mardi 15 janvier 2019
Les noms de code des orchestres – III : les Pays-Bas – c) Orchestre Philharmonique de la Radio des Pays-Bas
Pour compléter cette série autour de l'onomastique sophistiquée – et tout à fait incohérente – des orchestres, afin de vous y retrouver dans vos disques, ce nouvel épisode issu d'assez longues recherches (y compris en langue vernaculaire) autour du destin des orchestres néerlandais, frappés par des séries de mesures de rationalisation depuis le milieu des années 80. Ils ont ainsi adopté les noms des uns des autres, au fil de la concentration de l'offre et des changements d'identité.
Il y aurait – et cela existe sans doute, en néerlandais si ce n'est en anglais – de quoi écrire une histoire politique & culturelle de la musique orchestrale batave au fil de ces trois dernières décennies.
Et pourtant, je suis frappé de la constance du niveau remarquable de ces formations, même aux dates immédiatement contiguës aux fusions. Mon respect leur est acquis.
Dans
les saisons précédentes : a) Amsterdam
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5. Radio Filharmonisch Orkest (Hilversum)
Autre orchestre qui n'est pas amstellodamois tout en portant un nom à prétention nationale, le Philharmonique de la Radio des Pays-Bas, installé à Hilversum. Il faut dire qu'il joue également régulièrement (voire davantage) à Amsterdam et Utrecht – qui, comme vous le savez, a perdu depuis 1985 son prestigieux orchestre (dans ce qui est devenu le Philharmonique des Pays-Bas, ne jouant d'ailleurs plus guère à Utrecht). L'histoire du Radio Filharmonisch Orkest est sensiblement moins mouvementée, mais son nom reste ambigu au fil de fusions, homonymies et disparitions successives.
Toutefois, il n'est pas aussi arbitraire que celui du Symphonique des Pays-Bas dont il vient d'être question, puisque ce Philharmonique de la Radio officie bien comme orchestre de radio, enregistrant des concerts pour la quatrième chaîne de radio, comme membre de l'Omroep (la Radio des Pays-Bas). Le programme des concerts est d'ailleurs, à ce qu'il semble, décidé en grande partie par l'Omroep (plutôt que par le directeur musical de l'orchestre).
La Chaconne finale de la Quatrième Symphonie de Brahms, dirigée par Jaap van Zweden.
Son répertoire discographique est lui aussi varié (combinant le grand répertoire et l'exploration), y compris dans les musiques récentes, ce qui paraît congruent avec son statut radiophonique. Je trouve en revanche son son assez anonyme : très bon orchestre, mais qui n'a pas de couleur très particulière. Chose étonnante, quand on considère qu'il est le seul d'aussi grand rayonnement, avec le Concertgebouworkest (et éventuellement La Haye et Rotterdam dont je ne me suis pas encore occupé !), à ne pas avoir enduré de fusions multiples dans les années 1985 / 2005 / 2013.
Résidence
:
Hilversum (89.000
habitants). Concerts également donnés à Amsterdam (Concertgebouw, plus
rarement à l'Opéra) et Utrecht (dans le grand ensemble de Tivoli Vredenburg dont on a déjà parlé) –
Hilversum est situé entre les deux. Création : 1945. Directeurs musicaux : → Albert van Raalte (1945)
Labels
principaux :
de tous types, majors
(Philips, Decca, Warner, Sony), labels importants (Naxos, BIS, Nimbus,
Brilliant, Challenge Classics, Etcetera), spécialistes (æon, Sterling,
Quartz), voire très confidentiels (Navona, NM Classics, Ecstatic
Records)…→ Paul van Kempen (1949) → Bernard Haitink (1957) → Jean Fournet (1961) → Hans Vonk (1978) → vacant (1979) → Sergiu Comissiona (1982) → Edo de Waart (1989) → Jaap van Zweden (2005) → Markus Stenz (2012) → Karina Canellakis (2019) Quelques suggestions discographiques : Speed de Benjamin Wallfisch (Quartz), Lebensmesse de van Gilse (CPO), Suite des Meistersinger (Challenge Classics), War Requiem (Challenge Classics), Parsifal (Challenge Classics), intégrale Brahms (Challenge Classics)… |
Sobrement allant et lumineux, sans chercher le poids ni le commentaire, comme toujours chez ce chef et cet orchestre.
C'est avec le Philharmonique de la Radio de Bernard Haitink donne son premier concert public, le 19 juillet 1954 ; l'impression faite est manifestement suffisamment forte pour qu'il endosse le rôle de directeur musical dès 1957.
Le nom de l'orchestre n'a semble-t-il pas varié, mais il est à distinguer de deux orchestres successifs dont il est contemporain mais en rien lié : la Philharmonie de Chambre de la Radio des Pays-Bas (que j'appellerai souvent, pour plus de clarté, la Chambre Philharmonique de la Radio) et le Symphonique de la Radio des Pays-Bas – les deux ont fini par être dissous.
