Note
de
service
Les
commentaires sur la première partie du mois d'avril-mai se
trouvent
ici.
Je tente une nouvelle forme, plus économe en temps. Je me suis essayé à
de rapides esquisses à la sortie des concerts – non plus globales, mais
attachées à quelques détails, assez la philosophie que je peux me faire
du commentaire de spectacle, une collection de petits événements,
d'évidences jusque là masquées… (plutôt que d'établir si le chef est un
génie / un imposteur / un routinier ou si la soprane a un bon
professeur de chant)
Depuis le printemps, je publie donc en temps réel
(pendant les
ouvertures à l'italienne ou les arias à colorature, ça fait passer le
temps[1]) une poignée
d'impressions après le concert, via le compte
Twitter attaché
à
Carnets sur sol. Et je me
dis que c'est au moins aussi intéressant que les impressions globales
que je donnais, en résumé global : le format et les circonstances en
rendent la rédaction moins soignée, mais ce sont des détails plus
précis qui affleurent, sans chercher à parler de tout. Je retrouve la
philosophie des tentatives, jusqu'ici toujours un peu frustrantes,
d'écrire des
instantanés sous
le calendrier annuel de septembre, ou bien de nourrir aléatoirement
Diaire sur sol.
Par ailleurs (et surtout), comme ces babillages sont déjà écrits, ils
me libèrent du temps pour préparer des notules sur des sujets moins
éphémères et superficiels, s'il est possible, que mes impressions de
spectateur.
Je n'hésiterai pas à ajouter des précisions avec de petites flèches. →
Oui, de très petites flèches !
Essayons. Comme pour le planning du mois, les avis sur l'intérêt du
format sont appréciés.
--
[1] Avant de recevoir des messages d'insultes de visiteurs de
passage, je précise l'absence de sérieux de la pointe. Et je dois
reprendre (très doucement, c'est toujours suffisant) de plus en plus
souvent mes voisins qui traitent leur messagerie pendant les concerts…
il faudra vraiment que les salles se mettent à faire des annonces
là-dessus.
A.
Disques et bandes
Sur le modèle des Carnets d'écoutes, une petite liste succincte
d'enregistrements écoutés au fil des jours (très loin d'être
exhaustive, juste au gré de ma fantaisie), comme je n'ai plus le temps
d'en faire proprement pour CSS. Ça peut toujours donner des idées ou
des envies.
Ça se
trouve ici.
B.
Concerts et représentations
18 mai
Hugo / Dumas : musiques de scène de
Louis-Alexandre Piccinni.
Bibliothèque Marmottan à Boulogne-Billancourt.
Le fil complet
sur Twitter.
♦ Une arrivée tout juste à temps à la
bibliothèque Marmottan de Boulogne pour La Tour de Nesle d' A. Dumas et Lucrèce Borgia de V. Hugo avec
leurs musiques de scène !
♦ Longtemps crues perdues, tout juste retrouvées, les musiques de
Louis-Alexandre Piccinni, petit-fils illégitime de Niccolò, en
réduction :
♦ Flûte, violon, violoncelle, piano. Écrit à l'origine pour un
orchestre complet.
♦ Ce sont des ponctuation très courtes, destinées à appuyer un moment
de théâtre, sans être non plus spectaculaires (du mode majeur
inoffensif).
♦ C'est agréable, mais témoigne une fois de plus du retard constant de
la musique sur les esthétiques littéraires :
♦ le Werther de Pugnani fait
du Haydn, les mélodrames de Dumas et Hugo du Beethoven de jeunesse, de
même Baudelaire par Godard ou Duparc…
→ Voyez la notule consacrée au
Werther de
Pugnani, musique écrite au XVIIIe siècle !
♦ Sur scène, la démesure et les coïncidences hénaurmes des situations
font sourire, mais finissent par fonctionner.
♦ L'équivalent de ces gros films spectaculaires auxquels on finit par
adhérer contre toute raison.
♦ Tout cela dans le cadre d'un colloque co-organisé par le
@cmb_v
sur les musiques de scène.
♦ J'en ai profité pour discuter avec deux doctorants et les interroger
sur
l'absence de scandale de Meyerbeer
–
→ en 1830, voir un héros fils du démon
culbuter une abbesse damnée sur l'autel
d'une sainte tout en dérobant une relique, ça me paraissait
raisonnablement suffisant
pour susciter une réaction, au moins
dans la presse catholique. Et pourtant, que des éloges sur la hardiesse
des décors, le pathétique de la situation, la variété de la musique, la
prégnance des atmosphères… rien sur la moralité de l'exercice.
♦ Même en province, l'accueil à Robert le Diable fut triomphal,
sans beaucoup de réserves morales.
♦ D'après mes interlocuteurs, c'est que la masse critique de jeunes
romantiques était déjà suffisante pour peser sur l'accueil des autres.
♦ Je ne suis pas complétement satisfait par la proposition, mais c'est
une autre piste qui s'ajoute aux miennes, pas si nombreuses à être
satisfaisantes (et sans nul doute moins étayées).
→ Voir la
notule détaillée sur la question.
♦ Tout cela confirme que
1) Dumas c'est rigolo (admirable, il ne faut pas pousser) ;
2) décidément pas fanatique des Hugo en prose.
♦ Le grand affrontement avec d'Este est une accumulation minutieuse de
toutes les ignominies, c'est l'interminable gibet de
L'Homme qui rit.
♦ Pour une version restituée, remarquez que les comédiens voulaient
garantir l'accent italien des noms et prononçaient donc… Férraré.
#perdu
19 mai
Tchaïkovski – Eugène Onéguine – Decker, Netrebko,
Abrahamyan, Schwarz, Manistina, R.Gímenez, Černoch, Mattei, Tsymbalyuk.
