Carnets sur sol

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vendredi 30 octobre 2020

L'Hymne du Petit Confinement


Avez-vous été prévoyant ?


« Bonjour ma voisine,
Bonjour mon voisin,
Je n'ai point de pain ;
Mais j'ai d'la farine »


Messieurs Sedaine & Grétry vous expliquent comment faire pour améliorer vos relations de voisinage – voire, ne nous mentons pas, pour pécho en ces temps de crise, au moyen de quelques doubles sens bien sentis & manifestement approuvés par les Lumières.



[[]]


En plus clair : « Femme inconnue, viens te mettre sous ma protection, je puis pourvoir à tes besoins ! », pour ne pas dire « Femme, ramène tes miches ! ».

(Le comment du pourquoi est lisible en détail dans cette notule de 2015, prophétique.)

lundi 26 octobre 2020

Concerts sur sol de la saison maudite 2020-2021


Depuis quelques saisons à présent, je délègue mes comptes-rendus de concert à Twitter, où je gribouille quelques impressions dans le métro retour. Vous pouvez les retrouver par le lien « comptes-rendus des concerts » en rouge en haut du site. C'est aussi une façon de mieux se conformer au caractère éphémère de ces recensions, que j'étais toujours embarrassé de confier à CSS au détriment de notules réutilisables.
Néanmoins, le format étant difficilement importable depuis les plates-formes privées, et m'apercevant que j'essaie d'aller voir principalement des œuvres rares, et de présenter un peu leur spécificité, leur contenu (avant que d'essayer d'exprimer si j'en ai aimé ou non les interprètes, ce qui n'a guère d'intérêt que pour les copains qui me connaissent, je crois), j'aimerais avoir un espace où l'écrire / le reporter si nécessaire, de façon à ce qu'il soit possible d'en retrouver trace dans les archives du site.

Je commence par essayer de les placer dans les commentaires de cette notule.

Tentative, donc.

Dienstag de STOCKHAUSEN – bombardements, Stabat Mater et Teletubbies


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#ConcertSurSol #41 : Dienstag aus Licht de Stockhausen

Solistes chant : Élise Chauvin, Léa Trommenschlager, Hubert Mayer, Damien Pass, Thibaut Thezan
Solistes instrument : Henri Deléger, Mathieu Adam, Sarah Kim
Ensembles : Le Balcon, Élèves du CNSM, Jeune Chœur de Paris
Chefs : Richard Wilberforce, Maxime Pascal
Mise en scène : Damien Bigourdan
Projections vidéo : Nieto

Expérience folle comme il se doit. Le Balcon a entrepris une intégrale de Licht de Stockhausen (près de 30h de musique, répartie en 7 opéras écrits de 1977 à 2003), au rythme effréné d'un opéra par an – il qui doit s'achever à l'automne 2024, et culminer dans un Festival Licht où les 7 opéras seraient donnés successivement (ceci me paraît un peu ambitieux tout de même, mais les 7 seront vraisemblablement donnés).

Particularités

Ce ne sont pas des opéras à proprement parler, pour plusieurs raisons.
→ Beaucoup de fragments préexistent, ou sont détachables (ici, la Pietà ou encore la Course des Années ont été données de façon autonome, par exemple ; de même dans d'autres volumes pour l'emblématique Quatuor aux Hélicoptères).
→ Une large partie de ces œuvres consiste en des pièces autonomes purement instrumentales, chacun des trois personnages principaux du cycle pouvant être représenté par un instrument : le soliste vient sur scène et exprime dans une pièce solo, qui peut être assez longue, les affects de son personnage. La flûte de la langue de Lucifer (dans Samstag), la trompette (ou le bugle, comme ici pour la Pietà) pour Michael, la clarinette (ou le cor de basset, par exemple dans Donnerstag) pour Eva, le trombone pour Lucifer. Dans ce Dienstag, le grand moment de bravoure solo tient dans la Pietà où la mort d'un soldat de Michael (qui se révèle Michael lui-même) est caractérisée par le remplacement de la trompette par le bugle plus doux et mélancolique (visuellement reconnaissable à sa forme arrondie, comme un gros cornet) tandis qu'Eva tient lieu de mère affligée, long duo suspendu de déploration – et d'une forme de résurrection.
L'action reste élusive, des fragments qui ne produisent pas d'intrigue, plutôt une unité dans la démonstration spirituelle (chaque volet se trouve ainsi associé à une couleur, un corps céleste, des vertus). Pour Mardi, placé sous le signe de Mars, l'affrontement hardi et la réconciliation se mêlent.

Autres spécificités :

→ L'opéra fonctionne en convoquant divers groupes instrumentaux, et non un orchestre constitué. Pour Dienstag, une armée (oui, ils se font réellement la guerre) de trombones pour Lucifer fait face à une armée de trompettes pour Michael, le double (angélique bien sûr) de Stockhausen à qui le compositeur prête son enfance (dans Donnerstag en particulier) et ses aspirations. Pour la Course des Années, quatre groupes instrumentaux coexistent (un d'harmoniums, un de piccolos, un de hautbois, et le clavecin). Un univers sonore qui ne part pas du modèle imposé 1 intrigue + 1 orchestre constitué, mais réinvente l'ensemble des moyens et objectifs d'une œuvre lyrique.
→ Dans cette perspective, la bande préenregistrée tient une place importante (et même prédominante dans Dienstag), avec un résultat qui me paraît essentiellement un bruit de fond désagréable physiquement, mais qui sert dans la plupart des opéras de base aux récitatifs, en particulier lorsque Michael et Lucifer dialoguent. Je trouve que cet aspect a beaucoup vieilli.
→ Les chanteurs sont sonorisés, et on ne peut guère faire autrement pour pouvoir rivaliser avec les bandes pré-enregistrées et surtout avec les quasi 10 trompettes + 10 trombones… Même avec la sonorisation, les voix sont largement couvertes par les cuivres en furie lors de la bataille.
Lucifer, même s'il est le repoussoir, n'est pas exactement le principe du mal, plutôt une autre approche de la vie… l'ensemble du cycle, inspiré par les lectures ésotériques de Stockhausen (Le Livre d'Urantia en particulier) et ses voyages au Japon, constitue de toute façon un gloubi-boulga mystique très personnel, mêlant transcendance et idéalisme catholiques avec des pensées d'équilibre davantage extrême-orientales… Sto écrit : « Lucifer est hostile à l'expérimentation du temps, à l'expérience de l'évolution, au dévleoppement de formes de vie plus hautes à partir de matière inconsciente – ce qui constitue un essai génétique dont on n'a pas nécessairement besoinn, puisque les êtres spirituels sont conscients. »  On voit à quel point cette position (qui est, dans sa version des origines, la raison de la révolte de Lucifer !) est plutôt celle de l'Église catholique en réalité (dont il se réclamait, il me semble), que de puissances infernales !

Structure de Dienstag :
Comme chacun de ses opéras, Mardi s'organise en Salut, Adieu et longs tableaux intermédiaires (2 ici).
Salut mettant en scène les deux forces contraires : section de trompettes (menée par le ténor Michael) et section de trombones (menée par la basse Lucifer) s'opposent, tandis que le chœur pose sa lourde polyphonie par-dessus eux en exposant leurs principes (liberté en Dieu / liberté sans Dieu). Très beau moment, spectaculaire entrée en matière, baignée aussi visuellement dans leurs couleurs respectives.
→ La Course des Années, où quatre coureurs du système décimal (de l'année au millénaire) sont arrêtés par les tentations de Lucifer et relancées par les incitations de Michael. Chacun est rattaché à un groupe (3 harmoniums, ou 4 piccolos, ou 4 hautbois, ou clavecins, avec leurs percussions respectives).
→→ J'admets ne pas trop comprendre le piment du jeu – les tentations ne sont pas très spectaculaires (des fleurs, un bon repas, un singe dans une voiture, une jolie femme !), évidemment Michael gagne, et surtout le déroulement de l'ensemble est évident… on va jusqu'à 2020, on attend patiemment que les heures tournent, sur une musique qui ne change pas de principe. C'est la force poétique et la faiblesse de ces opéras : Stockhausen ménage des dispositifs extrêmement personnels, qui suscitent à chaque fois l'intérêt, et leur donne le temps de s'exprimer ;  la contrepartie est que le statisme des tableaux, une fois installé, peut lasser quand il n'y a pas par ailleurs de paramètres usuels d'intérêt repérables comme la mélodie reconnaissable, la tention harmonique, le changement de timbre… Moments poétiques longs qui peuvent s'attarder un peu trop et changer l'opéra en contemplation dans laquelle il est permis de ne pas entrer à chaque fois.
→→ Pour la Course des Années (qui a pourtant, comme beaucoup de pièces de ses opéras, été jouée séparément), j'avoue avoir été perplexe face au caractère très Teletubbies du message : Oh, Lala te montre qu'une décennie fait dix ans !  Oh, Po te montre qu'une décennie fait dix ans !  Oh, Tinky-Winky te montre qu'une décennie fait dix ans !…  Au bout d'une demi-heure, on se dit qu'il aurait peut-être pu en profiter pour instiller des concepts philosophiques difficiles ou des notions de géométrie non-euclidienne, manière de consacrer ce temps à quelque chose qui nous surprenne un peu plus que 10 x 1 = 10… (La musique n'en étant à mon goût pas exceptionnelle non plus, le moment est assez long.)
→ L'Invasion, grande bataille issue des souvenirs de jeunesse de Stockhausen sous les bombardements, essentiellement de gros bruits de fond en octophonie, où les trombones et trompettes ne se livrent bataille qu'à la marge. Désagréable physiquement, mais ni traumatisant émotionnellement ni passionnant musicalement, à mon sens. Le moment de grâce réside dans la Pietà : un soldat (Michael en réalité) tué est tenu par sa mère qui lui chante une berceuse funèbre. La trompette du soldat se change en bugle (plus doux) au moment où son âme s'envole et dialogue ainsi avec le soprano pendant une longue scène suspendue. Puis le mur de cristal se brise sous trois explosions et apparaît Synthi-Fou, le joueur de synthétiseur tribal qui réconcilie les belligérants.
→ L'Adieu est le troisième moment de poésie intense de l'œuvre : le chœur entre et bâtit une tension suspendue au-dessus du désordre des restes de la bataille et de l'ambiance de Synthi-fou.


Ressenti et conseils
→ Le temps peut donc paraître subjectivement long, mais l'originalité des dispositifs et la qualité poétique des chœurs et des soli méritent réellement l'expérience. Je suis plus réservé sur le caractère édifiant (Sto était vraiment dans son monde) et surtout sur l'usage de l'électronique (gros bruit de fond moche et sans beaucoup de relief), avec des bandes enregistrées qui contraignent l'interprétation sans rien apporter à la musique. On peut sans sacrilège, à mon sens, se permettre d'ouvrir un livre pour lisser les passages les plus répétitifs ou étendus sans être épuisé pour la suite. (Je défends, pour l'avoir quelquefois employée, cette pratique comme licite et absolument respectueuse… on peut ainsi reposer son attention brièvement, et revenir beaucoup plus présent dans la suite, surtout pour des dispositifs répétitifs et très peu mobiles comme les quatuors de Feldman ou l'opéra seria.)
→ Quand on voit la précision du dispositif visuel (reproduit très fidèlement par Damien Bigourdan à la Philharmonie – « un nouveau monde, à la lumière blanche, apparaît avec, sur un tapis roulant, des engins de guerre miniatures, que tirent à eux des êtres de verre » !), difficile d'en saisir la plénitude au disque, clairement, sauf à isoler les moments de réussite musicale et poétique qui, eux, saisissent immédialement. Le Salut de chaque opéra est en général remarquable, notamment. Choisir ses moments peut être la solution pour une écoute audio, comme le quatuor vocal de la première scène de l'acte I de Donnerstag, avec les ombres de ses parents tôt disparus.
→ Autrement, on peut se plonger dans le cycle Klang des années 2000, pièces instrumentales chambristes qui retrouvent ce même type d'atmosphère distendue et évocatrice, sans le même apparat scénique et conceptuel que les opéras – mais leur fatras bizarre contribue aussi à leur charme, aussoi biscornu soit-il. À l'opposé, bien sûr, on peut se passionner pour la célèbre expérimentation de jeunesse Gruppen (1957), immense sauce contrapuntique nécessitant trois chefs et un ensemble instrumental assez monumental, très impressionnant.

