Carnets sur sol

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lundi 16 février 2009

Paris stigmatisé

Etat des lieux de l'offre musicale lyrique et fuites (enthousiasmantes) sur les saisons de Nicolas Joel à l'Opéra de Paris. (De la folie pure, pour être plus précis.)

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Situation

Quoi qu'on en dise - et Dieu sait que les esthètes adorent ratiociner sur le passé - on vit réellement un âge d'or en matière musicale, y compris en matière d'opéra. Peut-être pas pour la création en elle-même, mais pour la diversité, la qualité et l'accessibilité de l'offre.

La qualité, on l'a déjà évoquée : le niveau orchestral a considérablement augmenté (les spécificités locales s'étant partiellement effacées, mais pas nécessairement pour le pire !), il reste toujours de grandes voix en petit nombre (comme à chaque époque, les médiocres et les affreux étant toujours présents eux aussi), peut-être moins de voix parfaitement saines et haut placées (la manière de parler a évolué, et surtout l'usage de plusieurs langues étrangères rend considérablement plus difficile l'apprentissage et l'exécution), mais en tout cas des interprètes infiniment plus subtils théâtralement.

L'accessibilité, elle, est très nette : tarifs réduits pour les jeunes et les demandeurs d'emploi, bons plans de dernière minute, absence d'exigence dans la plupart des théâtres du monde d'une tenue particulière, et surtout le disque ! Le disque qui couvre un répertoire toujours plus vaste, devenu extrêmement facilement disponible avec les médiathèques et l'Internet, pour toujours moins cher.

Justement, la diversité de l'offre est elle aussi croissante - du moins dans l'Eldorado de l'Opéra, à savoir une poignée de pays d'Europe occidentale et nordique, les seuls lieux où l'Opéra ne se limite pas à la resucée d'un fonds de répertoire Mozart-Rossini-Verdi-Puccini-etparfoisWagner en boucle. (Les programmations américaines sont généralement terrifiantes, sans parler des pays fortement isolés comme les slaves orientaux, concentrés sur leur répertoire joué de façon tout à fait provinciale, ou des pays sans tradition opératique - cf. la programmation effrayante de l'Opéra d'Istanbul, pourtant si proche...) Les théâtres de jadis jouaient largement leur répertoire national propre, plus quelques grands titres internationaux importés. L'apparition de la radio a favorisé l'exploration très exhaustive du répertoire national négligé, mais toujours dans les mêmes limites géographiques (et parfois temporelles, ne serait-ce qu'eu égard aux contraintes de style et de date du premier opéra composé dans la langue...).
Aujourd'hui, dans ces pays privilégiés, on s'efforce dans chaque théâtre de produire aussi des choses originales, peu jouées, des recréations de diverses époques en langues diverses.

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Saison prochaine

Et il semblerait qu'à Paris, après une ère Mortier riche en découvertes, certes limitées aux goûts de son directeur, s'ouvre comme nous l'espérions une autre période faste. [Parce que même en province, on reçoit la radio, et que cela peut remettre à l'honneur des compositeurs, créer un climat favorable à de nouveaux enregistrements ou ouvrages, fluidifier la circulation de témoignages anciens, etc.]

Nicolas Joel serait plus consensuel, on le savait, et indubitablement un grand défenseur du répertoire français négligé du XIXe siècle. Il avait, semble-t-il, pensé depuis longtemps à remonter les Huguenots de Meyerbeer, oeuvre mythique s'il en est du répertoire national, dès qu'il en aurait les moyens.

Cela se confirme dans les informations qui sont parvenues jusqu'à nous, et cela s'étend même de façon très appétissante à des oeuvres majeures du XXe siècle qu'on ne savait pas dans ses bonnes grâces, et qu'on doit à ses nouveaux moyens, à son bon goût ou à sa lucidité d'être, manifestement, bientôt programmées.

