 n°3, une petite douceur ukrainienne, très bien écrite ;
Guido von SAMSON-HIMMELSTJERNA – Sonate en ré, du romantisme qui exploite délibérément une veine archaïsante ;
En opéra :
Georges HÜE, Dans l'ombre de la cathédrale, acte III, ultime de partie de cet opéra au héros marxiste, qui utilise notamment en motif récurrent… L'Internationale ! (pour le reste : début de l'acte I, suite de l'acte I, acte II intégral) ;
Raoul GUNSBOURG – Ivan le Terrible (1911), un des opéras les plus terrifiants que je connaisse (si jamais vous avez envie de ne pas vous changer trop les idées des crimes contre l'humanité rapportés dans les journaux)… et aussi le seul opéra français qui parvienne aussi bien à imiter la couleur russe – Gunsbourg, né en Roumanie, a commencé à diriger des troupes d'opéra en Russie, et cela s'entend. Chef-d'œuvre à mon avis. Pour l'instant, la première partie du premier acte, la seconde est déjà enregistrée et sera publiée prochainement.
Beaucoup de choses sont déjà enregistrées et paraîtront prochainement, comme l'acte I de L'Aigle de Jean Nouguès (entièrement bâti à partir de thèmes de chansons révolutionnaires) ou le Gutenberg de Carl Loewe, avec son chœur des compagnons imprimeurs assez dément !

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Voilà pour la récolte de ces dernières semaines. Je continuerai à annoncer ici pour ne pas perdre le fil du site, mais n'hésitez pas à vous abonner aux autres formats pour suivre les parutions en temps réel (en particulier pertinent pour les récits de concerts et les réflexions afférentes), le temps que je trouve une solution satisfaisante pour la mise à jour technique de Carnets sur sol !

lundi 14 octobre 2024

[Carnets sur sol (boueux)] De Mours à Presles – La promenade postlaborante et les dangers


Comment on rencontre des dangers imprévus en promenade…

(Contient quelques citations pour amuser les amateurs de jeux de piste musicaux et au delà.)

https://carnetsol.wordpress.com/2024/10/14/la-promenade-postlaborante-et-les-dangers



dimanche 13 octobre 2024

Bourgault-Ducoudray, La Conjuration des Fleurs




Immense plaisir de réentendre La Conjuration des Fleurs (déjà vue au CNSM en 2021), cette étonnante scène lyrique où les Fleurs révoltées opèrent une véritable campagne électorale (avant que d’être remises à leur juste place décorative par le Génie de la Nature).

Précédé d’un extrait de Stabat Mater et de mélodies inédites de ce Prix de Rome des années 1840. Une écriture variée et pleine d’esprit – je note la parodie du grand ensemble de la conjuration dans Les Huguenots de Meyerbeer (un des chœurs de la première partie est fondé sur le patron de « Pour cette cause sainte », voyez à la fin de cette piste), et aussi un écho discret de La Marseillaise pendant les exaltations électorales.

Équipe absolument incroyable, j’ai rarement entendu un chœur féminin chanter aussi timbré, aussi juste, et sans l’effet disparate qu’on a habituellement chez les voix solistes ainsi réunies. Chacune des chanteuses est en outre formidable en soi, je retrouve mes chouchoutes Marion Gomar, Aurélie Ligerot, Véronique Housseau, mais toutes ont des personnalités marquantes vocalement et interprétativement. Je serais très content d’entendre systématiquement des voix de cette qualité sur les grandes scènes…

(Et je retrouve Benjamin Laurent que j’avais déjà beaucoup admiré dans une précédente production, ainsi que L’Oiseleur en grande verve, dans un rôle qui met en valeur ses sensibilités textuelles.)




mercredi 9 octobre 2024

Dernières notules


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Comme, pour des raisons techniques, un certain nombre de notules sont publiées hors les murs historiques de CSS, voici un petit récapitulatif des dernières publiées.

Les autres sites de Carnets sur sol

¶ Sur Carnets sur sol (boueux), la déclinaison pédestre de CSS, Automne – et lavoirs – en Provinois.

