Carnets sur sol

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jeudi 30 avril 2009

Action de grâce - [Fiesque d'Edouard Lalo - Alain Altinoglu / Roberto Alagna]



Suite de la notule.

lundi 27 avril 2009

Don Ottavio en costume


Des torches brillent ; on voit reparaître donn’Anna, suivie d’Octavio, un petit homme coquet, paré et compassé, âgé de vingt et un ans tout au plus. En qualité de fiancé de donn’Anna, il était probablement logé dans la maison, puisqu’on a pu l’avertir si promptement. Il aurait pu, au premier bruit qu’il entendit, accourir, et peut-être sauver le vieillard : mais il fallait d’abord qu’il s’ajustât de pied en cap ; et d’ailleurs, il n’aime pas se hasarder à sortir la nuit.

E.T.A. Hoffmann, à peine vingt-cinq ans après la création de Don Giovanni, propose une lecture qui contient déjà tous les futurs stéréotypes - jusqu'à l'amour secret de Donna Anna pour le séducteur. Si, sur ce point, il n'est pas très solidement argumentant, s'appuyant plutôt sur des intuitions romanesques que sur l'observation de la pièce, son interprétation d'Ottavio a quelque chose de séduisant.

C'est aux antipodes de ce qu'on proposait jadis, mais nourrit en réalité le même personnage. Qu'il s'agisse d'un homme mûr ami du père, vaguement apeuré, qui doit être tiré du lit, encore tout dépenaillé, le bonnet sur les yeux, pour être amené sur les lieux du combat ; ou d'un jeune homme choisi par le père, et si fadement coquet qu'il ne sait être brave sans avoir mis son plumet ; en fin de compte, le personnage a quelque chose de peu glorieux, et a intérêt à ne pas arriver à temps sur les lieux. En plus de ne rien risquer, il obtient la sacralisation de la parole du père défunt, que sa fille entreprenait peut-être de faire reprendre.


Cette thèse, qu'il faut bien reconnaître comme un brin psychologisante, va à l'encontre de la source du Burlador de Tirso de Molina, où, au contraire, Octavio était attendu par Isabelle (la première moitié d'Anna, celle qui est surprise par la nuit et non la fille du Commandeur). Et Don Juan, l'ayant appris, ou jouant sa chance, est d'abord pris pour ce promis un peu pressé, comme le rappelle également Anna chez Da Ponte (le récit qui précède Or sai chi l'onore).


Pourtant, rien à faire, la vaillance et la droiture d'Ottavio, maladresse du dramaturge ou trait distinctif de ce drame-là, on ne parvient pas bien à s'en convaincre, romantisme ou pas.



Anton Dermota, galant Ottavio.
Image tirée de Cantabile Subito.


Suite de la notule.

vendredi 24 avril 2009

Le piano français - type et discographie (3, Erik Satie)


3.4. Erik Satie (1866-1925)

rose-croix eric éric satie rosicrucien


CSS n'est pas placé au mieux pour parler de Satie.

Son piano, qui constitue l'essentiel de son oeuvre [1], contient quantité de citations, de parodies (la plus flagrante est celle de la marche funèbre de la Deuxième sonate de Chopin) ; le contenu musical, lui, tourne souvent en rond - les partitions sont plus drôles à lire, avec les indications très précises et absurdes, qu'à entendre, en fin de compte. Ou alors, il faut goûter un certain type de référence ; et, dans ses pièces les plus sérieuses, de contemplation.

Certes, son harmonie est résolument moderne, quoique pas du tout spectaculaire. Cependant, cela ne semble souvent mener nulle part, avec le ressassement à l'infini de la même trouvaille sur toute la longueur de la pièce - ce qui peut faire long.
Par ailleurs, le ton des différentes oeuvres est finalement assez homogène ; ou très badin et léger, ou d'une contemplation douce.

[1] A part Geneviève de Brabant (son opéra pour marionnettes), Parade et la Mort de Socrate, un peu de musique de scène et un peu de musique vocale, il n'y a pas grand'chose d'autre.

Quoi écouter ?

Suite de la notule.

Le piano français - type et discographie (2 : Rossini, Fauré et Debussy)


On va à présent débuter notre balade dans le piano français. Pour chacun, on s'efforcera de cerner le caractère, de proposer des indications discographiques, et, lorsque c'est possible, le téléchargement d'enregistrements libres de droits et de partitions du domaine public.

On ne pourra pas tout traiter, évidemment. Tout d'abord parce que tout n'est pas intéressant ; ensuite parce que tout n'est pas enregistré et que nous ne pouvons pas tout déchiffrer de ce qui est inédit...
Les oeuvres rares et exceptionnelles seront distinguées par
la récompense suprême de CSS : le lutrin de contreplaqué de noyer. lutrin Il y avait bien aussi le lutrin de jardin, mais ça faisait moins sérieux.

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3. Une anthologie du piano français pionnier

Il doit exister, de même que pour les mélodies, des quantités extraordinaires de pièces caractéristiques écrites pour les amateurs - qui, alors, ne pouvaient reproduire de la musique que par leur propre jeu. A l'exemple aussi des réductions pour piano (avec voix ou tout intégré) des opéras, ces choses-là étaient plus accessibles à l'honnête homme que les Etudes d'exécution transcendante.

Cela se trouvait aussi dans les pays germaniques, et bien que le ton en diffère (plus de tenue outre-Rhin, plus de sucre en deçà), ce n'est pas là qu'on fera une distinction nourrissante - ni, tout simplement, qu'on rencontrera quantité d'oeuvres intéressantes. De toute façon, ces feuillets d'album ne sont à peu près pas du tout enregistrés, vu leur faible spectaculaire, leur faiblesse d'écriture et leur ennui.

On ne penchera donc, sans prétendre du tout à l'exhaustivité (mais bien plutôt à la sélection !), sur les oeuvres les plus caractéristiques d'une certaine invention française.

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3.1. Gioacchino Rossini (1792-1868)

gioacchino rossini gioachino portrait caricature

On pourrait faire remonter une certaine tradition de la pièce de caractère à Rossini, qui écrit mainte pièce « à programme » une fois qu'il s'est retiré de la scène lyrique. Beaucoup de choses légères, d'humour, mais aussi de l'évocation (réminiscences de ses opéras au milieu de la marche pour mon dernier voyage).
Cependant, stylistiquement parlant, on est assez loin de notre objet, donc on ne s'attarde pas.

D'autant qu'on ne trouve pas aisément les partitions (elles sont peut éditées et très chères), et qu'il n'existe pas à notre connaissance de témoignages libres de droit sur la question.

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3.2. Gabriel Fauré (1845-1924)


Suite de la notule.

jeudi 23 avril 2009

Clara juge de Richard (2)



Photo de famille.
(Source.)


2. Mendelssohniens, schumanniens, wagnéro-lisztiens, brahmsiens et brucknériens

Il faut peut-être préciser que Clara a traversé plusieurs tempêtes esthétiques, et que ses positions sont aussi régies par sa formation, la fidélité à Schumann et les épreuves de sa vie.

Suite de la notule.

Clara juge de Richard (1)


1. Sur Tristan

A la fin de sa vie, Clara, s'arrêtant de passage à Munich pour entendre Manfred de son défunt Robert, note des observations aussi pertinentes qu'égarées à propos de Tristan und Isolde, qu'elle va entendre deux jours plus tard.

