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jeudi 19 février 2015

Concerts symphoniques et spectacles lyriques : la nouvelle offre vidéo


Le disque

… quel Âge d'or nous vivons… il n'a jamais paru autant de disques, couvrant autant de répertoire, à des prix aussi bas. Plus la mode des coffrets, très avantageux pour le mélomane débutant qui veut se constituer une collection de qualité sans se ruiner tout de suite, ou pour le mélomane confirmé qui peut ainsi accéder à des legs exhaustifs. Seul domaine sur lequel on a perdu, les notices : très souvent, il n'y en a quasiment plus… et même pas le texte des opéras, même lorsqu'on les achète en séparé. Un problème pour tous ceux qui veulent débuter.

Ces largesses constituent sans doute aussi le symptôme d'une fin de cycle, car la braderie du fonds de répertoire va limiter les ventes à haute marge à quelques nouveautés… et on vend trop peu en classique pour compter gagner de petites marges sur de grands nombres. Mais pour l'heure, profitons-en.

La vidéo

Dans le même temps, alors qu'il y a dix ans un témoignage vidéo (presque une VHS…) était en soi un événement, aujourd'hui l'on croule sous les vidéodiffusions gratuites (qui s'ajoute à l'offre désormais très riche, parfois plus qu'en disque, au DVD) :

  • comme autrefois des chaînes hertziennes, câblées, satellitaires, subaquatiques et infratelluriques ;
  • de plates-formes web, adossées ou non à des chaînes standards (Medici.tv, Arte Concert, CultureBox) ;
  • des salles et institutions (Philharmonie de Berlin – payante pour partie –, Philharmonie de Paris, le Concours Reine Élisabeth, La Monnaie de Bruxelles…) ;
  • c'est plus fragmentaire (ou artisanal) pour les orchestres et artistes isolés, mais ce pourrait aussi se généraliser (et se professionnaliser, comme pour les fantastiques clips d'Anderson & Roe).


Ce sont des vitrines de prestige qui ne coûte pas forcément très cher et donnent une visibilité aux spectacles. La Monnaie, ainsi, donne accès gratuit à tous ses spectacles (il faut simplement s'inscrire) sur une durée courte, plus ou moins au moment de la production elle-même.

La qualité des offres est diverse :

Medici semble moins à la pointe désormais, plutôt assis sur son stock (il faut dire que c'est probablement sans les mêmes subventions que les chaînes publiques…).

Arte Concert documente quantité de choses, sans que la cohérence ou la clairvoyance des choix apparaisse toujours avec évidence (beaucoup de concerts symphonique franco-allemand, dans des programmes un peu dépareillés… mais aussi de belles initiatives, comme la documentation de concours, Armel Opera tous les ans désormais), ni la différence entre sélection télé et sélection web.

La Monnaie n'est pas très facile d'accès (inscription nécessaire, puis il faut naviguer dans plein d'autres contenus en lien avec la production, très intéressants d'ailleurs), mais vu l'intérêt de sa programmation, il s'agit d'une étape indispensable pour le mélomane curieux. C'est aussi l'occasion (unique, je crois) d'assister à la totalité de la programmation d'une maison (sauf à se déplacer pour chaque spectacle, bien sûr).

La Philharmonie de Paris, peut-être est-ce lié à une volonté de communication pour son inauguration, retransmet quasiment tout des orchestres résidents et associés, ce qui est fascinant pour suivre la continuité d'une programmation — et contrairement à Berlin, tout est gratuit.

CultureBox, au départ simple annexette culture de France Télévisions (et dans un codage impossible, accessible seulement d'Internet Explorer !), est devenue la source la plus clairvoyante de spectacles lyriques, avec une adresse claire qui regroupe tout : http://culturebox.francetvinfo.fr/live/musique/opera/. Le principe est manifestement de documenter tout ce qui se fait d'important ou d'original en France, voire dans les pays voisins (partenariat avec Liège, par exemple). On peut aussi bien y voir des événements grand public (L'Enlèvement au Serail à Garnier, Luisa Miller à Liège avec Ciofi et Kunde, Les Brigands à Favart, Tosca à Paris Bastille…), que des choses plus audacieuses (Les Festes Vénitiennes de Campra, récital de mélodies Ropartz-Boulanger-V.Williams-Britten, les opéra des Rachmaninov à Nancy, Doctor Atomic d'Adams à Strasbourg, la création de Colomba de Petit à Marseille)… ou tout simplement des choix avisés sur les choses qu'il aurait fallu aller voir (L'Étoile virtuose de Pelly à Amsterdam, Dido and Aeneas hallucinant à Rouen…).
Avantage décisif sur ses concurrents, désormais les sous-titres sont systématiques pour les opéras en langue étrangère, même pour des œuvres rares et sous droits comme Francesca da Rimini de Rachmaninov ou Doctor Atomic d'Adams.

Et vu que ces captations émanent d'organisations officielles, tant qu'elles font un chiffre raisonnable et permettent un rayonnement publicitaire, il n'y a pas de raison qu'elles cessent dans un futur proche. Une manne, vraiment — on peine à toutes les repérer et ensuite à toutes les visionner…

En ce moment

Suite de la notule.

dimanche 15 février 2015

Le métier de directeur de maison d'Opéra


Sous ses apparences anecdotiques, l'impossibilité de Stéphane Lissner (voir la vidéo là, le questionnaire débute à 13'13) à nommer les opéras les plus célèbres du répertoire en entendant « Ebben, ne andrò lontana », l'ouverture de La Forza del destino, « Vissi d'arte », « Un bel dì vedremo » et péniblement Carmen avec « Les tringles des sistres tintaient », permet de poser de vraies questions.

