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Yvain et les livrets


En revenant de l'opérette Gosse de riche (production Neyron / Frivolités Parisiennes / Athénée), je suis une fois de plus frappé de l'équilibre propres aux œuvres de Maurice Yvain. Contrairement à bien d'autres opérettes où la musique fait une grande part de l'intérêt, voire sauve une intrigue assez médiore, chez Yvain c'est au contraire souvent la qualité de la collaboration littéraire qui fait le sel – ou l'échec des œuvres. Dans Gosse de riche, je n'ai pas vraiment relevé de musique qui soit mieux qu'agréablement fonctionnelle – une petite bifurcation harmonique imprévue pour soutenir la description du Vidame de Kermadec (sur les paroles « rance, pas de dents, chauve depuis l'enfance »), avec une nuance de tendresse assez savoureuse – c'est à peu près tout ce que j'ai senti hors de l'ordinaire.

En revanche, encore mieux que Willemetz avait fait une proposition franchement originale pour Là-Haut (un retour de trépassé pour surveiller sa femme, rencontrant des anges gardiens assez fantasques), ici Jacques Bousquet & Henri Falk proposent un livret d'une qualité rare – intrigue touffue dans le goût des comédies bourgeoises de boulevard, assez lisible cependant pour se satisfaire du moindre nombre de mots disponibles dans une version chantées, airs égrenant des listes loufoques, mais aussi soin du beau langage (« il eût sonné »), richesse du vocabulaire (sur toute l'étendue du précieux à l'argot à la mode – « c'est bath »), et références particulièrement amusantes.

Wagner est régulièrement convoqué (murmures de la forêt, appels de Brangäne) – sans que rien n'en transparaisse dans la musique, ces clins d'œil adviennent pendant les dialogues –, et toute la littérature française défile dans la bouche des personnages, en un name-dropping incessant : Hugo, Baudelaire, Verlaine, Morand, Bazin… et jusqu'à des pastiches dans le texte même (au moins deux Verlaine, dont « voici des fruits, des fleurs » et un Guitry « que les hommes sont bêtes »).

Mais à rebours, lorsque la situation n'est pas aussi savoureuse, comme dans Chanson gitane avec le texte de Louis Poterat (qui m'avait paru, dans mon souvenir, d'un goût plus univoque, davantage « Francis Lopez »), il est plus difficile de se passionner pour l'œuvre que chez Lecocq (Le Petit-Duc), Messager (La Basoche, Coups de roulis, Véronique…), Roussel (Le Testament de la tante Caroline) ou Misraki (Normandie).

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Production

Il faut bien sûr redire tous les éloges sur le niveau et l'entrain des Frivolités Parisiennes (en joué-dirigé du premier violon pour cette série !), le savoir-faire de Pascal Neyron avec peu de décors et d'accessoires, et la qualité des chanteurs. Tout particulièrement Philippe Brocard, Charles Mesrine (un excellent ténor très sous-employé dans le circuit) et Lara Neumann – son talent vocal et scénique, explosif, et remarqué par tous production après production, rend inexplicable sa notoriété relative. 


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Commentaires

1. Le jeudi 14 mars 2024 à , par GP

Bonjour,
Je ne peux qu'abonder dans votre sens quant à la qualité du livret et des lyrics. Il m'a cependant semblé qu'il y avait plus de surprises musicales que celle que vous relevez. Mais n'est ce pas dû à une orchestration qu'on imagine fortement retravaillée ?
Seul bémol pour ma part : depuis l'orchestre l'effectif pléthorique des musiciens entraînait parfois un déséquilibre fosse plateau très nuisible à l'intelligibilité des chanteurs.
Merci pour vos avis et conseils toujours éclairés. Je suis surpris que vous n'ayez rien dit du Pelléas "original" donné un peu plus tôt au même Athénée. C'est pourtant bien votre genre de beauté, non ?

2. Le samedi 16 mars 2024 à , par DavidLeMarrec

Bonjour GP !

Je suis curieux de vos moments musicaux – le fait qu'ils m'aient échappé ne veut pas dire qu'ils n'existent pas ! (C'était par ailleurs ma première audition de l'œuvre, hors des extraits gravés par l'album Croisette.)

Je ne suis pas sûr que ça ait été réorchestré : il y avait beaucoup de monde en fosse et ce n'est pas écrit pour un orchestre pléthorique. (Mais je ne sais pas du tout s'il y avait une section de sax à l'origine, par exemple.) En tout cas personne n'est crédité de l'arrangement sur leur site.

Je n'ai pas eu de problème d'intelligibilité, excepté peut-être pour Amélie Tati (Colette), excellente actrice (ses scènes de caprice sont anthologiques) mais voix peu projetée effectivement. Neumann, Lenormand, Brocard passaient même avec une grande aisance !

Je n'ai rien dit de Pelléas faute de temps : je ne parviens pas à faire 150 concerts par an et à tous les évoquer, surtout lorsqu'il faut ajouter les disques, et par-dessus tout les notules « de fond » qui sont en principe ma priorité. J'essaie de dire un mot lorsque j'ai l'impression d'avoir à exprimer un élément qui n'a pas été souligné ailleurs, mais je ne peux pas tout couvrir.

Pour ce Pelléas : j'ai énormément aimé la proposition, y compris scénique (l'étude du personnage de Golaud non comme un brave gars dépassé par les circonstances, mais comme un abuseur récurrent qui se trouve des excuses, ça ne contredit jamais le livret, c'est impressionnant). J'ai repéré à cette occasion quelques nouveaux détails de la partition dont j'ai prévu de parler lorsque j'en aurai le temps (tissu des motifs notamment).
Je préfère tout de même Pelléas avec les couleurs et contrepoints orchestraux, mais en effet, on était tout à fait dans mon genre de beauté ! Je comprends que vous avez aimé aussi ?

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David Le Marrec

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