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dimanche 8 octobre 2023

Dagmar ŠAŠKOVÁ, meilleure chanteuse du monde




Concert sur sol n°16 :
Duos sacrés et profanes (Livre VII) de Monteverdi par Il Festino


Ce soir, ma chanteuse préférée passait dans la salle de concert la plus proche de chez moi. C'était pourtant l'occasion d'ouïr en salle Le roi David d'Honegger par le Chœur de Paris (ensemble amateur, jamais entendu encore) – mais la chair est faible.

Un disque ne reproduit pas du tout l'impact physique du concert, mais voici toujours une petite sélection, puisqu'elle a gravé pas mal de choses, souvent dans des collaborations :



C'était mon tout premier concert quand je suis arrivé pour vivre à Paris, il y a 14 années désormais. Déjà Manuel de Grange & Dagmar Šašková, dans des chansons à boire de Moulinié en prononciation restituée – et Julien Cigana qui déclamait le Melon de Saint-Amant, autre expérience qui bouleversa mon rapport à l'art.

La voix est toujours là, avec les mêmes qualités : l'école tchèque de chant est certes actuellement la meilleure au monde, et son parcours au Centre de Musique Baroque de Versailles lui assure la meilleure conscience musicologique qui soit, mais sa technique est tout de même particulièrement singulière – et pour tout dire assez parfaite.
Šašková utilise beaucoup la technique du chant « dans le sourire » (on parle aussi de la position « du lapin », avec les commissures qui s'étendent latéralement), ce qui ramène tout le son à l'avant, étroit mais très focalisé et brillant. Et je suis toujours frappé, justement, par cette focalisation extrême; toutes les voyelles passent dans le fameux chas de l'aiguille, même les plus difficiles. Je n'ai jamais entendu ce [oin] aussi pleinement timbré et antérieur, vibrant complètement, tout de lumière, même chez les meilleures chanteuses françaises du passé ; très révélateur de la substance de son timbre je crois. Ces qualités s'étendent jusqu'à son grave, puisqu'elle se présente comme mezzo-soprano, ce qui surprend beaucoup en entendant son timbre particulièrement clair ; mais il est vrai que ses graves sont sonores et très sainement émis !  L'entendre, comme lors de ce concert, faire sonner les secondes parties de duos, est une expérience assez incroyable. Je suis sorti sonné de son Pur ti miro avec Bárbara Kusa.

Avec cela une phraseuse très sensible, déposant les mots avec une précision remarquable, en particulier en français. Elle a hélas laissé davantage de disques en italien, mais on en trouve quelques-uns, avec Il Festino ou bien sur sa Séléné du Ballet Royal de la Nuit par l'ensemble Correspondances (« Moi dont les froideurs sont connues »). Et les ornements sont remarquablement informés dans leur principe et justes dans leur résultat esthétique…

Malgré quinze ans écoulés, la voix reste la même, radieuse, directe, fendant l'espace comme un laser, et non sans profondeur, comme irisée d'un arc-en-ciel doré. Pour moi, c'est vraiment l'idéal absolu, tout le monde devrait chanter comme cela. (D'ailleurs son motet d'alto, Ego flos campi pendant ce concert Monteverdi était merveilleux…)

Je n'ai rien dit du reste du concert, pourtant j'adore Bárbara Kusa, un peu plus opaque et rugueuse en comparaison (ce sont des compliments, rugosité singulière et pleine de caractère !), mais là aussi, une voix d'une franchise, d'une souplesse, prête à tous les répertoires, que j'aime tout particulièrement. Et Manuel de Grange conduit toujours Il Festino avec un sens tout particulier de la déclamation, tous ses concerts et tous ses disques sont pensés pour magnifier à la fois le répertoire et l'élocution. C'est vraiment l'ensemble baroque dont je suis inconditionnel.



L'endroit – le Temple de l'Âme, qui accueille un courant du protestantisme libéral fondé par le pasteur Wagner – est assez insolite en lui-même, très belle épure, avec sa galerie-mezzanine, des vertus inscrites en style Art Nouveau où la CHARITÉ fait pendant au LABEUR, et surtout ses coins garderie, ses lavabos, son frigo pour casse-croûte en plein dans la salle de culte – véritable lieu de vie qui n'a pas du tout le caractère sacré d'une église catholique. J'aime énormément cette ambiance, nimbrée d'un bel enduit jaune et éclairée par sa verrière plate.

À l'issue du concert – salle pleine, accueil remarquablement chaleureux et bruyant pour un concert de fin d'après-midi aux têtes chenues – je sors sur le boulevard, et Paris sent les bonnes odeurs de parfums et de mets… je crois que j'ai vraiment été envoûté !  Šašková still rules them all.

David Le Marrec

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