Comme toujours chez Feldman, un dépouillement extrême. Un double minimalisme : les mêmes formules d'accord, les mêmes rythmes font retour très régulièrement ; de surcroît avec une parcimonie de moyens tout à fait excessive. Ennuyeux à jouer, vu le tempo requis (vingt-cinq minutes de suspension absolue), mais une véritable atmosphère magnétique qui s'en dégage, une sorte de tension (accords pas parfaits) appaisée, quelque chose de vraiment étrange et singulier. Très agréable à écouter en revanche, n'était la durée un peu excessive pour l'exécution en concert normal
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Miloslav KABELÁČ : Préludes Op.30
Ensemble des premières années du vingtième siècle. Très étrange chose, qui ne correspondait pas du tout à nos souvenirs. Un soin harmonique très stimulant, quelque chose d'un Debussy qui regarde déjà vers Szymanowski. Et pourtant, dans ces préludes, des figures obstinées assez incompréhensibles. Ecriture pianistique très dépouillée (souvent une seule note en soutien à la main gauche), qui semble peiner à trouver des idées, et recycler à l'infini la première exposée - pas nécessairement géniale. Comme une mauvaise improvisation qui se sauverait de la catastrophe par la réitération sans idée.
Très étrange, vraiment, parce que l'inspiration harmonique et les couleurs mettent en grand appétit et donnent envie d'en entendre plus, de suivre des développements, de voir surgir des surprises de ce compositeur.
Devant l'intérêt inespéré suscité par notre récent concert, les lutins ont saisi l'occasion pour me mettre un peu à jour la liste de notre répertoire dans le domaine du lied et de la mélodie.
Au cas où un lecteur se révèlerait intéressé par tel ou tel (bout de) programme.
Par ordre alphabétique, puis classé par groupes et cycles. Avec les noms des poètes, comme il se doit.
Il était temps de mettre tout cela au clair, la liste devenait bien touffue...
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Il va de soi que cette liste constitue davantage un répertoire d'oeuvres abordées qu'une liste d'oeuvres prêtes à être jouées devant public. C'est une sorte de mesure du bain dans lequel trempent les lutins, pas plus.
Ce n'est pas que ce soit franchement utile, mais faute de temps pour proposer une notule à part entière, on en profite pour faire la promotion de DSS, encore un rien boudé par les moteurs de recherche.
Nous signalions sur le carnet de l'autre côté du miroir une interprétation remarquable - et même franchement exemplaire - de la Symphonie en ré mineur de César Franck, souvent (pour ne pas dire plus) noyée sous des masses orchestrales éhontément hédonistes et vaguement pachydermiques.
Carnets sur sol propose épisodiquement des concerts à entrée libre, dans divers lieux de vie, de loisirs ou d'études.
Cette fois-ci, ce sera à la faculté de Bordeaux III, dans l'amphithéâtre 700.
En raison de (rudes) démêlés avec le Service Culturel [1], la date de la manifestation n'a été fixée qu'aujourd'hui même... à jeudi prochain (le 21), de 16h30 à 18h. De ce fait, la réservation de la salle ne sera définitive que demain (et dans le cas contraire ?).
Du fait de la grande proximité de la date, nous la signalons tout de suite, et la confirmerons demain. L'entrée est libre, tous les lecteurs de CSS sont cordialement invités bien entendu.
Mise à jour : concert confirmé.
Pour le programme qui suit :
Notes
[1] La notule correspondante a été trappée par la rédaction des lutins comme trop sanglante pour le havre de paix que doit rester, en toute circonstance, un bac à sable.
Voilà bien longtemps que nous n'avions entendu cette utilisation de la première personne plurielle pour s'adresser à un tiers (comme une deuxième personne, donc).
Très jolie récrimination d'Alain Juppé dans son entretien sur France Culture ce matin, en substance :
Vous les journalistes, vous idolâtriez Nicolas Sarkozy, et à présent, vous tirez sur tout ce qu'il fait. Soyons calmes et raisonnables, ce n'est pas la peine de nous exciter.
Utilisé dans les règles de l'art, avec un petit côté infantilisant et gentiment réprobateur. L'auteur de la phrase semble prendre sous son aile son interlocuteur, l'aider à effectuer l'action qu'il suggère.