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Les distinctions onomastiques étant minimes, les répertoires proches, les labels souvent en commun, les disques régulièrement partagés entre plusieurs formations, les étiquetages ne sont pas toujours bons dans les discographies constituées. J'ai tâché de vérifier un maximum de pochettes de mes yeux (à supposer qu'elle sne soient jamais fautives elles non plus !), mais je n'ai pas pu le faire pour toutes, il est possible qu'il demeure des erreurs d'attribution – j'ai ainsi dû retirer de la liste, après inspection, un disque NEOS que les différentes discographies attribuaient au Philharmonique au lieu du Philharmonique de Chambre….

Le premier Monologue de Sachs en version orchestrale seule, dirigé par Edo de Waart.
Toujours cette légèreté de touche.
Standards :
♪ Berlioz – La Damnation de Faust – Margiono, V. Cole, Quasthoff, Haitink (Challenge Classics)
♪ Mendelssohn-Tchaïkovski – Concertos pour violon – Ruggiero Ricci, Fournet (Decca)
♪ Wagner – Parsifal – Dalayman, Vogt, Struckmann, Holl ; van Zweden (Challenge Classics)
♪ Wagner-Vlieger – Tristan orchestral, Symphonie en ut – de Waart (Challenge Classics)
♪ Wagner-Vlieger – Die Meistersinger en suite orchestrale & 2 Entractes tragiques – de Waart (Challenge Classics)
♪♪ Le Ring ressemble donc assez aux autres bouts d'extraits, considérant le nombre de moments emblématiques à inclure ; Tristan n'inclut que les actions principales des actes II et III (et la plupart du temps, seulement l'accompagnement…) ;les Maîtres insistent surtout sur l'acte III, sans doute le plus abouti, dans la mesure où il accole des pièces de toute beauté qu'on n'ouït jamais en symphonique pur, et qui fonctionnent mieux sans les lignes vocales que dans les autres opéras. (Je ne crois pas avoir essayé Parsifal.)
♪♪ Côté interprétation, même si les prises de son restent un peu lisses et le son d'orchestre assez standard, on ne peut qu'admirer le travail de transparence, de mises en relief, d'élan menés par Edo de Waart : on entend extrêmement bien les lignes intermédiaires, et toujours avec quelle poussée ! Témoin ce Prélude des Maîtres qui refuse le grandiose et galoppe à travers le contrepoint avec beaucoup d'éloquence et de gourmandise. (et puis le plaisir du karaoké est ouvert avec cet Appel des Maîtres sans paroles !)
♪ Wagner – Orchestre, vol. 2 (Faust, Rienzi, Meistersinger, Siegfried Idyll…) – de Waart (Exton)
♪ Tchaïkovski – Le Lac des Cygnes (extraits) – Fistoulari (Philips)
♪ Kodály – Suite Háry János (couplé avec Dvořák 9 par le New Philharmonia) – Doráti (Decca)
♪ R. Strauss – Don Juan, Suite du Rosenkavalier, Zarathustra – de Waart (Exton)
♪ R. Strauss – Lieder orchestraux – Margiono, de Waart (Brilliant)
♪ Respighi – Belfagor, Belkis, Vitraux – Ashkenazy (Exton)
♪ Rachmaninov – Symphonie n°3 – de Waart (Exton)
♪ Stravinski – Le Sacre du Printemps (v. 1947), Apollon musagète (v.1947) – van Zweden
♪ Stravinski – Petrouchka (v. 1911) (couplé avec la Suite de Pulcinella par la Chambre Philharmonique de la radio) – van Zweden
♪ Stravinski – Apollon musagète – van Zweden
♪ Chostakovitch – Symphonie n°4 – Wigglesworth (BIS)
♪ Chostakovitch – Symphonie n°8 – Wigglesworth (BIS)
♪ Chostakovitch – Symphonies 9 & 12 – Wigglesworth (BIS)
♪ Chostakovitch – Symphonie n°13 – Rootering, Wigglesworth (BIS)
♪ Chostakovitch – Symphonies 1 & 15 – Wigglesworth (BIS)
♪ Chostakovitch & Gubaidulina – Concerto pour violon n°1 & In tempus præsens – Lamsma, Gaffigan & de Leeuw (Challenge Classics)
♪– Symphonies 1 & 5 – Gaffigan (Challenge Classics)
♪ – Symphonies 3 & 4 (v. 1930) – Gaffigan (Challenge Classics)
♪ Prokofiev – Symphonies 6 & 7 – Gaffigan (Challenge Classics)
♪ Prokofiev –Suite du Lieutenant Kijé (couplé avec d'autres titres par le Royal Philharmonic) – Doráti (Decca)
Un poème de la Bonne Chanson en version orchestrale, avec Bernard Kruysen et Willem van Otterloo !