« C'est ce que j'ai entendu dans ma vie de plus antipathique. Être obligée de contempler et d'entendre toute une soirée une pareille aberration d'amour qui révolte en nous tous les sentiments de moralité, et voir non seulement le public, mais les musiciens en extase, c'est ce qui m'est arrivé de plus triste encore dans ma vie d'artiste. J'ai tenu bon jusqu'à la fin. Je voulais avoir tout entendu. Pendant tout le deuxème acte, les deux comparses dorment et chantent. Pendant tout le dernier, Tristan meurt. Cela dure quarante minutes [nddlm : malgré tout, elle est gentille] et ils appellent cela dramatique !!! Levi dit que Wagner est bien meilleur musicien que Gluck ! Et Joachim n'a pas le courage de s'élever contre les autres ! Sont-ils donc tous fous, ou est-ce moi ? Je trouve ce sujet si misérable ! Une frénésie d'amour provoquée par un philtre – est-ce qu'on peut en pareil cas prendre encore le moindre intérêt aux amants ? Ce ne sont plus là des sentiments, c'est de la maladie. Ils s'arrachent positivement le coeur du corps, et la musique représente cela avec les accents les plus désagréables ! Hélas ! je pourrais gémir jusqu'à demain et crier hélas ! hélas ! ... »

richard wagner par willich by              clara wieck schumann wagner johannes brahms
Mais non, chers lecteurs lutinants, n'ayez crainte :
;;
Ta bouche tait-elle tes questions,
Ou bien laisse-t-elle entendre ma défaveur ?
Quoi que puisse proférer ma bouche,
Vois mes yeux - je t'aime !

La première partie de son commentaire est assez bien vue : Wagner joue précisément avec tous les codes moraux au nom de l'amour absolu, les brise même, comme elle l'a d'une certaine façon fait en désobéissant à son père, en s'alliant aux hommes de loi contre lui pour épouser Robert.
Cette extase quelque peu déshonnête qui parcourt l'assistance à l'écoute du Maître est également très révélatrice - Wagner suscite le fanatisme, voire l'exclusivité, comme aucun autre, tout un monde à lui seul. Au point que certains mélomanes, aujourd'hui encore, le fréquentent jusqu'à l'exhaustivité - et en écartant tous les autres...

Suite de la notule.

mercredi 22 avril 2009

Le piano français – type et discographie (1)


Face à la demande impérieuse, un petit panorama sur une part inhabituelle du répertoire.
[Second lien bref sur le sujet..]

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Evgeny Kissin et Nikolaï Lugansky, deux un grands pianistes au répertoire très étendu. Au moins vingt pièces de Chopin pour l'un, auxquelles il faut ajouter facilement dix de Rachmaninov pour le second.
Il y a quelque chance qu'ils croient encore que le dieu Bucy est une figure de priape de quelque carrefour parisien.


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1. Le récital de piano aujourd’hui

Le récital de piano, comme l’ensemble de la musique de chambre et très large part de la musique symphonique, a consacré la domination absolue de la pensée musicale allemande. Ce n’est pas une question de nationalité, à la vérité vérité, mais bien une question de conception même de la musique. Une forme d’incarnation de la pensée de façon très différente selon les peuples – puisqu’en musique, il existe vraiment deux peuples très différents entre l’Allemagne et l’Autriche d’une part, la France d’autre part.

Il serait un peu fastidieux d’explorer comparativement, par rapport à notre objet, les différentes écoles nationales de piano. Simplement, arrêtons-nous sur celle qui a triomphé.

Grâce au disque, et particulièrement en cet âge d’or que nous vivons, tous les répertoires sont accessibles, même les plus improbables, et à petit prix. Mais le concert, lui, obéit à une logique beaucoup plus rigoureuse : en l’espace d’un soir, il faut remplir la salle ; on ne peut pas compter sur une critique a posteriori ou une reconnaissance tardive de l’intérêt d’un compositeur pour rentrer dans ses frais. En matière de programmation musicale de spectacle vivant, avoir raison avant tout le monde est certes glorieux, mais catastrophique pour la perennité du théâtre, fût-il soutenu par la dea ex machina – nommée Subvention par les poëtes.

On y programme donc avant tout les œuvres les plus connues. Et, en matière de piano, le spectre est plutôt étroit : Mozart, Beethoven, les trois dernières Sonates de Schubert, Schumann, Chopin, Berlioz , Liszt, (parfois) Brahms, (parfois) Ravel.
C’est que la musique y est conçue comme un tout organique, qui n’exprime pas directement d’émotions, qui n’est pas « à programme ». La perfection formelle, la puissance de sa structure vont à elles seules toucher, transporter dans un autre monde. C’est l’opinion majoritaire aujourd’hui encore où, par opposition aux goûts du grand public, l’esthète préfèrera la musique abstraite. Et il est vrai qu’elle ouvre des mondes que le seul mimétisme de la nature ou de la vie des hommes ne délivre pas.
Le parangon de cet esprit se trouve chez le tout-puissant Beethoven, capable de transformer un motif banal en un univers cohérent, profond, immense ; simultanément dansant, vertigineux, virtuose et méditatif.

Comme à l’habitude, il n’est donc pas question de contester la hiérarchie négativement : les grands noms méritent tout à fait leur place, cela nous paraît incontestable. En revanche, l’oubli a beaucoup de causes, souvent pratiques (conditions de création, goût du temps…) ou idéologiques (choix d’une époque au nom du bon goût).

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2. L’esprit français du piano

Suite de la notule.

Heautontimoroumenos


La lucidité a quelque chose de très émouvant parfois.

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Ce que je préfère, ce sont les « boîtes à sentiment » de bourgeois d'Allemagne du Sud ; mais on ne réussit pas toujours des coups comme le duo d'Arabella ou le trio du Chevalier à la Rose. Faut-il donc arriver à l'âge de soixante-dix ans pour s'apercevoir que c'est pour le kitsch que l'on est le plus doué ?

Richard Strauss à Stefan Zweig, le 21 janvier 1934




Malheureusement, il précise à la ligne suivante : Plus sérieusement. Mince, il y était presque.

La vie secrète des lutins

Pour ceux d'entre vous qui s'enquéraient du sort prospère du líder local, Diaire sur sol vous dévoile tout.

A lire et écouter dans l'ordre.

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dimanche 19 avril 2009

Nouvelle catégorie

Une courte notule a été préparée ce jour autour d'un lied de Clara, et devrait en appeler d'autres (le but étant de proposer un accès libre de droits à cette musique, sons, traductions et commentaires compris). Comme nous ne sommes pas pleinement satisfait de l'illustration musicale, nous en reportons un peu la publication, le temps de trouver des solutions.

Mais, dans l'attente, il faut signaler l'ouverture d'un chapitre spécifique autour de Clara Wieck-Schumann (colonne de droite), qui regroupe déjà quelques bavardages antérieurs.

Comprendre la fugue sans lire la musique

Rrrrratibor !

C'est possible.

Nous avons ajouté le texte, sa traduction et la répartition entre pupitres pour que chacun puisse en profiter.

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(En revanche, pour ceux de nos lecteurs qui ne savent pas lire tout court, ce sera plus compliqué.)


vendredi 17 avril 2009

Musique nazie qui tue

(Le titre est juste là pour le référencement dans les milieux autorisés.)

Carl Orff avait décidément tous les talents. Non content d'être un compositeur majeur d'opéras inspirés et autres cantates subtiles, il était capable d'écrire des pièces entières dans un seul tétracorde défectif.

Cette musique pour les jeux olympiques de Berlin 1936 en témoigne avec éclat.


Doit-on confesser qu'on trouve qu'il s'agit là de son oeuvre la plus inspirée, finalement assez proche des Danses de cour de Pierné ? Certes, c'est moins subtil, moins inspiré, ça ne module jamais et ça tourne en rond. Mais à côté des chants de Catulle...

Non, vous n'avez pas remarqué, ce petit côté BO du Gendarme à Saint-Tropez ?


La Grèce antique stylisée est assez sensible, pour le coup, avec une bonne dose de coloration pastorale (plus beethovenienne que lullyste). Un petit esquif de n'importe quoi jeté sur la grande mer de la rationalité organisatrice de ces gigantesques manifestations...