¶ Sur Carnets sur sol concerts, j'ai tenu trace de tous les concerts vus depuis le début de saison, avec de jolies images en sus. Certaines excèdent le cadre du compte-rendu pour raconter autre chose susceptible d'intéresser les lecteurs non concertivores.
#1 Musiques amplifiées à la Grande Pagode de Vincennes
#2 Soirée électro au Stade de France
#3 Trios de Hensel, Wilssmer, Heute à la Maison du Japon
#4 Trios d'Arenski, Rachmaninov, Weinberg au Château de Sceaux (et la question du miracle de la proximité)
#5 Malmaison : Romances Empire sur piano carré (et une longue autofiction autour de la Tragédie des changements de programme en concert)
#6 Folk et chanson à Cortot (Ausgusta, UssaR, chien noir) (la salle est méconnaissable)
#7 Jazz aux Jeunes Aveugles (et l'incroyable salle de concert réversible en chapelle)
#8 Auber – Le Domino noir (reloaded) – Lesort, Hecq, OCP, Langrée (et quelques remarques sur la forme de l'œuvre, et en particulier le livret de Scribe)
#9 Quatre mains dans le Provinois (et la promenade des lavoirs racontée dans CSS boueux)
#10 Baroque viennois & polonais par Castelkorn (Pontoise) (et des images de la fabuleuse cathédrale asymétrique composite locale)
#11 Bruckner 0, et sur crincrins (Savall, Philharmonie)
#12 Chostakovitch 10 par Vienne & Gatti – pourquoi on n’aime pas un concert ?
#14 Autolied : Ulrich Messthaler, baryton-pianiste (Villa Viardot) (et la question des enjeux musculaires du chant auto-accompagné)
J'attire donc tout particulièrement votre attention sur la notule sur le spectacle #8 (Le Domino noir), qui remet l'œuvre dans le contexte des autres opéras d'Auber, plutôt qu'elle ne détaille le spectacle lui-même.
S'ajoutent deux autres notules, l'une pour méditer sur les formulations des courriels promotionnels (pas la chose la plus essentielle que j'aie écrite), et l'autre pour rigoler un peu du grand retour de J.-C. Gardiner.

¶ Sur Carnets sur sol disques, je retente l'idée d'un commentaire régulier de mes écoutes discographiques, sans tout mentionner (déjà essayé, c'est impossible, travail à temps plein), mais de façon plus commode à survoler pour vous, et à diffuser ou citer pour moi. (Et puis la page est jolie.) Parmi les entrées dont je n'ai pas parlé :
→ Télémaque & Calypso de Destouches,
Nightfall de Voces8, mélodies françaises pour quatuor à cordes seul par les Van Kuijk,
→ baroque viennois & polonais par Castelkorn (un des meilleurs disques de violon de tout sles temps),
→ les derniers volumes de la grande anthologie orchestrale Pavel Vranický chez Naxos,
→ relevé des nouveautés de cette semaine,
Iphigénie en Aulide de Gluck par le Concert de la Loge Olympique,
Norma de Bellini dans une veine très rétro (Rebeka, Deshayes, Teatro Real de Madrid, John Fiore),
→ Messa di Gloria de Puccini par la Radio de Munich et le Chœur de la Radio Bavaroise (Repušić)…
Il est possible de s'abonner par courriel à ce site annexe comme aux autres, si jamais c'est plus simple pour vous. Clairement, vu la facilité de publication, cela me permet de publier bien davantage, je vais donc en faire un usage assez important jusqu'à ce que je trouve le temps (et la connaissance) pour réaliser un site unique sous une nouvelle version Dotclear ou Wordpress (mais qui inclue les archives, et cela rend la tâche sensiblement plus complexe). L'idée est de pouvoir déverser des écoutes éphémères dans des parties distinctes, sans noyer les notules un peu plus ambitieuses sous le flux.

¶ Je manque de temps pour l'instant pour enrichir 1 jour, 1 opéra, mais je continue patiemment de reporter les archives (le fil Twitter d'origine étant difficilement lisible, et plus totalement public à cause des fantaisies de Gédéon Civette). Dernièrement, j'ai par exemple reporté celui-ci qui retrace l'histoire (atypique) du Liceu de Barcelone à l'occasion de la création d'un opéra en langue catalane !

