Carnets sur sol

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Les meilleures versions symphoniques de Star Wars


1. La part de Williams

Il y a assez longtemps que j'ai découvert que ce qui m'avait toujours le plus fasciné dans Star Wars, longtemps avant que je ne devienne mélomane, à l'âge où l'on est fasciné pour les cabrioles néons à la main, était le pouvoir de suggestion de sa musique. Bien sûr, l'univers est riche et cohérent, parvient très adroitement à faire référence à des cultures diverses ainsi qu'à lui-même, l'équilibre entre épopée et humour, tout ce qu'on voudra ; mais je crois que c'est réellement la musique qui, même pour les non mélomanes, fait tenir tout cela. Figurez-vous du Glass ou un discipline un peu terne d'Alfred Newman, et considérez ce que ce pourrait donner. Il n'y aurait probablement pas eu de suite.

Les thèmes wagnériens, les élans richardstraussiens, les bataillées marquées par Stravinski et Prokofiev, tout cela aboutit pourtant à un ensemble très varié stylistiquement mais cohérent, interpénétré de lui-même, largement fondé sur la technique du leitmotiv utilisée par Wagner et Strauss. À la fois limpide dans ses thèmes et atmosphères pour le grand public captivé par l'action, et remarquablement soigné et inventif dans le détail. Surtout, tout cela porte l'essentiel des atmosphères, même si les films (enfin, certains…) disposent de leurs propres considérables vertus.

Au demeurant, John Williams, très talentueux creuset du meilleur de la musique qui l'a précédé (il a même recréé, vraisemblablement sans la connaître, un des beaux passages de la Natursymphonie de Hausegger), m'impressionne moins dans ses autres œuvres : chacune a sa couleur propre, mais les thèmes ne paraissent pas à ce point tous dériver les uns des autres, ni mener aussi décidément la conduite du drame lui-même.
Il y a tout de même de belles choses à entendre en dehors des fanfares de Superman ou des hymnes d'Indiana Jones, comme son Concerto pour basson, qui sans être un chef-d'œuvre, dispose d'un charme plus spécifique que ses autres concertos (qui sont pourtant plus ambitieux).



kozena_vader
All this time, Darth Maugda was a hidden Sith Lord.



2. Star Wars sous son meilleur jour

Lorsqu'on est vraiment intéressé par la question, l'univers SW est assez peuplé en fans pour mettre la main sur les BOs complètes, incluant l'accompagnement des dialogues saccagés par le texte et les bruitages (dans la prélogie, il est vraiment difficile d'entendre la musique de certains moments), même lorsqu'il n'y a pas eu de publication officielle en disque de l'intégralité de la musique. Les partitions, intégrales ou réduites, aussi s'achètent ou s'échangent assez aisément.

Néanmoins, le plaisir de voir en action tout cela est assez particulier, et je vous suggère donc le meilleur de la très abondante offre vidéo.

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a) La plus belle Suite

La Suite traditionnelle (Fanfares d'ouverture du IV, Thème de Leïa du IV, Marche impériale du V, Salle du Trône du IV) existe en de très nombreuses versions.

La limpidité et l'élan de celle du Philharmonique de Bergen dirigé par Andrew Litton surpasse tout ce que j'ai entendu par ailleurs. C'est peut-être également lié à mon tropisme, que je ne nie pas, pour les timbres acidulés et clairs des orchestres nordiques (et en particulier norvégiens), dont Trondheim, Bergen, la Radio Norvégienne et l'Opéra d'Oslo sont les plus exaltants représentants.

La vidéo est disponible uniquement sur le site de critiques Bachtrack, qui dispose de tout un fonds établi en partenariat avec de très grands orchestres européens de première veine, simplement moins célèbres qu'Amsterdam ou Berlin : Philharmonique de Bergen, Radio Norgévienne, Chambre de la Radio Néerlandaise mais aussi, très abondamment représentés au disque, Symphonique de Göteborg (DGG, Chandos), Philharmonique Royal de Stockholm (BIS) et Gürzenich de Cologne (EMI, Oehms).
Pourquoi cacher ainsi ce fonds extraordinaire dont la visibilité doit être dérisoire par rapport aux maisons qui diffusent directement sur YouTube, comme la Radio de Francfort (ou, plus épisodiquement, le Symphonique de Trondheim) ?  En tout cas, il existe, et mérite véritablement de s'y attarder, de s'y perdre même.