Opéra Bastille.
Fils Twitter sur
l'œuvre et sur
l'interprétation
♦ Retour d'Onéguine : que de détails subtils
qui fourmillent dans cette parition et qu'on n'entend vraiment qu'en
salle !
♦ C'est le paradoxe Tchaïkovski, tellement simple à écouter et
tellement sophistiqué à la lecture.
→ Ce serait un autre sujet de notule…
♦ Rien que le début, et tous ces thèmes folklorisants très intuitifs sont
en réalité farcis de chromatismes et
modulations.
♦ En salle, c'est l'occasion de relever certains détails comme les alliages de bois à l'unisson dont il
raffole :
♦ dans les symphonies, c'est plutôt clarinette-basson (profondeur), ici
hautbois-clarinette, ce qui procure un halo vibrant au hautbois.
♦ Autre détail, lorsque Tatiana indique Onéguine sans le nommer (он)
dans le tableau de la lettre (I,2),
♦ apparaît le
motif de son
refus (нет! нет!) dans le dernier tableau.
♦ Ou la jalousie de Lenski, exprimée par un court motif hautbois puis
cor, qui revient lors de la supplication d'Olga en cor puis hautbois.
→ (acte II, tableau 1 – l'anniversaire
de Tania)
♦ Pour le fil sur l'œuvre, c'est là :
twitter.com/carnetsol/stat…
Pour la soirée de Bastille, c'est ici (y étaient également quelques
compères…).
♦ Je veux
Edward Gardner comme
directeur musical ! Déjà formidable dans la Première Symphonie avec le
@nationaldefce ou au disque dans Walton,
♦ il imprime ici une palpitation et une intensité permanentes, sans
jamais se départir d'une forme de maîtrise et de hauteur. \o/
♦ Vraiment un enchantement de tous les instants dans une œuvre aussi
riche orchestralement ;
♦ dans l'acoustique exceptionnelle de Bastille pour les orchestres, on
ne s'alarme plus trop des petits sémaphores vaguement sonores là-bas.
♦ Fort bons d'ailleurs,
Mattei
sonne très bien, avec de beaux graves (les sol 1 de son ensemble
d'entrée !) et une superbe stature scénique.
♦ Quel contraste avec Tézier qui grommelait ses sons magnifiques dans
son coin ; Mattei charismatique, ardent et distant comme son personnage.
♦ La voix de
Netrebko est
devenue large et très assurée pour un rôle d'innocente timide (sans
parler du bronzage glorieux quand le livret la décrit récurremment
comme notablement pâle), mais les aigus s'illuminent remarquablement,
♦ et comme la diction de tous est inaudible dans le hangar à bateau, ça
passe très bien dans ces conditions. (On ne la dirait pas russe…)
♦ Mon chouchou
Černoch
paraissait contraint, pas du tout radieux comme dans
Rusalka dans les mêmes lieux,
j'étais un brin déçu.
♦ Et quelques autres petits plaisirs, les quatre bois solos magnifiques
(et un basson à la française aux aigus de cor anglais !),
♦ Gardner qui laisse claquer les timbales avec des têtes dures, de très
beaux ralentissements en connivence avec Netrebko…
20 mai
Nielsen, R. Strauss, Ravel, Stravinski
par le Capitole, Crebassa et Sokhiev.
Philharmonie de Paris.
Le fil se
trouve ici.
♦ En route pour la musique de scène d'
Aladdin de Nielsen, pour l'une des pièces
majeures d'
Oehlenschläger, le
grand dramaturge danois.
♦ C'est lui qui transcrit dans le paysage danois, en quelque sorte,
l'esprit des Schlegel et de Goethe.
@philharmonie
♦ Surpris, à la lecture, de constater qu'Ibsen a beaucoup emprunté à
son Håkon Jarl pour sa meilleure pièce, Les Prétendants à la couronne.
♦ Auteur aussi d'une belle pièce sur le Corrège.
♦ Outre Ibsen, on dit qu'il a influencé Scribe ; je n'ai jamais pu
vérifier si Hugo l'a lu, mais indéniablement une parenté d'aspirations.
♦ Il est très peu joué et quasiment pas traduit, mais une fréquentation
de qualité, à laquelle la musique de scène de Nielsen rend hommage.
♦ La musique de scène complète, enregistrée par Rozhdestvensky (chez
Chandos), n'est pas extraordinaire, la Suite fait l'affaire (mais c'est
mieux lorsqu'elle est donnée avec chœur
ad libitum).
♦ Quelques grands moments bien sûr : le dialogue hautbois-basson de la
Danse hindoue qui évoque la Symphonie n°4, la dévastation des
prisonniers façon n°5, et l'extraordinaire marché persan polytonal.
♦ Je me suis demandé pourquoi,
@ONCT_Toulouse,
dans le final de l'
Oiseau,
les altos et violoncelles en homophonie tiraient-tiraient
♦ pour les uns et tiraient-poussaient pour les autres. Vu le niveau
hallucinant, pas une simple divergence des chefs de pupitre ?
Pour le reste, toujours cet engagement impressionnant chez cet
orchestre. Pourtant je n'ai pas tout à fait sombré dans la douce
hystérie de l'extase musicale, justement parce que cette perfection un
peu « internationale » n'a pas autant de saveur pour moi que les
petites tensions, les petits accidents d'une formation plus modeste, ou
que des couleurs très typées. C'était magnifique néanmoins.