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Les autres formats de Carnets sur sol

¶ Je poursuis aussi avec les playlists :
→ le relevé des nouveautés intriguantes se poursuit inlassablement ;
→ la liste autour des œuvres à découvrir dans la saison francilienne s'enrichit doucettement ;
→ création de liste Concertos pour harpe chouchous et, à peine esquissée pour l'heure, Concertos pour piano chouchous (avec, probablement, des idées d'écoute nouvelles) ;
→ création de la liste consacrée aux opéras romantiques allemands des deux premières générations (de Fidelio jusqu'à Das Liebesverbot, disons), déjà pas mal de pépites à découvrir (Die Räuberbraut de Ries !) ;
→ création de la liste Au voleur !, qui vaudra certainement notule explicative. Il s'agit de rapprocher des œuvres célèbres et d'autres antérieures qui semblent les avoir, volontairement au non, inspirées. Parmi les plagiaires : Wagner et Mahler.

¶ Et bien sûr le projet déchiffrages publics, sous forme de diffusion vidéo brute : du score unboxing, je découvre avec vous et devant vous la partition, inédite. Je ne sais pas si c'est utile, mais ça me donne toujours l'illusion de ne pas découvrir tout ça (je le fais de toute façon) en égoïste. Et le temps à mettre en ligne ces rushes bruts n'est pas trop considérable. Pour l'instant :
Max von Oberleithner, Aphrodite (début) (décadent autrichien d'après Louÿs, musique incroyable)
Fiodor / Théodore Akimenko, Souvenirs d'une âme rêveuse n°1 (symboliste ukrainien)
→ Georges Hüe, son opéra Dans l'ombre de la cathédrale, mélangeant naturalisme édifiant et évocation des idéalistes marxistes. Début de l'acte I, suite de l'acte I, acte II intégral et l'acte III doit être capté aujourd'hui !
Chaque vidéo est suivie d'un petit commentaire, pour situer ce qu'on a entendu et expliciter les premières trouvailles faites pendant cette découverte.

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Tout ça en deux semaines, c'est pas si mal. Je n'oublie pas non plus les prochaines notules à venir pour cette page-ci, elles sont en cours d'élaboration.

vendredi 27 septembre 2024

L'assassinat qui change l'histoire de la musique & la Malédiction de Pierre Rode


Cette notule s'appuie sur un concert singulier, mais explore de plus vastes rivages susceptibles d'intéresser les lecteurs non concertomanes : histoire des théâtres d'opéra à Paris, influence de la mort du duc de Berry sur l'histoire de la musique (styles compositionnels y compris), les loyautés partagées envers les visiteurs et les spectateurs, l'impact cataclysmique des changements de programme non annoncés, et surtout la Malédiction de Pierre Rode – connaissez-vous notre Seigneur Pierre Rode ? Avez-vous une minute pour en parler ?

La lecture de cette petite page devrait vous emmener en des lieux bien plus divers que la salle à manger de la Malmaison, un jour spécifique, ne pourrait le laisser supposer.



Concert sur sol n°5 : Malmaison.
Dimanche 15 septembre 2024.

Cliquez sur la vignette pour lire avec la jolie mise en page. Sinon, la version brute mal ajustée est disponible ci-dessous.

Suite de la notule.

mercredi 25 septembre 2024

L'arrivée des déchiffrages vidéos – Hüe, Oberleithner, Akimenko…


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Peu d'activité présentement sur cette face du site, pour cause de préparation de notules longues, mais aussi en raison de publications sur les autres formats de la constellation CSS :
disques ;
concerts ;
1 jour, 1 opéra ;
¶ (boueux).

… Et surtout, bien que je n'aie pas encore eu le temps de publier la notule où je pose la question de l'usage de mes déchiffrages – qui devait couronner le petit bilan auquel il ne reste qu'un épisode encore inédit –, la confection de premières vidéos (très artisanales !) de score unboxing : j'ouvre une partition et la découvre avec vous, mes séances de défrichage de répertoire / déchiffrage de partitions, captées au vol.