La parole de Sto
→ Selon Sto, Lucifer, chargé de la création de l'Univers, se révolte car l'administration centrale choisit son monde (Satania) pour créer des esprits à partir de matière. Chacun ses combats. « Lucifer est hostile à l'expérimentation du temps, à l'expérience de l'évolution, au développement de formes de vie plus hautes à partir de matière inconsciente – ce qui constitue un essaie génétique don on n'a pas nécessairement besoin, puisque les êtres spirituels sont conscients. »
L'acte III est censé s'ouvrir ainsi : « Entourée d'un précipice rocheux, la scène – et au delà la salle entière – se fait champ de bataille. » Intéressant pour les représentations en milieu montagneux.
→ On se souvient peut-être du déluge de critiques qui avaient plu sur le malheureux lorsqu'il avait désigné, se référant à la logique de sa propre mythologie, les attentats du 11 septembre 2001 comme un « chef-d'œuvre [de Lucifer] ». Il parlait bien sûr, comme toujours, de son propre imaginaire, mais la chose avait été assez mal reçue à l'époque.
→ Et puis, pour le plaisir, quelques extraits de l'entretien-culte avec Éric Dahan en 2004 :
→→ Des désirs simples. « Il y a une grande ignorance de ma musique en France. On n'y joue jamais mes dernières oeuvres et notamment Licht, mon opéra de 35 heures. Lorsque l'administrateur de l'Ensemble intercontemporain (EIC) m'a contacté pour assurer la projection sonore des oeuvres qu'ils allaient jouer, j'ai demandé un nombre de répétitions qui m'a été refusé. Etre synchrone avec la bande magnétique de Kontakte exige du chef et de l'ensemble plusieurs semaines de maturation. L'EIC l'a donnée pour mes 70 ans, et j'ai été très triste après cette exécution. »
→→ Sur les autres musiques amplifiées que la sienne. « Que pensez-vous du fait que la Cité confronte votre oeuvre avec celles d'Irmin Schmitt et David Toop, qui viennent du rock ou de l'électronique ? — C'est complètement idiot... La musique pop est un divertissement, et ma musique requiert au contraire une véritable éducation, qui seule permet de percevoir le détail rythmique, harmonique ou timbral. Il faut connaître mille ans de musique, comprendre les lois de composition et leur évolution, la façon dont les premiers maîtres de la polyphonie ont su, à partir d'éléments comme des thèmes ou des motifs concevoir et développer une forme organique. C'est une tout autre culture. Je suis en contact permanent avec des gens du monde entier qui étudient mes partitions, viennent assister aux créations. Depuis sept ans, 140 musiciens de 25 pays participent aux cours que je donne pendant dix jours, à Kürten, où j'habite. Le soir, plus de 400 personnes assistent aux concerts donnés par des ensembles de musiciens qui jouent ma musique mieux que personne au monde. Allez jeter un oeil sur mon site www.stockhausen.org, et vous comprendrez. »
→→ Sur la surdité. « Que pensez-vous de la mise en perspective de votre Mantra pour deux pianos et électronique, qui date de 1970, avec les Variations Diabelli de Beethoven ? — Je ne vois aucun rapport entre ma musique et celle de Beethoven, et ce concert est une très mauvaise idée, car après les 75 minutes de Mantra on ne peut plus rien entendre. »


Programmer c'est prévoir
→ Maxime Pascal, après avoir donné Donnerstag à l'Opéra-Comique en 2018, Samstag à la Cité de la Musique (& Saint-Jacques-Saint-Christophe en dernière partie !),  Dienstag samedi dernier dans la grande salle de la Philharmonie de Paris, a déjà planifié les prochaines créations, globalement dans l'ordre de composition (Montag et Dienstag ont été inversés) : Montag à la Philharmonie le 15 novembre 2021, puis pour les automnes suivants, dans des lieux à définir, Freitag en 2022, Mittwoch (et ses hélicos) en 2023, enfin Sonntag en 2024 !  Le but étant de tout redonner ensuite dans un format festival où les sept opéras seraient entendus.

À bientôt pour davantage de Sto !

jeudi 22 octobre 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 13 : Huygens, Gedalge, van Waas, de Vriend, Strauss à vent, Winterreise nawak


Que s'est-il passé au disque en octobre ?

Je change un peu de présentation pour classer autrement que par arbitraire ordre d'écoute.

Du vert au violet, mes recommandations… remplacées par des .
♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu.   (aucun cette semaine)
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)

En rouge, les nouveautés.


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OPÉRA & musiques de scène


Côté opéra, qui l'eût cru, c'est un Donizetti enfin documenté qui attire le plus mon attention…

Monteverdi – Orfeo – I Gemelli, Gonzalez-Toro (Naïve)
→ Belle version dynamique et nette, qui ne m'a pas paru apporter de nouveautés marquantes dans l'instrumentation et autres choix esthétiques, et dont les voix ne sont pas typées. Une excellente version, néanmoins pas prioritaire dans le cadre de la très riche discographie. (Petit plaisir d'entendre Zachary Wilder dans son rôle étendu de Berger !)

Lully - La Grotte de Versailles, Georges Dandin - Jarry (CVS)
→ La Grotte n'est pas le Lully le plus palpitant, et la manière assez tendre, pour ne pas dire indolente, de Jarry accentue sans doute encoe cet aspect peu tendu de l'œuvre – de même que les voix moelleuses, un peu ouatées, peu typées… (Le disque Reyne faisait une proposition autrement colorée et évocatrice !)
→ Sous ce traitement, le charmant Dandin sombre lui aussi dans une uniformitée policée qui, je dois l'aouer, m'exalte assez peu.
(→ Pourtant, les vidéos prises lors de l'enregistrement sont beaucoup plus électrisantes – lissage artificiel lors de la post-production ?)

Donizetti – L'Ange de Nisida – El-Khoury, David Junghoon Kim, Naouri, Priante ; ROH, Elder (Opera rara, mars 2019)
→ Double histoire d'inachèvement que cet Ange. Commandé en 1834 par le Théâtre de la Renaissance Donizetti y inclut des éléments de son Adelaide inachevée. La partition est écrite en 1839, mais alors même que les répétitions avaient commencé, la troupe fait faillite. L'œuvre n'est jamais représentée. De ce fait, vous retrouverez dans cette partitions beaucoup d'endroits que Donizetti réutilise, la même année, pour confectionner La Favorite, sur une intrigue similaire (le jeune homme éperdu d'amour idéal qui se retrouve à épouser la maîtresse du roi), passant de l'Italie à l'Espagne, et remaniée par Eugène Scribe.
→ Belle interprétation ; Elder a peu de mordant ici, mais la captation qui rend très présents à la fois les chanteurs et l'orchestre, permet une écoute optimale.
→ Vocalement, très belle version, en particulier chez les hommes, bon français, et très expressif comme on s'en doute chez les électrisants Naouri et Priante.
→ Belle découverte qui manquait, parmi le legs français de Donizetti ! Je trouve même le livret plus palpitant que celui de La Favorite : des épisodes comiques menaçants (façon Fiesque ou Ruy Blas, disons), moins d'airs, des échanges / affrontements / contrats plus mobiles, un peu plus de mystère aussi. Mais n'en attendez pas de révélation si vous connaissez la Favorite : les meilleurs morceaux y ont été réutilisés, et il y manque ses solos marquants.

Donizetti – L'Ange de Nisida – Lidia Fridman, Konu Kim, Sempey, Roberto Lorenzi ; Donizetti Opera O, Tingaud (Dynamic, octobre 2020)
→ Étrange initiative de publier, à si peu d'intervalle après la luxueuse version d'Opera Rara il y a dix-huit mois, cette version plus fruste – ténor certes intéressant (beau timbre, bonne prononciation, mais il reste des raucités fréquentes chez les chanteurs chinois et coréens), mais la justesse moyenne des cordes, accentuée par la prise de son comme souvent très contre-productive de Dynamic (zoom sur les trous dans le spectre orchestral, voix rejetées en arrière), rend l'écoute moins confortable.
→ Version tout à fait décente au demeurant, mais paraissant juste après une autre sensiblement plus aboutie, la nécessité de l'acquérir (voire de l'écouter) ne paraît pas évidente. [Oh, je me rends compte que la version physique de l'objet est un DVD et non un CD, ce qui change en effet l'intérêt de la chose… ce doit être très agréable avec le visuel !]

Moniuszko
– Paria – Poznan PO, Borowicz (DUX)
→ Opéra de jeunesse de Moniuszko, écrit sur un thème non local (intrigue bouddhique à Bénarès) pour séduire le public européen d'après une pièce de Casimir Delavigne… sur un livret en italien d'un auteur polonais.
→ Résultat assez standard comme on pouvait le craindre, un des opéras d'école italienne comme on en a tant produits, sans grande inspiration mélodique, impact dramatique ni effets d'harmonie ou d'orchestration. L'équipe de chanteurs polonais prononce de surcroît un italien assez peu savoureux.
→ Donc assez secondaire, en rien une urgence, sauf pour la curiosité d'entendre Moniuszko en italien. L'œuvre n'eut pas de succès non plus en son temps.

Verdi – La Traviata – Duo Germont-Violetta par Santini-Callas-Savarese, Mugnai-Callas-Campolonghi, Giulini-Callas-Bastianini, Rizzi-Grubverová-Zancanaro, Callegari-Devia-Zancanaro, Muti-Fabriccini-Coni, Pritchard-Sutherland-Merrill, Votto-Scotto-Bastianini…

Verdi – La Traviata – Studer, Pavarotti, Pons ; Met, Levine (DGG 1992)
→ De mauvaise fame et pourtant chantée au plus haut niveau, de façon impeccable techniquement et très frémissante.

Godard – Le Dante – Gens, Montvidas, Lapointe; Radio de Munich, Schirmer (Singulares)
→ Livret toujours aussi nul, de jolies choses dans la musique et une distribution de feu !


RÉCITALS VOCAUX (pouah)

Haendel – « La Francesina, Handel's nightingale » – Sophie Junker, Le Concert de l'Hostel Dieu, Franck-Emmanuel Comte (Aparté)
→ Beau disque, programme original pour un récital Haendel (beaucoup d'airs d'opéras anglais peu joués), et interprètes remarquables de style et de vivacités, très bien captés. Avouerai-je une petite frustration d'entendre Sophie Junker, très grande déclamatrice (adorée dans Erlkönigs Tochter de Gade aussi bien que dans le premier XVIIe italien chez Rossi…), se prêter à l'agilité ostentatoire du seria où l'aération de son timbre paraît moins un atout ? Ce n'était pas le répertoire où j'avais envie de l'entendre s'épanouir : j'entends un bon disque Haendel là où l'on pourrait avoir du lied ou des cantates XIXe absolument saisissants, voire du XVIIe de haute volée.


MUSIQUE SACRÉE

Abondance de biens comme chaque semaine de ce côté : disque particulièrement abouti de la SWR, varié et prenant, très loin des habituelles joliesses des albums de Noël (si vous êtes abonné à Qobuz, on m'y a commandé, il y a un an, une présentation de l'ensemble de la discographie du chœur) ; formidable démarche et intégration du disque Jarry que j'avais commenté en son temps, et encore tout récemment ; une excellente surpris de Jommelli ; Huygens le meilleur compositeur de petits motets à la française ?

Constantijn Huygens: Pathodia Sacra & Pathodia Profana – Auvity, Rignol, Van Rhijn (Glossa)
→ Corpus majeur du motet à voix seule, on ne fait pas plus prosodique / harmonique / rhétorique que ça ! Mais déception après les avoirs entendus en concert : Auvity est mal capté, la voix sonne avec dureté et étrangeté, trop près des micros, sans respirer dans un espace plus vaste… Un peu inconfortable à l'écoute alors que le niveau artistique est fabuleux. (De ce fait je recommande en priorité le disque Kooij, excellent aussi, qui ne souffre pas cette réserve.)

Constantijn Huygens: Pathodia Sacra & Pathodia Profana – Anne Grimm, Brummelstroete, van der Meel, Kooij – Leo van Doeselaar (NM Classics)

Balbastre, Dandrieu, Daquin : noëls populaires et pour orgue – Pages du CMBV, Jarry (CVS)
→ Déjà commenté à sa sortie en novembre 2019, puis dans une notule spécifique.

Jommelli – Requiem – Piau, Vistoli, R. Giordani, M. Lombardi, Rillevi, Cadel, Salvo ; Ghislieri O, GIulio Prandi (Arcana)
→ Connu pour ses opéras seria dans un style à la jointure du dernier baroque et du premier classique (dont les caractéristiques sont les airs très longs et l'effort d'adjoindre des contrechants de vents dans l'orchestre), Jommelli révèle ici une tout autre facette (il n'en existait, je crois, qu'un autre enregistrement, chez Bongiovanni).
→ Épuré, recueilli, persuasif, peu d'effets extérieurs, son harmonie apparaît beaucoup plus sophistiquée qu'à l'ordinaire, approchant une grâce digne des grands Mozart.

♥  Gibbons, Parsons, Byrd, Ord, Wishart, Howells, Holst, Vaughan Williams, Britten, Ravenscroft, Poston, Wilcocks, Adès, traditionnels – Christmas Carols – SWR Vokalensemble (Hänssler / SWR Classik)
→ Nombreux cantiques de Noël de langue anglaise, remarquablement choisis (pièces toutes passionnantes, pas trop homogène à l'écoute, mais interprétation qui leur procure une cohérence malgré leurs provenances très diverses), parcourus avec une simplicité frémissante par l'Ensemble Vocal de la SWR (au legs exceptionnellement divers). Vivement recommandé.


CONCERTOS


Émerveillement pour l'interprétation de Weber. Et retour à mon chouchou bassonné Hummel.

Vivaldi – Les Quatre Saisons – Jaap van Zweden, Combattimento Consort Amsterdam (Challenge Classics, 2016)
→ Sur instrument modernes (me semble-t-il à l'oreille), mais sans vibrato, version d'une virtuosité impressionnante permise par les instruments récents, tout en exposant une netteté et une fureur propre aux versions « musicologiques », une très belle proposition !

Dussek, Eberl, Beethoven, Eybler – « Beethoven's World » : concertos pour deux pianos, Gratulations-Menuett, Follia d'après Marais – Tal & Groethuysen, Radio de Francfort, Goebel (Sony)
→ Encore une superbe réussite de Goebel sur instruments modernes, mais ce volume me séduit moins que les précédents : pas de révélation vertigineuse sur le plan du programme. Des concertos pour piano bien faits parmi tant d'autres – et ce n'est pas mon genre de prédilection. Les volumes consacrés aux concertos pour violon de Clément ou aux concertos pour deux violoncelles de Reicha et Romberg étaient autrement stimulants !

Weber, Kurpinski – Concertos pour clarinette – Hoeprich, Orchestre du XVIIIe s., van Waas (Glossa)
→ Ces timbres, ces gradations en dynamiques, harmonies, en grain ! Van Waas transfigure ces œuvres qui paraissaient un peu monumentales en un univers frémissant de vie, très théâtral, comme issu en ligne directe de la dramaturgie de Gluck, la palette compositionnelle étendue des romantiques en sus !
(→ Le court concerto en un mouvement de Kurpinski est moins marquant, d'où le classement en section « interprétations ».)

