Les Quintettes avec clarinette - III - Sigismund Ritter von Neukomm, Op.8 en si bémol (1802)
Par DavidLeMarrec, dimanche 13 janvier 2013 à :: Genres - Oeuvres - Domaine chambriste - Musique de la période classique :: #2175 :: rss
Pour plus de commodité dans les recherches à venir, chacune des entrées sur ce thème sera ajoutée à la première notule de la série.
1802 - Sigismund Ritter von Neukomm, Op.8 en si bémol
Le début du XIXe siècle est souvent occulté, dans l'imaginaire des mélomanes, par la figure de Beethoven, puis de Schubert. Or, si un tournant a bel et bien lieu en matière lyrique à cette époque, la musique de chambre conserve majoritairement (contrairement à ces deux-là) un aspect simple, lumineux, presque galant - totalement empreint du style classique.
Extrait de la version Hoeprich : le premier mouvement.
Ce quintette de Neukomm ressortirait formellement à ce courant, mais intègre un tempérament beaucoup plus tourmenté, et se révèle une très belle réussite, quasiment comparable à celui de Weber, avec des accents mélancoliques qui sentent leur post-Mozart... et surtout des violences de quelqu'un qui arrive après Beethoven (alors que la composition de l'opus 59 ne s'amorce que quatre ans après la publication de ce Neukomm !).
La clarinette, malgré quelques traits propres à l'instrument, y est clairement traitée comme une cinquième partie, plus contrapuntique que soliste, et avec beaucoup de bonheur.
Le premier mouvement débute par les accords spectaculaires d'un long adagio, dont la progression harmonique est réellement originale et très expressive, avec une alternance manifeste de lumières et d'inquiétudes. L'allegro qui suit est fondé sur le même modèle, hésitant entre les gammes et marches harmoniques joyeuses de l'ère classique, des accents dramatiques et combattifs dès qu'on module en mineur (clairement XIXe, un peu dans l'esprit de "Kriegers Ahnung" du Schwanengesang de Schubert), et un lyrisme discret qui n'appartient tout à fait à un aucun des deux univers.
Le menuet du deuxième mouvement partage les mêmes qualités : le rebond joyeux y devient vite farouche, au gré des variations de couleur harmoniques, assez mobiles pour un menuet. La matière y est très haydnienne, mais complètement altérée par ses accès d'humeur sombres.
Le mouvement lent (en troisième position, ce qui ne devient fréquent qu'à la génération suivante !) s'appuie sur un thème russe, autre point commun avec le Beethoven de cette période, et réalise des variations où le mineur joue une grande part. Les parentés avec le traitement de la variation dans le Quatorzième Quatuor de Schubert sont réelles, mais cette dernière oeuvre n'est conçue que vingt-deux ans après.
Après toutes ces aventures, le mouvement final babille et dansote mignonnement, dans un langage complètement haydnien, avec tout de même des retournement de situation en mineur un peu violents.
Au bout du compte, un vrai bijou qui appartient déjà, malgré ses apparences formelles, à un romantisme assez tourmenté, aussi bien dans la couleur émotionnelle assez sombre que vis-à-vis de l'acte compositionnel, où la recherche de l'originalité se fait déjà bien entendre.
Suggestions discographiques :
- Eric Hoeprich / quatuor mené par Mary Utiger chez New Classical Adventure (couplage avec le Quintette de Weber). C'est la seule version disponible que j'aie pu écouter à ce jour : quatuor "authentique" mais pas malingre, clarinette très douce d'époque, l'interprétation n'en est pas forcément électrique, mais rend vivantes ces oeuvres (et particulièrement Neukomm) par son engagement.
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