Clara WIECK-SCHUMANN - Volkslied (Heine)
Par DavidLeMarrec, vendredi 29 mai 2009 à :: Clara Wieck-Schumann - Musique, domaine public - Lutin Chamber Orchestra - Discographies :: #1267 :: rss
On poursuit notre périple téléchargeable commenté dans les lieder de Clara. [Ainsi qu'un morceau de discographie indicative.]

Heine n'a pas inspiré que les musiciens, témoin le recueil de nouvelles Es fiel ein Reif in der Frühlingsnacht de l'écrivain thèque d'expression allemande Ossip Schubin (1854 - 1934).
Volkslied (« Chant populaire »)
Le titre se justifie en ce que le poème de Heine s'inspire d'un poème populaire collecté par Arnim et Brentano. Il s'agit d'un des tout plus beaux de Clara, sans doute même le plus touchant avec Warum willst du and're fragen.
Clara Wieck-Schumann en inverse les deux derniers mots dans sa mise en musique.
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Ce Volskslied par le meilleur élément du Lutin Chamber Ensemble.
Poème de Heine | Traduction DLM |
Es fiel ein Reif in der Frühlingsnacht, | Le givre est tombé dans la nuit de printemps, |
[1] Le huitième vers est une expression ramassée difficile à rendre : aucune chance, aucune bonne étoile (c'est-à-dire pas de chance, ni ponctuelle, ni générale).
[2] Perdu est à entendre au sens le plus fort.
Il s'agit du volet central du microcycle Tragödie I, II & III (« Tragédie »), qui, fait intéressant, est également utilisé par Schumann (en 1841), mais pour ses trois parties simultanément.
Ce petit ensemble se trouve dans les Verschiedene (« Mélanges ») de Heine, et se compose très simplement :
- déclaration enflammée et chantage affectif de l'amant (il meurt sur place et elle se retrouverait seule) - ce qui éclaire quelque peu la dimension morale de la deuxième partie ;
- errance mortelle des deux jeunes gens ;
- description du lieu de la tombe naturelle, mélancolie des oiseaux.
La simplicité de la langue, la juxtaposition entre passé et présent pour créer de l'urgence, les métaphores simples de la première strophe, les précisions circonstancielles (strophe 2) et morales (strophe 3), tout évoque le poème populaire.
La mise en musique de Clara est en réalité bien plus sophistiquée. Le rythme ternaire, parfois interrompu, de sa basse de do dans le médium grave (ut 2), crée l'attente inquiète, tandis que la ligne vocale, souvent murmurée dans le grave, connaît des montées assez spectaculaires au moment de la fuite (en une poignée de mesures, on s'envole d'une tessiture appuyée sur l'ut 2 à une tessiture appuyée sur le fa 3). Les appoggiatures très fréquentes des accords (comme anticipés avant d'être résolus) maintiennent elles aussi une tension douce. Et puis, toujours, cette forme de danse, qui s'appuie précisément sur le traitement harmonique de ces accords, et sur l'élan de la ligne vocale, avec ces hauts de phrase élevés et doux.
Puis on se met à marcher, lentement, tandis que la voix s'élève en narrant la rupture, la fuite ; puis se prostre doucement en évoquant le silence envers les parents. En retournant dans le grave, le conte retombe presque dans l'aphasie. Les tierces en triolets s'éteignent délicatement, en manière de postlude, sans tristesse excessive, sur une basse tenue ; avant une ultime appoggiature.
Sobriété, finesse, et grande émotion. Un des plus beaux lieder du répertoire. Avec toute la meilleure noblesse de la filiation revendiquée par les compositeurs envers le volkslied.
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Même extrait.
On voit ici, avec ces écarts, tout l'intérêt de la ductilité d'une voix de femme dans les lieder de Clara, même si ce lied-ci s'accommode très bien des graves d'une voix d'homme.
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On peut signaler qu'outre les Schumann, ce poème fameux a tout de même été mis en musique par rien moins que Mendelssohn, Nicolai, Rubinstein, Fibich, Mahler, Griffes, Stanford, Busoni, Rangström... et même Bruno Walter ! Pour ne citer que les plus fameux du lot.
Il faudra peut-être enregistrer à titre de comparaison le Schumann, bien plus ascétique et minimaliste, récitatif presque muet, très touchant également.
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Téléchargement
Comme il s'agit d'attirer l'attention sur des oeuvres peu pratiquées, autant en rendre la fréquentation plus commode qu'en se connectant à CSS. Car il n'en existe pas de version du domaine public.On peut donc charger le fichier ici.
[On ne va pas recommencer notre couplet sur le caractère imparfait de la captation : il s'agit de défricher du répertoire, pas de fournir un rendu technique parfait. Il faut faire un choix entre le fini technique et la quantité découverte - on le fait ici, et on l'assume.
Si on désire quelque chose de fiable, il existe plusieurs versions incontournables, car Clara, au fil des années, connaît un véritable succès éditorial :
- le bouquet Fanny-Clara-Alma par Christine Högman / Roland Pöntinen, peut-être le plus beau disque de lieder du marché ;
- l'intégrale Susan Gritton / Stephan Loges / Eugene Rasti, où Loges est proprement hallucinant, à son habitude ;
- l'intégrale Dorothea Craxton / Hedayyet Djeddikar (sur pianoforte), très bizarre, mais incontestablement habitée ;
- enfin la version Lan Rao / Micaela Gelius, un peu aimable sans doute, mais disponible pour quasiment rien chez Arte Nova.
Le reste (Lippitz, Bonney, Güra...) nous semble nettement moins passionnant. Et Clara y est de surcroît souvent flanquée de son mari bien connu, ce qui peut donner des idées à l'acheteur ingénu, mais diminue pour le curieux le taux de découverte.]
Commentaires
1. Le lundi 1 juin 2009 à , par Agnès
2. Le lundi 1 juin 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
3. Le lundi 1 juin 2009 à , par Agnès
4. Le mardi 2 juin 2009 à , par DavidLeMarrec :: site
5. Le lundi 15 juin 2009 à , par Agnès
6. Le lundi 15 juin 2009 à , par DavidLeMarrec
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