Hummel – Concerto pour basson – Luoma, Tapiola Sinfonietta, Nisonen (Ondine)
→ Bijou de légèreté (très informée musicologiquement), ma version chouchoute pour ce concerto à la verve merveilleuse !

♥  Hummel – Concerto pour basson – Kuuksman
→ Pour du grain et du terroir, le sommet. Le Mozart est aussi superbement réussi, une de ses grandes lectures !

Paganini – Violin Concertos 1 and 2 – Rudolf Koelman, PBSO, de Vriend (Challenge Classics, 2012)
→ Très belle version mobile et vivalnte, mais moins radicale qu'avec La Haye dont de Vriend est directeur musical, évidemment. Ouverture très réussie de Matilde di Shabran, crescendo rossinien remarquablement maîtrisé.

Mendelssohn – Concertos pour 2 pianos – Ammara, Prosseda, Den Haag, Vriend (Decca 2019)
→ Celui en la bémol procède vraiment de l'imaginaire mozartien. Œuvres de prime jeunesse sans doute, assez peu marquantes (ce qui en fait, en soi, des œuvres à connaître : c'est si rare chez Mendelssohn !).

Moszkowski: Piano Concerto in E Major – Matti Raekallio,Tampere PO, Leonid Grin (Ondine)
→ Correspond bien davantage que la découverte émerveillée de ses Suites orchestrales… au préjugé que j'en avais. Du gentil néo-Chopin (très) bien fait, certes, mais pas particulièrement décoiffant de singularité. (Petit côté fanfare de cirque qui me plaît bien dans le final…)

Finzi, Vaughan Williams, Holst, J.  Gardner, Arnold, Stanford, J. Horovitz, P. Hope, G. Jacob, Rawsthorne, Leighton, H. Blake, Gunning, C. Lambert, Fogg – « My England », concertos anglais pour bois – Groves, Wordsworth, Bolton, P. Daniel… (Universal 2015)
→ Des raretés absolues dont certaines très stimulantes !  En cours d'exploration.


SYMPHONIES & poèmes orchestraux

Exploration partielle du fonds La Haye / de Vriend. Très convaincant dans l'ensemble, avec un faible particulier pour cette Neuvième de Schubert qui vient de sortir, et cette Première Sérénade de Brahms hors du commun. Sinon, Arriaga dans une lecture plus tradi que Savall, mais tout aussi aboutie… La Symphonie de Mantovani tient ses promesses, plutôt le meilleur de l'auteur – en revanche il ne faut pas en attendre de neuf, c'est du vrai Mantovani typique.

Beethoven – Intégrale des Symphonies et des Concertos – Den Haag, de Vriend (Challenge Classics)
→ Belle intégrale dans le genre « musicologique », sur instruments modernes (pas les cuivres manifestement, à l'oreille !), qui fouette avec un brin de sècheresse ces œuvres, très animées mais à mon sens un peu au détriment de la structure : lecture très verticale, dont les lignes s'interrompent vraiment lors des sforzati (dans l'esprit, à comparer avec Harnoncourt dans son intégrale avec le COE).
→ Des aspects électrisants, mais dans le même genre, on dispose de discours plus fouillés, variés, colorés.

Schubert: The Complete Symphonies Vol. 1. Symphony No. 2, D. 125 / Symphony No. 4, D. 417, Residentie Orkest The Hague, Jan Willem de Vriend (Challenge Classics, septembre 2018)
→ Moins convaincu que par les autres volumes. Vif et claquant, mais pas très touchant.

Schubert: The Complete Symphonies Vol. 2 (Symphony No. 1, D. 82 / Symphony No. 3, D. 200 / Symphony No. 8, D. 759 – Residentie Orkest Den Haag, Jan Willem de Vriend (Challenge Classics, mai 2019)
→ Vivement fouetté comme ses Beethoven, cela fonctionne très bien pour ces symphonies. (J'aime moins pour le couplage 2 & 4 de 2018.) Là encore, pas le lieu de la poésie, plutôt une façon très dynamique de susciter ces œuvres, avec une certaine homogénéité dans la durée.

♥  Schubert: The Complete Symphonies Vol. 3: Symphony No.9, D.944 – Residentie Orkest Den Haag, Jan Willem de Vriend (Challenge Classics)
→ Splendide Neuvième atypique, pleine de vivacité, qui semble courir sans fin pendant sa vaste durée, on perd de vue l'impression de longueur, et l'infini se ressent dans la perpétuation de la précipitation. J'aime beaucoup – même si la dimension poétique des belles courbes mélodiques ou de certaines modulations est moins au premier plan que la dimension motorique ajoutée.

Arriaga – Symphonie – Mackerras (Hyperion)
→ Mackerras encore tradi (pas le baroquisant des dernières années), avec un son d'orchestre moelleux (un peu trop même lorsqu'adviennent les doublures de bois sur les cordes vibrées), mais on sent qu'un très grand chef est aux manettes dans le frémissement constant des phrasés ! Seule petite réserve, le thème B de l'Andante (point culminant de la symphonie pour moi, un peu comme le climax du mouvement lent du Quatuor de Debussy – il faut impérativement le réussir !) qui n'est pas ineffable au même point que Savall, mais pour tout le reste, c'est absolument passionnant, en effet une alternative complètement valable et exaltante, quoique non « musicologique », de cette œuvre qui méritait pleinement ces grandes lectures !

Brahms – Sérénade n°1, Variations sur un thème de Haydn – Den Haag, De Vriend (Challenge Classics)
→ Incroyable de parvenir à produire une Première Sérénade d'un tel éclat, pas du tout dans la contemplation pastorale, mais spectaculaire comme peuvent l'être les Variations sur Haydn (moins surprenantes de ce fait). Grande lecture très originale de cette page, qui sonne totalement différemment de la pâte brahmsienne habituelle, plus élancée et insolente !

Massenet – Brumaire, Visions, Espada, Les Érinnyes, Phèdre – Royal Scottish NSO, Tingaud (Naxos)
→ Impressionné par Brumaire, Visions et Phèdre, qui témoignent d'un sens dramatique avancé ; les deux Suites plus spécifiquement attachées à la scène sont beaucoup moins passionnantes à mon gré.
→ Un peu déçu que Tingaud tire moins de couleurs du prestigieux Royal Scottish que de (l'excellente, certes) RTÉ irlandaise, mais belle lecture dynamique, malgré les timbres assez blancs – et la prise de son un peu dure.

Strauss: Metamorphosen, TrV 290 – Sinfonia Grange au Lac; Salonen, Esa-Pekka (Alpha, septembre 2019)
→ Grain individidualisé, tension de l'arche, grande version !

Prokofiev – Symphonies 1,2,3 – Bergen PO, Litton (BIS)
→ Versions captées avec l'aération de BIS et la beauté de Bergen, mais je ne leur ai pas trouvé la fermeté directionnelle ni la netteté (réverbération un peu forte pour cette musique ?) des grandes intégrales que je fréquente d'ordinaire (Weller par-dessus tout, Kitajenko, Gergiev…).

Pino Donaggio – Prélude pour Blow Out de De Palma – Sinfonica di Milano
→ Thème sirupeux postrachmaninovien assez standard, avec un petit côté variétaire dans le solo (sous-Concerto en sol), moui.

Bollon – Œuvres orchestrales – Radio de Sarrebrück, Nicholas Milton (HM)
→ Par le grand chef qui nous a révélé les mérites de Magnard dans ses récentes parutions des Symphonies, voici des compositions.
→ Étrange pièce avec flûte à bec amplifiée et modifiée par ordinateur (inconfortables disproportions, lorsqu'on écoute au disque), puis pièces assez planantes et tendues, avec des frottements menaçants assez habituels, des cordes dans le suraigu, des bouts de beat, tout cela surnageant dans une forme que je n'ai pas réussi à définir. Pas déplaisant, mais je n'ai trouvé cela ni très singulier ni très passionnant, je l'avoue.

♥  Mantovani – Symphonie n°1 « l'idée fixe », Abstract – Coppey, Monte-Carlo PO, Rophé (Printemps des Arts de Monte-Carlo)
→ Toujours cette écriture où l'on semble glisser d'un motif à l'autre par les timbres, au sein d'une pensée orchestrale en strates vraiment riche, animée, ludique à suivre. Une musique totalement atonale qui suit un parcours accessible, il y a de quoi toucher un plus vaste public qu'à l'ordinaire.
→ Et le Philharmonique de Monte-Carlo est superbement capté !


MUSIQUE DE CHAMBRE

Grand coup de cœur pour les œuvres pour vents de Strauss, qui n'a pas beaucoup brillé dans la musique de chambre… sauf, manifestement, lorqu'elle peut faire du bruit !  Savoureusement interprétées ici. Gedalge également, très belle découverte (sa Première Sonate aussi, pas enregistrée mais entendu au concert il y a quelques jours) !

Schubert – Quatuors n°4, 12 & 14 – Arod SQ (Erato)
→ Encore un jalon dans la jeune génération de quatuors très ardents dans ces pages depuis la rupture épistémologique des Jerusalem, qui ont ouvert une brèche depuis brillamment empruntée par les Ehnes, Novus, Cremona… À un degré de nouveauté certes moindre, les Arod impressionnent aussi par l'engagement absolu, le soin des textures et la tension qui émanent de leur appropriation d'aujourd'hui de ce quatuor.
→ Dernière variation du mouvement lent à pleine force, très impressionnante. Moins convaincu par la strette finale du quatuor : de loin la plus rapide jamais enregistrée, mais au point que le phrasé devient impossible, dommage.
→ Pas fanatique non plus que leur Quartettsatz, là encore surtout rapide, dans une œuvre qui a beaucoup d'autres choses à livrer ; en revanche leur Quatrième très fouillé permet de mettre à l'honneur la part de jeunesse des œuvres pour quatuor de Schubert, pas du niveau de ses derniers évidemment, mais parfaitement dignes d'intérêt dans un genre beaucoup moins typé et contrasté !

André Gedalge – Sonate violon n°2, concours trompette, trombone, mélodies – Laurenceau, Hacquard (Polymnie 2007)
→ Langage assez naturel et simple, ses mélodies chant-piano coulent de source, mais sa Sonate manifeste davantage d'ambition, très stimulante.

R. Strauss – Œuvres pour vents : Suite en si bémol, Sérénade en mi bémol, Sonate n°2 en mi bémol – Octophoros, Dombrecht (Passacaille)
→ Étrange mélange entre le Strauss contrapuntique sinueux qui affleure par moment et une écriture pour vents beaucoup plus traditionnelle, mélodique, sans ombre, une musique de véritable plein air, très homorythmique. Le vaste final de la Sonate est un modèle du R. Strauss lumineux, profusif et jubilatoire.
→ Je retrouve avec plaisir Octophoros et ses instruments anciens nasillards et capiteux, qui n'avaient pas trouvé de débouché disographique, me semble-t-il, depuis leur période chez Accent dans la décennie 2000.

♥  Walter Kaufmann – Quatuors, Septuor – Chamber ARC Ensemble (Chandos)
→ Incluant du folklore, assez calme et sombre, de belles œuvres accessibles mais sans superficialité. À approfondir.


SOLOS


Bach – Variations Goldberg – version harpe de Parker Ramsay (Label du King's College de Cambridge)
→ Très fondu et romantique, peu de contraste entre les sections, beaucoup de réverbération… je trouve qu'on y perd en richesse.
→ À l'opposé, je révère la lisibilité de la version de Catrin Finch (DGG 2009), acérée, variée, n'hésitant pas à travailler l'irrégularité des phrasés, à changer le tempo entre variations. Une très grande lectures de ces pièces, qui mène au niveau supérieur le changement d'instrument. Dommage pour Ramsay, donc.

Chaminade : Callirhoé Op.37 n°3 : pas des écharpes, Erik Parkin (Chandos 1991)
→ Charmant. Mais le lien avec Callirhoé n'est pas évident.


LIED & MÉLODIE

Splendides duos rares, un Winterreise totalement bizarre, une réédition salutaire d'un des meilleurs disques d'airs de cour de tous les temps… De quoi être content cette semaine.

♥  Lambert – Airs de cour – Mellon, Feldman, Laurens, Visse, Cantor… ; Les Arts Florissants (réédition HM)
→ Réédition.
→ La façon d'orner et de gérer le tempo a changé depuis l'enregistrement de ce disque vénérable, mais tout reste merveilleux ici, notamment la typicité de ces voix étroites, qui mettent le timbre et le texte au premier plan, loin des profils beaucoup plus couverts / ouatés qui prévalent aujourd'hui (même chez Christie).
→ Un Lambert vibrant et plein de poésie, chanté souvent à plusieurs mais avec la précision d'inflexion d'une interprétation monodique, pour un corpus qui sert lui aussi l'expression d'un goût suprême.

Schubert – Die Winterreise (arrangement Wolf & Siegmeth pour récitant, sax et archiluth) – Stefan Hunstein, Axel Wolf, Hugo Siegmeth (Oehms)
→ Encore un Winterreise bizarre. Mais celui-ci ne se contente pas de faire jouer la musique par des instruments exotiques, il offre une lecture intégrale des poèmes (remarquablement dits par Hunstein), accompagnée / entrecoupée par l'interprétation des thèmes écrits par Schubert. Quelquefois en entier, quelquefois avec variations, quelquefois par bribes, ou encore des sortes d'improvisations vaguement inspirées par le motif d'origine. Des bouts d'atmosphères qui surnagent autour du poème.
→ Et par deux instruments tout à fait inattendus (le sax ténor fait vraiment trop musique de cave enfumée pour l'esprit recherché, mais le sax soprano, la clarinette basse, et surtout le théorbe et l'archiluth parviennent capturer de réelles beautés bien présentes dans le cycle initial, et à le redéployer (ce qui est rarissime) sans le ridiculiser ni l'affaiblir. J'y retrouve tout le plaisir du Winterreise, mais selon une autre méthode, en quelque sorte. À essayer pour renouveler son approche, en particulier poétique !