J'en avais aussi touché un mot
sur Classik :
Je ne suis pas étonné que Xavier
n'aime pas Aladdin, et j'ai trouvé plus de limites à la pièce
en vrai qu'au disque, j'en conviens (notamment à cause des basses
toujours un peu épaisses chez Nielsen, contrebasses très mobiles mais
ça manque d'assise au bout du compte). Néanmoins c'est une très belle
œuvre, tirée d'une musique de scène pour Oehlenschläger, le passeur de
Goethe au Danemark et le modèle du jeune Ibsen – qui s'est servi du Håkon
hin Rige comme de canevas pour ses Prétendants à la Couronne,
une de ses meilleures pièces à mon avis. Bref, il faut le voir comme de
la musique scénique, et dans ce cadre, je trouve que son pouvoir
évocateur est assez puissant.
Par ailleurs, il y a quelques moments de bravoure comme le marché
polymodal, même s'il manquait le chœur ad libitum (et j'ai
trouvé, ici comme à plusieurs reprises dans le concert, que les
trombettes-trombones-tuba écrasaient un peu le reste du spectre, par
moment, surtout dans une salle où les cordes sont statutairement
défavorisées). C'est quand même remarquablement consistant pour un
hors-d'œuvre, par rapport aux jolies ouvertures qu'on nous sert parfois.
Pour l'amplification, je m'empresse de préciser que Marianne Crebassa
n'en a absolument pas besoin, et que du même endroit, on l'entendait
très bien auparavant. Mais là, ce son très global qui semblait sortir
des murs du parterre (simultanément à l'émission du son) était très
suspect.
J'étais apparemment assez seul à l'avoir remarqué (en revanche, un
autre spectateur m'a dit qu'il y avait eu de la sonorisation manifeste
pour l'Orfeo des Arts Florissants…), et la Philharmonie m'a
répondu catégoriquement que non, seuls les récitants étaient sonorisés.
C'est
étrange, dans la mesure où les instruments traditionnels du concert
Savall avait aussi été sonorisés, et où j'avais entendu entendu
Crebassa, même salle, mêmes places, de façon très projetée, mais sans
cette impression qu'elle a des bouches dans les murs. Vous
voyez, vous voyez, je parle déjà comme Maeterlinck… Je ne suis
pas pleinement convaincu (et ça m'a vraiment gêné, pas à cause de la
sonorisation, mais du résultat moins net qu'auparavant), mais je ne
veux compromettre la réputation de personne, donc je ne conteste pas
leur réponse (avant plus ample mesure, du moins).
27 avril
Qui a tué la bonne à la tâche ?
Spectacle de la classe théâtrale (Emmanuelle Cordoliani) des étudiants
en chant du CNSM.
Salle Maurice Fleuret.
♦
Épatant spectacle au
@CnsmdParis autour de la
domesticité : beaucoup de très beaux ensembles rares (
Le Docteur Miracle de Bizet,
Reigen &
Miss Julie de Boesmans…),
♦ .
@CnsmdParis avec certains de
mes chouchous (la subtile M. Davost, le tellurique E. Fardini), et de
très belles découvertes (les mezzos !).
→ Je vois au passage, dans le nouveau
programme de l'Athénée, qu'Edwin Fardini obtient un récital entier, au
même titre que Marianne Crebassa ou Stanislas de Barbeyrac, j'avais
confiance en son avenir (les voix graves aussi maîtrisées, et aussi
sonores, sont rares !), mais je suis enchanté de le voir se concrétiser
aussi vite.
♦ Déjà vu A. Charvet en photo, mais pour les deux autres, je vais mener
l'enquête, il manque un nom dans le programme. Bientôt sur CSS.
→ Après enquête : j'avais donc
particulièrement aimé le tempérament d'Ambroisine Bré. La voix est un
peu douce, pas forcément très grande projection, mais un scène de la
scène évident et une très belle musicalité.
♦ Deux heures sans entracte habitées de bout en bout, dans une
exploration littéraire et musicale suggestive et très complète !
@CnsmdParis
♦ Ah oui, et c'est redonné aujourd'hui :
conservatoiredeparis.fr/voir-et-entend…
, à 19h. Deux heures d'explorations réjouissantes !
28 avril
Marais – Alcione – Moaty, Desandre, Auvity, Mauillon, Savall
Salle Favart.
J'ai déjà évoqué
les sources et les logiques du livret,
l'italianité et le préramisme de la musique, mais
pas encore sa tendance au drame continu romantique ni les
représentations elles-mêmes.
Sur Twitter :
♦ Jamais vu de chœur au Concert des
Nations de Savall (l'Orfeo ne compte pas vraiment). Apparemment ad hoc,
excellent français !
♦ Une des choses étonnantes, à Alcione, était que Jordi Savall, qui bat
sur le temps, dirigeait aussi tous les récitatifs. Inhabituel.
♦ La Marche des Marins d'Alcione de Marais a vraiment des parentés
étonnantes avec Auprès de ma blonde (exactement la même époque).
Au chapitre des surprises, les solistes (Hasnaa Bennani et Marc
Mauillon, du moins), chantaient dans les chœurs. Quelle surprise
fulgurante que d'entendre la partie de Mauillon (partie de taille,
naturellement moins exposée dans les chœurs que les dessus et basses…)
faire tonner les contrechants des chœurs infernaux, à l'acte II !
Sinon, globalement, un spectacle qui ne m'a pas démesurément
enthousiasmé : la salle de l'Opéra-Comique n'a pas la meilleure
acoustique du monde (un peu étouffée) et surtout la scène sans cadre
choisie par Louise Moaty laissait les voix se perdre… Cyril Auvity ou
Sebastian Monti étaient inhabituellement fluets vocalement, alors que
ce soit d'excellentes techniques assez glorieuses pour ce répertoire.
Metteurs en scène, vraiment, avoir un mur de renvoi n'est pas un
accessoires, ça change tout pour faire porter la voix, et donc
l'émotion, des interprètes. Et sans doute pour leur confort vocal –
donc pour leur liberté scénique.