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Merci à Spiritus pour le bon Tuyau.


Le livre, l’informatique, la Toile, la nouvelle hiérarchie et les nouveaux dangers



Ça ne badine pas par ici, non mais.


On se souvient que CSS avait déjà noté la réticence de quelques éminentes figures érudites face à l’usage de l’Internet sur l’information. Ils semblent s’être, face à l’inévitable, en partie ravisés, mais de façon plus défensive qu’enthousiaste – barrer la voie à la toute-puissance (il est vrai inquiétante) de Gooooooogle plutôt que créer spontanément un projet merveilleux.

Il est vrai que les méthodes de recherche informatiques, et surtout via les moteurs de recherche Internet, diffèrent profondément de la logique d’érudition qui prévalait alors. Il y a de quoi s’en réjouir comme de quoi s’en alarmer. Quelques pistes rapides de réflexion.

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1. La parabole du point de croix

Suite de la notule.

Allongement européen de la durée des droits d'auteur

Petit nouvelle qui nous concerne.

Il semblerait que le projet patine. Attention tout de même à ce que peuvent dire les articles de presse sur ces sujets, pas toujours parfaitement au fait de la législation. (Déjà, le veto est-il engageable sur cette question ? Ensuite, y a-t-il vraiment eu arrêt maintenu depuis fin mars ?)

Contrairement à beaucoup d'internautes, nous ne serions pas fondamentalement contre cet allongement si les modèles de distribution se diversifient en parallèle et si cela peut permettre à l'actuel âge d'or discographique de perdurer quelque temps.

Quoi qu'il en soit, ce blocage de la décision d'allongement est une excellente nouvelle pour la musique libre de droits. Economiquement, ça se discute sans doute. Nous avons de toute façon en projet de revenir sur la loi Hadopi (ou plutôt Hadœpi), qui comme la DADVSI (dont il a abondamment été question ici même), pose plus de question qu'elle n'en résout.

Page de synthèse sur la législation française actuelle : http://musicontempo.free.fr/droits.html .

jeudi 16 avril 2009

Puissance, volume, projection et résonance


Quelques termes souvent confondus. La distinction est simple.

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Volume (ou puissance) :
Le volume est le nombre de décibels produit par une voix (ou un instrument). C’est une valeur absolue, mesurable, et souvent liée à la nature de la voix (bien sûr développée par le travail).


Dans certains répertoires, mieux vaut disposer à la fois d'une grande puissance et d'une excellente projection.
Wagner vu par Kietz en... 1840 ! On n'avait encore rien vu.


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Projection :
La projection désigne la façon de « faire passer » un son, même faible, de façon à ce qu’il soit entendu. Cela passe tout simplement par une concentration du faisceau sonore. On peut ainsi rendre audible un son très fin et doux dans une grande salle.

Suite de la notule.

mercredi 15 avril 2009

Yva Barthélémy, LA VOIX LIBÉRÉE - compte-rendu et enjeux

1. Préalable utile : l’esprit de notre lecture

Il est connu que CSS nourrit, à l’égard de la profession de professeur de chant, une réserve prudente – quand ce ne sont pas des préjugés vaguement hostiles. Pour avoir vu à l’œuvre des professeurs impuissants, pour certains incultes (ce qui pose de graves problèmes pour identifier des voix, faire travailler des styles, fournir un répertoire à l’élève), et même des charlatans, on a toujours eu trop de circonspection pour avoir recours à leurs services.

On peut tout à fait objecter qu’il existe des professeurs formidables (et c’est tout à fait exact, sinon il n’existerait pas de bons chanteurs), mais à Bordeaux ou dans les environs, nous n’avons pas pu collecter d’adresse de confiance – et surtout pas au Conservatoire, dont les classes « confirmées » nous ont fait frémir d’épouvante.

On publiera peut-être un de ces jours, du fait de notre parcours en solitaire, un vade mecum à l’attention du chanteur débutant pour éviter de faire des bêtises, peut-être progresser seul, et aussi pour trouver un bon professeur.

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L’objet à présent n’est pas de jeter de l’eau propre sur les réputations déjà brillantes, mais au contraire de rendre compte d’un manuel de chant bien fait, avec quelques préceptes sains. Et aussi de discuter certaines de ses conclusions.

Le maître des lutrins, comme le dit Lou, a appris le chant sous sa propre direction, sans intervention extérieure. Il nous a fallu avancer prudemment, de façon empirique, en s’appuyant sur certaines vérités qui semblaient reconnues par tous, et en en écartant délibérément d’autres.

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2. Quelques manuels de chant couramment cités

Parmi les manuels de chant, la théorie peu applicable, le guide a posteriori est souvent de mise. Ainsi le Miller (La structure du chant), toujours présenté en référence, sorte de vulgate synthétique du chant des années 70-80 (les plus mauvaises années du second vingtième, avec les contraintes mal maîtrisées de l’internationalisation [1]), énonce des choses qui peuvent valider a posteriori, mais difficilement conduire. Les exercices eux-mêmes sont assénés avec aplomb, sans réelle explication ; certes, quiconque a un tout petit peu exercé sa voix comprendra l’intérêt de « donner au [i] la qualité du [a] ». Mais l’élève lancé sans plus de précisions sur cette piste pourrait bien se fourvoyer en uniformisant tout son spectre vocalique. Certes, cela fera peut-être une voix homogène et solide, mais encore faut-il pouvoir en faire quelque chose sur scène ou en récital. Par ailleurs, de mémoire, Miller ne traite que les cinq voyelles italiennes, ce qui n’est pas d’un grand secours aux amoureux des langues.


Il existe aussi des manuels plus grand public, comme le Rondeleux (Trouver sa voix), qui promet en avant-propos de pouvoir changer sa voix. Certes, tout est possible (pas au niveau de la hauteur de la tessiture, mais sur de nombreux autres paramètres), mais le contenu lui-même est surtout concentré sur la partie respiratoire. Elle est certes judicieuse en insistant délibérément sur la question de la respiration abdominale, mais en se limitant à cette seule question, elle n’aide pas beaucoup à trouver le placement, ni à résoudre quantité d’autres problématiques du chanteur débutant, surtout aveuglé par les phares du répertoire lyrique.
Ces exercices eux-mêmes sont finalement, comme chez Miller, un peu serviles, et ne disent pas leur objet exact. Pour les avoir un peu observés, ils ne créent pas de vraie prise de conscience, alors qu’ils s’adressent en priorité aux débutants.
Par ailleurs, sa lenteur a quelque chose de profondément décourageant, recommandant des mois de respiration avant de commencer quoi que ce soit. Certes, on ne risque pas de se faire mal et cela doit fonctionner au bout du compte – mais à quoi sert une méthode parfaite, si elle est ainsi faite que personne ne désirera l’appliquer ? Evidemment, le reste de la partie technique est, du coup, un peu courte.


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3. Vers un bon manuel ?

La voix libérée d’Yva Barthélémy est d’une autre farine.

On débute par un avertissement des lutins : ceci n’est pas vraiment une recommandation. Il manque un certain nombre de préalables (et de contenus) à ce livre pour constituer un guide fiable pour le débutant ingénu ou même vigilant. Yva Barthélémy est une professionnelle de la voix dans tout ce que cela a d’exclusif, aussi elle manque certains éléments essentiels à mon sens.

Cependant, contrairement à tant d’autres ouvrages, la lecture de ce livre est absolument saine. Tout d’abord, il est très agréablement écrit, de façon informelle, comme un bavardage en cours de chant, et se consulte donc sans risques d’incompréhension, c’est important.