Mendelssohn, Brahms, Gounod, Delibes, Massenet, Fauré, Chausson, Saint-Saëns… – Lieder & mélodies en duo « Deux mezzos sinon rien » – Deshayes, Haidan, Farjot (Klarthe)
→ Programme enthousiasmant, qui n'a rien (comme aurait pu le suggérer son titre) d'un récital de bis aimables, mais propose des pièces pleines de saveur, légères comme profondes.

Duparc – Phydilé – Sen Ren (sur son Facebook)
→ Belle diction, voix sonore et saine.

Mélodies suédoises (flonflons Björling, « art song » de Söderström, von Otter, monographie Melartin…)


LISTE D'ÉCOUTES à (re)faire

(cette section contient beaucoup de citations de mes mécènes en suggestions, copiées-collées dans mon dossier !)

L'Oiseau de feu, Suite du ballet (1945)
= Igor Stravinsky, Orchestre philharmonique de New York
(Columbia, janvier 1946)dusapin nigl

Die Bakchantinnen wellesz

Nordic Autumn? Ce sont des mélodies avec orchestre de Rangström, Madetoja et Palmgren et Luonnatar de Sibelius - par Camilla Nylund et Ulf Schirmer avec le Münchner Rundfunkorchester?lazarevitch îles britanniques / getchell
• Nobody’s Jig. Mr Playford’s English Dancing Master
- elfin knight frederiksen

Christoph Prégardien: ténor Christoph Schnackertz: piano Moniuszko:traduits en français par Alfred des Essarts.
Paderewski: Douze mélodies Catulle Mendès op.22.

Rihm – Das Rote

tintagiles RVW, loeffler

Sous l'eau du songe
Lieder and melodies by Lili Boulanger (1893-1918), Alma
Mahler (1879-1964) and Clara Schumann (1819-96)
Maria Riccarda Wesseling (mezzo-soprano), Nathalie Dang (piano)
→ Krogulski/Nowakowski (Goerner)
→ Stolpe

HIGH ROAD TO KILKENNY (THE) - Gaelic Songs and Dances from the 17th and 18th Centuries (Getchell, Les Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch)→ Lazzari, . Effet de Nuit fait son effet, par contre, la symphonie est interminable et les autres pièces symphoniques pas palpitantes (j'ai même trouvé la rhapsodie spécialement niaise). son trio pour piano et sa sonate pour violon ravi

→ Joubert (hors quatuors, je n'ai pas pris de notes), : la symphonie No. 2 (moment ineffable dans le II avant un finale diabolique), le concerto pour hautbois (sombre et véhément) et les pièces chambristes. Le cycle vocal Landscapes, le trio pour piano avec beaucoup d'atmosphères, ses sonates pour piano, surtout la No. 2,
→ tailleferre
→ final choral 2e partie Theodora
→ hummel
→ Marshall-Luck pour la Sonate violon d'Elgar
→ Requiem de Kastalsky par Slatkin
→ dallapiccola vol de nuit→ Alla Pavlova musique de film sous étiquette symphonique. C’est très sucré
→ Stacey Garrop l’aspect narratif de ses pièces (sa symphonie Mythology collection de poèmes symphoniques
→ Ses quatuors
→ Lea Auerbach sa musique de chambre, souvent autour des variations, jeux de miroirs au sein de la même pièce ou entre les pièces (les mouettes du I dans son premier trio), ses motorismes, toutes ces choses et plus encore me transportent.
→→ Ses deux trios pour piano et ses 24 préludes (surtout ceux pour violoncelle et piano, même si violon et piano, un autre numéro d’opus, sont de haute volée) seraient mes premières recommandations.

→ Gloria Coates Noir, tourmenté, très râpeux
→ Rosalind Ellicott quelle verve mélodique ! Ses deux trios pour piano
→ En vitesse, Lucija Garuta a laissé un très beau concerto pour piano, Louise Héritte-Viardot 3 quatuors de belle facture, Rita Strohl un saisissant duo violoncelle/piano Titus et Bérénice. Elisabeth Lutyens m’a été très difficile d’approche, mais elle a définitivement des choses à dire.
→ Australiennes, comme Myriam Hyde, Elena Kats-Chernin et Margareth Sutherland (Women of Note, permet de se faire une idée des noms qui accrochent).

schleiermacher

moszkowski catalogue

hauer opéra

rubbra ccto pia, botstein

mephisto minnesota oue

callirhoe chaminade

tailleferre cc 2 pianos, hommage à rameau

barber sonata kenny
copland sonata

trauermusik haydn

voces8 marcello

compét' symphonistes brits

sawyer 4vaccai sposa messina

polonia panufnik

cantates jacquet
kinkel
holmès
bosmans
sokolovic
kapralova

nowowiejski org

comala

tout gold MDG : leipziger (gade, sibelius, schoeck), consortium…

tout Hortus Gde guerre

opéras CPO : pfitzner, fibich, weingartner, feuersnot…

delius mass of life

DUX bacewicz vln-pia

saygunmoeran songs

Emile Jaques-Dalcroze: La Veillée
par Le Chant Sacré Genève, Orchestre de Chambre de Geneve, Romain Mayor

abraham, hollaender





… de quoi vous amuser sous couvert d'échapper aux flammes.

samedi 10 octobre 2020

Dandrieu, Ives, Terterian : quand les disques expliquent – thèmes traditionnels émergés


Je voulais mentionner ici une nouvelle tendance qui semble se dessiner au disque et au concert : la mise en relation entre les œuvres canoniques et leurs sources populaires.

Ce concept, qui peut paraître évident (tant cette filiation récurrente se trouve partout soulignée dans les commentaires musicologiques) me semble en réalité assez rare, considérant le nombre de concerts (200) et de disques (pas loin d'un millier) que je peux consommer (enfourner ?) en une année. Et c'est grand'pitié, car on passe facilement à côté de l'esprit qui a présidé à la création, si l'on ne repère pas que la plupart des Requiem adaptent simplement les mélodies grégoriennes, ou que les plus géniaux thèmes de Tchaïkovski (les symphonies, les opéras…), Moussorgski (Boris Godounov, La Khovanchtchina en sont saturés !) et Stravinski  (final de L'Oiseau de feu…) proviennent du folklore ukrainien.

Combien de fois ne m'a-t-on fait la remarque « tiens, Kharachosovietski emprunte tel thème à Tchaïkovski », alors qu'il s'agit d'un thème populaire – non seulement la référence pensée par le compositeur n'était pas à Tchaïkovski, mais de surcroît Tchaïkovski lui-même doit être pensé comme un emprunteur. Le sujet est même éclairant sur le champ d'une perception culturelle plus vaste : quand on constate la quantité de thèmes populaires essentiellement ukrainiens (quelques imports de la Volga également) qui innerve la grande musique russe, on mesure mieux en quoi les destinées politiques de l'Ukraine peuvent apparaître comme un sujet de politique interne, pour ne pas dire intime, aux yeux (et oreilles) d'un Russe.
[Les Français ont fait de même, sous l'impulsion de d'Indy, mais leurs œuvres n'atteignent pas un tel degré d'intrication, sont moins diffusées au concert et au disque… et les mélodies moins reconnaissables que les modes ukrainiens traditionnels.]

De même, lorsqu'on se rend compte du nombre de thèmes grégoriens présents partout dans la musique (le Dies iræ est loin d'être le seul !), on mesure aussi tout ce que l'on manque sans la conscience de ce matériau essentiel. Pas seulement dans la musique sacrée.

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Or, dans ces tous derniers mois, trois disques (et un concert) ont paru en épousant cet méthode : donner au public les clefs. En concert, ce peut être facile et interactif, comme l'a fait dès 2019 l'Ensemble Poséidon d'Arnaud Condé pour son programme de Noël – les noëls traditionnels du XVIIe étaient chantés avant de faire entendre la Messe de Minuit et le Noët sur les instruments de Charpentier, ce qui permettait de relier non seulement les mélodies, mais aussi l'implicite des textes (« Joseph est bien marié », « Mais où vont ces gais bergers », etc.), à l'œuvre d'arrivée.

Au disque, cela signifie occuper de la place pour des œuvres non nobles – beaucoup d'auditeurs vont, au fil de leurs écoutes, laisser le disque tourner sans nécessairement y chercher la dimension pédagogique, surtout après l'avoir découverte une première fois –, donc prendre le risque d'un support moins « écoutable » que ceux qui enfilent les œuvres « principales ». (Une des raisons également pour lesquelles on n'enregistre pas toujours les dialogues parlés des opéras, ce qui constitue une erreur considérable à mon sens.)

Et pourtant, le résultat en est réellement stimulant intellectuellement, enrichit l'écoute même pour des oreilles ingénues, et surtout l'on peut découvrir des œuvres du folklore dans des conditions absolument optimales, avec de nouveaux doudous qui peuvent s'ajouter à nos expériences d'écoutes passées…




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Shoger Jan, de l'emblématique Komitas. (Pour deux zukras.)
(Disque du 4 novembre 2019.)

Ainsi, lorsque Karabits publie chez Chandos une nouvelle version des symphonies de Terterian, dont la Troisième qui convoque une paire de duduks (hautbois caucasiens) ainsi qu'une paire de zurnas aiguës (hautbois anatoliens, en bois d'abricot), il insère après sa symphonie deux duos-improvisations traditionnels pour faire entendre les zurnas (ou plutôt zukras, en arménien) dans leur habitat modal naturel. On entend ainsi à nu ces timbres très spécifiques – utilisés en musique de film pour évoquer les univers archaïques, tels Gladiator ou Game of Thrones… –, et jouant les intervalles qui leur sont habituels. Témoignage intéressant, qui évite de tendre l'oreille pendant la symphonie, et de n'entendre que la bizarrerie de leur emploi, dans une œuvre soviétique ambitieuse de 1975…

Je ne suis pas certain de recommander les œuvres en tant que telles – j'ai détesté les aplats uniformes, longs, très bruyants, un côté Orff-à-l'usine assez peu subtil –, mais des amis de confiance ont beaucoup aimé… et la démarche méritait en tout cas ce coup de chapeau !  (Œuvre très rare – il existe seulement une autre version, beaucoup plus confidentielle, de ces deux symphonies au disque –, et accompagnée du matériau pour en comprendre certains aspects.)




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In the Sweet By and By, cantique composé par Joseph Philbrick WEBSTER.
(Disque du 8 novembre 2019.)


Cette fois tourné vers le matériau thématique et non vers l'instrumentarium, le San Francisco Symphony, fidèle à sa vocation de vulgarisation de haut niveau sous Michael Tilson-Thomas, produit sous sa propre étiquette un enregistrement (très réussi par ailleurs) des deux dernières symphonies de Charles Ives, précédé à chaque fois de plusieurs cantiques que le compositeur-colleur inclut dans les strates inextricables de ses œuvres. Cantiques présentés sans coquetterie, très bien exécutés par le Chœur de l'orchestre avec simple accompagnement d'orgue : on entend réellement le matériau nu tel qu'il est présenté lors des cultes auxquels Ives a pu assister.

Or, si tout le monde sait que ces chœurs représentent réellement une part capitale des contenus thématiques de ces symphonies, tous les auditeurs (et en particulier de pays de tradition catholique !) n'ont pas du tout dans l'oreille les mélodies (ni les textes) des cantiques de Mason, Marsh, Webster, Bradbury, Glaser, Converse, Stites ou Zeuner !

L'écoute n'en est pas passionnante musicalement à proprement parler, mais demeure très brève (pas de reprises, juste le premier couplet), et surtout nourrissante et éclairante pour redécouvrir ensuite les références d'Ives, cette fois en les ayant soi-même partagées dans sa chair (pavillonnaire).

Ce protocole pourrait être appliqué régulièrement pour beaucoup de disques (ou concerts) classiques : présenter les thèmes (même les thèmes originaux, par exemple pour les formes sonates ?) et faire entendre ensuite l'œuvre. Ce privilège se rapproche de la mise à disposition du texte pour du lied ou de l'opéra : cela change réellement, profondément l'expérience.




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Laissez paître vos bêtes, noël traditionnel tissé avec les variations pour orgue de Dandrieu sur ce thème célèbre.
(Disque du 15 novembre 2019.)


Enfin, le sommet de l'art : inclure musicalement les œuvres folkloriques dans le programme du disque. Ce disque du label extraordinaire du Château de Versailles (plutôt un label au service du répertoire musical qu'au service de la communication du lieu touristique), Gaëtan Jarry fait jouer simultanément les cantiques traditionnels du XVIIe et leurs grandes paraphrases pour orgue de Dandrieu, Corrette, Daquin et Balbastre, avec le chant en alternance entre les variations – et quelquefois accompagné par l'orgue.

Outre l'excellence du résultat (orgue idéal, registration savoureuse et agilité mordante de Jarry, meilleur chœur d'enfants au monde pour ce répertoire…), on est frappé par ce qu'il révèle : la juxtaposition permanente de l'original et de son altération permet de mesurer les parts respectives de la tradition et du compositeur : c'est-à-dire la façon de s'emparer d'une mélodie ou de ses diminutions, chez chacun d'eux.