Néanmoins, alors qu'il s'agit de l'une des tragédies en musique
d'avant-Gluck que j'aime le moins, d'assez loin, je ne me suis pas
ennuyé un seul instant et y ai enfin trouvé des clefs d'écoute.
9 mai
Récital de la classe d'ensemble
d'ensembles vocaux du CNSM : Pelléas, Chabrier, les Cendrilon.
Salle Maurice Fleuret.
Voir
le fil.
♦ Ce soir au :
ensembles vocaux tirés des Cendrillon d'Isouard, Viardot, Massenet (duo
et scènes du premier tableau du III), plus
Pelléas (fontaine et souterrains !)
et
L'Étoile de Chabrier
(quatuor des baisers).
♦ Vous avez eu tort de ne pas venir… Je suis encore tout secoué de ce
Pelléas de Marie Perbost,
Jean-Christophe Lanièce et Guilhem Worms… au disque, le piano paraît
mince,
♦ .
@CnsmdParis mais dans une
petite salle, le piano de Damien Lehman en révèle toutes les aspérités
rythmiques et harmoniques… quel voyage !
♦ (et puis le plaisir plus superficiellement narcissique d'avoir eu
raison contre un prof du CNSM sur une question de chronologie)
#NonMais
11 mai
Récital de la classe de lied et de
mélodie de Jeff Cohen au CNSM
Salle d'orgue.
Rituel annuel pour moi, l'événement qui m'a rendu indéfectiblement
fidèle au CNSM… entendre d'excellents techniciens vocaux pas encore
abîmés par les violences de la scène, accompagnés par de vrais
accompagnateurs inspirés (et pas leur chef de chant perso ou le
pianiste soliste à la mode), dans des programmes variés et souvent
originaux. Pour le lied et la mélodie, c'est très rare.
♦ Et puis ce sera
@CnsmdParis. Pas de
#MarrecProtégés
ce soir (et un nouveau venu), mais quel programme !
Nuits persanes de Saint-Saëns,
Fables de La Fontaine de Caplet,
Songs of Travel de Ralph Vaughan Williams…
♦ Superbe découverte d'
Olivier Gourdy,
les
Nuits Persanes incluaient
les mélodrames de Renaud, et
Pierre
Thibout (
1,
2) toujours aussi prégnant !
→ Les
Nuits persanes
sont une orchestration / réorganisation des
Mélodies persanes de Saint-Saëns, son plus bel
ensemble de mélodies. Ici jouées avec piano, mais dans l'ordre du poème
symphonique, et avec les parties déclamées sur la musique et les
interludes (réduits pour piano).
Olivier Gourdy est un
enchantement : une voix grave radieuse et maîtrisée, pas du tout ces
beaux naturels frustes qu'on rencontre si souvent dans ces tessitures
(l'aigu est très bien bâti, ici). Ses extraits du
Winterreise étaient assez forts, et
assez exactement calibrés pour ses qualités expressives.
12 mai
Bizet – Les Pêcheurs de Perles – Fuchs, Dubois, Sempey, ON Lille,
Alexandre Bloch
Au TCE.
C'était le rendez-vous du
tout-glotto
parisien – ce qui, en raison de mes
mauvaises
fréquentations, ne m'a que fort peu laissé le loisir de rédiger quoi
que ce soit.
J'ai été tout à fait enthousiasmé par la direction d'
Alexandre Bloch : chaque récitatif
est ardent, l'accompagnement pas du tout global et un peu mou, mais au
contraire calqué sur le drame, tranchant, expansif. Et une gestion des
libertés rythmiques des chanteurs qui montre un grand talent de fosse.
Le National de Lille n'est pas l'orchestre le plus joliment coloré du
monde (toujours un peu gris), mais il compense totalement par cette
énergie, en faisant des
Pêcheurs
un drame palpitant plutôt qu'une jolie carte postale
(extrême-)orientalisante.
Côté glottologie :
¶
Julie
Fuchs gère remarquablement l'élargissement de sa voix, sans
sacrifier la diction ni la couleur, avec beaucoup de naturel – je ne me
figure pas le travail gigantesque que ce doit être pour passer aussi
promptement des coloratures les plus légers à de vrais lyriques.
¶
Cyrille Dubois est un peu
limité par la puissance, mais la qualité de la diction est, là aussi,
très bonne. Je trouve qu'il ajoute un peu de patine à sa voix, la
projette moins franchement, pour semble un peu plus lyrique, mais rien
de bien méchant. Et les glottophiles purulents (pourtant très nombreux
dans la salle) ont grandement acclamé son air malgré la nette rupture
vers le fausset de sa dernière phrase. Si même les
glottophiles-héroïques se mettent à s'intéresser à l'essentiel, le
monde peut peut-être être sauvé.
¶ Agréable surprise chez
Florian
Sempey, dont j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'il incarnait
assez exactement une façon de (bien) chanter que je n'aime pas, du tout
: voix trop
couverte (ce qui abîme la diction, aplanit son
expression et limite sa projection), une seule couleur vocale, nuances
dynamiques très limitée (du
mezzo-piano
au
forte, pas beaucoup plus),
postures de fier-baryton assez univoques… Pourtant, dans le rôle payant
de Zurga, qui a depuis toujours – comme en atteste
ceci, gribouillé alors que je n'avais pas dépassé
ma vingtième année… – attiré mon plus grand intérêt, je remarque au
contraire qu'il fait l'effort de moins couvrir le haut de la tessiture,
ce qui réinsuffle de la couleur et limite les aigus. D'une manière
générale, le personnage, sans disposer d'une gamme de nuances infinies,
fonctionne bien, pas du tout de frustration cette fois-ci, même si je
pourrais citer des dizaines d'autres titulaires plus à mon gré (et
moins chers).