Je ne suis pas complètement sûr que ce soit très utile à part à une micro-poignée de très curieux – surtout lorsqu'il s'agit d'opéras, où je peux au maximum lire le texte simultanément. (Chanter et accompagner impliquent deux équilibres musculaires assez contradictoires, je ne peux pas faire les deux correctement et j'aimerais, dans ces œuvres, ne pas sacrifier les belles harmonies orchestrales.)
Néanmoins je me dis que l'aspect vidéo (bien que je n'aime pas trop voir ma bouille traîner sur les réseaux) aide à incarner le geste musical suggéré par la partition. Et à partager ce moment d'excitation très singulier où l'on met la main sur des beautés nouvelles, des styles qu'on n'avait pas imaginés, et où tout cela prend forme sous les doigts sans qu'on l'ait soi-même conçu ou anticipé…

C'est un test, l'idée générale – malheureux moi, je déflore la notule à venir – est de mettre à disposition ces rushes, ces découvertes brutes, plutôt que de les conserver égoïstement (et, surtout, stérilement) dans un coin de disque dur. Comme mon niveau instrumental – et ma patience – ne sont absolument pas suffisants pour mener à maturité l'exécution propre d'un opéra complet (ou même d'un fragment), je me dis que laisser traîner des choses cabossées et imparfaites peut donner l'idée d'aller creuser à d'autres personnes plus compétentes, ou simplement piquer la curiosité des mélomanes les plus purulents.

Il n'en demeure pas moins que je continue de m'interroger sur l'usage de ces déchiffrages, et je vous poserai la question à ce propos, estimés lecteurs, dans la notule à venir – si jamais certains d'entre vous ont des idées.
En attendant, ces vidéos ne me coûtent pas beaucoup, considérant que je fais de toute façon ces séances. Quelques giga-octets à stocker, et quelques minutes pour concaténer la vidéo d'exécution et la vidéo d'explication, c'est tout ce que je fais. Et ainsi, ces petites bouteilles à la mer attendent de trouver, peut-être, le curieux qui cherchait à entendre davantage de tel ou tel compositeur, ou qui se laissera porter par la surprise.

Chacune de ces vidéos d'exécution est suivie d'une rapide séquence de commentaire où je prends la partition et détaille à chaud quelques-unes de mes impressions de lecture.


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Pour l'instant :

¶ Max (von) Oberleithner, Aphrodite (1/…)
→ J'en avais un peu parlé dans cette notule.

¶ Georges Hüe, Dans l'ombre de la cathédrale (1/…)

¶ Et, à l'origine, cette tentative sur Twitch (format trop chronophage) sur Vercingétorix de Félix Fourdrain, sans l'image, avec la partition et mes commentaires en illustration : acte I (accompagnement seulement), acte II (avec chant simultané).

Le son est ce qu'il est (je travaille à l'amélioration), le commentaire improvisé aussi, pour ne rien dire de l'exécution – je n'ai jamais été un bon pianiste, j'en ai conscience. Pas du tout conçu pour remplacer vos disques préférés… pour autant, c'est clairement une offre que vous ne trouverez pas ailleurs.

Je vais tâcher d'abonder le fonds régulièrement sur la page YouTube de Carnets sur sol.

(J'ai ainsi les Souvenirs d'une âme rêveuse de l'Ukrainien Fiodor / Théodore Akimenko à publier, cycle symboliste pour piano, d'un slave debussyste dont je parlerai très bientôt dans la dernière livraison des déchiffrages et pour la suite du panorama de la musique ukrainienne !)

Puis, dans les prochains mois, des projets de résurrection en partenariat avec la chaîne Erlanger Leretour, l'idée étant d'inclure des chanteurs ou d'autres musiciens dans le processus, pour un rendu progressivement plus probant (et des formats potentiellement plus ambitieux, nous verrons).

lundi 16 septembre 2024

Concert sur sol n°4 – Trios d'Arenski, Rachmaninov, Weinberg au Château de Sceaux


Samedi 14 septembre 2024.

Par le Trio Pantoum.
(Cliquez sur la vignette pour ouvrir.)


weinberg sceaux

Concert sur sol n°3 – Trios de Hensel, Wissmer, Heute à la Maison du Japon


Vendredi 13 septembre 2024.

(Cliquez sur la vignette pour ouvrir.)

http://carnetsol.fr/css/images/wissmer_japon.png

samedi 14 septembre 2024

Les pépites de la rentrée des concerts


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La playlist des œuvres (ou, à défaut, des compositeurs) mis à l'honneur dans cette sélection de septembre.