Ensuite, beaucoup d’aspects négligés y sont abordés. Elle embrasse de façon très intéressante les questions des salles (car, lorsqu’on n’est pas habitué, cela change tout, je peux confirmer), y compris pour les plus confirmés, et puis, de façon moins originale, le placement du corps et en particulier de la tête, la controverse du diapason montant (pour des tessitures déjà poussées au maximum par les compositeurs)…

Par-dessus tout, l’ensemble de ses conseils sont argumentés, de façon rationnelle, soutenus par des argumentations physiologiques précises, et pas seulement par « la tradition » ou « les lois de la Physique », à qui l’on peut faire dire ce que l’on veut, surtout si on ne les a pas compris. On peut même dire qu’elle nous a convaincu à propos de la question de l’inné : par principe au moins autant que par l’observation, nous soutenions qu’on pouvait obtenir le meilleur résultat à partir de n’importe quel individu (sans handicap lourd, du moins). La démonstration physique qu’Yva Barthélémy fait du « surdoué vocal » [sic] nous fait réfléchir, en tout cas sur la distance supplémentaire à parcourir entre un sujet favorisé et un autre plus standard. Et Dieu sait que pour être convaincu par un prof de chant, il fallait voir déployer des trésors d’argumentation.
Il est vrai que le propos du livre s’adresse avant tout à ceux qui rêvent d’en faire leur métier – mais, le chant imposant une écoute attentive de son corps et de son psychisme, en dépit qu’on en ait, le narcissisme qui en découle mène l’immense majorité des chanteurs amateurs à se rêver, même furtivement, couvert de gloire en échange de leurs merveilleux services glottiques. Le parcours difficultueux de l’auteure [2] pendant sa carrière, et sa spécialisation dans la réparation de voix fatiguées la conduit à marteler longuement des vérités (car c’en sont) un peu décourageantes sur la dureté du métier, l’amplitude des contraintes physiques et le chemin à parcourir pour dépasser la concurrence. Ca ne concerne pas vraiment l’amateur qui souhaiterait en faire la lecture (à part pour ses rêves), et pour ceux qui désireraient se lancer dans la carrière, il aurait peut-être fallu ajouter quelques détails pratiques (vie itinérante, milieu pourri, solitude dans sa chambre d’hôtel même après les plus brillants triomphes, etc.), qui feraient peut-être réfléchir les jeunes gens plus impulsifs ou rêveurs qu’armés pour réussir.


Quelques constantes sont donc rappelées avec beaucoup de pédagogie et de précision physique : le soutien comme arme absolue (avec des degrés progressifs d’appui, exposés de façon très intelligente et prudente), les positions favorables de la mâchoire, du palais mou, de la langue, pour créer les cavités qui résonnent, etc. Lorsqu’Yva Barthélémy emploie des images, elles sont non seulement justes (à défaut d’être originales, comme la « balle molle » au fond de la bouche), mais surtout appuyées sur des descriptions précises de l’appareil phonatoire, si bien qu’il n’est plus possible à l’apprenti de faire une confusion sur le sens du conseil. [L’expression de la « patate chaude », par exemple, est à double tranchant, car elle risque de perturber l’articulation, voire de paralyser partiellement la langue.] Combien de conseils avisés mal compris car mal transmis ! Ici, et rien qu’à l’écrit, l’écueil est évité, parce que l’auteure nous détaille tout.

Enfin, les exercices proposés, essentiellement musculaires, font réellement sentir des sensations nouvelles, et apportent, à défaut d’un cours de chant, de la matière pour réfléchir et travailler sa voix, interroger ses pratiques, trouver de nouvelles ouvertures. Et notre guide nous précise de façon tout à fait salutaire qu’il faut débuter le chant en chantant doucement, ce qui nous paraît absolument primordial pour ne pas se fourvoyer en voulant imiter le « son opéra », qui vient après.

Et très bon point sur le plan formel : on ne nous rebat pas les oreilles avec l’école italienne authentique, reçue en droite ligne par le cousin germain de Jussi Björling. On nous expose une méthode, à juger en elle-même et non pas sur la foi de ses cautions pas toujours consentantes. [3]

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4. Des réserves

Nous avons bien entendu quelques divergences d’avec Mme Barthélémy, mais il n’est pas sûr que nous ayons raison.

Sur la forme (un peu décousue) du livre tout d’abord. Les préfaces dithyrambiques de ses anciennes élèves pas franchement connues, qui assurent avoir trouvé la martingale, de même que les annonces de sa « méthode novatrice et révolutionnaire » [pas tout à fait sic, mais peu s’en faut], mènent tout d’abord à la défiance : ce sera tout ou rien. Ensuite, le livre ressemble très largement à une promotion des pratiques du professeur, sans qu’elles soient toujours explicitées. Cela va même jusqu’au procédé discutable de se prévaloir de réussites éclatantes sur des chanteurs célébrissimes (dont le talent et même la carrière préexistaient à leur rencontre), mais sans jamais pouvoir les nommer. Le début de l’ouvrage est ainsi à la fois alléchant, décevant et irritant.
Le pendant est que cela montre que son souci est avant tout la préservation, donc que ses préceptes ne devraient pas bousculer les voix. D’autant qu’elle met toujours en garde contre l’application erronée des mouvements, ou contre le caractère brusque ou forcée des gestes vocaux – ce qui ne doit jamais être le cas, et elle le rappelle fort avisément.

Même si la partie pratique est en fin de compte un peu courte, après les généralités sur la profession de l’auteure sur deux cinquièmes de l’ouvrage et l’exposition (utile !) des mécanismes vocaux sur deux autres cinquièmes, les préceptes égrenés tout au long du livre et les exercices proposés dans son dernier cinquième en rendent tout de même la lecture très profitable, et lèvent largement les préventions qu’on vient de formuler.

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Sur le fond, il nous reste cependant trois importants points de désaccord.

Le plus fondamental réside sans doute dans le traitement trop professionnalisant de l’ensemble du répertoire : un chanteur lyrique doit être rompu à l’opéra, c’est par là qu’il gagnera sa vie. Yva Barthélémy n’opère aucune distinction dans sa pédagogie écrite entre les répertoires, proposant juste le joli poncif selon lequel le lied et la mélodie réclament une maîtrise parfaite de l’instrument, plus encore que l’opéra – alors qu’il s’agit surtout de deux exigences techniques assez différentes, d’où la difficulté réelle pour les chanteurs, formés à peu près exclusivement par et pour l’opéra.
A ce titre, elle évacue immédiatement la voix mixte [4] comme un moyen de bidouiller la voix autour du passage (l’endroit où l’émission change) afin que la voix soit plus homogène. Or, ce type d’émission moins puissant, plus souple et plus clair offre des possibilités énormes dans tout ce qui n’est pas le répertoire le plus vaillant, y compris pour l’opéra. C’est un parti pris qui sent l’époque de son exercice et de sa rédaction (troisième quart du vingtième siècle), à une époque où la voix mixte était totalement oubliée et pas encore redécouverte.
On l’aura compris, cette réflexion exclusive sur la voix pleine ne nous est pas sympathique.

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Plus à notre goût, un désaccord sur la langue originale. Yva Barthélémy, jusque là uniquement préoccupée de beaux sons, nous offre un très joli couplet sur la langue originale, à respecter absolument dans la mesure où verbe et musique sont intimement liés dans l’esprit des compositeurs d’opéras, et où les intentions tomberaient à plat en faisant usage d’une traduction – de surcroît parfois lointaine et mauvaise. Nous sommes bien entendu pleinement d’accord… sur le plan artistique. [Encore qu’il soit toujours intéressant d’entendre des versions traduites, mais c’est un plaisir de la découverte devenu exotique aujourd’hui. Alors qu’à cette époque, on avait encore le souvenir vivace du temps où tout était joué dans la langue des spectateurs, ce qui posait incontestablement des problèmes esthétiques majeurs, surtout vu l’allure de certaines traductions.]
Sur le plan de la technique vocale, on a déjà exposé nos raisons, il est déjà suffisamment difficile d’apprendre à chanter, sans ajouter les problèmes de placement spécifiques à chaque langue, et qui plus est de les décupler lorsqu’on jongle simultanément avec plusieurs répertoires linguistiques distincts. Nous ne sommes évidemment pas du tout d’accord avec son hypothèse selon laquelle le français est horriblement difficile à chanter : les nasales facilitent le placement, et surtout, si l’on part de la voix doucement chantée, voire de la voix parlée, cela procure un socle de compétences déjà acquises absolument considérable. On se reportera à notre article sur la question pour plus ample argumentation.
Bref, ici, sa position nous séduit pour son époque, mais ce n’est pas rendre service, à ce qu’il nous en semble, à ses étudiants.