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b) La Suite alternative

Encore à Bergen, où Edward Gardner (décidément, les grands chefs ne se trompent pas et s'y succèdent, comme Urbański à Trondheim…) a donné en plein air la Suite, un peu moins léchée (et puis amplifiée…), mais sous un état différent, la Marche Impériale étant incluse dans le premier numéro habituel, et le thème de Leïa étant remplacé par le thème de Rey – une des grandes réussites musicales des derniers épisodes, là aussi simplicité et typicité, même si l'imaginaire sonore de Williams semble s'être sensiblement déwagnérisé. Voyez cette présentation qui met en valeur se trois principaux motifs (le premier rythmique, les deux autres plus mélodiques).

On trouve aussi, tiré du même concert, les Suites de Harry Potter et de James Bond (incluant le générique historique et un arrangement de Skyfall !).

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c) La (très) grande Suite

Mais, plus important que tout cela, l'Orchestre National du Danemark a donné un concert constitué d'une heure (contre 15 à 30 minutes pour les Suites habituelles) de musique tirée des deux trilogies. Il existe certes orchestres plus virtuoses ou chatoyants en Europe, mais il peut tout jouer néanmoins, et se trouve dirigé par Antony Hermus, manifestement très enthousiaste – et un spécialiste des musiques germaniques décadentes.
[Vous pourrez également trouver une courte Suite de Star Trek par le même orchestre, qui juxtapose les musiques des différentes productions, depuis TOS – les ondes Martenot y sont remplacées par le chœur ! – jusqu'aux derniers films, en passant par Jerry Goldsmith évidemment.]

C'est une occasion assez rare de voir jouer certains moments emblématiques dans les films, mais peu donnés au concert : les grands affrontements (contre Darth Maul dans le I, sur la planète-fonderie dans le III), les tricots vénéneux de l'incertain thème d'Anakin (début du III), les élans lyriques des scènes d'amour sur le balcon de la Résidence d'Été de Naboo (dans le II)…

Bien sûr, j'aimerais aussi voir toutes les musiques de transition et de dialogue, comme Naxos l'a fait en reconstruisant The Sea Hawk (partition détruite) de Korngold, et cela s'écoute remarquablement en musique pure, tout autant les passages masqués, d'autant plus dans des partitions où chaque articulation est soignée (beaucoup de musiques de film peinent à survivre sans l'image, même en en conservant les meilleurs morceaux).

Je compte pour cela sur les ciné-concerts (où, certes, les dialogues et bruitages vont concurrencer pour partie la musique), et il se trouve que la Philharmonie me fait la saison prochaine la grâce (par mon chouchou l'ONDIF, de surcroît !) de programmer quatre journées de la saga (IV,V,VI,VII). Que j'ai hâte de pouvoir contempler dans leur entièreté, donc.

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d) Vieilles références

Bien sûr, John Williams, lui-même chef très compétent, demeure très fréquentable dans ses œuvres (ici, le thème de Rey par le Symphonique de Seattle, qui ne m'avait jamais frappé par son caractère si capiteux !), en particulier dans les originaux avec le LSO. On peut en particulier y savourer le timbre inimitable du cor de David Cripps, vraiment différent de ceux qu'on entend d'ordinaire, que ce soit chez les anciens ou chez les modernes.




finley windu
As powerful as Master Findu.



3. Star Wars sur sol

J'ai conscience que Williams n'a pas toujours bonne réputation auprès des mélomanes classiques ; pourtant, c'est un formidable terrain de jeu pour tous les wagnéro-straussiens, on y trouvera le même genre d'amusette.