L'agenda des concerts franciliens a largement été mis à jour.

J'ai failli être submergé et y renoncer, mais l'intelligence artificielle m'a beaucoup aidé pour organiser les données sans perdre trop de temps en mise en forme. Me reste à coder un petit utilitaire en Python (c'est apparemment accessible aux débutants, je ne comprends pas que personne ne s'y soit mis) pour pouvoir aspirer les données sans tout ouvrir et copier un à un dans des onglets. C'est en projet.

Cette année, beaucoup de choses en septembre, plusieurs festivals sont encore présents comme :

Inventio, le 14 à l'église de Chevru (77), trio pour flûte, alto et harpe (et la rare Suite pour alto solo de Max Reger), avec le statosphérique flûtiste Samuel Casale – je garde un très vif souvenir de lui (timbre exceptionnel et phrasés très intelligents), il m'avait tellement fulgurisé dans une pièce d'Eugène Bozza que j'avais conçu dès le lendemain une notule autour du compositeur.
Le 28 ce sera balade des deux lavoirs à Bannost-Villegagnon (77). Puis piano à quatre mains dans l'église : Fantaisie en fa mineur de Schubert, La Péri de Dukas, Feldman, Debussy.
15€ pour navette (à réserver par courriel) + balade guidée + concert + goûter. Imbattable.

Festival de l'Orangerie de Sceaux, avec cette année une programmation particulière stimulante (le trio extraordinairement mélodique et expansif d'Anton Arenski ou encore l'étonnant, à la fois très dense musicalement et fortement imprégné de folkore, Quatuor à quatre violons de Grażyna Bacewicz) de surcroît dans des lieux inhabituels (et exceptionnellement dévolus au concert) comme le Grand Salon du Château ! 

Festival Musiques aux Mines (l'école), notamment un Trio de Pierre Wissmer (à la Maison du Japon !) et une orchestration du Quatuor de Fanny Mendelssohn-Hensel, et pas mal de compositeurs (et compositrices, donc compositeurices) vivants.

Festival de Royaumont, là aussi avec quelques pépites : concert issu d'une masterclass de Marc Mauillon sur l'air de cour, concerts thématiques de Vincent Dumestre (Espagne, noces de Louis XIV…), et la traditionnel Nuit du lied qu'on devrait retrouver plus tard dans la saison, sous forme de déambulation au Musée d'Orsay.

Parmi les autres pépites, le concert de mélodie française le 30 septembre en partenariat avec les jeunes lauréats du Wigmore Hall, Salle Cortot – Viardot, Messiaen, Dutilleux… !

Le 21 septembre, conférence de Françoise Masset autour de Marceline Desbordes-Valmore, avec concert qui s'ensuit. Gratuit sur inscription.

Ou encore ces deux concerts gratuits du Wrocław Baroque Ensemble qui vient tout exprès en France pour cela, les 20 et 21, à Saint-Séverin à Paris, puis dans l'église de L'Isle-Adam (fantastique portail Renaissance si vous n'y êtes pas déjà allé, ménagez un moment avant ou après pour vous y abîmer). Motets tout début XVIIe de Mikołaj Zieleński (~1550-1615), fin Renaissance début baroque, le maillon qui précède mon chouchou absolu de la polyphonie chorale, Bartłomiej Pękiel. Très bon ensemble, voix très pures et transparentes, ils ont déjà documenté beaucoup de choses au disque dans cette période, majoritairement des raretés.



Grâce à la recherche en plein texte, vous pouvez aisément retrouver tout cela dans l'agenda (il faut simplement utiliser l'icône dans le document et non dans le navigateur).