La saison à venir n'est plus un secret pour personne. Parmi les choses un peu rares, on peut relever côté français Mireille de Gounod (un manifeste en ouverture de saison !), la reprise de Platée vraiment devenue une production culte et totalement entrée au répertoire, du moins tant que l'équipe Minkowski-Pelly la porte ; côté italien, Andrea Chénier de Giordano, type d'oeuvre classée vériste (et qui ne l'est que musicalement) qu'on ne voit en effet guère en France, et la Donna del Lago de Rossini, festival glottique manifestement distribué à des spécialistes de premier ordre (DiDonato, Barcellona, Flórez et Meli, dirigés par Roberto Abbado) ; et une belle nouvelle un peu inattendue du côté allemand, puisqu'on disposera, outre de l'ébauche d'un Ring, ce qui ravira sans doute beaucoup de monde, d'une Tote Stadt de Korngold (où l'on nous promet Riccarda Merbeth, Robert Dean Smith et Stéphane Degout dirigés par Pinchas Steinberg !), oeuvre désormais au répertoire des maisons germaniques et parfois jouée en France, mais pas à Paris, et d'une reprise du récent Faust de Philippe Fénelon, une belle réussite bien dans l'héritage germanique XXe. Billy Budd est également prévu.

Par ailleurs, Joel semble distribuer de façon plus luxueuse et plus régulière que Mortier (qui faisait selon l'intérêt qu'il portait à l'oeuvre), et l'on verra notamment sur place, parmi d'autres exemples, Waltraud Meier, Matthias Goerne (ou Vincent Le Texier selon les sources) et Hartmut Haenchen pour la reprise de Wozzeck ; Werther avec en alternance Álvarez et Kaufmann (plus Koch, Plasson et Jacquot) ; une Sonnambula dirigée par Pidò et mise en scène par Marelli (accessoirement, on y entendra Dessay et Pertusi, ce qui n'est pas plus mal), etc.

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Promesses enivrantes

Mais le plus fort reste à venir. On nous promet de monter pour la première fois à Paris quelques-uns des plus grands opéras jamais composés. (A côté, faire Cardillac et Louise avec des reprises, c'était presque mesquin, pour donner une idée !)

A présent, reste à voir ce qui sera tenu et ce qui ne pourra se réaliser.

Suite de la notule.

mardi 10 février 2009

Paris insensé IV - Boesmans : Yvonne, Princesse de Bourgogne (1er février 2009)

Yvonne enfin, l'étape la plus tentante de notre escapade, est à l'image inversée de Fra Diavolo : un spectacle dont on aurait mille raisons de dire du bien, et qui pourtant ne suscite qu'un enthousiasme modéré.

La musique est très belle, mélangeant une boîte à outils atonale (strates étales, glissandi, tremolandi) avec une ossature de motifs parfaitement tonals ; très bien orchestrée, très chatoyante. Le problème est que cette matière splendide reste toujours à tempo modéré, guère pulsée : toujours splendide, mais toujours la même splendeur d'un acte à l'autre. Passer de la prosodie allemande à la prosodie française n'est logiquement pas un problème pour Boesmans, les deux rythmes étant parents, mais il reste effectivement un flou dans l'accentuation et surtout une vraie lourdeur des « -e » finaux, qui donnent à certains chanteurs un aspect provincial, voire racaillous, peut-être involontaire.

Le texte tiré de Gombrowicz (écrit par Luc Bondy et Marie-Louise Bischofberger) a les caractéristiques d'un texte de Gombrowicz : on utilise de la prétendue subversion (par l'horreur) pour faire en réalité une morale extrêmement rudimentaire (l'indifférence, la cruauté, la stigmatisation, c'est mal). Il pèche surtout par son surplace : au début, Yvonne est une pauvre fille, déficiente ou autiste, dont personne ne veut ; à la fin, Yvonne est toujours la même pauvre fille, dont on se débarrasse. Pas beaucoup d'étapes, guère d'évolution.

