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mardi 12 décembre 2023

Scènes de fantômes – les Geisterszenen d'Anselm Hüttenbrenner


Le compositeur Anselm Hüttenbrenner est surtout resté, non pas célèbre, mais présent dans l'imaginaire des mélomanes un peu curieux de la biographie de leurs héros. Élève de Salieri, il est d'une part l'une des deux personnes présentes au chevet de Beethoven expirant ; d'autres part celui à qui Schubert confia sa Symphonie inachevée (qui, certes, n'avait pas alors la valeur qu'elle a prise aujourd'hui !), et dont le Requiem en ut mineur fut exécuté pour la mise en terre du même Schubert.

Sa musique cependant est fort peu pratiquée, et sa présence au disque est rare – au concert, elle est nulle. Je ne découvre sa musique que cette semaine, grâce à une recommandation spécifique de Gluckhand de l'excellent forum Classik. Et, de fait, quelle découverte !

Ce cycle de 1850 se situe à la croisée de plusieurs influences. On y entend des formules de follets déjà présentes dans le Freischütz de Weber, quelques cantilènes qui pourraient sortir de Norma de Bellini, au sein d'un langage très schumannien (qui évoque notamment la fièvre, le lyrisme, et la disparité de son des Kreisleriana). À l'écoute, la discontinuité des atmosphères et des effets pianistiques est telle qu'on a parfois l'impression d'écouter de la musique pour soutenir une déclamation parlée, comme cela se faisait à l'époque (une forme mélodrame). On alterne entre les ponctuations légères et les grandes mélodies douces, les traits virtuoses et l'homorythmie régulière. J'en trouve la matière musicale réellement marquante et intéressante – elle vaut largement celle des cycles de Schumann, pour ce qu'il m'en semble, car peut-être plus régulière dans la finition, la variété d'invention et, plus subjectivement, l'inspiration. C'est en tout cas assez comparable dans les couleurs harmoniques, les moyens pianistiques, la conception du cycle tout en ruptures…

Belle découverte, il a écrit 250 lieder (j'ai dû en entendre quelques-uns déjà), 300 chœurs a cappella, une grosse vingtaine de pièces religieuses et un peu de musique sacrée et six opéras – 3 œuvres comiques, un singspiel, une Lénore d'après Bürger, un Œdipe à Colone sur le livret utilisé par Sacchini en 1786 ! Et une musique de scène (chœur, piano, orchestre) pour Genoveva de Frey.

On n'a pas grand'chose au disque – des chœurs chez le même éditeur Helbling, sinon tout se trouve par bouts dans des couplages avec du piano ou des chœurs de Schubert chez Gramola, CPO, Hänssler… –, et même sur IMSLP le choix est très réduit. Mais je vais aller fouiner un peu, ce que j'ai entendu donne la mesure des moyens compositionnels du bonhomme.


Deux jours d'offre (vertigineuse) à Paris


Photographie du site du Château, je n'ai pas eu le temps d'aller fouiller dans les miennes qui sont sensiblement similaires.

Vendredi (V) et samedi (S), les concertivores Franciliens sont soumis à une épreuve peut-être plus violente encore que la disette : l'impossible choix. La quantité de choses passionnantes à voir devient insoutenable, et une sélection paisible des concerts se révèle quasiment impossible, obligeant à des sacrifices d'une cruauté impossible à représenter.

On aura ainsi :
→ des Zelenka sacrés rares : le Magnificat en ré ZWV.108 par l'ensemble Balthasar-Neumann (incroyables couleurs sombres et mordantes) dans la chapelle et la salle de bal (formidable acoustiquement) de Fontainebleau (V,S,D) et la Missa Corporis Domini par le Collegium 1704 (là aussi, un des meilleurs ensembles au monde) à la Seine Musicale (S) ;
→ des Mendelssohn choraux extraordinaires, Elias par Pygmalion à la Philharmonie (V) et le Psaume 42 (« Comme une biche se tourne
vers les cours d’eau ») par le très bon ensemble amateur Oya Kephalê (V,S), certes des tubes, mais au sein de leur niche propre et donc pas si souvent audibles en concert par rapport aux grands quatuors ou grandes symphonies du répertoire ;
→ un programme symphonique (V,S) très original par l'orchestre (amateur de haut niveau) Elektra, incluant la première exécution européenne de la scène vocale (très bien écrite, pour ce que j'ai pu en juger en survolant la partition) Jephthah's Daughter d'Amy Beach, un extrait de Penthesilea de Wolf, l'Ouverture de Gwendoline de Chabrier, Le Songe de Cléopâtre de Mel Bonis et quelques tubes (Thaïs, Salomé…).

Déjà, cela fait cinq concerts immanquables en deux jours, mais l'offre ne s'arrête pas là, des séries particulièrement attirantes qui se poursuivent sur cette période, le Sondheim donné au Lido (V,S), l'opéra post-cavalliste pré-vivaldien restitué de Sartorio à l'Athénée dont les critiques sont dithyrambiques (V,S), Les Contes d'Hoffmann à Bastille avec Bernheim et Van Horn (V) et les dernières dates d'Achevons la métamorphose (V,S), le spectacle lyrico-genderfluid de Grégoire Ichou & Vincent Buffin !

Vous trouverez par ailleurs sur l'agenda de CSS quelques autres concerts peut-être un peu moins exceptionnels, mais très attirants, comme les Symphonies 1 & 9 de Schubert par l'Orchestre des Lauréats du Conservatoire (des anciens du CNSM qui sont constitués en orchestre pour une année scolaire ou deux, afin de servir de support aux étudiants en direction d'orchestre) (V), un concert Mendelssohn-Webern par le Philharmonique de Radio-France, des œuvres pour quintette à vent par les membres de l'Orchestre de Chambre de Paris (Grieg, Bizet, Bartók, Farkas, Ligeti…), une création de Beffa couplée avec la Symphonie n°6 de Beethoven au Ground Control, les trios n°5 de Beethoven et n°2 de Chostakovitch à l'Hôtel de Soubise, le Messie de Haendel par les Arts Florissants, ou encore un concert Poulenc Pépin Ferran Ginastera Ibert Mompou Prokofiev Ligeti au studio Legato (S)… …

Comment choisir à moins d'avoir des goûts très spécifiques plutôt tournés opéra, baroque, symphonique, romantique… D'autant que vous trouverez toujours d'autres concerts plus touristiques sur l'Offi, du jazz au Sunside et au Duc des Lombards, des concerts de fin de session dans les conservatoires et pour les ensembles amateurs…

La fin de chaque semestre (décembre, mai-juin) est toujours un moment particulièrement intense en concerts, même en province, parce que les ensembles amateurs et les conservatoires donnent leurs concerts terminaux, ce qui s'ajoute à l'offre officielle préexistante ; et comme ce sont parfois des ensembles de haute qualité et des programmes peu ordinaires, cela charge considérablement la barque lorsqu'on dispose déjà d'une offre très dense comme à Paris.
Pleurez, pleurez sur les pauvres mélomanes franciliens qui, pour un concert exceptionnel vu, doivent faire le deuil de deux autres qui étaient pourtant à portée de main !

(Et bon courage à tous les copains un peu obsessionnels qui vont passer leur semaine à essayer de faire entrer le maximum de choses ou à peser minutieusement par anticipation les mérites des 2 concerts les plus exceptionnels des 5 immanquables !)


David Le Marrec

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