Carnets sur sol

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mardi 27 août 2024

Qu'écouter aujourd'hui ? – Les playlists de Carnets sur sol


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Faute de temps pour tout entretenir et poursuivre simultanément des projets plus vastes, j'ai dû renoncer à commenter tous les disques que j'écoutais. Les publier sur CSS risque de noyer les notules de fond sous la masse ; les publier sur DSS les rend invisibles (et l'obsolescence du logiciel rend l'inclusion d'images, particulièrement bienvenues pour les pochettes de disques, assez fastidieuse). J'hésite entre continuer à alimenter de loin en loin le fichier susmentionné ou à lancer un site autonome avec un outil de publication à jour, qui permette de s'abonner par courriel comme on me le demande souvent (j'ai lancé un test ici : https://carnetsoldisques.wordpress.com). Ce serait alors le même modèle que pour mes promenades et 1 jour, 1 opéra où je continue à poster – avec sensiblement moins de vues que sur le site principal, mais j'ai l'impression que cela rend la navigation plus claire (et me permet, surtout, de publier davantage en dépensant moins de temps en mise en forme).

Se pose la question d'un site qui pourrait centraliser tout ça (avec des onglets ?), mais pour l'instant le meilleur choix ne m'apparaît pas tout à fait clairement, et j'ai déjà beaucoup tâtonné sur ce format d'instantanés, alternant les moments où je tâche d'en publier beaucoup, et ceux où je me concentre sur des notules plus longues.

Dans l'attente, sachez tout de même qu'à défaut de commentaires, je constitue des listes, qui feront à terme l'objet de notules. Sur Spotify (accessible même si l'on n'est pas abonné), j'ai ainsi constitué quelques dizaines de playlists thématiques, pour permettre de picorer et découvrir de nouveaux horizons. Ce n'est pas aussi bien qu'un commentaire, mais cela me permet de proposer beaucoup plus de pistes d'écoutes. Les playlists, du moins celles achevées, sont classées par date de naissance des compositeurs – il peut y avoir des approximations ou des noms pas encore classés, mais c'est en général l'esprit. L'idée est de fournir des idées d'écoute, des panoramas diachroniques de tel aspect musical.

Toutes les listes d'écoute sont disponibles sur cette page. (Et j'en exporte régulièrement une version tableur, ce qui permet, en cas de changement de politique de la plate-forme, de pouvoir réexploiter ce contenu.)
Même sans les écouter spécifiquement sur Spotify, vous trouverez sans doute là des idées assez faciles à glaner – avec toutes les références et pochettes, plus facile à parcourir qu'une liste en texte brut.



Vous en rencontrerez plusieurs types.

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Les playlists qui accompagnent des notules :
Caïn en musique (complète, en avance sur la série de commentaires) → notule 1, notule 2 ;
musique & I.A.notule ;
opéra comique et grivoiserie → notules La Laitière, Guillaume Tell, Le roi Carotte ;
¶ origines apocryphes de God Save the King, l'enquête → notule ;
Sturm und Drangnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras françaisnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras allemandsnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras slavesnotule ;
déchiffrages inédits d'opéras en langues diverses, sacré, symphonique, mélodiesnotule ;
déchiffrages inédits lieder 2022-2024notule ;
¶ « célébrités et tubes » (je ne retrouve plus la notule !) ;
Don Quichotte de Paisiello au Louvre → notule ;
notule sur les nouveautés septembre-octobre 2023notule ;
notule Beyoncé-Jenůfanotule.

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Les playlists qui accompagnent des podcasts :
panorama de la musique ukrainienne (avec les podcasts insérés) → notules ;
la musique populaire imprimée, matrice invisible des compositeurs établis (avec les podcasts insérés) → notule ;
¶ « l'opéra ? »  (podcast uniquement) → notules ;
¶ « qu'est-ce qu'un chef d'orchestre ? »  (podcast uniquement) → notules.

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Les séries historiques, qui permettent d'embrasser un genre :
histoire générale de l'opéra (90 titres jusqu'à l'orée de LULLY, je me suis ensuite orienté vers des histoires de l'opéra triées par langues pour que ce soit gérable) ;
histoire de l'opéra italien (jusqu'à Mayr, à compléter largement, avec podcast inséré) → notule ;
histoire de l'opéra français (jusqu'à Lalo, à compléter avec la suite) ;
histoire de l'opéra suédois (complète, avec notule afférente) → notule ;
histoire de l'opéra danois (inachevée) ;
histoire du quatuor à cordes (complète, avec micro-podcasts insérés) ;
les sextuors à cordes (complète, avec micro-podcasts insérés) ;
¶ œuvres écrites en collaboration entre plusieurs compositeurs ;
les états de la chanson Prinz Eugen der edle Ritter ;
les peintres mis en musique (la playlist par laquelle j'ai débuté l'exercice, je crois !).