Il a bien sûr été question de Star Wars sur CSS à de multiples reprises, sur le plan musical. Notamment autour de ses adaptations, comme ces incroyables compositions pour deux pianos à partir du matériau de Williams, ou ces réjouissants pot-pourris pour piano en costumes.

Et, bien sûr, l'hilarant hommage choral de Moosebutter (citations de répliques de Star Wars sur des musiques de Williams dont aucune n'est Star Wars), qui a été très populaire chez les chœurs américains pendant quelques années.

En attendant les nouveautés du prochain volet (il y en a toujours un prochain pas loin, forcément).

Notez bien que les illustrations sont réalisées sans trucage : simple cadrage sans aucune retouche.

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Commentaires

1. Le vendredi 20 avril 2018 à , par antoine

Ouais mais ces films pour ados attardés me saoulent et "leur" musique un tantinet vulgos...

2. Le samedi 21 avril 2018 à , par DavidLeMarrec

Quel dommage que ce soit moi qui écrive sur CSS !

(Vulgaire, je veux bien pour la remix de Carmina burana du I, mais dans le IV ou le VI, dans le genre postwagnérien décadent, et sans le lyrisme expansif de Korngold, ça me paraît plutôt inattaquable.)

Consolez-vous, j'ai commencé une nouvelle notule sur des détails de la Symphonie en mi de Rott.

3. Le dimanche 22 avril 2018 à , par Benedictus

Oui, la première trilogie (IV-V-VI, donc) me semble paradoxalement adulte, tout s'y oppose à l'infantilisme disnéen des I-III: entre la narration (la sécheresse de l'épopée vs. la romance psychologisante des I-III), le «réalisme» de l'univers (les couloirs gris, les décors naturels vs. les fonds verts kitsch des I-III), l'humour un peu sarcastique ou distancié (les dialogues de Solo et des deux robots vs. les gags neuneus de Jarjar.)

(Ce qui est dommage, car les I-III ne sont pas inintéressants dans leur dimension «politique.»)

Quant à la musique, j'adhère tout à fait à ce que tu en dis. (Pour ma part, j'ai la 30th Anniversary Collector's Edition, qui regroupe la totalité des musiques des IV-VI par Williams et le LSO en 6 CD plus un CD d'anthologie des I-III intitulé «The Corellian Edition» - quoi qu'on n'y entende zézayer aucun ténor.)

4. Le dimanche 22 avril 2018 à , par DavidLeMarrec

C'est vrai, le premier reste un objet destiné au grand public et notamment aux jeunes, mais qui ne fait pas de la racolage de la cabriole et du feu d'artifice permanent. Valable aussi pour la musique, où on plonge dans le paradigme wagnérien sans avoir besoin de convoquer les horribles chœurs façon Orff… (je me suis toujours demandé ce que ça voulait dire : qui sont ces gens, quelle est cette langue, pourquoi s'expriment-ils alors qu'on en vient aux mains ?)

Pour autant, je ne suis pas sûr que cet écart (expliqué a posteriori comme la représentation de l'Ordre – discutablement monacal – dans sa jeunesse et son Âge d'Or) soit réellement délibéré. À cette époque, la jeunesse parvenait à rester magnétisée devant Star Trek TOS… de l'exploration spatiale dans un studio exigu, où quasiment toutes les intrigues sont psychologiques (pouvoirs de la matière sur l'esprit et de l'esprit sur la matière, question de l'identité, de l'illusion…), où le combat n'apporte jamais de solution… et surtout, à une storyline par épisode, là où désormais il en faut bien quatre, même dans un pilote de début de saga…

L'esthétique a aussi sans doute changé parce que, pour toucher le même public des jeunes chevelus, les moyens nécessaires n'étaient plus les mêmes. (D'ailleurs les jeunes gens sont souvent assez convaincus par le côté débraillé et tape-à-l'œil de cette prélogie.)

Là, pour le coup, la musique, sans le contexte des films, a plus de mal à survivre seule. (Un peu moins celle du III, qui a manifestement mieux inspiré Williams et qui, sans être aussi austère, avec cette petite rigidité qui reste même dans les derniers Wagner par rapport à ses disciples du XXe, renoue quand même avec un langage plus ambitieux et structuré.)