… en attendant la publication de notules plus substantielles, simultanément en préparation ces dernières semaines, d'où le rythme de publication plus espacé que de coutume.

mardi 27 août 2024

Qu'écouter aujourd'hui ? – Les playlists de Carnets sur sol


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Faute de temps pour tout entretenir et poursuivre simultanément des projets plus vastes, j'ai dû renoncer à commenter tous les disques que j'écoutais. Les publier sur CSS risque de noyer les notules de fond sous la masse ; les publier sur DSS les rend invisibles (et l'obsolescence du logiciel rend l'inclusion d'images, particulièrement bienvenues pour les pochettes de disques, assez fastidieuse). J'hésite entre continuer à alimenter de loin en loin le fichier susmentionné ou à lancer un site autonome avec un outil de publication à jour, qui permette de s'abonner par courriel comme on me le demande souvent (j'ai lancé un test ici : https://carnetsoldisques.wordpress.com). Ce serait alors le même modèle que pour mes promenades et 1 jour, 1 opéra où je continue à poster – avec sensiblement moins de vues que sur le site principal, mais j'ai l'impression que cela rend la navigation plus claire (et me permet, surtout, de publier davantage en dépensant moins de temps en mise en forme).

Se pose la question d'un site qui pourrait centraliser tout ça (avec des onglets ?), mais pour l'instant le meilleur choix ne m'apparaît pas tout à fait clairement, et j'ai déjà beaucoup tâtonné sur ce format d'instantanés, alternant les moments où je tâche d'en publier beaucoup, et ceux où je me concentre sur des notules plus longues.

Dans l'attente, sachez tout de même qu'à défaut de commentaires, je constitue des listes, qui feront à terme l'objet de notules. Sur Spotify (accessible même si l'on n'est pas abonné), j'ai ainsi constitué quelques dizaines de playlists thématiques, pour permettre de picorer et découvrir de nouveaux horizons. Ce n'est pas aussi bien qu'un commentaire, mais cela me permet de proposer beaucoup plus de pistes d'écoutes. Les playlists, du moins celles achevées, sont classées par date de naissance des compositeurs – il peut y avoir des approximations ou des noms pas encore classés, mais c'est en général l'esprit. L'idée est de fournir des idées d'écoute, des panoramas diachroniques de tel aspect musical.

Toutes les listes d'écoute sont disponibles sur cette page. (Et j'en exporte régulièrement une version tableur, ce qui permet, en cas de changement de politique de la plate-forme, de pouvoir réexploiter ce contenu.)
Même sans les écouter spécifiquement sur Spotify, vous trouverez sans doute là des idées assez faciles à glaner – avec toutes les références et pochettes, plus facile à parcourir qu'une liste en texte brut.



Vous en rencontrerez plusieurs types.

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Les playlists qui accompagnent des notules :
Caïn en musique (complète, en avance sur la série de commentaires) → notule 1, notule 2 ;
musique & I.A.notule ;
opéra comique et grivoiserie → notules La Laitière, Guillaume Tell, Le roi Carotte ;
¶ origines apocryphes de God Save the King, l'enquête → notule ;
Sturm und Drangnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras françaisnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras allemandsnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras slavesnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras en langues diverses, sacré, symphonique, mélodiesnotule ;
déchiffrages inédits lieder 2022-2024notule ;
¶ « célébrités et tubes » (je ne retrouve plus la notule !) ;
Don Quichotte de Paisiello au Louvre → notule ;
notule sur les nouveautés septembre-octobre 2023notule ;
notule Beyoncé-Jenůfanotule.

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Les playlists qui accompagnent des podcasts :
panorama de la musique ukrainienne (avec les podcasts insérés) → notules ;
la musique populaire imprimée, matrice invisible des compositeurs établis (avec les podcasts insérés) → notule ;
¶ « l'opéra ? »  (podcast uniquement) → notules ;
¶ « qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? »  (podcast uniquement) → notules.

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Les séries historiques, qui permettent d'embrasser un genre :
histoire générale de l'opéra (90 titres jusqu'à l'orée de LULLY, je me suis ensuite orienté vers des histoires de l'opéra triées par langues pour que ce soit gérable) ;
histoire de l'opéra italien (jusqu'à Mayr, à compléter largement, avec podcast inséré) → notule ;
histoire de l'opéra français (jusqu'à Lalo, à compléter avec la suite) ;
histoire de l'opéra suédois (complète, avec notule afférente) → notule ;
histoire de l'opéra danois (inachevée) ;
histoire du quatuor à cordes (complète, avec micro-podcasts insérés) ;
les sextuors à cordes (complète, avec micro-podcasts insérés) ;
¶ œuvres écrites en collaboration entre plusieurs compositeurs ;
les états de la chanson Prinz Eugen der edle Ritter ;
les peintres mis en musique (la playlist par laquelle j'ai débuté l'exercice, je crois !).