La mise en scène de Bondy, secondée par les décors très esthétiques de Richard Peduzzi et la composition parfaitement convaincante (et quelle voix parlée !) de l'actrice Dörte Lyssewski, sert très efficacement le propos, en prolongeant d'ailleurs la confusion temporelle du livret (dont les références sont contemporaines, avec de nombreux téléphones et frigidaires) : le Roi ressemble à un caïd rangé avec son survêtement fluo, aux côtés d'une Reine en robe de soirée mauve et d'un Prince en costume sombre.

Côté interprètes vocaux,

Suite de la notule.

dimanche 8 février 2009

Un américain élevé loin du continent peut faire rêver le monde

Cliquez ci-dessous pour voir apparaître le portrait de l'homme historique.

Suite de la notule.

samedi 7 février 2009

Paris insensé, III - Fra Diavolo ou L'auberge de Terracine (1830), le 31 janvier 2009

Voilà bien l'exemple d'un spectacle dont on aurait mille occasions de dire du mal, et qui pourtant laisse un souvenir très positif.


Droits : Pierre Grosbois.

Auber n'est déjà pas le plus grand compositeur d'opéra-comique, loin de la maîtrise musicale de Boïeldieu, du charme naïf d'Adam ou du théâtre vigoureux d'Hérold, pour citer ses prédécesseurs directs les plus illustres. Fra Diavolo, de surcroît, n'est pas l'un de ses ouvrages majeurs, loin s'en faut - du sous-Rossini doté d'assez peu de relief -, mal servi par un livret de Scribe manifestement fatigué. Il est vrai que l'oeuvre est assez tôt dans la carrière longue du compositeur.

Devinant que le programmateur n'était pas non sans responsabilité, indépendamment du choix de l'oeuvre, nous avions préparé l'amère suite de reproches suivants, en pensant que l'oeuvre était, à l'image de certaines des meilleures pièces d'Auber, largement portée par la dimension théâtrale réjouissante de ses dialogues - soit qu'il fassent tout de bon l'essentiel de l'intérêt de l'oeuvre (Les Diamants de la Couronne), soit qu'ils lui ménagent des prolongements comiques très bienvenus et charmants (Le Domino noir).

Surtout, l'ensemble du spectacle est considérablement affaibli par la suppression presque intégrale des dialogues. Il faut le rappeler encore et encore, l'opéra-comique n'est pas un opéra sans récitatifs bavards, mais une forme qui comprend texte parlé et musique, sans que l'un ou l'autre soit facultatif. La plupart de ses pièces ne se soutiendraient pas seules, et la musique isolée, de même, perd tout son sens, même en conservant les paroles.
Il y a sans doute une part d'a priori à considérer l'opéra comme un genre uniquement musical, très courant, qui a pu présider à ce raccourcissement du spectacle. Le public n'aime pas les spectacles trop longs, il s'ennuie, il travaille le lendemain, il manque son métro, et c'est une préoccupation bien légitime. Le théâtre, quant à lui, quelle que soit la durée d'une même oeuvre, ne demande pas plus cher pour ses places alors qu'il paie l'électricité et les répétitions. Il paraît donc assez naturel de perpétrer ce sacrilège, pour des intérêts mutuels bien compris - ou par aveuglement esthétique.
Par ailleurs, les deux chanteurs principaux étant étrangers, et malgré un français très appliqué, manifestement un peu attentifs dans les dialogues, il est probablement que le choix de la réduction de voilure théâtrale provienne aussi de là.

Le problème est que l'oeuvre en perd tout son sens : certes, Scribe avait sans doute passé de mauvaises nuits avant d'écrire son livret, ou épuisé son génie au préalable en quelque autre endroit, mais on peut imaginer que l'air de présentation [et ici nous avions prévu la vérification...] de Fra Diavolo ne pouvait intervenir au dernier acte, sans qu'il ait lui-même largement énoncé ses motivations et sa psychologie auparavant, ne serait-ce que pour lui donner un semblant de contenu que l'action lui prête déjà bien peu.

Eh bien non. L'enfilade de numéros musicaux faibles est en réalité prévue dans la pièce, que les dialogues ponctuent en réalité assez brièvement et superficiellement.

