lundi 20 octobre 2014
La juste distribution & le juste remplissage
Entendu sur France Musique, une parole intéressante de Michel Franck, directeur du Théâtre des Champs-Élysées, qui explique bien des choses. En substance :
Les stars d'un grand renom qui sont extrêmement médiatisées — Cecilia Bartoli, Angela Gheorghiu, Roberto Alagna, Jonas Kaufmann, Evgeny Kissin… il n'y a aucun problème de remplissage, whatever the price.
Pour ce qui est relativement pas cher, le remplissage est, aussi, bon.
C'est ce qui est entre les deux qui est plus difficile que les années précédentes à remplir. Les œuvres ne suffisent plus à remplir ; avant, on remplissait facilement avec une Neuvième de Beethoven ; ça ne suffit plus. Il faut des artistes connus pour arriver à remplir une salle en symphonique.
Cela peut expliquer pourquoi les salles distribuent quelquefois un artiste cher, pas forcément le plus adapté à son rôle ou sa partie, dans une œuvre, même si on pourrait croire qu'elle remplit toute seule. Pour l'Opéra de Paris, vu la saturation du remplissage, oui, les œuvres suffisent souvent, même lors de reprises (étrangement, les reprises sont souvent moins prestigieusement distribuées, alors qu'elles auraient davantage besoin de ce coup de pouce), et les distributions de célébrités sont davantage une affaire de rang et de prestiges supposés — il suffit d'entendre les lamentations, dans les antres les plus glottophiles, comme quoi Paris n'attirerait plus les grands chanteurs, parce que telle ou telle figure à la mode ne s'y produit qu'une ou deux fois par an.
En revanche, pour les salles qui ne font pas systématiquement salle comble (soit à peu près toutes les autres !), un nom peut manifestement être un bon investissement, et pas seulement en publicité, vraiment en billetterie, même pour des œuvres célèbres.
Ce n'est qu'un avis, et sur un angle partiel (forcément que Kaufmann fait venir les gens… serait-ce le cas pour des gens un peu moins superstarisés comme Álvarez ou Armiliato ?), mais c'est toujours une information de l'intérieur intéressante — elles ne sont pas si fréquentes.
D'ailleurs tout cela pose de façon sous-jacente (évoquée de façon plus frontale dans la même émission par François Bou, directeur général de l'Opéra de Lille) la nature de la mission d'une salle (encore plus dans les cas où elle est généreusement subventionnée) : est-ce de fournir la meilleure qualité, ou nécessairement de remplir ? La priorité est, sur le plan théorique, très difficile à établir (considérant que le classique reste, fondamentalement, une pratique culturelle minoritaire et pas la plus facile à vendre).
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie En passant - brèves et jeux a suscité :
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