Quelques perles (oeuvres rares, interprétation exceptionnelles) peuvent figurer sur des sites d'artistes. On peut y découvrir des oeuvres méconnues ou des interprétations inédites mais superlatives.
CSS en a sélectionné quelques-unes pour vous (en exclusivité mondiale comme il va de soi).
Pour les chanteurs par exemple, on précise le type de voix, les emplois, et les extraits à découvrir.
Ce billet, placé dans la catégorie Astuces, devrait être mis à jour de temps à autre, au fil des découvertes.
Notule juste pour la plaisanterie : on ne va pas s'étendre, ce qui était intéressant, c'était précisément, au delà du prisme déformant de la manifestation, de présenter un peu les artistes présents, de s'interroger sur les ressorts de la manifestation.
Petite ironie du sort : la grève a pu être contournée par des moyens privés - autrement dit les fonds privés ont sauvé la culture sur le service public. On aurait voulu servir du paradoxe qu'on ne s'y serait pas pris autrement.
Le décompte de la lutte à mort entre Virgin Classics et Naïve suit, avec quelques farfadetteries habituelles.
Non, aucune provocation dans le titre, vous faites erreur.
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Une chose étonnante qui me frappe à l'écoute de la mort de Siegfried : les leitmotivs qui reviennent prennent la couleur du motif du réveil de Brunehild dans Sigurd.
Et ce ne peut être une influence, puisque Sigurd, bien que créé en 1884 (contre 1876 pour Götterdämmerung), a été écrit sensiblement auparavant, et se montre plus proche des sources du Nibelungenlied (sans chercher à le faire fusionner de façon bancale avec le récit de Ragnarok). Si Reyer y utilise des leitmotivs, c'est en réalité en référence à l'esthétique de Wagner au moment de Lohengrin...
Par ailleurs, on l'a déjà dit, il s'agit plutôt d'une survivance du Grand Opéra à la Française, adaptée à l'époque de Gounod et Thomas, que d'un pastiche wagnérien.
La parenté est d'autant plus étrange, car Wagner n'avait pas connaissance non plus de cette oeuvre, et on l'imagine difficilement influencé par la scène française depuis son reniement envers son bienfaiteur Meyerbeer - qui lui avait permis d'être joué à Paris, faveur insupportable d'un compositeur trop institutionnel pour ses ambitions, et que Wagner cache ensuite sous le dégoût antisémite (qui ne recouvre qu'imparfaitement une gêne très perceptible).
A l'occasion de l'envoi pour le formidable projet d'Emily Ezust de quelques traductions, les farfadets ont aidé les lutins trop oisifs à rassembler celles proposées sur CSS.
Vous pouvez retrouver les textes en langue originale et les commentaires détaillés, pour chaque lied traduit, dans notre rubrique consacrée au genre.
De même, plusieurs notes peuvent éclairer tel ou tel choix de traduction.
Qu'appelle-t-on opéra vériste ? Peut-on y rattacher Tosca ?
Deux questions relevées aujourd'hui par les lutins, et auxquelles Carnets sur sol va s'employer à répondre pour tâcher de lever les ambiguïtés nombreuses qui pèsent sur cette notion.
(Борис Иванович Тищенко - "щ" se prononçant "chtch". Nous adoptons la graphie phonétique française, que vous avez peu de chances de rencontrer. Graphie anglaise : Boris (Ivanovich) Tishchenko.)
La lecture de l'article de Sébastien Dupuis nous incite à ne plus garder jalousement cette référence.
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Une découverte impérative à faire dans la musique soviétique.
Sa Sixième Symphonie (avec soprano) est d'une richesse assez impressionnante, avec un ton à la fois plus emporté et plus recueilli que la plupart de celles de Chostakovitch. Assez sombre, mais sans pessimisme insoluble. Une écriture vraiment personnelle.
Parmi les autres réussites éclatantes figure le Concerto pour violon, piano et cordes, déjà évoqué dans ces pages, très néo-, avec cette citation insolente de l'Hiver des Saisons de Vivaldi. On peut penser à Schnittke, mais dans une veine mélodique bien plus riche. Tour à tour méditatif et lyrique, à la fois très accessible et assez nourrissant.
