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Wieck instrumentalisée



Manuscrit autographe d'Am Strande.

J'avouerai mon impatience devant la quantité hallucinante de disques et de concerts Schumann-Wieck-Brahms.

Bien sûr, tisser ensemble la musique des époux Schumann a du sens – ils l'ont eux-même fait dans leur musique, du moins au début de leur relation (Robert s'est vite renfermé et a relégué Clara aux tâches utilitaires comme torcher les gosses ou, musicalement, organiser les répétitions de ses œuvres les plus ambitieuses).

Pour autant, cette tendance suscite trois problèmes :

1) on entend toujours les mêmes œuvres. En général les romances violon-piano de Wieck, quelquefois (si on est veinard) un peu de piano solo ;

2) toujours en saupoudrage, on sent bien que Madame est le prétexte pour vendre de la cohérence programmatique et, idéalement, du rêve à l'auditeur. Vous pouvez chercher les disques Wieck agrémentés d'une pièce mineur de Schumann ou Brahms… il n'y en a pas ;

3) comme on est contraint par l'effectif instrumental embauché (et que manifestement les interprètes jouent ce qui leur tombe sous la main sans trop s'être posé la question de la contribution la plus significative de Wieck), on ne joue pas ses bonnes œuvres. Ce qui, en plus d'être rageant, a pour effet de renforcer le préjugé de « compositrice » / « femme-de » forcément inférieure aux grands hommes qu'elles accompagnent.

Or, autant les Romances violon-piano sont gentiment aimables, autant il y a quelques pépites pour piano (les deux scherzos !) mêlées à une production donc l'aire d'ambition semble davantage le salon que l'Histoire de la musique, autant les lieder sont tout à fait considérables, et parmi l'un des plus beaux corpus de tout ce premier XIXe siècle, à mettre aux côtés de Schubert, Loewe et Schumann. Beaucoup de traits la rapprochent de Schubert dans cette part de sa production : l'évidence mélodique, l'esprit de modulations toujours en lien étroit avec l'émotion du texte, la capacité à produire des lieder strophiques dont la substance est suffisamment adroite et évocatrice pour ne pas lasser ni se contorsionner à la redite… Et elle ne met pas non plus n'importe qui en musique (beaucoup de Heine et Rückert).

Hélas, je ne connais que très peu de disques (spontanément, je ne vois que le Bonney-Ashkenazy) qui prennent réellement au sérieux l'idée d'un panache des lieder des époux. Et on reste assez un nombre assez limité d'intégrales de ces lieder, malgré leur intérêt de toute première catégorie.

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Aussi, à la longue, j'avouerai que la paresse qui consiste à mettre les mêmes œuvres ensemble pour disposer d'un programme « l'amour incroyable des époux Schumann » (ce qui n'est pas du tout conforme à la réalité de leur relation passé les premiers mois du mariage – clairement Robert a vite arrêté de faire des efforts…), sans considération de la musique qu'il serait intéressante de montrer chez Clara Wieck, m'urtique un peu.
Quitte à proposent des constructions intellectuelles qui contraignent le choix des œuvres, au moins variez un peu vos choix et changez de disque !

On s'étonnera avec ça que le disque aille mal, quand des interprètes de peu de notoriété empilent les mêmes œuvres sans fin… il y a un moment où il n'y a plus de place sur le marché qui est déjà une niche. Non pas que les raretés se vendent bien, mais au moins le disque sert alors de document pour les générations futures. La nouvelle version des Romances (mineures) de Wieck par quelqu'un que personne ne connaît (et qui n'a pas toujours une proposition interprétative meilleure que les autres ni d'une étourdissante singularité), est-ce bien la bonne chose à enregistrer ?

Bref, écoutez les lieder de Wieck (très belle intégrale chez Hyperion, qu'on devrait bientôt trouver en flux), buvez de l'eau et ne vous énervez pas pour si peu.


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