dimanche 13 décembre 2009
Franz SCHUBERT - Wiegenlied D.498 (Schlafe, holder, süßer Knabe)
Une autre introduction, avec enregistrement librement téléchargeable.
--
Wiegenlied D.498 : Schlafe, holder, süßer Knabe
Il s'agit de l'une des trois berceuses écrites par Schubert (en exceptant celle qui clôt la Belle Meunière), la deuxième. Celle D.304, sur un poème de Körner, est très peu connue. La plus célèbre est cependant la plus tardive, D.867 (Wie sich der Äuglein kindlicher Himmel), qui reprend inlassablement la même mélodie doucereuse, un peu écoeurante à force de longueur.
On a récemment fait entendre un bout de celle que nous avons élue, à l'occasion de la notule récapitulative autour du vibrato (Gundula Janowitz diminuait le sien pour s'adapter au volkston de la pièce).
Elle est écrite assez tôt, en 1816 (à moins de vingt ans, donc), dans une période où les chefs-d'oeuvre deviennent de plus en plus fréquents (c'est un peu après l'écriture d'Alfonso und Estrella), mais n'a été publiée que de façon posthume (1829).
On a souvent attribué le poème à Matthias Claudius, sans doute à cause de la similitude du premier vers avec Die Mutter bei des Wiege :
D'autant plus qu'une version de Loewe avait remplacé süßer par holder, ce qui accroissait encore la ressemblance.
En réalité, ce poème n'est en l'état des connaissances actuelles pas attribué.
La mise en musique de Schubert a connu quelque succès chez les anglophones, chez qui il en existe plusieurs versions ; toutes sont néanmoins de véritables berceuses, réellement utilisées, qui omettent donc les discordances qui font toute l'originalité du poème. D'où la stupéfaction de ceux qui découvrent l'original plus tard.
Poème anonyme |
Traduction DLM |
Schlafe, holder, süßer Knabe, Leise wiegt dich deiner Mutter Hand ; Sanfte Ruhe, milde Labe Bringt dir schwebend dieses Wiegenband. Schlafe in dem süßen Grabe, Noch beschützt dich deiner Mutter Arm, Alle Wünsche, alle Habe Faßt sie liebend, alle liebwarm. Schlafe in der Flaumen Schoße, Noch umtönt dich lauter Liebeston, Eine Lilie, eine Rose, Nach dem Schlafe werd' sie dir zum Lohn. |
Dors, cher, doux enfant, Délicatement te berce la main de ta mère ; Un profond repos, un chaleureux réconfort, Que ce bercement auquel tu es suspendu te les apporte. Dors dans ta douce tombe, Le bras de ta mère te protège encore ; Tous les souhaits, tous les biens, Elle les garde en aimant, toutes les douceurs d'amour. Dors dans le giron de plumes, Encore sonore, un chant tendre t'entoure ; Un lys, une rose, Tu les auras après ton repos. |
;;
Toujours le Koboldekammerensemble, hier.
(Les pédales étant plus lentes, elles grincent moins.)
Cette berceuse pour un enfant mort, parole qu'on attribue à une mère égarée, confondant le berceau et la tombe, parlant de réveil tout en manipulant les objets du deuil, est assez saisissante. L'allemand permet une concision sobre que n'autorise pas notre traduction, qui en reprend les principales allusions, mais sans la simplicité désarmante de la berceuse.
La mise en musique de Schubert rend le résultat particulièrement impressionnant, glaçant et fascinant. En alternant imperturbablement sur son balancement régulier tonique et dominante (le mouvement le plus simple de résolution d'une harmonie dans le langage occidental), Schubert écrit sur une mélodie de petit ambitus, simple et touchante, une véritable berceuse, sans aucune fêlure, calme, sûre, pleine.
Lui qui peut commenter musicalement un texte jusqu'à l'hystérie se limite ici totalement à la forme strophique, sans variation au fil des trois strophes, sans incidences dramatiques.
Cela rend tout à la fois plus troublant et plus gracieux le résultat.
Pour l'interprétation, il est bien entendu hors de question vu l'écriture musicale - et aucun interprète à notre connaissance ne s'est engagé dans cette voie - de déglinguer la belle musique pour la rendre expressive, encore que ce serait un parti pris peut-être intéressant du point de vue de la virtuosité interprétative, et de l'originalité du résultat. En tout cas, pour notre suggestion sonore, nous avons plutôt choisi de mettre en relief les affects forts (beschütz dich) que la noirceur proprement dite du poème (Grabe / Nach dem Schlafe) ; ceci afin de conserver l'ambiguïté introduite par la mise en musique stable et extatique de Schubert.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Poésie, lied & lieder - Musique, domaine public - Lutin Chamber Orchestra a suscité :
6 roulades :: sans ricochet :: 13618 indiscrets