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Répertoire discographique de compositeurs :
Santiago de Murcia, discographie comparée ;
best of Pierre Rode ;
Hüttenbrenner (associée à une notule) ;
répertoire de Samuel Coleridge-Taylor ;
répertoire de Roy Harris ;
¶ tous les chefs-d'œuvre de Philip Glass (achevée et exhaustive) ;
¶ et même une sélection discographique de la meilleure chanteuse du monde (si j'existe, c'est d'être fan).

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Les sélections personnelles (subjectives), pour conseiller le (mon) meilleur d'un répertoire (plus parlant qu'une notule en forme de liste, je pense) :
offertoires de Requiem (complète, avec une première notule pour l'explorer) ;
variations orchestrales ;
symphonistes décadents (embryon) ;
chefs d'orchestre compositeurs (embryon) ;
symphonies pour cordes ;
concertos pour violon (dans le désordre chronologique, mais versions choisies avec soin) ;
concertos pour hautbois ;
concertos pour clarinette (complète) ;
quatuors piano-cordes (début) ;
trios piano-cordes (embryon) ;
favoris pour piano ;
pièces d'orgue chouchoutes (série de notules à venir), suivies de trois sous-listes :
clavecin chouchou ;
favoris pour harpe ;
favoris pour guitare baroque (embryon, pour l'instant je n'y ai mis que du Murcia et du Sanz par Pitzl…) ;
favoris pour basson solo ;
favoris pour cor solo ;
hors classique (mélange de doudous et de découvertes récentes à approfondir) ;
¶ le top réalisé automatiquement par Spotify à partir de mes écoutes les plus fréquentes en 2023 – pas tout à fait exact (la hiérarchie entre les pistes est tout à fait fantaisiste, j'ai bien plus écouté ce Pękiel que ce Beethoven, par exemple), mais assez représentatif de mes doudous.

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Des listes pour accompagner des événements :
→ pour les curieux qui voudraient pré-découvrir les raretés de la saison francilienne 2024-2025 (à peine commencée) ;
→ mise en ligne du catalogue Château de Versailles Spectaclesnotule ;
→ pour répondre à la commande d'une bande son pour accompagner une exposition sur la mémoire de génocides (le cahier des charges étant discret en volume, pudique en émotions, ni trop déprimant, ni trop emphatique).

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Les relevés de nouvelles parutions :
relevé des nouveautés qui me paraissent intéressantes (et ici les archives 2023-1, 2023-2),
→ liste des nouveautés que j'ai écoutées, si jamais vous voulez m'interroger dessus (archives 2023-2),
→ liste des coups de cœur parmi les nouveautés (archives 2023-2).

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Les relevés d'écoutes :
liste (à peu près) complète des disques que j'écoute, sauf incunables disponibles seulement à l'achat / en médiathèque / sur YouTube, évidemment, là aussi comme base pour retrouver mes petits, ou pour échanger avec des lecteurs (archives 2023-1, 2023-2) ;
→ et parmi ceux-là, les coups de cœur, que ce soient des découvertes ou des réécoutes (archives 2023-2) ;
→ et ces disques doudous auxquels je reviens inlassablement depuis des années.

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Et d'autres indépendantes de CSS :
→ comme celle-ci où je recense quelques disques hors classique que je projette d'écouter plus sérieusement ;
→ ou mes listes d'écoutes pour me bercer le soir ou la nuit : 1, 2, 3, 4 (si vous cherchez de très beaux disques avec peu de contrastes dynamiques, c'est par là).



Voilà un certain nombre d'idées d'écoute, de quoi vous occuper quelque temps. J'en discute volontiers avec vous dans les commentaires – j'imagine qu'il y aura grandement matière à compléter ou.

Par ailleurs, si vous cherchez des idées sur un thème précis, vous pouvez demander, je fais l'exercice avec plaisir tant que le temps à ma disposition n'est pas trop limité. (Ce fut le cas pour la liste Peintres, celle sur les Variations orchestrales ou encore Mémoire des génocides, par exemple.)

vendredi 9 août 2024

Panorama discographique de l'opéra suédois



Le projet : proposer une discographie (et une playlist) assez complète de l'offre en opéra suédois au disque – et en distinguer les titres les plus exaltants.


A. L'opéra en Suède

La Suède était encore l'une des grandes puissances européennes au XVIIIe siècle, sans comparaison avec la place qu'elle occupe aujourd'hui – et reste surtout citée pour son rayonnement culturel et son modèle de société. Elle a donc, en bonne logique, produit ses propres opéras, et la particularité est que, même au XVIIIe siècle, des opéras en langue locale ont été produits.

La première troupe de l'Opéra Royal de Suède n'advient qu'en 1773 – sous le règne du fameux Gustav III dont l'assassinat est raconté par Somma & Verdi dans la version originale d'Un Ballo in maschera. J'imagine que des opéras italiens ou allemands ont dû être ponctuellement exécutés auparavant, mais l'objet de cette notule n'est pas historique – simplement une recension et rapide présentation de ce qu'on peut trouver au disque, et qui contient mainte pépite malgré l'offre très limitée chez un nombre de labels restreint.