Ses autres symphonies et son Concerto pour violon n°2 sont d'un « soviétisme » plus traditionnel, teintés de cette semi-simplicité (mélodie affirmée, harmonie incertaine) un peu inquiète.
Amusant, Wagner annonce son concours de chant dans Tannhäuser avec des tournures récitatives très semblables à ce qu'enjoint le Gebieter dans la seconde partie de Die Nacht D.534 de Schubert - sur une traduction allemande d'Ossian. Peu probable qu'il l'ait eu dans l'oreille, l'oeuvre est restée assez confidentielle (publication posthume en 1830).
On trouve au même moment le même mot Seiten (« les cordes ») en fin de vers, annonçant qui un ballet, qui un concours.
Le témoin d'un air du temps dans la conception de la narration archaïque. (Dans les deux cas, on mime une musique récitative primitive, presque originelle - liée à l'épopée pour l'un, à la poésie sacrée pour l'autre.)
Ce billet, écrit à par DavidLeMarrec dans la catégorie Carnet d'écoutes a suscité :
Quoi de plus réjouissant que ces domaines où les spécialistes peuvent se contredire aussi profondément que possible ? Ils confondent la rationnalité du candide, et lui laissent la place au rêve, voire au jugement à l'emporte-pièce, sans risquer de se tromper plus largement que tel ou tel professionnel renommé.
On peut donc battre les cartes et jouer à la bataille sans le moindre risque.
Les temps récents en sont particulièrement farcis.
Cette catégorie, ici plus encore qu'ailleurs, semble totalement détenue par une seule école. Une école de réaction par rapport au sérialisme qui a longtemps étouffé toute opposition dans le système institutionnel.
Autant le sérialisme systématique pouvait être abscons et dépourvu d'esprit, autant le résultat chez ces néos peut être, à son tour, assez fade.
Sans doute par volonté de ne pas brusquer le public, ou par relations, on ne peut donc avoir le choix, chaque année, qu'entre les compositeurs suivants : Thierry Escaich, Eric Tanguy, Philippe Hersant. Ou quelques autres dans le même esprit.
Dommage, parce que dans le style posttonal lui-même, ce ne sont pas forcément les plus intéressants. Pas forcément de mauvais compositeurs, mais le résultat paraît souvent bien tiède. Chez Thierry Escaich, on retiendra surtout les concertos pour orgue ou pour trompettes ; de Philippe Hersant, son opéra Le Château des Carpathes, très appétissant pour les extraits que l'on en a entendu.
Il est un peu dommage de présenter une image déformée de la musique contemporaine, alors qu'il existe tant d'écoles différentes. En convenant de la condition absurde de la nécessité d'être français, et sans chercher à imposer notre chouchou Bruno Mantovani, dont les raffinements un peu abstraits pourraient effrayer le spectateur ingénu, que fait-on des chatoyances miraculeuses de Thierry Pécou, de l'imaginaire de Bernard Cavanna, ou même de l'ultratonalité ingénue d'Isabelle Aboulker ? Et avec cela, on demeure dans du contemporain très facile d'accès, quasiment sans atonalité, mais qui ne se limite pas à une seule chapelle.
Ces révélations n'en sont jamais pour les observateurs attentifs, avec de belles carrières d'une dizaine d'années parfois ainsi récompensées, mais il est indéniable que l'impulsion donnée à une carrière est réelle.
Il vaudrait mieux lire : "jeune soliste instrumental de l'année".
Un enchantement. Découverte d'Estefanía Holman, beau bas-dessus interprète de tango.
Débuts très jeune, toujours présentée comme ayant dix-sept ans depuis pas mal d'années déjà... Peu importe, un très beau médium dense, avec un son fortement corsé, voire extrêmement mature. On songe à une Adriana Varela au timbre plus juvénile et sans aspérités. Et surtout avec un engagement très différent : moins de désillusion mélancolique, plus de fièvre 'romantique'.
Toutes choses égales par ailleurs, la couleur du timbre et le vibrato assez serré peuvent être comparés à Blandine Staskiewicz, pour les habitués de CSS.