Patrimoine délaissé :
♪ Who Is Afraid of Dutch Music ? – NM Classics
♪♪ On y rencontrera aussi le Philharmonique de Rotterdam, le Philharmonique des Pays-Bas, ainsi que la presque homonymique Chambre Philharmonique de la Radio… Deux heures de découvertes !
♪♪ Évidemment, Otterloo procure un relief tout particulier à ses participations, et pour ne rien gâcher, les poèmes français sont interprétés par Bernard Kruysen ! Vraiment un disque à entendre.
♪♪ Le troisième numéro de la musique de scène se retrouve également dans une anthologie en 1 CD destinée à présenter les enregistrements du label, avec beaucoup d'orchestres nordiques (Royal Danois, Göterborg, Helsingborg, Gävle, Västerås…), 4 minutes de musique typiquement néerlandaise un peu isolée sur ce disque.
Dans le grisant Speed de Benjamin Wallfisch.
Second XXe & contemporain
♪ Birtwistle – Antiphonies (couplé avec du piano solo et des concertos contemporains avec le BBCSO et le Sydney SO) – Joanna MacGregor, Gielen (Warner)
♪ Yves Ramette – Symphonie n°5 « Hymne à la vie » (couplage avec du piano, et la 3 par la Radio Tchèque) – Jan Stulen
♪ Harvey – Concerto pour Percussions & Madonna of Winter and Spring (couplé avec des songs sur Tagore par le London Sinfonietta) – Peter Prommel, Eötvös (Nimbus)
♪ Einhorn – Voices of Light – Mercurio (Sony)
♪ Franssens – Roaring Rotterdam, Magnificat – G. Albrecht (Etcetera)
♪♪ Tonal mais d'une écriture « globale », par blocs, atmosphérique, alla Corigliano. Très séduisant au demeurant.
♪ Willem Jeths (1959-) – Symphonie n°1 & Concerto pour flûte à bec – Karin Strobos (mezzo), Erik Bosgraaf (flûte), de Waart & Stenz (Challenge Classics)
♪ Michael Torke (1961-) – Livre des Proverbes – de Waart (Ecstatic Records & Decca)
♪ Richard Rijnvos (1964-) – Manhattan Square Dances (couplé avec le NYConcerto par la Chambre Philharmonique de la Radio) – Antunes Celso (Challenge Classics)
♪ Benjamin Wallfisch – Speed (autres pièces pour trio ou par le St. John's Orchestra) – B. Wallfisch (Quartz)
♪♪ Cette pièce de 13 minutes explore des atmosphères très différentes et assez figuratives. Rien d'original, on retrouve les cliquetis en nuage, les rafales de cuivres varésiens, des suspensions plus chostakovitcho-herrmannien… car tout en utilisant les outils de l'orchestre du XXe siècle, Wallfisch écrit une musique complètement tonale, une sorte de Connesson qui aurait pris en compte Ligeti et Murail. Et cela fonctionne assez bien, à défaut de révolutionner quoi que ce soit.

Dans le début du War Requiem de Britten, dirigé par Jaap van Zweden.
Vous avez sans doute remarqué la clarté des timbres.
Les autres orchestres dont je veux parler ont disparu depuis quelques années (par disparu, entendez : ont été dissous), mais il sera utile d'en faire une petite présentation dans la mesure où, à défaut de les entendre en salle, vous rencontrerez un assez respectable nombre de leurs disques.
7. Nederlands Radio Kamer Filharmonie
(Avec par exemple la première captation de la restitution Orledge d'une Chute de la Maison Usher de Debussy comme opéra complet – très belles couleurs orchestrales, et distribution fulgurante, entre Yves Saelens et Henk Neven !)
8. Het Radio Symfonie Orkest
(Dont le grisant Hymne à Rembrandt publié dans la série anniversaire de Diepenbrock rassemblant quantité de bandes documentant les différents aspects du catalogue du compositeur – dirigé par Spanjaard et avec Eva-Maria Westbroek !)
Il y aurait également beaucoup à dire sur les orchestres à rayonnement international, comme le Philharmonique de Rotterdam ou la Résidence de La Haye (Den Haag Residentie Orkest), mais le panorama, malgré toutes les dissolutions et fusions, demeure d'une richesse extrême, et il me reste plusieurs autres projets à mener à bien. J'ai cependant au moins à proposer un tableau des différentes fusions, province par province, sur lequel j'ai passé quelques grosses poignées d'heures, et que je proposerai comme viatique pour, à défaut de commentaire, pouvoir au moins savoir qui est qui au dos d'un disque.
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Pédagogique a suscité :
silenzio :: sans ricochet :: 2000 indiscrets