Pour couronner le tout, l'alternance des timbres instrumentaux & vocaux évite grandement la lassitude (ou du moins l'anesthésie d'oreille) qui peut naître en n'écoutant qu'une suite de pièces solo – dont les logiques de composition, isolément, peut d'ailleurs sembler bien plus arbitraires.

Étrangement, même pour ces œuvres qui s'y prêtent de façon si évidente, leur filitation étant explicite et les originaux solidement documentés, ce n'est pas du tout la norme – plutôt l'exception.



Je me réjouis donc hautement de cette tendance, et espère qu'elle devienne de plus en plus courante : même pour les auditeurs aguerris, disposer des références (ou même des thèmes originaux) aide vraiment à se repérer dans la structure, et permet au plaisir de prendre une dimension moins superficiellement mélodique, de véritablement suivre les méandres de tout un discours dont la richesse, on le sait, peut être vertigineuse.

J'espère en voir d'autres. Car la pédagogie nous sauvera de l'obscurantisme – qui, comme chacun sait, consiste à écouter du Bach, du Beethoven ou du Mahler pour leurs mélodies. Si vous aussi, vous observez un changement de comportement chez un proche, qui se met brutalement à commenter les lignes vocales chez Wagner ou le génie mélodique de Schönberg, appelez le Numéro Vert gouvernemental de l'Observatoire de Prévention des Radicalités.

Vigilants. Ensemble.

dimanche 4 octobre 2020

Le défi 2020 des nouveautés – épisode 12 : Carême, Boréades, Cœur de Lion, Solemnis, Ķeniņš, mini-Mahler, ballet moisi, mort aux Turcs


(… lesquels Turcs composent pourtant une musique qui vaut bien celle de Zajc, mais j'en ai déjà parlé dans une précédente notule.)

Longue période à préparer des notules – et à (beaucoup trop) aller au concert, 22 soirs sur les 30 de septembre… –, aussi les commentaires discographiques, quoique ralentis, se sont un peu accumulés. Je vous les livre avant qu'ils ne soient décidément trop nombreux. J'ai un peu rattrapé mon retard sur les nouveautés très appétissantes qui ont déferlé ces deux dernières semaines.

S'il faut choisir seulement trois disques, je dirai Les Méditations de Charpentier, Statuesque de Heggie et le Hummel-Beethoven de Visovan. Voilà, vous pouvez vaquer. (Ou lire le reste.)

Les nouveaux enregistrements les plus marquants de ces quelques dernières semaines.

BAROQUE
Méditations pour le Carême de Charpentier par Bestion de Camboulas, œuvres sublimissimes dans une interprétation très dramatique (et à un par partie).
Les Boréades de Rameau par Luks, enfin une version moderne au disque, dans une distribution superlative. (Gardiner, outre qu'il est aléatoirement trouvable, a vraiment vieilli dans les récitatifs. Christie n'est disponible qu'en DVD et moins abouti que Luks par ailleurs.)

CLASSIQUE ET POST-CLASSIQUE
Richard Cœur de Lion de Grétry par Niquet, résurrection tant attendue qui permet de réévaluer massivement l'œuvre.
¶ Fantastique Sonate de Hummel et transcription pour tout petit ensemble de la Première Symphonie de Beethoven, sur piano d'époque, des merveilles absolues.(Aurelia Visovan)
¶ Une belle Missa solemnis de Cherubini (Bernius).

SYMPHONIQUE
¶ Beethoven 1-9 par WDR-Janowski, au sommet de ce qui peut être fait en tradi.
¶ Brahms 1 par Gewandhaus-Blomstedt, où triomphe la décantation poétique.
¶ Mahler 7 par Lille-Bloch, furie, détails, mordant.
¶ Chant de la Terre réduit par De Leeuw, plus mahlérien que l'original.
¶ Sibelius par RPO-Hughes, timbres moyens mais conception galvanisante.
¶ Ķeniņš 1 & 2, belle personnalité à découvrir.

LIED
¶ Schumann (Kerner, ballades…) par Hasselhorn, dont quelques nouvelles références absolues (Die Löwenbraut).
¶ Schmitt, les mélodies très peu documentées et très bien chantées.
¶ Heggie, l'irrésistible Statuesque par Barton.

OPÉRAS DU MONDE
Nikola Šubić Zrinjski de Zajc, le tube culturel croate, dans une exécution de niveau exceptionnel.

Paraissent aussi deux histoires du quatuor, l'une du quatuor baroque, l'autre des contemporains de Beethoven. Pas forcément des disques superlatifs en eux-mêmes, mais le parcours est passionnant, en particulier le premier (de Musica Fiorita) qui révèle les origines mal connues (au disque) du quatuor à cordes sans basse continue, à une période qui précède Haydn et Boccherini.

Deux déceptions notables :
♠ les Schubert de Jacobs (sans surprise, certes, me concernant), très bien mais qui n'apportent rien de neuf (à quoi bon, alors, alors qu'il a tant à dire sur les siècles précédents ?), confirmant la sclérose de l'inspiration et du répertoire chez ce chef qui fit tant de merveilles (et exhuma tant de perles servies au plus haut niveau), hélas.
♠ Le nouveau ballet de Boismortier, ni une partition exaltante, ni une réalisation saillante – tant d'énergie et de fonds pour des ballets moyennement convaincants, alors qu'on dispose des interprètes formés pour monter les tragédies de première intérêt de Desmarest, Campra, Destouches, La Coste, et, si l'on veut vendre des exemplaires, du Régent !

¶ Hors nouveautés, enfin trouvé les Leçons de Ténèbres de Gilles (de forme atypique, avec soliste et chœur en antiphonie), mais dans une interprétation qui ne me satisfait pas totalement. Régal avec les mélodies françaises par Dumora et les lieder par von Otter. Superbe disque Saint-Saëns de Maazel également.

¶ Réécoute de Volo di notte de Dallapiccola dans sa version française (œuvre déjà très accessible, rien à voir avec l'hermétique Ulisse ou même avec l'expressionniste Il Priogioniero) et dans une distribution à faire tourner les têtes, toujours un délice ; du Quatuor avec clarinette de Hummel (si vous aimez le Quintette de Mozart, un des nombreux prolongements possibles), et du savoureux Moby-Dick de Heggie, de l'opéra épique d'aujourd'hui.

¶ Écoutes comparées pour Les Méditations pour le Carême de Charpentier (toute la discographie) et Die Löwenbraut de Schumann (l'essentiel de ce qui est actuellement disponible).

Les détails dans les tableaux ci-après.

Nikola Subic Zrinsjki Opéra - Ivan Zajc - CD album - Achat & prix | fnac

Du vert au violet, mes recommandations.

♦ Vert : réussi !
♦ Bleu : jalon considérable.
♦ Violet : écoute capitale.
♦ Gris : pas convaincu.
(Les disques sans indication particulière sont à mon sens de très bons disques, simplement pas nécessairement prioritaires au sein de la profusion de l'offre.)




