Je l'avoue honteusement, j'ai mis le CD par pure curiosité, et pas la curiosité saine de la belle découverte, plutôt celle qui recherche l'insolite – quand elle n'anime pas – chez d'autres moins vertueux que moi – la médisance.
Oh, je n'attendais pas une horreur, les Haydn de Boulez avec le Symphonique de la BBC sont d'un maintien raide, mais très valables. [Évidemment, il y a le cas mythique de ses deux versions de Water Music, jouées à la tradi – illustration parfaite du paradoxe qui fait des compositeurs les plus modernes des conservateurs en matière d'interprétation, particulièrement parce que les musique les plus concernées ne les intéressent guère. Je n'ai pu écouter que celle de CBS, mais c'est une rigolade, non seulement tradi mais extrêmement empruntée.]
Extrait des deux premiers mouvements.
Orchestre
Disons que dans ce concerto débordant d'un romantisme précoce, on n'attendait pas de grands épanchements, voire une certaine raideur. Point du tout. Dès le début, l'accompagnement orchestral se caractérise par une forme de noble exaltation, contenue mais très présente, comme si quelque empressement couvait sous la surface. Je suppose que c'est l'effet de violons très lyriques et doux, presque lisses, tandis que les motifs de la petite harmonie et les accents des basses sont particulièrement mis en relief. Dans le mouvement lent, il ose même un vrai tempo adagio (qu'on entend souvent pressé à cause du un poco mosso) et des fondus très romantiques – ajouté à l'inégalité étrange de Curzon (les triolets font de singulières accélérations en crabe), on croirait vraiment entendre du Chopin. Le dernier mouvement se caractérise par des sforzandi nets, qui n'étaient pas encore à la mode en 1971, et on peut même parler d'une certaine flamme orchestrale. C'est mieux qu'une bonne surprise, c'est tout simplement la plus belle lecture orchestrale que j'aie entendue dans cette œuvre, sans furie, mais d'un charme presque capiteux.
Piano
Ce ne serait rien, vu la nature de l'œuvre, si le piano n'était pas à la hauteur. Et autant le jeu (très intéressant néanmoins) peut paraître un peu massif et dur en 1977 avec Kubelik et la Radio Bavaroise, autant Curzon est ce soir-là au sommet de ses moyens, chaque note timbrée (jusqu'au glas feutré de l'extrême grave à la fin du deuxième mouvement), une main gauche délicate et éloquente (des motifs rares apparaissent dans le troisième mouvement). Étant une prise sur le vif, il y a plusieurs traits qui se ratent, surtout à la fin du troisième mouvement (prise de risque maximale côté engagement et tempo, et accentuée pour la coda), mais la chose me paraît complètement vénielle eu égard à l'ensemble. On peut même dire que par rapport à l'intensité incroyablement lyrique de ses trilles du deuxième mouvement, il pourrait bien rater chacune de ses gammes sans avoir épuisé ses gains.
Dans la discographie, j'ai rencontré des pianistes de valeur égale, mais je n'en ai pas entendu qui bénéficient d'un accompagnement à ce point intéressant – d'autant plus précieux dans ce concerto où l'orchestre tient quasiment l'essentiel de la part mélodique et thématique. Oui, même Dresde et Vonk, même Szell et Cleveland (parfait, mais sans ce petit élan supplémentaire – qui l'eût cru de Boulez ?).
Couplage et discographie
Le Concerto pour piano n°26 de Mozart, capté en 1974, est beau, mais me convainc moins : Curzon est un peu charpenté et massif pour Mozart, et Boulez a davantage de difficulté à exalter les qualités de l'orchestre mozartien (l'énergie sous-jacente et le détail des profondeurs de l'orchestre ne sont pas essentiels ici). Le tout est disponible sur un album BBC Legends.
Il existe quantité d'autres remarquables versions, bien sûr ;
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