Dans notre souvenir (la version Soustrot / Mesplé / Gedda bien célèbre), l'oeuvre était certes nettement moins réjouissante que les deux autres que nous avons citées, et largement moins prenante que Manon Lescaut - Fra Diavolo étant en réalité plus vocal et moins théâtral. Mais nous n'avions pas conservé ce souvenir d'indigence si prononcée du côté du texte.

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Malgré tout, le frais divertissement moral de l'opéra-comique agit, avec des conditions de représentation aux vertus inégales.

Côté mise en scène, signée par le couple Jérôme Deschamps / Macha Makeïeff, il a beaucoup été souligné l'absence à peu près totale de direction d'acteurs, ce qui est tout à fait exact. Malgré le soin de Sumi Jo à se montrer alerte et à bouger de son mieux lorsqu'on lui en donne l'ordre, malgré le très beau maintien de Kenneth Tarver - les bras en croix et une jamble légèrement ployée derrière l'autre, dans toutes les scènes -, on peut trouver cela un peu suffisant à faire vivre une oeuvre où l'atmosphère sympathique prime sur toute qualité d'écriture...
Beaucoup de littéralité sur un plateau assez nu, quelques idées sympathiques, souvent proches du gag, comme les mouvements des soldats, les têtes enfoncées dans leur habit, qui peuvent soudainement se mettre à danser quelque tarentelle mécanique en symétrie avec les petites paysannes. Dans le même esprit, le tapis roulant couleur locale, qui fait défiler soldats et paysannes en habit traditionnel comme des santons prévus pour Dinorah est assez amusant. Ou encore, et ce sera à peu près tout, les deux compères imprudents de Fra Diavolo, munis de leurs tonneaux en toute circonstance - sauf à les troquer, dans l'auberge, contre les fougères arrosées par les naseaux de l'âne empaillé accroché au mur. Bien qu'assez insuffisant pour soutenir une oeuvre, cela suffit cependant, il faut bien le reconnaître, à mettre des farfadets de gentille humeur.

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L'étrange Diavolo

Avant d'en venir à l'exécution musicale, un mot sur la musique. Le thème musical de l'incontournable romance fondatrice rappelle évidemment, au moment de l'invocation du Nom, Robert le Diable de Meyerbeer, créé un an plus tard (1831) à l'Opéra de Paris. Mais plus encore, le thème du grand air de Diavolo rappelle de façon un peu saisissante pour qu'il n'y ait pas eu inspiration l'air à l'amour du Pré aux Clercs d'Hérold (Oui, le dieu des Amours / Guette une fillette toujours - 1832).
Mais vu les dates, si inspiration il y a eu, c'est de la part de l'aîné Hérold (Meyerbeer, lui, planchait dans son coin depuis longtemps, peu de production et toujours très soignée), et non d'Auber.
En revanche l'air de la perte des bijoux de Lady Pamela est clairement inspiré, aussi bien pour son contexte que pour sa musique, du Voyage à Reims de Rossini, un compositeur modèle très évident d'Auber pour Fra Diavolo. Et, pour le coup, il y a nette antériorité : la création du Viaggio a Reims date de 1825.


Le début de la Romance de l'acte I.

Autre caractéristique, tandis que Zampa constituait un pastiche de Don Giovanni, Fra Diavolo cite explicitement Othello (Milady à propos de la jalousie de son mari), et en effet à l'acte II le bandit, en faisant exploser les couples au moyen de preuves dérobées, tient bel et bien la place d'un Iago, ce qui est malheureusement peu exploité par la mise en scène.

En fin d'article, on développe aussi d'autres hypothèses sur la réception très mitigée de cette production.