commentaires nouveautés : œuvres commentaires nouveautés : versions


Dussek – Messe solennelle –  Academy of Ancient Music, Egarr (AAM)
→ Surtout célèbre pour son piano, et en particulier sa grande pièce rhapsodique et narrative autour de le mort de Marie-Antoinette, Dussek bénéficie ici d'un enregistrement d'une œuvre de grand format, et sur instruments anciens !
→ L'œuvre tient son contrat de densité, d'ampleur et de spectaculaire, elle s'écoute avec beaucoup de bonheur. L'écoute n'est pas achevée, j'en dirai davantage lors de la prochaine livraison.
Beethoven – Intégrale des Symphonies – WDR, Janowski (PentaTone)
→ J'ai déjà commenté les 5 & 6, sommets de la discographie des exécutions « traditionnelles » des symphonies de Beethoven.
→ L'intégrale me convainc plus diversement, beaucoup de chair d'orchestre (les cordes débordent un peu sur le reste du spectre), peu de contrastes de couleurs, on dispose de beaucoup d'autres propositions plus stimulantes désormais, même en laissant de côté les conceptions très affirmées de Hogwood ou Gardiner, avec des propositions de Dausgaard à Savall, par exemple.
Wellesz – Die Operfung des Gefangenen – ÖRF, Cerha (Capriccio) → Grands aplats et unissons avec tambours battants : essentiellement de la musique symphonique chorégraphique (pas du tout dansante) et des chœurs à l'unisson… peu exaltant.
→→ suite →→ 
→ Pour autant, l'énergie constante (voyez la 5, la Marche funère de la 3…) et la beauté impressionnante des phrases – la façon dont Janowski laisse toujours respirer la musique sans jamais la lâcher, ou dont il fait entendre le détail du contrechant dans la section des bois – en font une fréquentation particulièrement stimulante, satisfaisante et inspirante !
→ J'espérais qu'elle règle la question de l'intégrale « traditionnelle » (Dohnányi-Cleveland reste au firmament, mais Telarc a disparu, tout est épuisé), ce n'est pas forcément le cas, mais le résultat reste particulièrement exaltant.
Werner – Der gute Hirt – Orfeo Orchestra, Vashegyi (Accent)
→ Bel oratorio des années 1730, très statique, donc la langue musicale évoque l'univers de Haendel et surtout Bach, en bonne logique. Le livret en est très statique, peu de saillances musicales même si tout est beau (notamment les récitatifs) ; de même pour l'exécution, valeureuse mais sans personnalité proéminente. Intéressant pour cette période très peu documentée hors des grands noms.
Schubert – Winterreise – Benjamin Hewat-Craw, Yuhao Guo (Ars Produktion)
→ Chant vraiment couvert et cravaté, le baryton cherche à faire le plus grosse voix possible, et ce nuit à la diction et à l'expres​sion – il refuse résolument les résonances par le nez, pourtant le fondement d'une technique lyrique efficace.
→ Au demeurant, une belle étoffe de voix et une interprétation pleine de conviction. Pas indispensable du tout, mais pas déplaisant à la découverte.
Boismortier – Les Voyages de l'Amour – Santon, Watson, Wanroij, Dolié ; Orfeo Orchestra, Vashegyi (Glossa)
Don Quichotte chez la Duchesse est l'œuvre que je recommanderais en priorité pour faire découvrir l'opéra à un néophyte. Tellement condensé, fantaisiste,coloré  et immédiatement séduisant !  Aussi, un nouveau ballet de Boismortier suscitait toute mon attention.
→ Il s'avère que le livret témoigne du néant littéraire du ballet du temps (il ne se passe rien, une enfilade d'airs stéréotypés sur une action qui se limite à peu près au titre – une fausse fuite dans des jeux d'amants).
→ Par ailleurs, la distribution, malgré toute sa science du style, souffre de voix formées à une technique XIXe (et même XXIe) : diction lâche, timbres assez opaques, émission trop couverte, vibratos flottants… De même pour l'orchestre, qui réussit très bien dans les formules hiératiques post-gluckistes mais qui manque ici de l'élan et de la couleur qui caractérisent l'opéra français de troisième génération (époque Rameau).
→ Tout ce qui aurait pu compenser les faiblesses de l'œuvre, avec des voix fraîches, une diction au cordeau, un orchestre qui déborde d'invention et de coloris, manque pour renverser la tendance. Hors amateurs forcenés intégralistes, cette découverte me paraît dispensable.
Sibelius – Symphonies n°1 & 3 – Royal Philharmonic, Hughes (Rubicon)
→ Il y avait fort longtemps que je n'avais pas entendu le Royal Philharmonic, qui ne fut jamais l'orchestre le plus intéressant, le plus virtuose ou le plus engagé des royaumes unis… Les derniers enregistrements de lui qui ont passé par-devers moi doivent remonter à des captations des années 90… Il s'avère que nous n'avons toujours pas affaire au phénix des hôtes de ses bois.
→ J'aime beaucoup Hughes, qui parvient à animer des orchestres secondaires avec une certaine ardeur bien tenue et une belle aération, comme ici. Dans Sibelius, un peu de plus de structure et de chatoyance aurait sans doute été nécessaire pour rivaliser avec les grandes versions, mais je trouve les transitions très réussies, la mutation thématique s'y entend remarquablement. Je vais donc y revenir et le laisser maturer, peut-être que, malgré les timbres limités, j'en ferai un véritable compagnon de route !
anonymes, Eccles, Lawes, Oswald, Purcell – The Queen's Delight (English Songs and Country Dances of the 17th and 18th Centuries) – McGown, Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch (Alpha)
→ Délicieux ensemble de chansons délicates et entraînantes, avec les sonorités acides et vivantes des Musiciens de Saint-Julien et la savoureuse Fiona McGown.
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→ Et, de fait, la Troisième me passionne par son grain, ses transitions infinies, sa verve folklorisante qui ne masque jamais la complexité de conception… Une merveille de chef, alors même que l'orchestre n'a pas l'insolence des plus grandes formations – mais réagit très bien. Une grande version !
Tālivaldis Ķeniņš  –Symphonies : 1, 2, Concerto (de chambre) flûte, clarinette, piano & cordes ; Concerto piano, percussions & cordes – National de Lettonie, Poga (Ondine)
→ Concerto de chambre : belle prolifération babillarde de sons disparates au sein d'une langue assez romantique… on songe par exemple à Martinů.
→ Concerto piano-percus : ambiance lyrique très étale, avec jolies superpositions harmonies (on songe par endroit au Premier Concerto pour piano de Schnittke).
→ Très belles choses dans les symphonies, qui n'accrochent pas nécessairement l'oreille distraitement, mais le détail contient de belles tournures sibeliennes, et manifestement une structure soignée et stimulante. À laisser mûrir, je crois qu'on tient un disque de qualité !
Mozart – La Betulia liberata – Piau, Forsythe, Iervolino, Pablo Bemsch, Di Pierro ; Les Talens Lyriques, Rousset (Aparté)
→ Seul oratorio achevé de Mozart, commandé pour Padoue (et manifestement jamais représenté sur place, ce titre étant lié dans les archives à l'œuvre d'un compositeur local), c'est l'œuvre d'un compositeur de 15 ans, sur un livret de Métastase, où Holopherne a la particularité d'être totalement absent – sa mort est rapportée par Judith elle-même dans un long récitatif accompagné par les cordes, à la façon du viol raté de Donna Anna. Seule incarnation du camp ennemi, son allié Achior, prisonnier impuissant qui se convertit au judaïsme devant la puissance du Dieu hébraïque.
→ L'œuvre consiste uniquement en une suite de récitatifs et d'airs, quelques chœurs (peu marquants) mis à part ; à cette âge, on ne dispose pas encore du meilleur Mozart évidemment.
Klengel, Schumann – Concertos pour violoncelle – Gromes, Berlin RSO, Nicholas Carter (Sony)
→ Timbre moins impressionnant qu'en musique de chambre, moins rond, plus « poussé ».
→ Très belle composition généreuse de Klengel, quoique très conditionnée par les démonstrations de virtuosité (qui ne sont néanmoins pas banales ni laborieuses).
→ Beau Schumann, lecture expansive, très ronde (le spectre sonore est écrasé par les cordes) et lyrique, évoquant davantage les années 1890 que le style milieu-de-siècle, mais réalisé avec une force de conviction considérable !
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→ Je déplore que les Talens Lyriques mettent leur énergie (et leurs disques) au service d'une œuvre réellement mineure d'un compositeur-vedette, mais je dois admettre qu'ils en fournissent ce faisant de loin la meilleure version disponible au disque. L'Ouverture qu'ils colorent à la Gluck est tétanisante, tandis que la mobilité d'ensemble épargne l'ennui. Belle distribution également, en particulier Iervolino – Bemsch qui change de voyelle en cours de vocalisation et Di Pierro qui les hache rencontrent quelques limites dans les coloratures, mais déclament remarquablement. Dommage que la prise de son les mette très en avant, à l'ancienne – les chanteurs font plus de bruit dans un récitatif que l'orchestre entier dans l'Ouverture !
→ En effet, je n'ai pas écouté la version historique de Rossi ni la très tradi de Hager (mais je vois ce que c'est), et Gaigg (Orfeo Barockorchester) ou le très beau Favero (Oficina Musicum) ne sont pas aussi luxueusement aboutis.
→ C'est donc recommandé si vous souhaitez absolument écouter du seria de Mozart mineur mais bien servi.
Bononcini, Sonata da camera a 4 
A. Scarlatti, Sonate a 4 senza cembalo 
Maddalena Lombardini Sirmen, Quartetti
– Musica Fiorita (Pan Classics)
→ Véritables origines du quatuor à cordes que ces sonates pour 2 violons, alto et basse continue… sans clavecin ! Très beau projet.
→ Les œuvres demeurent dans la veine « décorative » de la musique de chambre baroque, sans l'ambition formelle de l'ère classique ni bien sûr émotionnelle des romantiques. Mais suivre la filiation dans une exécution aussi nette est passionnant !
→ La fugue lente de la Deuxième Sonate de Scarlatti est remarquable, dans un genre cependant très rétro, davantage évocateur du premier XVIIe, voire de la Renaissance, que de l'avenir du quatuor. Et pourtant les couleurs harmoniques obtenues évoquent le taciturne n°16 de Beethoven !
→ Lombardini Sirmen écrit déjà en revanche, une langue classique, sans formules toutes faites, vraiment stimulant – ce mériterait réécoute pour mesurer son apport au genre, mais ce ne me semble pas du tout anodin.
Charpentier – Méditations pour le Carême – García, Candela, Bazola ; Guignard, Galletier, Camboulas (Ambronay)
→ Avec Médée, le fameux Te Deum et le Magnificat H.76, on tient là la plus belle œuvre de Charpentier, inestimable ensemble de dix épisodes de la passion racontés en latin (et s'achevant au miroir du sacrifice d'Isaac, sans sa résolution heureuse !) par des chœurs tantôt homorythmiques tantôt contrapuntiques, et ponctués de récitatifs de personnages (diversement sympathiques) des Écritures. Merveille absolue de l'harmonie, de la prosodie et de la poésie sonore.
→ Ce que font Les Surprises est ici merveilleux, sens du texte et des textures hors du commun, d'une noirceur et d'une animation dramatique inhabituelles dans les autres versions de cette œuvre, et servi au plus suprême niveau de naturel chanté. Un des disques majeurs du patrimoine sacré français.
Bach Sons – Symphonies by J. C. Bach, J. C. F. Bach, W. F. Bach & C. P. E. Bach – Controcorrente Orchestra (Passacaille)
→ Écouté distraitement en travaillant, il faut que j'y revienne. Semblait très bien (exécution remarquable en tout cas).
Mahler – Symphonie n°7 – ON Lille, Bloch (Alpha)
→ Je n'aime pas trop la prise de son assez mate, cependant elle permet de profiter avec précision de cette lecture au plus haut niveau, marquée non seulement par la qualité technique, mais surtout par l'énergie inextinguible imprimée par Bloch – qui a décidément transfiguré cet orchestre en une phalange de classe mondiale !
→ Structure, tension permanente, il n'y a que sur la couleur où l'on puisse trouver plus luxueux chez des orchestres plus célèbres. Grande, grande version. J'attends avec impatience le prochain disque de Bloch, quel qu'il soit !
Bizet sans paroles : Chants du Rhin, transcriptions – Gouin (Mirare)
→ Quelle douceur de toucher !
→ La Romance de Nadir récrite par Gouin se mêle au « vent d'hiver » (Op.25 n°11) de Chopin, impressionnant.
→ Les colossales Variations chromatiques brillamment soutenues (avec plus d'éclat et peut-être moins d'intériorité que Wagschal, il me faudra réécouter les deux),
→ Transcription par Bizet du Concerto n°2 (déjà cyclopéen) de Saint-Saëns, qui en accroît encore les difficultés et les rend constantes, en exigeant d'autant plus de musicalités que tous les thèmes sont au pianiste, ainsi que le fondu. Gouin survole tout cela avec une aisance à peine concevable.
→ Pas nécessairement séduit par tous les choix de répertoire, mais panorama très original de Bizet pianiste, Bizet transcrit, Bizet transcripteur !
Bach – Motets – Pygmalion, Pichon (HM)
→ Après des Messes incomparables et une Saint-Jean très stimulante, j'avais été désappointé, sur le vif, par ces Motets. Au disque, on est tout de même ébloui par la beauté des timbres du chœur – même si les s'il est bien sûr difficile de retrouver la même mobilité expressive que dans les versions à « un par partie ».
→ Dans le domaine des versions à chœur, vraiment une belle version aux couleurs remarquablement généreuses, qui a manifestement mûri au fil des concerts de ces dernières années.
Gyrowetz 20-3, Haydn 77-1, Beethoven 1, Boccherini 90, Hansel 20-3, Beethoven 9, Donizetti 17, Beethoven 16, Schubert 14, Mendelssohn 2, Schumann 3, Czerny 28 Ab – Beethoven's World 1799-1851 : The Revolutionist & His Rivals – Casal SQ (Solo Musica)
→ Quelle brillante idée ! Par un quatuor très allant et légèrement acide, adéquat pour donner de l'élan à des œuvres de la période.
→ L'ajout des quatuors de Mendelssohn et Schumann laisse un peu dubitatif, la génération n'étant clairement plus la même, contrairement à Czerny qui était connu et estimé de Beethoven, quoique ses quatuors soient plus tardifs que les autres corpus présentés ici.
→ Pas véritablement de découverte fabuleuse dans les quatuors présentés ici. Même le Czerny, dont tous les autres quatuors m'ont jusqu'ici émerveillé – il est d'essence particulièrement classique par rapport aux autres écrits dans ces mêmes années 1840-1850, bien qu'en la bémol…
Brahms – Symphonie n°1 – Gewandhaus, Blomstedt (PentaTone)
→ Tempo assez modéré, pour une introduction pleine de majesté, un Brahms qui fascine par la clarté de sa structure plutôt que par la vaine séduction des timbres ou par sa rage. Pour autant, une version très animée, qui ne rugit pas mais qui interpelle sans cesse. Grande, grande lecture d'une décantation impressionnante.
Ivan Zajc (1832–1914) – Nikola Šubić Zrinjski – Rijeka SO, Matvejeff (CPO)
→ Parution de l'œuvre la plus célèbre de tout le répertoire croate (sur le versant semi-comique, CPO vient de publier Ero le farceur de Gotovac) dans une version moderne remarquablement chantée et captée avec une aération formidable, caractéristique des publications de CPO, qui permet de goûter l'épopée dans toute son ambition.
→ Même si musicalement, j'attends plutôt avec impatience la parution des opéras de Hatze (plus riches), il faut avouer que ce Zajc-ci, avec sa façon verdienne assez directe, réussit très bien à exalter son sujet – la résistance de Zrinjski à Vienne face aux Turcs, s'achevant dans le tableau vivant de la bataille finale !
→ Plaisir intense d'entendre un orchestre « provincial » d'un tel niveau, et surtout une école de chant encore assez typée, avec des émissions à la fois slaves et assez frontales (un peu à la tchèque, toutes proportions gardées).
Schubert – Symphonies 2 & 3 – B'Rock Orchestra, Jacobs (Pentatone)
→ Sous une pochette impersonnelle marquée des initiales RJ, se trouve effectivement la trace d'un parcours égotique dont le point d'arrivée me laisse sceptique. Pourquoi tous les anciens chefs d'ensembles baroques veulent-ils diriger du XIXe siècle ? Certains en ont réellement renouvelé l'approche, comme Gardiner ou le Freiburger Barockorchester, ou bien ont remis au goût du jour des répertoires peu courus, comme Niquet… mais René Jacobs semble se contenter de jouer dans son style un peu raide (que ne compensent plus la richesse et l'inventivité des ornements ou réorchestrations, dans ce répertoire…) les tubes déjà multi-enregistrés.
Heggie – Unexpected Shadows – Jamie Barton (PentaTone)
→ Très tonal, puisant à tout un imaginaire contemporain grand public, Heggie produit une musique à la fois sophistiquée et très accessible. Cet album ne fait pas exception et Jamie Barton s'y montre déchaînée, déployant de nombreuses facettes sonores de son talent – je ne l'avais jamais entendue aussi bien timbrée, et elle maîtrise fort bien, malgré le vibrato, le genre canaille de la chanson.
→ Hors contexte dramatique (Moby-Dick, Dead Man Walking !), la musique de Heggie ne bouleverse pas autant, mais ce reste un très bel album de musique tonale et vocale d'aujourd'hui, avec des atmosphères quasi-cabaretières tout à fait charmantes (Iconic Legacies autour des quatre First Ladies Roosevelt, Lincoln, Kennedy, Bush).
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→ Le résultat est bon, mais ressemble à tout ce qu'on a déjà entendu à ce jour, les attaques plus franches, les tempi plus vifs, les orchestres plus colorés… mais ici avec un systématisme (et dans les tutti un côté orphéon pas toujours très réussi) qui ne me passionne pas particulièrement.
→ C'est dans l'absolu un très bel enregistrement, mais il n'y a aucune raison, dans le genre « informé », d'écouter ce disque plutôt que d'aller du côté des intégrales de Goodman, De Vriend, Immerseel ou Minkowski, dont les qualités instrumentales et stylistiques sont comparables, mais avec un sens poétique bien plus développé. Symétriquement, une petite déception qu'un chef aussi talentueux que Jacobs fasse de bons Schubert plutôt que des résurrections magistrales d'œuvres inconnues, comme il le fit avec Conti ou Graun…
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→ Le tout culmine dans l'irrésistible Statuesque qui présente plaisamment des sculptures (Moore, Picasso, d'Hatchepsout, Giacometti, Victoire de Samothrace…)… qui s'expriment à la première personne ! Dans une harmonie riche, mais qui épouse uniquement l'expression et ne vole pas la vedette : drôle et persuasif, peut-être le grand cycle de Songs de ce début de XXIe siècle !
→ La Victoire de Samothrace : « You don't even know where I was raised » / « No interest in what I'm thinking or dreaming […], don't you notice anything you self-centered son of a […], don't you notice or care : I don't have a HEAD ! ».
Gossec, Symphonie à 17 parties ; Beethoven, Symphonie n°5 — Les Siècles, Roth (HM)
→ Interprétation vigoureuse et abrupte de la Cinquième, qui place le tranchant du trait avant la polyphonie – on entend assez peu les parties intermédiaires, les vents colorent les cordes, mais le geste général reste impressionnant. Le tout souligne davantage la filiation avec l'écriture très verticale de Gluck (grands accords dramatiques) que la personnalité de Beethoven (avec un soin de chaque contrechant, un étagement de chaque couleur au sein de l'orchestre) ou sa modernité (impression cinétique et linéaire, moins d'insistance sur le motif circulaire).
→ Dans le scherzo, les bassons et les cordes sul ponticello grincent d'une façon assez fantastique, très atmosphérique – même si la prise de son augmente articificiellement leur dynamique.
Grétry – Richard Cœur de Lion – de Hys, Mechelen, Loulédjian, Perbost, Boudet ; Le Concert Spirituel, Niquet (CVS)
→ Enfin une version moderne, informée – avec les dialogues conservés sur disque, Dieu merci ! – et remarquablement chantée, essentiellement par des chouchous (de Hys, Loulédjian, Perbost, Boudet), aux voix claires et expressives, le tout trépidé par Niquet. La production visuelle de Pynkoski, d'un traditionnel luxueux (et non sans un second degré salvateur), ajoutait à la splendeur, le DVD paraîtra peut-être.
→ Je comprends mieux, dans ce contexte, l'enthousiasme soulevé par la pièce ; avec les dialogues, l'intrigue complète paraît un peu plus trépidante ; avec une exécution informée, beaucoup de numéros qui semblaient ternes révèlent de véritables beautés. Ce n'est pas le grand opéra comique ni le plus grand Grétry, mais c'est un divertissement particulièrement rafraîchissant et séduisant !
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→ Très belle interprétation très aboutie de Beethoven, au grain superbe typique des Siècles (assez sombre pour un orchestre sur instruments d'époque), dans un genre qui n'est pas celui qui a ma faveur. Comme les Haydn par Guy van Waas, c'est l'occasion de découvrir comment pouvaient sonner ces œuvres telles que comprises et jouées par des artistes français de l'époque.
→ Le beau Gossec est ici joué, de même, avec une allure un peu militaire, très verticale et régulière, qui ne tire pas tant, là encore, le parti des lignes intermédiaires que de l'élan général.
Schmitt – Mélodies – Diethelm, Haug, Gmünder, Perler ; Romer, Rushton (Resonus Classics)
→ Massif complexe et varié, tantôt dans l'épure contemplative (Op.4), tantôt explorant des textures qui préfigurent quasiment les grandes superpositions trillées d'accords à la Messiaen (Kérob-Shal).
→ Superbes voix, en particulier masculines, et diction tout à fait décente dans l'ensemble malgré les accents forts (mais des camarades soutiennent au contraire que c'est trop peu articulé, divergence entre nous).
→ À connaître : singulier, évocateur, et bien servi.
Mozart – « Magic Mozart », airs d'opéra et de concert, pantomimes de Pantalon & Colombine – Devos, Piau, Desandre, Barbeyrac, Felix, Sempey ; Insula Orchestra, Équilbey (Erato)
→ Insula Orchestra, formé d'invidividualités extraordinaires, a ses bons jours et quelquefois, suivant le chef et la préparation, un petit manque de cohésion et/ou de vision. On entend un peu cette limite ici : la prise de son ne révèle complètement pas les beautés souveraines des timbres, et l'interprétation qu'imprime Équilbey ici paraît demeurer assez traditionnelle, sans prendre le parti de l'orchestre à cordes.
→ Jolis airs très courus, pas forcément dans des versions de référence, en dehors du second air de la Reine de la Nuit avec Jodie Devos, où les respirations orchestrales, la focalisation vocale extrême et le geste expressif des deux produisent l'une des plus belles interprétations jamais gravées de cette pièce rebattue !
Hummel – Sonate en fa mineur, arrangements de Mozart (Concerto n°24) et Beethoven (Symphonie n°1) pour piano, flûte, violon et violoncelle – Visovan, Besson, Bernardini, Munckhof (Ricercar)
→ Très belle interprétation, souple et frémissante, mettant en valeur les (toutes petites) tensions et les progressions par de minuscules ralentissements et détours de phrasé, dans une Sonate à la langue postclassique, mais qui ménage de forts contrastes entre les épisodes majeurs et mineurs, parcourues de fureurs soudaines qui sentent leur Beethoven. Quant au final, et en particulier à son grand fugato, il explose tout à fait la forme traditionnelle et évoque la démesure de la Hammerklavier !
Couperin, Leclair, Blavet, B. Gilles, Naudot… – « Versailles » – Gábor Boldoczki (Flügelhorn, trompette), Cappella Gabetta (Sony)
→ La Cappella Gabetta est toujours aussi frémissante, mais le cuivre moderne posé par-dessus (accentué par la prise de son qui le met à l'avant) tend à tout écraser, inévitablement, à rester déconnecté des timbres mats et chaleureux des cordes en boyaux.
→ On se retrouve ici, malgré le programme très original, devant une suite de jolies mélodies qui ne tiennent pas beaucoup au corps. Des extraits d'opéras auraient sans doute été plus pertinents, comme le montre la Contredanse finale des Boréades.
→→ suite →→
→ Dans la Symphonie de Beethoven, malgré l'effectif très réduit, le piano d'époque (avec la douceur de ses aigus et la force de son médium, sur un Graf éblouissant de 1835) permet de dynamiser extraordinairement le discours, mieux qu'avec n'importe quel orchestre cinglant ! Les éléments d'origine sont tous présents car les parties sont réellement récrites et réattribuées (ce qui est rare dans ce type d'exercice : beaucoup plus de travail, un véritable travail de compositeur), de façon à éviter d'omettre des lignes intéressantes au profit de celles plus insignifiantes conservées pour les instruments qu'on a conservés. Grâce à cela, on n'a jamais mieux entendu toutes les lignes intermédiaires et contrechants de cette symphonie !
Single de Siobhán Stagg – Listen (feat. Paul Hankinson & Dermot Tutty). (Records DK)
→ Mignon. Pas trouvé l'album.
Mahler – Das Lied von der Erde (réduction De Leeuw) – Richardot, Saelens ; Het Collectif, De Leeuw (Alpha)
→ Très belle et moderne réduction au grain remarquable (l'harmonium remplit et colore très bien les espaces restants du spectre, le célesta aussi). Direction furieuse de Reinbert De Leeuw, décidément un immense chef, et instrumentistes absolument fulgurants et possédés !
Saelens et Richardot sont merveilleux, timbre et expression inclus ; il existe évidemment des diseurs plus précis, mais je ne crois pas, globalement, avoir entendu version aussi enthousiasmante !
Schumann – Kerner-Lieder, Ballades ('Stille Liebe') – Hasselhorn, Joseph Middleton (HM)
→ L'impression de l'accentuation de son côté « baryton » (alors que le matériau est potentiellement celui d'un baryton très aigu, voire d'un ténor), qui étouffe un peu la voix et diminue l'aspect direct de la voix (qui conserve ses problèmes de couverture inégale).
→ Pour autant, le charisme qu'il manifeste dans ce répertoire, qu'il chante depuis toujours (il allait loin dans les compétitions de lied, où il m'avait beaucoup impressionné, bien avant qu'il ne finisse ses études et ne remporte Reine Élisabeth !), demeure très persuasif, on sent la respiration poétique qui s'allie à la musique, même si la voix, de surcroît pas très phonogénique, conserve des lacunes techniques – il lui sera difficile de s'imposer à l'opéra, ne serait-ce que pour passer l'orchestre sans être happé ni s'épuiser.
→ Très bel album néanmoins, qui touche juste, et avec naturel ! On n'a pas beaucoup de versions aussi fluides des Kerner !
Melani – L'Empio Punito (1669) – Auser Musici (Glossa)
→ J'avais de meilleurs souvenirs de cette variante donjuanesque (Montpellier au début des années 2000 ?), tout de même un très hiératique drame façon recitar cantando ; il se passe beaucoup de choses par rapport à la concurrence des décennies antérieures, mais on est loin de la générosité mélodique et dramatique des meilleurs opus. Par ailleurs, l'accompagnement un peu chiche en couleurs et les voix pertinentes mais pas très séduisantes n'aident pas.
À réécouter en m'immergeant plus activement dans le livret (cette fois-ci, à l'oreille seule, ce n'est pas suffisant), il semble y avoir tout de même de bien belles choses.
Rameau, Les Boréades – Luks (CVS)
→ Contre toute attente peut-être, les Tchèques qui ont brillé intensément dans la musique italienne et habsbourgeoise se révèlent aussi remarquablement rompus au style français. Jusqu'aux chanteurs (émission claire, mixée, moelleuse et très projetée du baryton Tomáš Šelc en Borilée, on croirait entendre un élève de Courtis !), tous excellents – Cachet, Vidal, Kristjánsson, Brooymans… à couper le souffle.
→ Seule réserve, la prise de son que je trouve un peu frontale, très proche des micros, assez massive et agressive, manquant d'atmosphère où se déployer. Autrement, une interprétation d'opéra français comme on n'en a pas tous les jours, pour un opéra où l'on avait le choix entre Gardiner (distribution moins parfaite, récitatifs qui ont beaucoup vieilli) et Christie (très dynamique, mais avec peu de couleurs, et là aussi une distribution moins intéressante).
Cherubini – Missa solemnis en ré mineur – Bernius (Carus)
→ Très bel ensemble remarquablement écrit, comparable au style de ses requiems (riches en prosodie, travaillés sur la déclamation et au besoin le contrepoint), mais avec des solistes très bien mis en valeur. Le tout joué avec la finesse de trait et de style de Bernius.
Rameau, Pygmalion (air et danses), Suites de Dardanus ; Dahlin, Orfeo Barockorchester, Michi Gaigg (ints-1) (CPO)
→ Savoureuse interprétation très réussie (qui aurait mérité une intégrale, pour une oeuvre déjà remarquablement servie au disque).
« Su le sponde del Tebro » : Frescobaldi, Haendel, Verdi arrangés pour Quintette de cuivres – Stagg, membres du DSOB (Capriccio)
→ Chouette projet (cantate de Haendel qui donne sont nom à l'album, extraits des Vêpres Siciliennes…), mais franchement, les timbres d'un quintette de cuivres, ça manque de grâce – tout le monde s'accorde à dire que le tuba n'aurait jamais dû être inventé.