Schadenfreude assumé : Sempey
fait une grosse contre-note (à vue d'oreille un la, un si bémol,
quelque chose comme ça, d'un peu exceptionnel pour un baryton) à la fin
d'une pièce collective (il faut que je réécoute la bande pour redire
laquelle)… il prend la pose et attend les applaudissements… tandis que
le public, qui n'est pas sûr de devoir applaudir à chaque numéro,
hésite et ne se décide pas. C'était cruel, parce qu'il réalisait
vraiment un joli exploit, mais j'avoue que j'étais assez content qu'il
ne soit pas récompensé pour étaler de la glotte pure. (Très beau succès
aux saluts au demeurant, et assez mérité.)
Très belle soirée, et en réécoutant cette œuvre
(celle que j'ai le plus vue sur scène, je m'aperçois, à égalité avec le
Vaisseau fantôme et
Così fan tutte !), je suis une fois
de plus saisie par l'absence absolue de superflu : tout est marquant,
intense, inspiré, pas une seconde ne paraît un pont simplement
nécessaire, un petit remplissage statutaire. Peu d'œuvre ont cette
densité en mélodies incroyable, cette variété de climats, tous
superlatifs, qui s'enchaînent. Même dans les airs, souvent le point
faible en la matière, rien à moquer – « Me voilà seule dans la nuit »
est même à placer au firmament de tous ceux écrits. C'est encore le duo
d'amour que je trouve le moins renouvelé.
Elle est revenue en grâce, j'ai l'impression, après
une éclipse dans les années 70 à 2000 avec l'internationalisation du
répertoire, et cette fois-ci en grâce à l'échelle du monde… Ce n'est
que justice, je ne vois pas beaucoup d'opéras français du XIXe siècle
de cette constance – que ce soient les tubes comme
Faust ou les gros chefs-d'œuvre
comme
Les Huguenots. Et
particulièrement accessible avec ça.
15 mai
Debussy – Pelléas et Mélisande – Ruf, ONF, Langrée
Au TCE, avec Petibon, Bou, Ketelsen – et Courcier, Brunet, Teitgen.
● Réaction sans ambiguïté
sur Autour de la
musique classique :
- DavidLeMarrec a écrit :
- Pour
l'instant, étrangement, ça ne m'a toujours pas bouleversé en salle…
[...] Non, même Braunschweig, c'est vraiment l'œuvre qui ne prend pas.
Au piano (alors que je n'aime pas Pelléas au piano d'ordinaire) ça
passait bien mieux lors d'extraits entendus mardi au CNSM… c'est assez
étrange.
- Je tâcherai de me
placer au-dessus de la fosse pour profiter de l'orchestre, au TCE, on
verra si ça change quelque chose.
En effet. Je suis sorti complètement euphorisé
de l'expérience, chantant les répliques des cinq actes dans le désordre
dans les rues parisiennes…
Distribution vraiment parfaite pour les six principaux,
orchestre incroyablement intense, mise en scène sobre, adaptée au lieu
(angles de vue réduits), pas mal vue… et puis la musique et le texte,
toujours immenses.
C'était une orgie du début à la fin. Je ne veux plus jamais écouter de
musique, voilà, c'est fini.
La conversation se poursuit :
● [Bou]
J'étais étonné
qu'il chante encore Pelléas à ce stade de sa carrière, alors qu'il fait
beaucoup de rôles de barytons graves, voire de basses baroques. Donc
j'étais enchanté de l'entendre : et le côté très mâle de la voix est
compensé sur scène par son allure juvénile – j'ai totalement acheté le
côté postadolescent.
Pour les aigus, c'est vrai, c'est étonnant, la
voix est magnifique et extraordinairement épanouie dans les aigus,
jusqu'au sol 3, très facile, sans aucune fatigue… mais les sol dièses
sont difficiles, presque escamotés, et les la 3 ratés en effet. Mais
honnêtement, je m'en moque… ces la ne sont pas forcément des points
culminants, et le second, amené par une phrase entière en fausset,
s'intègre très honnêtement au reste.
● [Ketelsen]
La voix perd en impact lorsqu'il chante
fort, se plaçant plus en arrière et couvrant beaucoup, mais sinon,
c'est vraiment du cordeau. Hier soir, un mot manquant (pas le seul, pas
mal de décalages, Petibon et Teitgen, surtout – quelques-uns vraiment
évident, mais sinon, difficile de faire autrement, sur scène dans cette
œuvre) et un déterminant changé (« le » au lieu de
« mon », quelque chose comme ça…), c'est tout. Diction
immaculée, vraiment digne d'un francophone, voix franche… un peu sombre
pour mon goût personnel, mais vraiment au-dessus de tout reproche, et
très convaincant, même physiquement dans son rapport à la mise en
scène.
● [Petibon]
J'aurais cru que tu n'aimerais pas ces
sons droits (à un moment, elle fait même un son droit qui remonte, à la
manière des « ah ! »
de la tragédie lyrique
), mais oui, tout est très maîtrisé. J'aime moins la
voix que Vourc'h, mais en salle, elle m'a plus intéressé, comme plus
libre – possiblement parce que j'étais beaucoup plus près.
C'est vrai qu'elle chante le rôle depuis longtemps, en plus (j'ai une
bande au NYCO au début des années 2000, avec piano). Elle a beaucoup
mûri sa voix et son personnage (pas aussi intéressant à l'origine,
évidemment).