Enfin, Fra Diavolo, le pivot du drame, se présente étrangement à l'acte III comme un brigand sympathique, ce qui était certes sont premier aspect, mais son attitude à la mode de Sherwood, respectant les fillettes, volant les aisés avares, mais recevant dignement les pélerins, laisse quelque peu dubitatif après son comportement de mufle à l'acte II, en compromettant deux femmes honnêtes (ou à peu près) pour sauver son intérêt personnel. Le personnage vogue ainsi d'une extrémité à l'autre de la surface ondoyante du bandit sympathique, sans qu'on puisse très bien s'arrêter sur sa psychologie réelle, qui reste très insaisissable, assez peu cohérente. Alors qu'il est au premier acte l'ami de la morale d'opéra-comique en rappelant à la jeune fille que son honneur a plus à redouter de son galant que de Fra Diavolo, il est pourtant exclu du jeu comme irrécupérable au dernier acte, alors qu'il pourrait fort bien se repentir et prendre l'habit saint qu'il a toujours vénéré. Dans la mise en scène, ce qui est amusant mais très bizarre, il est fusillé (par une armoire de cave à vins) ; l'information ne figure pas sur les livrets qui ne mentionnent rien lorsque de l'arrestation, mais je doute que la mort puisse être infligée de la sorte dans une fin d'opéra-comique à un brigand d'opérette, à moins de vouloir coller absolument à l'histoire de Michele Pezza, qui est de toute façon mort pendu en place publique et non fusillé au détour d'un chemin... [Autre hypothèse amusante : il y aurait pu avoir confusion du côté de la régie avec l'autre Fra' Diavolo, Salvatore Ferreri, bandit indépendantiste sicilien de la première moitié du XXe siècle, effectivement tué par le capitaine des carabiniers.]
Bref, le personnage de roublard sympathique mais peu galant, doté d'un sens moral mais pas amendable est assez peu aisé à appréhender, comme si Scribe n'avait pas su se décider entre plusieurs possibles.

Suite de la notule.

jeudi 5 février 2009

Paris insensé, II - Turqueries de Mozart à Auber (31 janvier 2009)

Dans l'acoustique excellente - proche, naturelle et confortable comme dans l'ensemble de ces petits théâtres à l'italienne - de l'Opéra-Comique se tenait une initiative qui doit être saluée comme il se doit, peut-être bien - mais il ne faut pas le répéter - l'étape la plus intéressante de ces quatre concerts.

Un concert commenté d'une heure à 14h30, au tarif unique de douze euros, dans la grande salle. Sur une heure, il y avait certes au moins la moitié de commentaires, mais précisément, ces commentaires écrits et dits par Agnès Terrier (qui aurait fort bien pu se passer du micro, apparemment, disposant d'une bonne technique théâtrale) faisaient tout le sel du concert. S'adressant à un public de l'après-midi, jeune ou ingénu, peut-être aussi aux touristes venus découvrir l'Opéra-Comique pour quelques sous, ils présentaient à loisir les différentes catégories d'instruments ; mais dans le même temps, c'est un flot de données factuelles solidement documentées, aux antipodes des phrases creuses que tel aurait pu redouter, qui se déployait pour remettre en perspective les pièces entre. Car d'un programme au thème un peu pauvre (peu ou prou : ouvertures et marches orientalisantes de 1780 à 1840...), Agnès Terrier fait un ensemble cohérent, mieux : une page d'histoire. On bénéficiait en outre de commentaires, plus littéraires que musicaux, assez bien sentis - ce qui constitue un exercice toujours périlleux dans le cadre cultuel du concert -, en échappant totalement à l'écueil de l'enthousiasme hagiographique.

Le jeune ensemble de jeunes OstinatO, dirigé par le jeune Jean-Luc Tingaud, présentait les caractéristiques habituelles de ces ensembles constitués de jeunes pas encore intégrés au système : son un peu grêle, quelques erreurs d'intonation, décalages en début de phrase fréquents, cornistes désespérés. On sentait beaucoup de fébrilité chez ces jeunes, manifestement très émus du lieu qui leur était prêté à eux seuls. Par ailleurs, il s'agit aussi d'une structure-atelier, censée servir de tremplin plus que d'aboutissement. Est-ce convaincant, on ne sait. Mais dans le cadre d'un programme d'essence légère, et en parallèle avec des explications, la chose était tout à fait satisfaisante.
Le son paraissait assez emprunté aux ensembles sur instruments d'époque.