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Répertoire discographique de compositeurs :
Santiago de Murcia, discographie comparée ;
best of Pierre Rode ;
Hüttenbrenner (associée à une notule) ;
répertoire de Samuel Coleridge-Taylor ;
répertoire de Roy Harris ;
¶ tous les chefs-d'œuvre de Philip Glass (achevée et exhaustive) ;
¶ et même une sélection discographique de la meilleure chanteuse du monde (si j'existe, c'est d'être fan).

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Les sélections personnelles (subjectives), pour conseiller le (mon) meilleur d'un répertoire (plus parlant qu'une notule en forme de liste, je pense) :
offertoires de Requiem (complète, avec une première notule pour l'explorer) ;
variations orchestrales ;
symphonistes décadents (embryon) ;
chefs d'orchestre compositeurs (embryon) ;
symphonies pour cordes ;
concertos pour violon (dans le désordre chronologique, mais versions choisies avec soin) ;
concertos pour hautbois ;
concertos pour clarinette (complète) ;
quatuors piano-cordes (début) ;
trios piano-cordes (embryon) ;
favoris pour piano ;
pièces d'orgue chouchoutes (série de notules à venir), suivies de trois sous-listes :
clavecin chouchou ;
favoris pour harpe ;
favoris pour guitare baroque (embryon, pour l'instant je n'y ai mis que du Murcia et du Sanz par Pitzl…) ;
favoris pour basson solo ;
favoris pour cor solo ;
hors classique (mélange de doudous et de découvertes récentes à approfondir) ;
¶ le top réalisé automatiquement par Spotify à partir de mes écoutes les plus fréquentes en 2023 – pas tout à fait exact (la hiérarchie entre les pistes est tout à fait fantaisiste, j'ai bien plus écouté ce Pękiel que ce Beethoven, par exemple), mais assez représentatif de mes doudous.

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Des listes pour accompagner des événements :
→ pour les curieux qui voudraient pré-découvrir les raretés de la saison francilienne 2024-2025 (à peine commencée) ;
→ mise en ligne du catalogue Château de Versailles Spectaclesnotule ;
→ pour répondre à la commande d'une bande son pour accompagner une exposition sur la mémoire de génocides (le cahier des charges étant discret en volume, pudique en émotions, ni trop déprimant, ni trop emphatique).

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Les relevés de nouvelles parutions :
relevé des nouveautés qui me paraissent intéressantes (et ici les archives 2023-1, 2023-2),
→ liste des nouveautés que j'ai écoutées, si jamais vous voulez m'interroger dessus (archives 2023-2),
→ liste des coups de cœur parmi les nouveautés (archives 2023-2).

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Les relevés d'écoutes :
liste (à peu près) complète des disques que j'écoute, sauf incunables disponibles seulement à l'achat / en médiathèque / sur YouTube, évidemment, là aussi comme base pour retrouver mes petits, ou pour échanger avec des lecteurs (archives 2023-1, 2023-2) ;
→ et parmi ceux-là, les coups de cœur, que ce soient des découvertes ou des réécoutes (archives 2023-2) ;
→ et ces disques doudous auxquels je reviens inlassablement depuis des années.

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Et d'autres indépendantes de CSS :
→ comme celle-ci où je recense quelques disques hors classique que je projette d'écouter plus sérieusement ;
→ ou mes listes d'écoutes pour me bercer le soir ou la nuit : 1, 2, 3, 4 (si vous cherchez de très beaux disques avec peu de contrastes dynamiques, c'est par là).



Voilà un certain nombre d'idées d'écoute, de quoi vous occuper quelque temps. J'en discute volontiers avec vous dans les commentaires – j'imagine qu'il y aura grandement matière à compléter ou.

Par ailleurs, si vous cherchez des idées sur un thème précis, vous pouvez demander, je fais l'exercice avec plaisir tant que le temps à ma disposition n'est pas trop limité. (Ce fut le cas pour la liste Peintres, celle sur les Variations orchestrales ou encore Mémoire des génocides, par exemple.)

David Le Marrec

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