●
Pour moi,
on peut déjà considérer, si on ne regarde pas aux quelques notes
manquantes chez Bou ou décalées chez les autres, qu'on est dans la
perfection, si on considère le résultat. Souvent, il y a un chanteur un
peu moins bon (ici, c'était Arnaud Richard en berger et médecin, ce
n'était pas bien grave), quelque chose qui ne prend pas. Non, vraiment
pas ici. Et l'orchestre était l'un des plus beaux que j'aie entendus
dans l'œuvre, peut-être même le plus beau, le plus intense, le plus
détaillé.
Ou
sur Twitter, avec peu de détail mais une petite
#PelléasBattle avec plein de citations.
♦ Ce soir.
Pelléas.
@TCEOPERA. Ce n'est pas ma
fauuuuute !
(C'est quelque chose qui est plus fort que moi.)
♦ « Et la joie, la joie… on n'en a pas tous les jours. »
@TCEOPERA #RandowStyle
♦ Mais tout est sauvé ce soir. Quelle
musique, quel texte, quel orchestre formidable (
@nationaldefce
), quel plateau parfait !
♦ Même la mise en scène de Ruf, très sobre,
bien conçue pour ce théâtre, fonctionne parfaitement. Et Langrée
respire l'expérience partout.
♦ Assez hystérisé ce soir ; et déjà une demi-douzaine
de notules en vue sur plein de détails. \o/
#PelléasRulz
♦ Complètement euphorisé, je chante les répliques des
cinq actes dans le désordre dans les rues de Paris…
♦
Yniold exceptionnel,
déjà, et tous les autres aussi, à commencer par l'orchestre. Ce
hautbois solo, ce cor anglais, ces cors, ces altos !
♦
@OlivierLalane @ChrisRadena
L'illusion était remarquable : à côté, même Julie Mathevet, c'est
Obraztsova !
♦
@guillaume_mbr Il faut dire que le V est
toujours un peu tue-l'amour, et que Langrée réussit paradoxalement plus
de continuité dans lII,4 que le IV,2 !
♦ Mais même au V, la séquence de Golaud insoutenable, et cet ut dièse
majeur final dont on voudrait qu'il ne finît jamais !
♦ Hou-là, hier soir, le compte du
@TCEOPERA ressemblait à mon
journal intime !
pic.twipic.twitter.com/bwcfK5Pr9R
♦ Pelléas, c'est un comme les épisodes de Star Wars, farci d'Easter eggs pour les fans… le
nombre d'autoréférences discrètes, incroyable.
♦ Et les fans sont tout aussi fanatisés, bien sûr. Avec raison. (Pas
comme avec le poète du dimanche Wagner.)
♦ Bien, je vous laisse, je dois arranger mes cheveux pour la nuit.
(Pourquoi avez-vous l'air si étonnés ?)
24 mai
Mahler, Symphonie n°2, Orchestre
de Paris, Daniel Harding.
À la Philharmonie de Paris.
Une conversation a eu lieu
sur Classik :
Au
chapitre des anecdotes, A. Cazalet a couaqué, pané et pigné tout ce
qu'on voudra, comme quoi être méchant n'est pas gage de qualité
artistique. (Je
dis ça je dis rien.)
Après Cologne, passage par la
Philharmonie, donc. J'ai beaucoup aimé la conception de Harding, des
cordes très mordantes (j'aime beaucoup dans l'absolu, mais c'est
véritablement salutaire dans cette salle où elle sont statutairement
défavorisée), des détails très lisibles, une battue bien régulière et
un tempo rapide. C'était même un peu droit à la fin, sans ruptures de
métrique spectaculairement audibles, mais très beau néanmoins sur
l'ensemble du parcours – de loin le plus beau premier mouvement que
j'aie entendu, peut-être même en incluant disques et bandes.
Seule petite frustration très
évitable : l'orgue distrait trop à la fin, et couvre le chœur, ça
enlève l'impression d'apothéose patiemment bâtie et se fond mal avec le
reste. Par ailleurs trop fort, pas adroitement registré, ça ne
fonctionnait pas et empêchait de s'intéresser simpement à la fin – un
peu comme ces percussions exotiques que tout le monde regarde au lieu
d'écouter la musique…
Mais enfin, c'était excellent, le
moelleux des trombones (et du tuba, on n'a pas tous les jours de beaux
tubas !), le hautbois solo très présent, les fusées de cordes
extraordinairement nettes, l'impression d'un ensemble vraiment engagé,
d'une progression permanente… J'ai trouvé l'orchestre encore meilleur
que sous Järvi.
Et l'œuvre, je n'en dis rien parce
que ceux qui vont poster dans ce fil ou le lire l'ont tous dans
l'oreille, mais c'est bien beau tout ça.
Sur l'orgue spécifiquement :
J'ai trouvé ça étonnant aussi, mais à mon avis c'est
difficile à régler dans cette salle (sur le côté du second balcon de
face, j'entendais clairement plus l'orgue d'une oreille que d'une
autre), et surtout ça tient à l'instrument de type néoclassique : il
n'y a pas l'épaisseur d'un bon Cavaillé-Coll, c'est tout de suite
translucide, des sons blancs qui traversent l'orchestre et se fondent
mal.
D'une manière
générale, de toute façon, je n'aime pas ces ajouts d'orgue dans les
finals : ça détourne l'attention, et ça prive finalement de l'essentiel
(pour quelques pauvres accords plaqués qui figurent déjà dans
l'orchestre et le chœur…). Le moment où l'humanité du chœur advient, on
nous met une grosse bouse au timbre complètement distinct par-dessus,
et entrecoupée de silence, difficile de rester dans la musique.
Donc ce n'est pas
tant la faute de Harding à mon avis, mais ce n'est pas pire que si mon
voisin avait un peu gigoté à ce moment, ça ne ruine pas non plus un
concert.
25 mai
Motets de Buxtehude, Bernier et
Telemann par Françoise Masset.