Au programme :

Suite de la notule.

mercredi 4 février 2009

Paris insensé, I - Lady Macbeth de Mtsensk, Paris (30 janvier 2009)

Lors d'une escapade imprévue en des temps peu propices, l'équipe farfadesque de CSS a pu assister à quatre concerts en trois jours, pour compenser sans doute une participation bien paresseuse de notre part à la saison bordelaise.

On débuta par Lady Macbeth de Mtsensk, et il faut préciser que nous n'avions, n'ayant l'occasion que depuis peu de pouvoir nous déplacer à Paris, et découvrant une salle après l'autre, jamais mis les pieds à Bastille. La salle répond tout à fait à sa réputation : confortable (pour autant que j'aie pu en juger, sur les marches grâce au providentiel Plan Mortier), assez chaude, une vision impeccable de partout, un orchestre extrêmement présent et détaillé, des chanteurs sans impact physique. Ce serait à changer en salle de concert, tant l'acoustique y est remarquable pour les instrumentistes (peut-être même légèrement flatteuse), et privée de tout contact physique avec le public pour les chanteurs - même des voix amples sonnent lointaines, un peu comme sur un CD EMI des années 80...

L'oeuvre en elle-même, surprise alors même que nous en connaissions déjà plusieurs versions dont le DVD de la même production, nous déçoit en salle, ce qui est toujours un fait exceptionnel... La musique si riche de cet opéra semble tellement 'verticale', se contentant d'aligner (avec un qualité d'écriture incomparable, naturellement) des effets, des ponctuations, des commentaires. Guère de contrechants, guère d'épaisseur musicale propre. Ce qui rend le prosaïsme du livret d'autant plus pénible : pas d'échappatoire du côté de la musique, contrairement à ce que nos écoutes antérieures nous avaient laissé entendre.
Et la dureté extrême de l'atmosphère est telle qu'on finit par s'interroger sur le sens de la démarche d'aller s'enfermer en salle pour se divertir de la sorte. Nous en discutions avec un lecteur de CSS qui se reconnaîtra ; en fin de course, on a l'impression que tout cela est inutile, parce qu'il n'y a aucune vision de l'homme, ou plutôt une seule sans équivoque : malveillant, intéressé, veule et en fin de compte irrécupérable. Finalement, cela nous dit bien peu de choses, tant il n'est pas possible d'écrire une telle musique (ou même un livret) en ayant véritablement cette conception des choses : le noir et blanc est plus subtil au bout du compte, parce qu'il y a au moins deux teintes au lieu d'une...

Sur la mise en scène de Martin Kušej, on ne peut qu'en dire le plus grand bien et l'admirer tout de bon : pour sa mobilité, sa force, sa pertinence, et sa beauté visuelle (malgré le caractère évidemment misérable et répugnant du milieu présenté). Plus encore, les choix qui nous avaient parus plus opaques au DVD se révèlent ici d'excellentes intuitions, avec éclat : ainsi cette cage au plafond bas, transparente, où Katerina est l'objet de la curiosité et de la convoitise d'un monde d'hommes, et constamment sous la surveillance de son beau-père ; ainsi sa perruque Monroe, une mode ces derniers temps qui nous faisait plutôt suspecter le manque de culture opératique des metteurs en scène, toujours prompts à rapprocher d'autres genres leurs références de mises en scène - mais elle est bien, pour ces gens qui l'entourent, un stéréotype.
Surtout, le dernier espace scénique, avec cette apparition progressive des damnés livides, marchant dans l'eau sous la passerelle, aux gestes arrondis et allentis par la lassitude et le désespoir, présente un tableau d'une très grande réussite visuelle. Tout se déroule en-dessous de la passerelle, ce qui permet de surcroît de régler avec une grande efficacité les mouvements de scène, en faisant disparaître dans le fond où derrière les poutrelles les personnages qui n'interviennent pas, au lieu de les laisser en présence où de les faire quasiment se croiser.

Suite de la notule.

David Le Marrec

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