Être directeur d'une grande institution culturelle passe d'abord par un savoir-faire administratif (et dans la mesure du possible communicationnel), et s'il est bien entouré (comme la qualité des distributions semble l'attester), sa culture personnelle n'est pas le premier sujet. Évidemment, pour un amateur de lyrique du rang, cette impossibilité de retrouver les titres les plus fameux du répertoire est particulièrement spectaculaire, mais à bien y regarder, s'il n'aime pas le répertoire italien et n'écoute pas de récitals, pas forcément si facile de retrouver La Wally ou Butterfly). Plus étonnante est son hésitation pour identifier le timbre de Callas, mais il avoue ses lacunes franchement et se tire assez adroitement de chacune de ses hésitations avec des anecdotes livresques ou des considérations discographiques (sur des œuvres qu'il n'écoute manifestement pas tous les ans !) : à défaut d'être un grand mélomane, la culture reste indispensable.

Une chose est sûre en tout cas : ce n'est pas lui qui fait les distributions !

Je ne trouve pas cela scandaleux personnellement, mais il est sûr que pour un homme qui a passé sa carrière à diriger des institutions lyriques (pourquoi pas des théâtres ou la Caisse des Dépôts, alors ?), cette séquence est assez impressionnante — surtout après l'annonce de saison tellement bien calibrée pour les médias, où l'on nous parle de redécouvrir le lyrique à travers des choix supposément audacieux.

Manifestement, pour certains, le découvrir constituera déjà un significatif premier pas.


Avec Lissner, on va pouvoir s'amuser… et ça fait aussi partie du plaisir, de pouvoir prendre le thé en disant du mal du directeur de l'Opéra.

La devinette de février


Cette fois-ci, ce devrait aller vraiment vite.

Super bonus si vous trouvez les interprètes (célèbres).

dimanche 8 février 2015

La bataille finale du lied et de la glotte : Wieck, Viardot, Yoncheva


Voilà une expérience particulière qui mérite mention. Pour le progamme, et puis pour deux ou trois autres choses plus amusantes.

1. Lieder de Clara Wieck-Schumann

La raison de ma venue : depuis une dizaine d'années, on enregistre régulièrement Clara, et on lui consacre même quelques monographies au disque, mais il reste rare qu'on l'entende abondamment au concert, hors de quelques pièces isolées. Une moitié entière de programme, c'était une bénédiction !

Par ailleurs, Sonya Yoncheva ne s'y est pas trompée, et a choisi, dans le tiers de son legs qu'elle a joué, ses meilleures compositions : les célèbres « Er ist gekommen » et son caractère de tempête sur son texte tendre, « Liebst du um Schönheit » et ses paliers de lumière, « Die Lorelei » et son thème souterrain, sa trépidation ternaire, couronnée par ses cris, « Ich stand in dunkeln Träumen » dans une vision du passé combien plus paisible que la version du Schwanengesang (d'autant que la version retenue était celle sans la surprise finale) ; mais aussi les plus beaux parmi les restants, les doux accents tragiques de « Sie liebten sich beide » (dans sa version non strophique), le badinage mélancolique de « Warum willst du and're fragen », les liquidités infinie d' « Am Strande », le strophisme délicieux de « Der Abendstern », le récitatif troublé « O weh' des Scheidens das er tat »… il n'y a guère que le joli « Mein Stern » que j'aurais volontiers échangé contre la nudité onirique de « Die gute Nacht ».

D'une manière générale, le style de Wieck, très marqué par Chopin et Schumann, se caractérise par l'abondance de petites appoggiatures (des notes étrangères prennent la place des notes attendues sur le temps fort, et retrouvent leur place sur l'accord suivant) — le procédé est très commun, mais il est sollicité avec prodigalité et beaucoup de goût, créant une (douce) tension permanente. C'est un domaine très subjectif, mais j'y suis très sensible, comme les autres qui aiment la musique de Wieck, je suppose.

2. Mélodies de Pauline Viardot

Le legs de Viardot est à la fois mal connu et peu pratiqué. La sélection a le mérite de faire entendre une facette mal connue de sa production : « Marie et Julie » (1850) présente ainsi une mobilité harmonique très déroutante pour le genre, plus proche de la norme de 30 ou 40 ans plus tard… Les arpèges débouchent chacun sur une surprise et une couleur un peu différente de celle attendue, et ne se répètent pas — sans en avoir la complexité, cela évoque assez la méthode Fauré, jamais spectaculairement dissonant mais échappant toujours au pronostic. Elles sont (très) rares, les mélodies de 1850 à avoir cet aspect-là !
Plus amusant, dans « En mer » (1850), on retrouve les exactes harmonies utilisées par Schubert pour « Am Meer », joli clin d'œil (placé en exergue, au même endroit, ça ne fait guère de doute).

On y retrouve aussi les bluettes moins intéressantes et plus célèbres, comme « Haï luli » (qui m'évoque immanquablement « Youkali » de Weill), toutes de couleur locale factice.

4. Trois bis

Là aussi, l'audace prévalait. « Non t'accostar all'urna » de Vittorelli, également mis en musique par Schubert et Verdi, ici dans une mise en musique inattendue de Carlotta Ferrari. Très belcantiste bien sûr, une longue cantilène où le sens pourtant très dramatique se diluait assez, mais jolie.

L'air léger (très cocorico) de Lecocq qui clôt son CD.

Et « Ich stand in dunkeln Trämen » une seconde fois.

3. « On a perdu Yoncheva »

Suite de la notule.

David Le Marrec

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