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Enfin, la couverture des sons. Il s’agit de l’un des fondamentaux de l’histoire du chant lyrique occidental, qui remonte à Duprez, l’inventeur de l’ut de poitrine au début du XIXe siècle. Auparavant, nous dit Yva Barthélémy dans sa conception binaire des mécanismes du chant, les interprètes passaient immédiatement en voix de tête lorsqu’ils atteignaient leur passage. Ben voyons. On imagine bien que les ténors français, qui descendaient – merci CSS de nous l’avoir dit – assez directement de la tradition des hautes-contre, savaient mixer leur émission, mais ce professeur-là a manifestement fait l’impasse, dans sa mission de former des voix vaillantes pour le Grand Répertoire, sur ce domaine-là.
Gilbert Duprez, donc, « trouve » la possibilité d’émettre les aigus en voix pleine, sans se blesser. Il s’agit d’une modification de l’émission, d’une protection des voyelles. Tous les chanteurs d’opéra l’utilisent aujourd’hui, à de rares exceptions près sans doute, comme certains baroques ou bien les voix fines peu travaillées, comme Emma Kirkby.
Cela passe par une modification des voyelles.


Gilbert Duprez, « inventeur » de l’ut de poitrine.


A titre personnel, je suis assez opposé au principe, du moins présenté de la sorte – parce qu’en réalité, je couvre moi aussi, au moins partiellement, mes sons dans l’aigu, mais sans jamais songer qu’il faut modifier les voyelles. Disons que je modifie la façon de les produire, de façon à ne pas me blesser, mais sans changer de voyelle ! Les vrais grands chanteurs y parviennent, avec brio – l’émission change, mais le texte demeure presque aussi intelligible « en haut » que dans le bas de la tessiture. Pour eux, c’est essentiel, puisque la plupart n’utilisent pas couramment la voix mixte qui permet entre autres choses d’adoucir le passage, précisément (et que les lutins utilisent en permanence, les planqués !).

Yva Barthélémy – et là, je me fâche tout rouge – n’y va pas avec le dos de la cuillère. Elle nous reproduit tout de bon des transcriptions de ce qu’il faut prononcer dans l’aigu, c’est-à-dire des phrases entières à deux voyelles ! Certes, ce sera toujours une de plus que Joan Sutherland ou Birgit Nilsson, mais précisément, ce n’est pas un effort bien considérable. On nous promet que ça ne s’entend pas… et en effet, cela peut être le cas… si on ne l’enseigne pas comme cela aux étudiants ! Bien sûr, il ne faut pas articuler le [i] naturellement, il faut le faire tirer vers le [u] français, en abaissant la mâchoire, pour le timbre de façon pleine dès le médium, et encore développer d’autres stratégies pour la couverture, mais de là à tout remplacer par des [eu] et des [o] !

Plus encore, il serait peut-être bon de s’interroger sur le socle que peut apporter la phonation parlée, déclamée ou non, à l’apprentissage du chant. Et, assurément, il est considérable. Détruire le texte, c’est non seulement détruire sa force pour celui qui le chante (après, on pourra bien prêcher pour la langue originale, si c’est pour en faire ça !), mais aussi les appuis dynamiques déjà présents dans la langue, et qui sont des auxiliaires extrêmement précieux que les professeurs de chant dédaignent trop souvent de convoquer, sans doute par manque d’aisance en la matière – ou faute de l’avoir appris. Cela chasse les mauvaises postures qui conduisent au chant opaque et invertébré, comme on en entend beaucoup dans les Conservatoires. [5]

Tous les professeurs demanderont de « couvrir ». Mais ici, je vois un biais pédagogique dans la façon de le présenter non pas comme un contournement, mais tout de bon comme une altération de la lettre textuelle et musicale. C’est ainsi qu’on se retrouve avec des chanteurs qui font toujours [o-a] en guise de [a] (une lauréate du concours Operalia était dans ce cas, il y a quelques années), ou qui n’ont qu’une voyelle et plus de consonnes dans les aigus.
Il faut rappeler que la légendaire « technique italienne » place au sommet de la maîtrise musicale l’aperto-coperto, c’est-à-dire l’attaque franche des voyelles avant de les couvrir, dans l’aigu – et n’autorise donc pas ce type de compromissions avec la diction. [On peut voir l’effet que cela produit, de façon tout à fait caricaturale, en écoutant les sons de Christoff dériver pour s’arrondir au cours de l’émission – ce n’est, si l’on ose pour un bulgare, pas très orthodoxe, mais cela stimule l’imagination.]

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5. Conclusion

Lire la suite (la fin).

Notes

[1] On avait déjà abordé par la marge certains de ses présupposés discutables.

[2] Pour prévenir tout débat, je me fiche éperdument de ces affaires de féminins. Quand ils sont amusants et clairs, il n’y a pas lieu de se priver.

[3] Vous ai-je déjà dit que je devais tout à Giuditta Pasta ?

[4] La « voix mixte » désigne le « mélange » apparent de la voix de poitrine (la voix pleine) avec une certaine dose de voix de tête (le registre de fausset), variable. Physiologiquement, il n’est pas possible de faire les deux en même temps, mais c’est l’effet sonore produit. [Il s’agit en réalité d’alléger le mécanisme de poitrine.]

[5] Car le chant est le seul instrument où le Conservatoire ne garantisse pas la rigueur pour un bon apprentissage…

Suite de la notule.

Etude de cas

A propos des affaires de prononciation, on a ajouté, en fin de notule, un cas pratique détaillé sur les raisons possibles d'une qualité de français défaillante.

Inspiré par la porte ouverte par Bajazet sur Inva Mula. [Oui, ça fait mal.]

Le baryton - II - une histoire sommaire (a)

L'avant-tragédie lyrique.

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3. Aux origines

A l’origine, la distinction entre catégories vocales n’existait pas, si l’on prend pour origine les chansons populaires (tranposables, et surtout dans une tessiture très centrale) ou le chant liturgique issu du Haut Moyen-Age (vieux-romain, messin et enfin grégorien). Sur les tessitures grecques, manifestement peu étendues (car limitées à la juxtaposition de deux tétracordes, souvent défectifs qui plus est), il est un peu difficile de se prononcer, mais à moins d’effets inconnus, elles étaient à peu près égales à l’octave.
Sachant que la tessiture standard au XIXe siècle (ne parlons pas du XXe !) se situe légèrement au-dessus de l’octave et demie pour les barytons, et autour des deux octaves pour les ténors et les basses, on se fait une idée de la différence de difficulté d’exécution.

De ce fait, n’importe quelle voix pouvait chanter, à l’unisson avec les autres, une séquence de plain-chant (comme c’est encore le cas, chez les catholiques, dans le rituel tridentin, et même dans les messes de Vatican II, dont on exige rarement qu’elles soient chantées à plusieurs voix). Toutes ces œuvres sont donc écrites (contrairement à la version originale de la Marseillaise, par exemple, requérant beaucoup de sol 3) dans une tessiture de baryton réduite au minimum.
D’une certaine façon, au commencement n’existait que le baryton.

