dimanche 24 mai 2009
Franz SCHUBERT - Die Nacht (d'après Ossian)

Anne-Louis GIRODET-TRIOSON,
Les ombres des héros morts pour la Patrie conduites par la Victoire viennent habiter l'Elysée aérien où les ombres d'Ossian et de ses valeureux guerriers s'empressent de leur donner dans ce séjour d'immortalité et de gloire la fête de la Paix et de l'Amitié,
huile sur toile, 192 x 182 cm, 1801,
Musée National des Châteaux de Malmaison et de Bois-Préau.
Qu'on se rassure, Ossian a aussi inspiré des chefs-d'oeuvre, et c'est ce que nous allons voir tout à l'heure.
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1. L'apogée d'un type
On a très souvent évoqué cette fresque, l'un des lieder les plus émouvants de Schubert pour nous.
Il s'agit du plus réussi des grands lieder récitatifs qu'on trouve souvent chez le jeune Schubert. Dans ces pièces, Schubert se montre aussi près qu'il est possible du sens du texte, en juxtaposant totalement les atmosphères et les motifs, au gré des variations expressives du poème ; la musique n'est plus qu'un serviteur zélé, commentateur parfois à la frontière de l'hystérie, tant le flux musical est ici perpétuellement interrompu et contredit au profit d'un rythme de parole - dont la logique, on le sait, est beaucoup plus contrastée que celle d'une exposition musicale.
Mais, là où cette absence de cohérence peut sembler une maladresse (les deux versions de Der Taucher, Lodas Gespenst...), dans Die Nacht (de même que dans Die Bürgschaft), la puissance des atmosphères et l'urgence de la déclamation l'emportent sur toute réserve.
On connaît par ailleurs le génie de Schubert en matière de coloris dans ses modulations - et ici, le changement de tonalité (peut-on même parler de modulation, tant la juxtaposition est abrupte ?) est pour le moins abondant.
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2. Die Nacht D.534
Ce lied est de surcroît constitué de façon singulière. Il est composé en 1817 (mais publié seulement en 1830), donc à l'âge de vingt ans seulement, et utilise l'adaptation du baron Edmund von Harold sur un extrait de James Macpherson (le 'traducteur' d'Ossian). La partition est corrompue, puisque à la mesure 206, avec les derniers mots, apparaît une étrange indication (Feurig) en 6/8, qui appelle à une fin flamboyante, sans doute sur le thème de la chasse. D'où le complément à partir des appels déjà entendus dans les mesures précédentes - mais vu le caractère hautement volatile des motifs de cette pièce, on ne peut guère déterminer si Schubert souhaiter prolonger celui-ci ou en proposer quelque autre. L'éditeur (Diabelli) y a donc ajouté, en plus d'une coda chasseresse un brin pétaradante, une fin brillante assez improbable, à savoir le chant de chasse composé quelque temps auparavant par Schubert (Jagdlied D.521) dont le ton entraînant et badin, pas très subtil non plus, contraste avec tout ce qui a précédé. [On pourra le proposer à l'occasion en complément, mais il y a assez à présenter pour aujourd'hui.]
Die Nacht par le membre unique du Lutin Chamber Ensemble.
Fichier téléchargeable plus bas. On propose aussi la partition.
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3. Les textes
Voici l'original :
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Poésie, lied & lieder - Musique, domaine public - Lutin Chamber Orchestra a suscité :
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