Montéclair – Cantates Ariane & Bacchus, Le Dépit Généreux, Concert n°1 pour flûte – Carrie Henneman Shaw, Leela Breithaupt, Les Ordinaires, Vinikour (Naxos)
→ Belles cantates, chantées par une voix très typée américaine (beaucoup de souffle dans la voix pour faire léger) à la diction moyenne. Superbe Concert pour flûte joué avec chaleur.

« Futurisme », la jeune école italienne  – Schleiermacher (MDG 2019)
→ Francesco Balilla Pratella (1880-1955) La Battaglia. (1913) // Très martelé.
Malipiero (1882-1973) Preludi autunnali (1914). Toujours cette galanterie un peu élusive chez Malipiero.
→ Alberto Savinio (1891-1952) Les chants de la Mi-Mort (1914) /// Mélange de masses menaçantes et d'échos de chants populaires, tellement futuriste et très convaincant.
Casella (1883-1947) La notte alta (1917) // 25 minutes en seul mouvement, dans des harmonies et des atmosphères qui évoquent les Clairs de lune de Decaux. Impressionnant.
→ Silvio Mix (1900-1927) Stati d’animo (1923), Profilo sintetico musicale di F.T. Marinetti (1924) // Belle solennité répétitive et aux échos étranges, pour le Profil de Marinetti.
→ Et toujours la fermeté de touche de Schleiermacher, démiurge du piano alternatif du premier XXe siècle. Son legs, incroyablement vaste, est capital pour notre compréhension de plusieurs mouvements musicaux fondamentaux.

BECK, F.I. / HAYDN, J. / GLUCK, C.W. / JOMMELLI, N. / TRAETTA, T. (Sturm und Drang, Vol. 1) - Symphonies and Opera Arias - (Skerath, The Mozartists, Iain Page) (SIgnum 2020)
→ Beau disqued dans la veine dramatique postgluckiste aux cavalcades régulières et au geste hiératique. Très réussi.







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Bouzignac – Motets – Pages de la Chapelle, Arts Florissants, Christie (HM)
→ Le hiératique précurseur Bouzignac mériterait de véritables versions d'élite, mais le disque ne le sert pas très bien. Cet enregistrement des jeunes Arts Flo ne fait pas exception : techniques vocales hésitantes, style encore empesé (le sens du rebond est plus celui de Paillard que des Arts Flo actuel), son général plus mou qu'incisif…
→ Version estimable, mais qui ne rend pas vraiment justice à ces œuvres déjà sévères, dont les beautés ne sont pas très bien mises en valeur.
lambert airs de cour arts flo

secrets live annie fischer

brahms piano rafael orozco

vierne 24 pièces de fantaisie litaize
Mahler – Symphonies 1,4,5,6,7,9 – SWR Baden-Baden, Rosbaud (SWR Classic)
→ Pour les symphonies que j'ai écoutées, des versions au spectre sonore un peu disjoint (pas de lissage des timbres), mais d'une hauteur de vue remarquable, profitant de l'aération pour donner sens et articulation au discours, sans du tout sonner dépareillé. De grandes lectures qui n'ont pas besoin du confort du studio avec un orchestre plus luxueux pour se révéler. Très hautement recommandé.







autres nouvelles écoutes : œuvres autres nouvelles écoutes : versions


Hummel – Quintette piano-cordes – Hausmusic (warner)
→ Belle version avec piano ancien, d'une œuvre un peu formelle, mais bien construite et dotée de mélodiques agréables, à défaut d'être le Hummel le plus irrésistible (on peut tout de même songer par endroit au Nonette de Czerny, ce qui n'est pas un mince compliment).
Zemlinsky – Der Traumgörge – J. Martin, Protschka, Welker ; Frankfurt RSO, G. Albrecht (Capriccio)
→ Le niveau au-dessus de Conlon (interprétation et captation), bien plus liquide et transparent… Je redécouvre un beau drame décadent. Pas le plus original ni paroxystique, mais tant de belles choses à écouter à l'orchestre (solos de hautbois, de trompette qui sont assez merveilleux…).
Vivaldi, Hummel – Concertos pour mandoline –Kruglov, Northern Crown Soloists Ensemble
→ Les Vivaldi, très bien documentés, ne sont pas leur version de référence (un peu lisse, quoique très valeureux), mais rayonnent toujours de leur veine mélodique hors du commun. Le Hummel met en valeur le même type d'atouts.