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4. Le madrigal et l’apparition de l’opéra

Suite de la notule.

mardi 14 avril 2009

Po-po, po-po-po-po-po-po-po-po.

Le tout début fait penser à Boito, il y a des poussées de Mozart, et le langage global est assez proche de Tiefland (ou d'Ocean of Time, mais ce serait une autre histoire).
C’est un extrait de chef-d’œuvre.


Et la fin fait penser à la Femme sans ombre.


Si cela vous évoque des images, ou bien un style, vous pouvez bien sûr le déposer en commentaire.

C’est juste si surprenant, cet objet sonore…

Le baryton - I - une définition sommaire


Il existe quantité d'instruments nommés, en raison de leur tessiture dans leur famille, baryton (hautbois, saxophone, cor, tuba... dans certain cas également appelés ténor !). Ici, un cas rare, un instrument seul dans sa famille.
Un baryton, probablement joué par un baryton.



De même que nous avions procédé pour le ténor, on se propose de se pencher sur une histoire qui est souvent documentée par fragments, et qui nécessite parfois un abord assez global du répertoire pour être mise en ordre.

Le baryton représente une catégorie vocale étrangement récente, puisqu'il n'apparaît sérieusement qu'au cours du XIXe siècle.

Pourtant, le baryton est la voix d'homme la plus courante, et certains chanteurs soutiennent même de façon intéressante qu'elle s'opposerait à la voix de ténor, forcément fabriquée.

Mais débutons par le commencement.

Suite de la notule.

lundi 13 avril 2009

Jeu idiot

Pour achever l'aventure des Urnes, la BNF relance le processus, mais avec des genres pluriels et une vocation participative. C'est mignon, mais finalement, à l'heure où le palmarès permanent est la forme d'expression privilégiée de la subjectivité, ce ne sera qu'un jeu de plus.

Suite de la notule.

dimanche 12 avril 2009

Musique française pour piano

Tandis que la musique allemande triomphe au disque et dans les récitals, à juste titre au demeurant, la musique française est largement ignorée une fois sorti de Debussy et Ravel (et encore, pas si fréquents en concert), alors que les partitions se trouvent (cher, chez Durand-Salabert-Eschig...) et qu'il existe des disques, dont de nombreux récents de très grande qualité (par des artistes aussi majeurs que Marie-Catherine Girod ou Alain Jacquon). Beaucoup ont paru pour assez peu cher chez Timpani.

Il faudra peut-être proposer un petit parcours dans les oeuvres indispensables du genre.

La musique française ne se fonde pas sur la structure mais sur les climats ; elle aime beaucoup les programmes, aussi. Moins consistante musicalement, parfois, mais très souvent plus riche en évocations, un autre monde qu'il est dommage de voir négliger à ce point.

C'est en quelque sorte un domaine où les poncifs sur les peuples se vérifient : la musique pour piano allemande respecte ou enfreint des structures clairement posées, cherche à inventer des formes, tandis que du côté français, on se laisse plutôt porter par l'onirisme, on cherche à créer des parcours, quitte à se montrer totalement désordonné.

C'est aussi pourquoi on n'aura pas aussi souvent le vertige admiratif devant la maîtrise technique du compositeur, qui n'est pas le propos de cette musique française-là.

Le retour des Fées : Paris-Châtelet 2009 - IV - mise en scène


[Voir le reste de la série sur 'lesfeesdewagner'.]

2. La représentation du 4 avril 2009

2.1. Mise en scène

On a pu lire pis que pendre de la mise en scène d'Emilio Sagi. Heureusement, CSS, rétribuant justement, et jusqu'aux cas désespérés, confondra impitoyablement les mauvais esprits et les poseurs blasés.

Il faut immédiatement préciser que les photographies qui circulent, effectivement horribles, ne rendent aucun compte de l'effet réel dans la salle. Il est probable, en revanche, qu'on perde beaucoup depuis les hauteurs du théâtre, à cause de la beauté des projections sur les mur en fond de scène (nous étions au parterre).

--

La mise en scène de Sagi se montre très respectueuse du texte, dans une optique assez traditionnelle, mais sans littéralité. Les braves sont ainsi joliment dépenaillés, avec des costumes stylisés qui, en guise d'armures, utilisent de viriles toges qui ne recouvrent que partiellement leur thorax ; quelque chose d'équidistant entre l'antique et le moyenâgeux, mais sans imitation kitschouillisante.

On a beaucoup reproché les couleurs (pas toujours belles, il est vrai) du monde des fées (rose bonbon). Cela dit, ces fées malfaisantes et maladroites sont traitées de façon assez peu solennelle par Wagner - sans être tout à fait comiques, elles tiennent plus de Clotilde et Tisbe de Cenerentola que de la Reine de la Nuit. Seules les ailes en tulle géant laissaient dubitatif : distance plaisante ou littéralité un peu lourde ?  On a aussi vu remarquer l'inutilité de la statue qui apparaît en arrière-scène pour annoncer le risque de pétrification - et qui est en effet très laide et pas tout à fait utile. Mais on a moins entendu louer le coloris des éclairages (de Sagi lui-même, ou de Daniel Bianco, auteur des décors ?), toujours pertinent et évocateur. Le jaune coquille d'oeuf qui s'ouvre en fond de scène éblouit avec douceur lors de l'apparition d'Ada, comme déversée depuis l'Autre Monde ; et surtout, à plusieurs reprise des projections bleutées quasiment tactiles, qui semblent plonger la scène tout entière dans un univers hors du monde, très efficace sur le spectateur pour faire oublier l'illusion théâtrale. On a songé, pendant le spectacle, à ce que laissent imaginer les photographies qui nous sont restées du Ring de Peter Hall. [Celui qui succéda à Chéreau, mal accueilli parce qu'il renouait en partie avec la tradition. Mal dirigé par Solti, et chanté de façon électrique par Nimsgern - extrait ici.]

sir peter hall ring bayreuth sir georg solti william dudley richard wagner
Un morceau de la mise en scène de Peter Hall pour Walküre.

Evidemment, l'idée de la sobriété n'est pas la même - et il est fort possible, à la vue des photographies, qu'au contraire le statisme ait prévalu chez Hall. A voir.

Les photographies du spectacle de Sagi, en tout cas, ne rendent pas du tout cet impact qu'on devine dans celles de Hall, et pourtant, on ressentait quelque chose de cette nature - avec le même type d'ombres bleutées de toute façon.

Suite de la notule.

La politique autrement

Un moment divertissant, la mauvaise humeur très apparente du ministre des relations avec le Parlement.

Pas sûr que ça apporte quelque chose, mais tout un esprit, manifestement brillant, tendu vers la récrimination donne des résultats assez amusants et peu fréquents en politique, ici à une densité à la minute impressionnante.

http://publicsenat.fr/vod/parlement-hebdo/roger-karoutchi/roger-karoutchi/61390

samedi 11 avril 2009

Le retour des Fées : Paris-Châtelet 2009 - III - des innovations majeures


[Voir le reste de la série sur 'lesfeesdewagner'.]

1.2.2. Les préfigurations


Malgré le caractère de creuset qu'on a observé dans l'épisode précédent, Les Fées préfigurent, ou plutôt présentent déjà plusieurs caractéristiques du Wagner de la maturité.

Evidemment, on ne peut que songer à ses trois premiers opéras « de la maturité » à plusieurs reprises : grandes poussées de lyrisme qui rappellent Tannhäuser, en particulier vers la fin de l'acte III, lors de la victoire finale (sans parler de l'usage très littéral et pas très heureux de la harpe solo pour figurer la lyre, sans réelle stylisation, également en vigueur dans cet opéra), choeurs tuilés extraordinaires qui sont parents de Lohengrin... Plus que tout, la parenté de certains thèmes avec le Fliegende Holländer est frappante. On entend ainsi la dernière partie du duo entre Senta et le Hollandais dès l'Ouverture, avec son rebond très spécifique :
;;
Fin de l'Ouverture des Fées (Jun Märkl, Radio munichoise).
;;
Duo du Vaisseau Fantôme avec Gwyneth Jones et Thomas Stewart (Böhm, Bayreuth, DGG).