À Saint-Saturnin d'Antony
♦ Mission Françoise Masset <3 cet
après-midi, avec Bernier, Buxtehude (un motet-chaconne) et Telemann, à
Antony.
→ Avec les deux
violonistes du
quatuor Pleyel.
♦ Nous sommes 3 spectateurs dans la salle et ça
commence dans un quart d'heure. #oh
♦ J'aime beaucoup le tout jeune
gothique de Saint-Saturnin.
♦ Finalement s'est rempli au dernier moment, plutôt bien.
Diction toujours incroyable et l'aigu toujours aussi lumineux. <3
♦ Motet de Bernier qui mélange les sources
liturgiques, traitement très virtuose et italien, pas le Bernier que
j'aime le plus.
♦ En revanche, Telemann extraordinairement expressif,
et Buxtehude débridé (une chaconne à quatre temps en feu d'artifice !).
C'est épatant : Françoise Masset a toujours eu un timbre avec une belle
clarté sur une sorte d'appui blanchi, comme une voix mûrissante, et il
n'a pas bougé d'un pouce depuis ses débuts. Et toujours ce sens
particulier de la diction.
28 mai
Orgue baroque français,
contemporain français, et improvisations saxophone-orgue.
Chapelle Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière.
♦
Concert du Mage / Clérambault et improvisations
saxophone-orgue à Saint-Louis de la Pitié-Salpêtrière.
♦ Orgue vraiment difficile (un peu grêle, plusieurs jeux à
réharmoniser),
♦ et on sent (inégalité et agréments) que ce n'est pas le répertoire
premier de l'organiste. Néanmoins chouette alternance !
♦ Pas adoré la pièce d'Yves Arques : Décroissance ne figure guère son
programme (économique !), et n'apporte pas grande substance musicale.
♦ En revanche, Noire Acmé de
Tom Georgel, sorte de rondeau modernisé, est immédiatement opérant, et
très agréable.
♦ Malgré ses appuis nettement écrits, la Chaconne de Buxtehude flotte
comme un canevas harmonique brahmsien ; pas évident de jouer sur cet
orgue.
♦ Les tuilages de la Canzone de Bach, est-ce une question de pratique,
sont beaucoup plus nets et mieux registrés.
♦ Dans ce plan en étoile un brin labyrinthique, on trouve aussi un
orgue de chœur dans un coin (mais pas d'antiphonie possible).
♦
Ultima latet – la dernière
heure t'est cachée. La maxime oklm dans un hoſpital.
Et d'autres remarques sur l'iconographie du lieu dans le
fil Twitter correspondant.
2 juin
Déserts de Varèse et Dracula de Pierre Henry.
Le second dans une version ré-instrumentalisée (à partir des bandes
magnétiques d'origine).
À nouveau tiré du
fil Twitter :
♦ Si vous devinez dans quel théâtre je
suis ce soir, je vous respecte.
#RandowStyle pic.twipic.twipic.twipic.twitter.com/2e2vVMfoIQ
♦ C'était donc le
@theatreathenee, au détour d'une
issue de secours qui n'est manifestement destinée qu'au péril imminent.
Quel dépaysement !
♦ Toujours aussi indifférent à la partie bande de Déserts de Varèse. La
partie instrumentale, tant copiée depuis, très impressionnante.
♦ En revanche je la trouve plus agréable en retransmission que dans un
petit théâtre (toujours fort volume !).
♦ C'est aussi le risque de monotonie avec les pièces sans discours
harmonique repérable (malgré les échos de strates / motifs / timbres).
♦ Néanmoins, je suis très content, je voulais découvrir l'œuvre en
salle depuis longtemps et ça fonctionne plutôt bien.
♦ Je suis à présent en train d'écouter l'arrangement pour ensemble de
Dracula de Pierre Henry… à l'extérieur de la salle !
♦ Tuba contrebasse à fond, grosse caisse permanente, et surtout le son
blanc des haut-parleurs. Même derrière les portes, ça fait mal !
♦ J'avais été avisé de me placer à l'écart, je n'ai pas été piégé !
♦ Et puis ce n'est pas comme si je perdais la subtilité extraordinaire
de la musique d'Henry :
♦ serviles ressassements des préludes de Siegfried et Walküre, avec
ajouts de petits bruits d'oiseaux ou de clochettes,
♦ saturation permanente de l'espace sonore… cela manque tout simplement
d'esprit, un comble quand on utilise Wagner.
♦ On croirait qu'Henry s'est arrêté aux disques d'ouverture et n'a
jamais vraiment écouté Wagner pour jouer les mêmes scies très peu
variées !
♦ Seul micro-moment de grâce, la fin de l'orage de la Walkyrie, où «
Wes Herd dies auch sei » est esquissé par un piou-piou. Sourire.
♦ Je ne quitte *jamais* un spectacle avant terme, hors contraintes
physiques majeures,mais devoir écouter la fin de l'extérieur, jamais
fait !
♦ Voilà que c'est pareil pour le Crépuscule, on dirait qu'il n'a écouté
que le début du Prélude du Prologue. |:-|
♦ Et je commente en direct le concert à la manière des événements
sportifs, une première aussi ! :o
♦ En attendant la fin – comment peut-on rendre Wagner si gras et si
trivial ?
(la réponse pourrait contenir le mot
tubas) –
♦ Comble de pied-de-nez, la pièce s'achève juste avant un moment
parfait pour ces nombreux cuivres,
♦ sur un accord non résolu, celui qui précède l'éclatement du thème du
Walhall dans Rheingold.
#insoutenable #DéclarationDeGuerre
22 mai
Récital de la classe d'accompagnement
vocal d'Anne Le Bozec.
À la cathédrale Saint-Louis des Invalides.