Saint-Saëns – Symphonie n°3, Phaëton, Danse Macabre, Bacchanale – Anthony Newman, Pittsburgh SO, Maazel (Sony)
→ Brillante exécution qui pétarade avec beaucoup de vigueur de trait et de structure !
Heggie – Dead Man Walking – DiDonato, Cutlip, von Stade, Brueggergosman, Mentzer ; Houston, P. Summers (Virgin 2012)
→ Agréable, dans un goût musical assez mainstream ; je ne suis peut-être pas assez saisi par l'histoire elle-même (prévisible dès le premier tableau) pour que la musique d'accompagnement m'emporte assez. À essayer à la scène.
Saint-Saëns – Africa, Symphonie n°2 – Laura Mikkola, Tapiola Sinfonietta, J.J. Kantorow (BIS)
→ Limpide et furieuse version de la sombre et vive Deuxième de Saint-Saëns !
Leila Huissoud, (Album) L'Ombre (Label 440)
→ Toujours cette difficulté de saisir au vol des chansons marquantes, mais un corpus général plus banal ou, comme ici, dans la même veine. Mais j'apprécie beaucoup cette voix pincée qui permet de focaliser avec dynamisme (et en décalage volontaire avec le propos parfois frontalement leste ou désabusé).

Le vendeur de paratonnerres de Huissoud /
L'Orage de Brassens
Gassenhauer : trio de Beethoven œuvres pour clarinette, contrebasse et piano : Vera Karner, Dominik Wagner, Aurelia Visovan, Matthias Schorn…
Charpentier – Miserere pour les Jésuites – Tubéry
Charpentier – Miserere pour les Jésuites – Daucé
- Belle œuvre dont l'aspect mouvant demeure caché dans ses plis internes, absolument pas ostentatoire.
- Tubéry me séduit davantage (plus vif, plus déhanché), mais Daucé, au diapason bien plus bas, dispose comme toujours de superbes couleurs (et d'un certain manque de rebond assez préjudiciable, à mon goût).
Haendel / Mozart – Der Messias – H. Max (EMI)
Leïla Huissoud : La Vieille, Infidèle… (bandes de concerts) Schumann – Lieder (Kerner, Ballades…) – von Otter, Forsberg (DGG)
→ Von Otter dans sa grande période, en pleine gloire et fruité, et toujours ce sens du texte extraordinaire, ce goût de phrasé hors du commun qu'elle n'a jamais perdus. Die Löwenbraut est à couper le souffle. (Couplé avec son formidable Frauenliebe que je n'ai pas réécouté.)
Viardot – Scène d'Hermione – Patricia Adkins Chiti, Gianpaolo Chiti (YT)
- Belle scène dramatique, d'un Viardot inhabituellement rempli d'emphase et de sérieux. Interprétation inintelligibles : joli chant dans les joues, mais diction étrangère au français.
Dumora dans Fauré, Haendel...
Wildhorn – Dracula (dans sa version anglaise cette fois) – représentation Broadway, puis studio
→ Impressionné, à Broadway maintenant les héroïnes finissent toutes nues (les deux). L'aspect allusif autour de l'attraction physique pas univoquement magique est devenu une assertion assez frontale… Pas fanatique non plus, dans le studio, des voix qui gémissent à chaque attaque, point trop n'en faut – tic stylistique très répandu aujourd'hui quel que soit le répertoire (en pop au sens très large).
→ Sinon, la partition et l'intrigue demeurent toujours très prenantes, l'ensemble fonctionne vraiment bien – moins, évidemment, quand on colle les jolies chansons planantes les unes à la suite des autres dans un enregistrement de studio, il faut vraiment avoir vu une production complète au préalable pour goûter l'objet.

Gilles – Toutes les leçons de Ténèbres pour le Mercredy – Boston Camerata
→ Un peu de rigidité pour ce chef-d'œuvre absolu (qui traite les Lamentations en antiphonie soliste-chœur, et où la déclamation est grande maîtresse), mais c'est au moins l'occasion de pouvoir l'entendre !
Première fois que je parviens à toutes les entendre.

Niedermeyer – Le Lac – Novelli
→ Étrange voix nasale, qui sonne peut-être bien avec plus de rayonnement en vrai. Diction très claire grâce à ce biais pas très gracieux.

Gluck, Symphonies ; Orfeo Barockorchester, Michi Gaigg (CPO)
→ On y retrouve le sens de la tension propre à Gluck, plutôt à son meilleur ici (même si le but n'est pas du tout d'atteindre le même pathétique et la même qualité mélodique que dans les opéras). Très réussi, exécution incluse ; il n'y a pas de raison de se priver de cette partie de son legs.

Holzbauer, Symphonies ; Orfeo Barockorchester, Michi Gaigg (CPO)
→ Belles œuvres qui ne frappent pas par leur originalité mais fonctionnent agréablement, dans le genre classique (et légèrement dramatique) qui est le leur. Belle interprétation énergique, quoique très peu colorée (on y entend surtout le tranchant des très belles cordes).
(Je recommande en revanche vivement les opéras.)







réécoutes œuvres (dans mêmes versions) réécoutes versions


Dallapiccola – Vol de nuit – Isabelle Vernet, soprano (Madame Fabien) Hélène Le Corre, soprano (Une voix intérieure) François Le Roux, baryton (Rivière) Jérôme Corréas, baryton-basse (Robineau) Yann Beuron, ténor (Pellerin) Guy Gabelle, ténor (Le radiotélégraphiste) Jean-Marc Salzmann, baryton (Leroux) Daniel Durand, Pierre Vaello, Patrick Radelet, Bernard Polisset, ténors, basses (quatre employés) Choeur de Radio France Orchestre Philharmonique de Radio France diretti da Marek Janowski. Registrazione live effettuata alla Cité de la musique, Parigi, il 12 gennaio 1999. Charpentier – Méditations pour le Carême
→ en chapelle, Les Arts Florissants, Christie (HM) ***
→ en chapelle, Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (Glossa) **
→ en chapelle, M.-C. Alain (BNF) **
→ Beekman, Getchell, Robbert Muuse ; Bolton, Benjamin Perrot, Desenclos (Alpha) ****
→ García, Candela, Bazola ; Guignard, Galletier, Camboulas (Ambronay) *****
Hummel – Quatuor avec clarinette – Finotti (Naxos)
→ Veine très mozartienne (même début), la virtuosité des cordes en sus. Une petite merveille, comme il en existe un certain nombre dans la période pour la musique de chambre avec clarinette (Krommer, Cartellieri, Neukomm, Weber, Hoffmeister, Bachmann…).
Schumann, Die Löwenbraut : ****Hasselhorn-Middleton, ***DFD-Demus, ***Bauer-Eisenlohr, **Goerne-Schneider, ***Gerhaher-Huber, *Hotter-Raucheisen, ***J.Prégardien-Piau-LeSage, **Karg-Martineau, ****vonOtter-Forsberg
Heggie – Moby-Dick (EuroArts)




liste nouveautés : œuvres liste nouveautés : versions




Bollon orchestral works

walter kaufmann chamber ARC ensemble Chandos
goldberg harpe : ramsay

Xmas carols SWR vocal Ens

→ beeth sonates violon FP Zimmermann BIS

arod schubt 14
→ bach &fds corti
→ rvw job hallé elder songs travel neal davies

→ armand-louis couperin rousset
→ hammerschimidt, jesus stirbt, vox luminis
→ amirov, 1001 nuits
→ rubinstein le bal pour piano
→ zipoli in diamantina
→ "O! solitude, my sweetest choice" de Purcel/Britten (adaptation) sur le texte de Marc-Antoine Girard de Saint-Amant.
→ toccata classics : mihalovici, proko by arrangement, szentpali, ruoff…
→ anima rara par jaho
→ mzt van kuijk
→ vienne 1905-1910, richter ensemble
→ bruch ccto é pias
→ bach sons controcorrent
→ london circa 1720
→ il genio inglese alice laferrière
→ rathaus & shota par stoupel
→ bruckner symph 0 hj albrecht orgue
→ weinberg symph 6 altenburg gera
→ turalngalila mannheim
→ nielsen œuvres violon-piano hasse borup naxos
→ fuchs sonates violon
→ fasch clavier
→ hithcock spinet : burney & others
→ venice and beyond concerti da camera sonate concertate pour vents
→ leclair complete sonatas 2 violons
→ Petite Renarde Rattle
→ deshayes haidan 2 mezzos sinon rien
→ respighi chailly
→ ysaÿe 6 sonates par niklas valentin
→ earth music cappella de la torre
→ jommelli requiem
→ novak piano ccto, wood nymph
→ titelouze messes retrouvées vol.2
→ bronsart Jery
→ Bo, Pstrokońska-Nawratil & Moss: Chamber Works
Łukasz Długosz
vermeer bologna
→ standley et ens contrast schubt
→ nature whispering
→ Petite Renarde Rattle
→ chant de la Terre I.Fischer RDS
→ lamento (alpha)
→ fasch
→ earth music capella de la torre
→ nielsen complete violin solo & piano, hasse borup
→ manén violon cc
→ quintette dubughon holst taffanel françaix
→ fuchs sonates vln
→ meyerbeer esule
→ bononcini polifemo
→ graund polydorus
→ polisu kaleidoscope ravel pia duo
→ aho symph 5 currie
→ anima gementem cano
→ purcell royal welcome songs
→ gombert messe beauty farm
mahler 4 turku segerstam
chosta 5 jansons bayrso
bruckner 4,5,6,7 munich PO gergiev
beethoven 7 saito kinen ozawa
beethoven sonates 8-11 giltburg
beethoven concertos piano sw chb bavouzet
ardeo SQ xiii
schwanengesang behle
→ bizet sans paroles gouin
→ respigni chailly scala
→ st-saêns chopin callaghan
→ Mülemann mzt
wohlhauser (neos)
john thomas duos harpe piano vol.1 (toccata)
arnold rosner requiem (toccata)
moszkowski orchestral vol 2
idenstam metal angel (toccata)
corigliano caravassius siegel pour guitare (orchid)
iannotta : earthing (wergo)
imaginary mirror hasselt (challenge)
lundquist symphonies (swedish society)
eklund symphs 3 5 11 norrköping (CPO)
peaceful choir
spisak works (dux)
zemlinsky, rabl : quatuors (Zimper, gramola)
goleminov SQ par sofia SQ
rachma par babayan DGG

huelgas the magic of polyphony

debussy intégrale alessandra ammara

mozart arias II regula mühlemann

bells, album athony romaniuk






écoutes à (re)faire

→ Krogulski/Nowakowski (Goerner)
→ Stolpe


HIGH ROAD TO KILKENNY (THE) - Gaelic Songs and Dances from the 17th and 18th Centuries (Getchell, Les Musiciens de Saint-Julien, Lazarevitch)
→ Lazzari, . Effet de Nuit fait son effet, par contre, la symphonie est interminable et les autres pièces symphoniques pas palpitantes (j'ai même trouvé la rhapsodie spécialement niaise). son trio pour piano et sa sonate pour violon ravi

→ Joubert (hors quatuors, je n'ai pas pris de notes), : la symphonie No. 2 (moment ineffable dans le II avant un finale diabolique), le concerto pour hautbois (sombre et véhément) et les pièces chambristes. Le cycle vocal Landscapes, le trio pour piano avec beaucoup d'atmosphères, ses sonates pour piano, surtout la No. 2,
→ tailleferre
→ final choral 2e partie Theodora
→ hummel
→ Marshall-Luck pour la Sonate violon d'Elgar
→ Requiem de Kastalsky par Slatkin
→ dallapiccola vol de nuit
→ Alla Pavlova musique de film sous étiquette symphonique. C’est très sucré
→ Stacey Garrop l’aspect narratif de ses pièces (sa symphonie Mythology collection de poèmes symphoniques
→ Ses quatuors
→ Lea Auerbach sa musique de chambre, souvent autour des variations, jeux de miroirs au sein de la même pièce ou entre les pièces (les mouettes du I dans son premier trio), ses motorismes, toutes ces choses et plus encore me transportent.
→→ Ses deux trios pour piano et ses 24 préludes (surtout ceux pour violoncelle et piano, même si violon et piano, un autre numéro d’opus, sont de haute volée) seraient mes premières recommandations.

→ Gloria Coates Noir, tourmenté, très râpeux
→ Rosalind Ellicott quelle verve mélodique ! Ses deux trios pour piano
→ En vitesse, Lucija Garuta a laissé un très beau concerto pour piano, Louise Héritte-Viardot 3 quatuors de belle facture, Rita Strohl un saisissant duo violoncelle/piano Titus et Bérénice. Elisabeth Lutyens m’a été très difficile d’approche, mais elle a définitivement des choses à dire.
→ Australiennes, comme Myriam Hyde, Elena Kats-Chernin et Margareth Sutherland (Women of Note, permet de se faire une idée des noms qui accrochent).
schleiermacher

moszkowski catalogue

hauer opéra

rubbra ccto pia, botstein

mephisto minnesota oue

callirhoe chaminade

tailleferre cc 2 pianos, hommage à rameau
barber sonata kenny
copland sonata

trauermusik haydn

voces8 marcello

compét' symphonistes brits

sawyer 4
vaccai sposa messina

polonia panufnik

cantates jacquet
kinkel
holmès
bosmans
sokolovic
kapralova
nowowiejski org

comala

tout gold MDG : leipziger (gade, sibelius, schoeck), consortium…

tout Hortus Gde guerre
opéras CPO : pfitzner, fibich, weingartner, feuersnot…

delius mass of life

DUX bacewicz vln-pia

saygun
moeran songs

Emile Jaques-Dalcroze: La Veillée
par Le Chant Sacré Genève, Orchestre de Chambre de Geneve, Romain Mayor

abraham, hollaender

… les lecteurs assidus reconnaîtront que cette dernière liste est largement constituée de copié-collés des explorations du seigneur Mefistofele, pilier des conversations interlopes de céans.




… de quoi vous occuper quelque temps au coin du feu tandis que le monde brûle.

David Le Marrec

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