Et, sans doute plus anecdotique, on entend que Wagner fait déjà joujou avec le motif qui deviendra le motif récurrent de la colère de Wotan à partir de Walküre. Il semble être content de lui et bien le regarder en action, en empilant sa répétition d'un seul coup.
;;

On a déjà évoqué les questions récurrentes de rédemption, en particulier par le sacrifice de la femme, et on en retrouve ici des composantes dans le livret, de même que la force terrible du mot - qui porte tout pouvoir, mais qui n'est pas maîtrisé par le héros en quête. Même Isolde et Tristan, faute de pouvoir exprimer avec justesse le contenu de leurs émotions, se hâtent vers leur perte. Le motif (textuel) du pacte rompu et du blasphème maladroit est même la figure décisive de l'acte II (la malédiction).

Inutile d'évoquer la délivrance de la vierge surnaturelle inanimée, le metteur en scène l'a fait pour nous en un sympathique clin d'oeil qui nous a fait agréablement sourire - un anneau couleur braise descend sur Ada lors de sa pétrification.

--

1.2.3. Les trouvailles

Suite de la notule.

jeudi 9 avril 2009

[PRONONCIATION-DICTION] La qualité de la langue étrangère - quels critères ?


Pour en finir avec la subjectivité désordonnée.

Il est souvent question, sur Carnets sur sol, mais aussi dans de nombreuses autres circonstances , y compris professionnelles ou quotidiennes, de la qualité de la langue parlée. Pas seulement de la grammaire, mais aussi de la prononciation.

Or, on confond très souvent les critères, et on peut mélanger des choses différentes à l'importance très contrastée.

Le moment est venu pour nous d'opérer un tri pour plus de clarté pour nos lecteurs, en espérant qu'il ne se trouve pas dans nos notules endroits où, suivant une idée précise, nous n'avons pas respecté cette nomenclature a posteriori. Car les mots sont flous en la matière, et ce que nous proposons sont plus des entrées conceptuelles que des mots de vocabulaire, qui sont les nôtres et qu'on pourrait intervertir, sans doute, avec d'autres.

--

Pour la qualité d'une langue parlée ou chantée, nous percevons quatre critères différents, du plus essentiel au moins essentiel (mais parallèlement du plus facile au plus difficile !). Les deux premiers concourent à l'intelligibilité, c'est-à-dire au caractère compréhensible de la parole, le deuxième et le troisième à l'idiomatisme, c'est-à-dire au respect de la langue, le quatrième étant plus de l'ordre de la coquetterie, falcultatif.

Pour plus de clarté dans nos explications, nous avons privilégié les textes en français, mais c'est évidemment valable pour toutes les langues - et au premier chef, à l'Opéra, pour l'italien, sévèrement massacré en tous lieux du monde.

Avec exemples précis et sonores, comportant comme invités : Joan Sutherland, Barbara Hendricks, Lorraine Hunt-Lieberson, Mireille Delunsch, Anna Netrebko, Charles Panzéra, Boris Christoff, Thomas Allen, Simon Keenlyside et Philip Addis.

--

1. L'articulation

C'est-à-dire la clarté d'élocution. Toutes les voyelles et toutes les consonnes sont reconnaissables, ou du moins articulées de façon à ce que chacune soit identifiable au bout du compte.

C'est le plus important : être clair.

[On parle souvent d'intelligibilité sur CSS pour dire articulation, ce qui est peut-être un abus de langage, puisque l'intelligibilité dépend aussi grandement de l'accentuation. (Sinon même les Américains ne se comprendraient pas.)]

A l'Opéra, les voix placées en avant sont plus intelligibles (ce qui ne favorise pas toujours les francophones par rapport aux anglophones, mais c'est une autre histoire). On rencontre aussi des interprètes qui se font une spécialité de l'expressivité des consonnes détachées (particulièrement dans le lied), et, plus fort encore, des voyelles (Dietrich Fischer-Dieskau et Jérôme Corréas).

Bon point :
- Charles Panzéra, avec sa voix claire et placée très en avant, assez mixée aussi, représente un modèle absolu d'articulation.


[[]]
Invocation des follets chez Berlioz (Damnation de Faust).


Mauvais point :
- Lorraine Hunt-Lieberson, californienne, dispose d'une prononciation située très en arrière, ce qui rend, malgré une qualité de langue tout à fait honorable, un résultat très peu compréhensible. On ne reconnaît pas bien les consonnes et les voyelles qui se succèdent.


[[>]]
Menaces à l'acte I de la Médée de Charpentier.


- Joan Sutherland, australienne. Ici aussi, mollesse des consonnes, mais le désir de posséder une voix égale, un legato parfait, une couleur homogène (jusqu'à la monochromie chez elle) tend à gommer les qualités propres de chaque timbre dans la langue d'origine. On lit d'ailleurs chez certains théoriciens du chant (la référence Miller, pour ne pas la nommer) qu'il faut procurer au [i] la quantité du [a]. Ce n'est pas forcément faux (dans une perspective issue de l'école italienne), mais le but de la manoeuvre, exercice à l'appui, est de faire sonner et résonner le [i], de façon puissante et agréable - alors qu'il est naturellement petit (tout le temps) et laid (chanté). Certains chanteurs cependant poussent la fantaisie jusqu'à émettre de façon très identiques les voyelles. On recommander aussi d'émettre un [o] dans l'aigu pour le [a], afin de ne pas ouvrir le son et de ne pas se fatiguer. Bref, autant de petits arrangements qui, appliqués avec parcimonie, peuvent débloquer des difficultés physiques, mais qui systématisés sans esprit de perspective, peuvent produire une bouillie linguistique assez rebutante pour qui n'est pas glottovore certifié.


[[]]
Le Tribut de Zamora de Gounod : « Ce sarrasin disait... »

Contrôle surprise : Que racontait la dame ?
[Sachant que c'est pire en italien.]
A force de rechercher la rondeur et la plénitude de timbre, l'individualité des couleurs naturelles de la langue disparaît, jusqu'à brouiller le message.

--

2. Accentuation

Suite de la notule.

mercredi 8 avril 2009

Le retour des Fées : Paris-Châtelet 2009 - II - Influences musicales


[Lien sur la série 'lesfeesdewagner'.]

1.2. La musique

1.2.1. Les influences

De nombreuses références se tissent à l'écoute de l'oeuvre d'un jeune homme de vingt ans. On lit souvent que Bellini a influencé Wagner, et, de même que pour Auber, cela est sans doute tout ce qu'il y a de plus exact, mais ne s'entend guère, dans les faits. A ceci près qu'il s'agit d'une oeuvre d'apparent calme harmonique, mais plutôt modulante à la lecture de la partition. Le seul moment qui ait pu nous rappeler la manière catanaise se trouve au moment le plus élégiaque de la folie, où un concert délicat de bois lyriques se trouve soutenu par des cordes en pizzicato, une manière d'orchestrer assez caractéristique chez ce compositeur.
De même que dans les symphonies, on décèle très aisément l'ombre d'un Mozart romantisé derrière certaines tournures un peu naïves. Un ensemble du troisième acte, pendant la lutte conquérante d'Arindal, laisse même entendre des échos furtifs de Così fan tutte (final du I).