[Corellian]
Oui, c'est cela, je crois que les I à III n'ont jamais été publiés commercialement en CD dans leurs versions intégrales. Mais ça existe, bien sûr. Voilà un domaine où il n'est pas très difficile de dénicher les raretés et autres versions parallèles !
Je suis très curieux d'entendre ça en vrai, pour voir ce qui fonctionne et ce qui est plus utilitaire, j'aurai peut-être des surprises (en espérant que le son du film ne couvre pas tout, évidemment).

5. Le dimanche 22 avril 2018 à , par Morloch François

Il existe des extraits sur Youtube d'un concert de 2010 sur les pelouses du Palais de Schönbrunn devant le bon peuple autrichien rassemblé, le Philharmonique de Vienne y joue la Marche de Radetzk... euh de l'Empereur et d'autres thèmes de Star Wars.

Je le mentionne parce que ces extraits sont hallucinants, le Wiener Philarmoniker y fait la démonstration que, quoi qu'on en dise, son niveau est encore plusieurs catégories au dessus des autres orchestres de la galaxie. C'est bluffant de précision, de dynamisme, d'engagement, d'homogénéité, c'est la grande classe avec un son magnifique. C'est bien la preuve qu'en réalité, ce qui manque aujourd'hui à ces grands orchestres c'est du répertoire intéressant, de haut niveau et qui les motive, à la place de ces Richard Strauss, Wagner et autres Mahler où il peuvent se contenter de roupiller tranquillement.


6. Le lundi 23 avril 2018 à , par DavidLeMarrec

Coucou François !

Je viens de réécouter, et comme la première fois, je les trouve très composés, disons (en plus dirigés par Welser-Möst, rien d'étonnant…). Ça ressemble à Vienne, quoi. Très virtuoses, oui (pas spécialement sans rivaux non plus, par rapport au Muséum de Francfort, à Berlin, ou au LSO des grands soirs, je trouve ça nettement moins impressionnant), mais toujours cette forme de quant-à-soi assez peu électrique…

(Outre le troll, oui, ça peut faire mentalement la liste des courses dans les grands orchestres, lorsque le répertoire est rebattu… mais aussi tout simplement quand ça ne les motive pas. Les Français sont réputés pour ça, mais les Viennois du Philharmonique et de l'Opéra, c'est quelque chose !)

7. Le mardi 24 avril 2018 à , par Ouf1er

J'allais écrire : "Rhoooo, tu as réussi à écrire un article sur John Williams sans même mentionner Korngold... !!! "
Mais bon, je vois que tu t'es rattrapé dans les commentaires au moins ! ;)

8. Le mercredi 25 avril 2018 à , par DavidLeMarrec

Évidemment, je suis un garçon honnête, moi, Monsieur Majesté !

9. Le vendredi 27 avril 2018 à , par Andika

Quel plaisir de lire cet article et surtout d'écouter les extraits. Personnellement j'avais adoré la BO de l'épisode II à l'épique, c'est la seule que j'ai achetée en disque à ce jour. Mais je dois dire que j'ai été impressionné par le travail effectué par Williams dans l'épisode VIII récemment. En effet, le recyclage de thèmes est ici à son paroxysme, rien ne se perd, tout est réutilise, renouvelé. On devrait le nommer ministre de l'écologie à mon avis. J'avais regardé une vidéo sur ses influences sur YouTube, je crois que c'était sur la chaîne révisons nos classique, je ne suis plus certain.

10. Le vendredi 27 avril 2018 à , par DavidLeMarrec

Oui, j'ai beaucoup aimé les BOs des VII (nouveaux thèmes, notamment celui de Rey qui renouvelle les climats sonores tout en en conservant la matrice wagnéro-straussienne) et VIII (comme tu dis, ça recycle dans tous les sens, mais en les mêlant étroitement, vraiment bien fait, un beau dialogue avec l'action).

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David Le Marrec

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