Se produisant sous son prénom, Estefanía s'est fait une spécialité d'interpréter des oeuvres traditionnelles, Piazzola en particulier, avec grand orchestre. Par chance, le résultat ne dégouline pas complaisamment, et les tournures orchestrales sont, sinon novatrices, originales pour le genre (beaucoup d'influence de la musique de film hollywoodienne héritière de Korngold, notamment dans l'usage débridé des percussions claires).
Ce sera l'occasion d'entendre la forme mélodrame dans son versant plus populaire, car ces pièces en sont farcies. Un plaisir pour les lutins. Contrairement à certains vocalistes du milieu lyrique, on se sent ici obligé d'habiter avec précision et véhémence un texte, dont certains sont délicieux.
Un petit exemple de ce mélange entre élégie et mélodrame :
La manifestation est généralement très décriée, avec un bonheur partagé, disons. On ne peut pas attendre d'une manifestation grand public la rigueur d'une audition officielle ou l'équité de vraies épreuves (existe-t-elle, d'ailleurs ?). Il est exact cependant que la présence quasiment exclusive de quelques noms-phares d'EMI-Virgin et Naïve laisse songeur sur les ressorts de la manifestation.
Peu importe, au moins pour les jeunes gens, ce sera l'occasion, pour nous, de proposer quelques remises en perspective sur les présents, qui ne sont pas dépourvus d'intérêt, loin s'en faut. Surtout que les extraits fournis gracieusement par les organisateurs sont, comme c'est la tradition, fort mal choisis...
Petite balade dans le palmarès, et suggestions éventuelles. Un bon prétexte pour apporter quelques éclairages au buzz.
Ce qu'une interprète parvient à obtenir d'une pièce qui est pourtant écrite sur le mode du strophisme classique (même pas mozartien).
Astonishing est sans doute le mot juste.
L'extrait en question se situe en haut de la page (une strophe d'Adieu de Schubert, l'une de ses très rares pièces en français). Une leçon : comment peut-être transcender à ce point un texte si convenu ?
Je ne sais. Peut-être sur les mots-clefs la morsure des labiales, l'aperture expressive de la voyelle qui suit et la légère accentuation rebondissante de la syllabe (vaines, flamme), ou peut-être ce timbre si familier et si directement poétique ? A vrai dire, le jugement s'anesthésie ici.
Germaine Lubin est réputée comme la gloire du chant wagnérien entre les deux guerres, l'Isolde inégalée, qu'elle chanta à Bayreuth avec Lorenz sous la direction de Sabata.
Aussi, CSS s'est fait un devoir de permettre à ses lecteurs de l'entendre dans quelques-uns des témoignages qui ont subsisté.
(Surtout, avouerons-nous, les commentaires à faire sont minces, ce qui nous épargne un temps précieux pour la préparation d'autres notes un peu plus profondes que des jeux puérils de reconnaissance à l'aveugle, n'est-ce pas...).
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Que dire ?
1. Répertoire intégral de Germaine Lubin
Ces airs d'opéras sont enregistrés par Germaine Lubin entre 1929 et 1930. Parmi eux, également un Gounod dont nous ne disposons pas, et deux extraits de Tosca de Puccini (non libres de droits, bien que composés en 1899 et créés en 1900...).
Grand jeu-concours. En préparant un divertissement pour un autre lieu mal famé, la fantaisie nous a pris d'en réaliser deux, et d'en proposer un ici aussi. Pour une raison simple : nous pensions illustrer musicalement notre série sur le lied, mais il est plus rapide de regrouper, dans un premier temps, les extraits musicaux.
Les propositions de réponses se font à l'adresse électronique piloris@free.fr . Les noms des participants ne seront publiés que s'ils le souhaitent, de façon à ne pas publier trop ostensiblement la gloire ou l'opprobre des plus discrets.
Le vainqueur remportera deux enregistrements de son choix parmi le fonds libre de droits que CSS n'a pas encore publié. (Vu le nombre probablement modeste de participants, les probabilités de victoire sont fortes pour chacun.)
Il y aura un lot de consolation pour tous les autres, et le dernier remportera en prime le Concerto grosso Op.6 n°5 de Haendel par Knappertsbusch. Cruelle destinée, âme condamnée...
Mise à jour : Il est toujours possible de participer. Cependant les réponses commentées ont été publiées.
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