De façon plus récurrente, le souvenir de Schubert s'impose, en particulier dans les choeurs (mixtes, de type opéra). Cependant Wagner ne conçoit pas le choeur comme un bloc, et ses « tuilages » très  séduisants et intensément poétiques préfigurent à plus d'une reprise l'accomplissement de Lohengrin (on pourrait même considérer qu'il est le premier, voire le seul avant le second vingtième siècle, à procurer cet épanouissement orchestral au choeur). La couleur harmonique elle-même s'apparente par moment à Fierrabras et Alfonso und Estrella, et certaines ponctuations orchestrales, en particulier ces coups très véhéments dans la dernière scène de l'acte I, rappellent la manière du Schubert héroïque (voir l'air de type cabalette Die Brust, gebeugt von Sorgen de Florinda).


Cheryl Studer (Florinda), Claudio Abbado, Chamber Orchestra of Europe. (Disque DG.)

Qui plus est, ces oscillations se retrouvent par ailleurs sous forme de ponctuation grave aux alti et violoncelles dans la ballade de Gernot :


Martin Hausberg (Gernot), Jun Märkl, Orchestre de la Radio munichoise. (Radiodiffusion de 2003.)

Cela dit, cette impression de concert nous a peut-être abusé sur l'origine réelle de ce motif. En effet :


Début de l'Ouverture du Vampyr de Marschner.
Fritz Rieger, Orchestre de la Radio (Disque Opera d'Oro d'après une prise sur le vif de 1974.) [En cas de saturation, écouter directement ici.]


Evidemment, le Wagner de vingt ans (1833 pour les Fées) utilise son harmonie et ses figures de façon moins accomplie que l'aîné Schubert, et l'on sent même ici ou là de petites platitudes dans l'accompagnement - ou plutôt des traits un peu impersonnels, utilisés sans être véritablement reliés à un langage personnel.

Surtout, l'attitude face au texte et aux ponctuations de l'accompagnement sont celles de Schubert, en particulier dans les grandes fresques récitatives comme Der Taucher, Die Nacht ou Lodas Gespenst : le traitement prosodique est extrêmement fidèle, proche des inflexions de l'expression parlée, et l'accompagnement est extrêmement attentif, soulignant chaque idée, quitte à paraître servile ou décousu. Evidemment, les lutins aiment beaucoup cette manière tout entière vouée au service du texte : c'est en quelque sorte l'idéal de la Camerata Bardi, celui qui préside à la naissance de l'Opéra, mais avec des moyens musicaux infiniment plus variés et mobiles que ceux d'alors.

[N.B. : Il n'est pas certain du tout que Wagner ait étudié ni même admiré les opéras de Schubert, on relève simplement la parenté d'un type de musique, le parfum d'un temps.]

En revanche, la langue de Weber, et dans une moindre mesure de Marschner (il faudra attendre le Vaisseau pour cela) semble totalement assimilée. L'Ouverture, à l'exemple du Hollandais fondé sur le patron de celle du Vampyr (1828), semble tout droit issue d'Oberon (1826), jusque dans ses thématiques vives - par exemple celle tirée de la cabalette d'Ada, et qui s'apparente aussi au Freischütz.
L'air de déploration de Lora (assez remarquable), quant à lui, répond très exactement à la définition de l'air weberien, lyrique, mélancolique, ample et agile, un faux parfaitement réalisé. Et sa gamme de sentiment est également tout à fait de son temps (on y retrouve aussi un peu du Schubert opératique).

Petite comparaison chronologique par date de création (en omettant l'origine de 3-Leonore-1-Fidelio, la première du genre) :

Suite de la notule.

lundi 6 avril 2009

... pâles flambeaux

Suite à ce que l'on sait, le programme du Théâtre Impérial de Compiègne nouveau nous est parvenu il y a quelque temps.

De la musique de chambre. Pas forcément traditionnelle, mais un petit festival local avec des artistes d'importance diverse, rien de l'engagement démesuré et enivrant, de la mission rédemptrice du théâtre musical français.

dimanche 5 avril 2009

Le retour des Fées : Paris-Châtelet 2009 - I - Le livret

[Lien sur la série 'lesfeesdewagner'.]


La troupe joyeuse des lutins, entre deux moments d'inconscience, a fait le déplacement dans la capitale passée et à venir du monde musical, et du monde tout court, pour l'événement : la meilleure oeuvre une très belle oeuvre négligée de Wagner dans une interprétation qui avait tout pour être réjouissante.

Elle ne fut pas déçue. Et elle ira même jusqu'à lever les préventions lues ici ou là et dont nous démontrerons, la plume hors du fourreau, qu'elles doivent plus à la méconnaissance des choses qu'aux hautes exigences de la lucidité.

Tremblez, glottophiles pénibles et wagnéropathes monomaniaquisants, le pouvoir de Gromarrec vous confondra !

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1. L'oeuvre

Il y a déjà longtemps (trois ans et demi), alors que Minkowski tenait encore en ses petites mains potelées son biberon basson et ignorait peut-être encore tout des Fées non grimmiques, CSS attirait déjà l'attention des amis des lutins sur cet ouvrage. Nous en discutions hier en précieuse compagnie, nous ne le dirions sans doute plus en ces termes (en particulier cette médisance énigmatique sur l'ouverture), mais certains traits de l'oeuvre sont déjà esquissés. C'était l'époque bénie et reculée où une notule était quelque chose de court.

Il est temps d'ajouter quelques précisions sur ce sujet, d'autant qu'il reste encore une représentation, le 9 avril.

Les lecteurs désireront peut-être se reporter au livret ou à la partition disponible sur IMSLP au cours de notre causerie.

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1.1. Le livret

1.1.1. Le livret et le conte

Suite de la notule.

mercredi 1 avril 2009

Le disque du jour - XXXI - Glazounov, Symphonies (Fedoseyev)

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Juste un mot pour rappeler à quel point ces oeuvres sont remarquables. Les deux premières sont assez tchaïkovskiennes, d'un romantisme central (la Deuxième est déjà terriblement intense).

Le début de la Quatrième, avec son long solo impressionnant de cor anglais, est également difficilement oubliable. Il faudra y revenir, mais en l'absence de temps pour tout traiter : il faut vraiment les écouter. Du côté 'optimiste' de la musique russe, entre Glinka et Tchaïkovsky, loin des tourments soviétiques de Myaskovsky-Popov-Chostakovitch-Tichtchenko et compagnie.

Du romantisme typique, lyrique, habile. Qui touche juste à tous les coups, à la fois mélancolique et enthousiasmant.

La version de Fedoseyev (épuisée), quoique souvent brouillonne, bénéficie d'un engagement idéal. Ces symphonies fonctionnent cela dit fort bien avec les visions plus classicisantes et objectives de type Serebrier (récente).

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Les deux que nous citons, parmi d'autres, sont audibles sur MusicMe - pratique en particulier pour celle que nous recommandons.

Carnet d'écoutes - (encore) un autre possible du Winterreise

Un peu de promotion pour un DVD (...) du Winterreise, assez hors du commun.

Jorma Hynninen, un baryton majeur de ces trente dernières années, incontournable aussi bien en Almaviva que dans le Prisonnier de Dallapiccola, propose une lecture assez personnelle du cycle.

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Malgré son accent très bizarre, l'allemand sonne bien, rythmé avec naturel (à défaut d'idiomatisme). Surtout, son parcours a le mérite de tourner le dos à tout le spectaculaire que permet spontanément la science des contrastes de Schubert, à toute complaisance dans l'affliction aussi.

Au long des pièces domine une sorte murmure hors du monde, calmement halluciné - ou le wanderer est fou, ou il est déjà mort.

Le tout servi par une maîtrise instrumentale d'une très belle rondeur, parfaitement adaptée à ce parti pris. Le pianiste Ralf Gothóni, intense et discret, fait corps avec cette conception.

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Extraits vidéo :

Suite de la notule.

David Le Marrec

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Invitations à lire :

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2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




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