Le fil Twitter peut en être suivi ici.
♦ Invalides : récital de lied (classe d'accompagnement A. Le Bozec
@CnsmdParis) déplacé dans la
cathédrale pour cause de courses automobiles !
♦ Étonnant, quantité de gens « importants » (musiciens, journalistes
célèbres) dans l'assistance, pour un récital d'accompagnement du CNSM.
♦ (quand ce n'est pas aux Invalides, la nature de l'auditoire est assez
différente)
♦ Saint-Louis-des-Invalides
#RandowStyle
♦ Putti au cimier.
#PuttiGO
♦ Programme incroyable aux Invalides,
donc, avec les petits du
@CnsmdParis : lieder-mélodies
de Rheinberger, Jensen, Saint-Saëns, Chausson…
♦ Des Wagner en français, des pièces de circonstance évoquant la
défaite de 70… et tout cela remarquablement joué.
♦ Même la pièce de J.-B. Faure n'est pas son tube Les Rameaux (mais
tout aussi simple et persuasif !).
Un programme épatant :
mélodies et
lieder de Liszt, deux Wagner en français, Cornelius, Jensen,
Rheinberger, Saint-Saëns, Bizet, Massenet, Duparc, d'Indy, Chausson…
à quoi s'ajoutaient les
Souvenirs de Bayreuth de
Fauré & Messager (sans reprises, mais intégraux, joué comme de la
grande musique par Jean-Michel Kim et Simon Carrey !) et, sommet de
l'ensemble, cette chanson de Jean-Baptiste Faure – grand baryton, et
compositeur simple et efficace dont on a beaucoup joué (moi inclus) sa
mélodie sur
Les Rameaux (une
faveur qui se poursuit chez les anglophones). Ici,
Pauvre France !, une évocation
cruelle de la défaite de 1870, avec sa
Marseillaise en lambeaux.
Outre mes chouchous vocaux (le glorieux Edwin Fardini, la délicate
Cécile Madelin, la prometteuse Makeda Monnet, le moelleux de Brenda
Poupard…) dont j'ai eu plusieurs fois l'occasion de parler, l'occasion
d'apprécier les accompagnateurs, tous excellents sans exception. Quelle
différence avec les sous-pianistes de jadis, qui n'exprimaient rien
d'autre que la terreur de couvrir la voix du soliste.
Parmi cette excellente troupe, de belles choses à signaler plus
particulièrement : ainsi
Jeanne Vallée
manifeste une précision miraculeuse dans l'accompagnement, toujours
exactement au même endroit que sa
chanteuse, même dans les parties librement déclamées ; ou bien
Cécile Sagnier, pour de belles
constructions sonores – un beau
crescendo
enveloppant dans le « Tournoiement » des
Mélodies persanes (encore !) de
Saint-Saëns.
Et surtout
Célia Oneto Bensaid,
déjà une très grande : des traits (et ces petites anticipations de
basse caractéristiques) dignes des pianistes solistes dans le Liszt
virtuose de
Die drei Zigeuner, qui n'empêchent
nullement une transparence très articulée, jusque dans l'insignifiant
accompagnement harpé de la
Romance
de Mignon de Duparc où la transparence absolue et la finesse de
l'articulation forcent le respect… le tout déposé sur un son d'une très
grande classe. Un accompagnement de cette qualité dispense quasiment de
disposer de bons chanteurs, rien que l'écouter nous raconte tous les
mots du poème.
C.
Absences
Pour être encore un peu plus long, je mentionne que je n'ai pas pu tout
faire : j'aurais voulu voir
Tafelmusik
à Écouen par des membres du CNSM,
Ce
qui plaît aux hommes de Delibes au Théâtre Trévise par les
Frivolités Parisiennes, la Cinquième Symphonie de Sibelius par la BBC
Wales à la Seine Musicale, le programme Lalo-Dukas-Ravel des siècles,
la
Médée de Charpentier par
Pynkosky et Toronto, le programme Vierne-Podlowski-Koster de Vincent
Lièvre-Picard au Conservatoire de Fresnes, l'Ascension de Messiaen et
la Sixième Symphonie de Widor à Saint-Sulpice, Louis Saladin et
Salomone Rossi par un chantre du CMBV aux Menus-Plaisirs, l'Exquien de
Schütz et des motets de la famille Bach par Vox Luminis, Lura à
l'Espace Cardin, les grands motets de Lalande par Dumestre et Šašková à
la Chapelle Royale, le demi-Winterreise de Bostridge-Drake avec du
Britten au Musée d'Orsay, Charpentier par La Chanterelle et Martin
Robidoux, entendre enfin l'ensemble vocal explorateur Stella Maris…
J'avais même prévu de marcher 15km aller (et autant retour) pour voir
le trio chouchou
Sōra dans Chausson (et Kagel et
Ravel) à Villecerf, loin de tout réseau hors transport scolaire, mais
par les premières grosses chaleurs (30°C ce jour-là, et sur terrain
découvert), ce n'était pas raisonnable.
Mais, pour des raisons de simultanéité / prix / disponibilité
professionnelle / circonstances / envie, j'ai dû me contenter du (déjà
trop large) contenu exposé ci-dessus.
D.
Balades
Enfin, puisque la saison s'y prête, j'ai aussi mené quelques périples
sylvestres (souvent nocturnes) dont certains commentés : la rencontre
de Jeanne Poisson en forêt de Sénart, le bois des Roches de Saint-Chéron (avec un bout d'Exposition Universelle), la voie Louis XIII en forêt de Verrières, ou encore
dans les champs de blé de la plaine de France, seul au milieu des
sangliers (périple complet)…
Voici
pour ces points d'étape. À bientôt pour de nouvelles aventures !