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Un américain élevé loin du continent peut faire rêver le monde

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En plus de sa carrière fournie d'interprète et de chef, Plácido Domingo dirige, c'est connu, les Opéras de Washington et de Los Angeles. (En plus il paraît même qu'il a une femme, si, si.)

Comme l'ensemble des maisons d'opéra du monde en dehors de quelques pays européens (essentiellement l'Europe des Quinze, pour faire vite), ces deux Opéras disposent d'une programmation assez conservatrice, largement réduite, outre Mozart et quelques rares Haendel, à du XIXe italien poussant jusqu'à Puccini et aux dix Wagner célèbres plus le Freischütz.

Bref, il passe sa vie là-bas, donc il est aussi américain, ne chipotons pas et laissez-moi mon titre racoleur.

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Pourtant, pour les années 2009 et 2010, le glorieux caudillo [1] de l'Opéra de Los Angeles a prévu bien des surprises.

Tout d'abord un Ring mis en scène par Achim Freyer, qui sera donc dans des tons criards et naïfs propres au metteur en scène (spécialiste de la Flûte Enchantée), d'un onirisme assez éloigné de la littéralité coutumière de l'Opéra en Amérique.

Ensuite une création mondiale. Certes, de Daniel Catán, déjà bien connnu pour ses quatre opéras antérieurs : Encuentro en el ocaso ; La hija de Rappaccini (1991) ; Florencia en el Amazonas (1996) et Salsipuedes, a Tale of Love, War, and Anchovies (2004). Son style n'est évidemment pas selon des compositeurs atonals européens, ni même de la plupart des posttonals. Le langage reste purement tonal, largement nourri par les cordes, mais tout de même intéressant - par exemple, La hija de Rappaccini emprunte de façon très évidente l'orchestration 'fouettée' de la première scène d'Elektra pour le second air de Rappaccini. C'est très bien écrit pour l'orchestre, pour le drame, pour la voix, à défaut d'être original.
Même si le sujet de ce nouvel opéra (Il Postino) est emprunté au cinéma, même si La hija de Rappaccini (une intégrale et un disque d'extraits chez Naxos) et Florencia en el Amazonas (une intégrale) sont disponibles au disque, une création mondiale reste toujours une prise de risque et un effort de nouveauté.
Domingo y officiera lui-même, avec Rolando Villazón.

Un peu de baroque avec Tamerlano de Haendel, l'un des rares rôles du seria de Domingo.

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Joli, certes. Mais, mais... ce n'est point tout.

L'Opéra de Los Angeles proposera la première représentation d'un opéra de Schreker hors d'Europe, avec bien entendu les incontournables Gezeichneten. Pour faire jouer ces choses amorales et complexes à l'Opéra sous mécénat privé des Amériques, avec le public très familial et vocal qui l'habite, il faut vraiment avoir la Foi.

C'est bien entendu James Conlon qui est à l'origine du projet - et je ne sache pas qu'il ait jamais dirigé l'oeuvre, on imagine donc son empressement. Il est vrai aussi que sa manière de diriger Zemlinsky et Schreker, qui me paraît toujours décevante, peut aussi toucher plus facilement le goût américain que la vérité toute crue (d'autant que, comme les copains, il couperont, et autant pour rendre l'oeuvre moins longue et plus accessible que pour ménager les susceptibilités, j'imagine). Parce montrer ce type d'orgie (à tous les sens du terme) à un public américain non préparé relève bel et bien du courage sacerdotal, c'est un coup à perdre des mécènes.

Plácido Domingo n'est pas à son coup d'essai, puisque le projet s'inscrit dans le projet filé sur plusieurs années Recovered Voices, consacré aux compositeurs retirés de l'affiche par l'autorité nazie. (C'est vraiment une chance que les meilleurs aient écrit au moment où les Villains emblématiques, et au mauvais goût le plus prononcé, ont pu les chasser : ils auraient été simplement oubliés, ou pis, embauchés par le régime, on n'aurait pas cet argument pour réentendre leur musique - argument malheureusement efficace, au delà même de la seule curiosité. Les victimes-héros et toutes ces choses bien de notre temps.)

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Il s'agit bel et bien d'un petit événément : la colonisation des pays lointains par le meilleur (et aussi parmi le plus exigeant) de la musique occidentale.

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Notes

[1] Il faut avoir lu CSS pour comprendre.


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Commentaires

1. Le dimanche 8 février 2009 à , par Laurent :: site

Je suis toujours fasciné par l’hyperactivité de Domingo. La newsletter mensuelle de l’Opéra de Washington comporte même une rubrique intitulée “Where in the World is Plácido Domingo?” qui ne manque jamais de faire rêver. Par exemple, dans une version récente (novembre 2008), on pouvait lire :

Keep your eyes peeled for Plácido Domingo's debut on the famous, long-running television show: Law & Order: Special Victims Unit. At an auction benefiting emerging talent in the performing arts, Mo. Domingo won a speaking part in an upcoming episode.

In addition to 126 opera roles, Mo. Domingo recently added the Mayan language to his repertoire on October 4, at the temples of Chichen Itza in Mexico. Mo. Domingo sang a collection of local Mayan music, zarzuela, and opera.

In November, Mo. Domingo will receive Germany's greatest media award, the BAMBI awarded by Hubert Burda Media. The BAMBI is awarded annually to celebrities who have moved the German people and achieved greatness. Mo. Domingo is being honored not only as a singer, but as an actor, conductor and impresario.


Il faut espérer que les difficultés économiques ne poseront pas trop de problèmes à l’Opéra de Los Angeles. L’Opéra de Washington a été contraint d’annuler ses cycles du Ring prévus en 2009/2010.

2. Le mardi 10 février 2009 à , par DavidLeMarrec

Oui, d'autant que les stigmates, ça coûte cher, cette cochonnerie !


[Ta lettre est édifiante... tu donnes envie d'y souscrire pour rire un peu.]

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