L'époque romantique et le tournant du XXe siècle (davantage postromantique que décadent à l'allemande, avec des représentants comme Peterson-Berger ou Stenhammar) sont prodigues en très belles œuvres au lyrisme généreux. La production reste importante aujourd'hui, mais pour des raisons d'exportation des œuvres, beaucoup d'entre elles sont directement écrites en anglais par les compositeurs.

Il faut bien sûr débuter par Johan Helmich Roman (1694-1758), désigné comme « le père de la musique suédoise », chargé des fêtes royales dans la première moitié du XVIIIe siècle ; après des voyages dans toute l'Europe, il écrit des messes et des divertissements qui portent la marque de ses études. Si ses cantates sacrées sont en suédois, ses cantates profanes sont en allemand ou en italien – mais peut-être certaines ont-elles été traduites ultérieurement, vu que l'enregistrement est dû à Hungaroton, par des chanteurs hongrois qui étaient sans doute plus familiers de l'allemand. Je vous les ai glissées en tête de Playlist pour information.


B. Une liste

Il est temps de commencer le tour des opéras suédois que l'on peut trouver au disque ! J'ai écarté les opéras d'autres langues qui étaient exécutés en langue locale au milieu du XXe siècle – le label Bluebell en fait entendre beaucoup d'extraits dans les fabuleux récitals des vedettes de la scène stockholmoise, je vous recommande très volontiers leurs Mozart et Verdi en suédois, par des voix hors du commun !

Comme j'entends bien outrepasser la durée de vie de Spotify, et que les règles d'accès peuvent varier du jour au lendemain, voici sous forme de tableau la liste des disques (et pistes) que j'ai pu accumuler pour cette présentation.


C. Opéras de style classique et premier romantisme

Marqué à la fois par la forme de l'opera seria (récitatifs secs alternant avec les airs) et la langue post-gluckiste, Joseph Martin Kraus (né en 1756) fait entendre dans Proserpina la transition vers des affects et des couleurs plus romantiques. Témoignage (par un des très grands compositeurs de son temps) de ce que produit un opéra de style européen acclimaté à la Cour de Suède.

Franz Berwald (né en 1796) est considéré comme un des compositeurs suédois pionniers, notamment dans le domaine de la symphonie ; à l'opéra, l'œuvre est d'un romantisme très consonant, aux accents assez modérés (on est dans la génération Donizetti), et l'interprétation proposée ici manque de saillances pour outrepasser le patron assez traditionnel.
Au disque : une intégrale d'Estrella de Soria et un air isolé de Drottningen av Golconda, plus marquant, par Elisabeth Söderström.

Le style d'Eduard Brendler (1800-1831) se rapproche bien plus de Verdi (avant l'heure !) – sans doute grâce à l'influence allemande, mais ses carrures sont plus italiennes que weberiennes –, avec un sens de l'expression droite, de l'exaltation de la mélodie vocale mais aussi du drame. Le langage musical n'est pas encore très riche, mais le résultat, dans Ryno, possède un bel élan général.

Adolf Fredrik Lindblad (né en 1801) a beau être un compositeur emblématique du pays – en particulier pour ses chœurs et mélodies, aucun de ses opéras ne semble couramment disponible au disque ; il y en a sans nul doute eu, mais je n'ai jamais pu en croiser, et je n'en trouve pas présentement en flux. J'ai seulement trouvé un extrait de Frondörerna dans un récital de la soprano Gunilla af Malmborg, mais une erreur a dû se glisser dans le pressage du CD ou lors de la transmission de la version numérisée : sur toutes les plates-formes, c'est une œuvre pour piano seul qu'on peut entendre.
D'une manière général, le style de Lindblad se caractérise par une expression très douce et consonante, je ne suis pas sûr qu'il soit le plus apte à soulever les passions dans un opéra… mais je ne connais pas ses œuvres dramatiques !


D. Le grand romantisme suédois

Le style romantique s'épanouit à partir du milieu du siècle, et s'étend assez loin au vingtième siècle, sans que les compositeurs les plus en vue (je ne connais pas assez l'ensemble du corpus pour me prononcer au delà) s'empruntent un chemin qui s'apparenterait aux décadents allemands ou aux impressionnistes français.

Blenda de Per August Ölander (né en 1824) constitue l'une des grandes réussites de cette période : œuvre ardente dramatiquement, où l'on sent les parentés avec les autres drames romantiques européens (Nicolai, Marschner, Verdi, Macfarren…), et une langue musicale soignée qui échappe aux seuls attendus du singspiel et du belcanto. Belle version bien animée au demeurant, chez Sterling (Radio Suédoise, Bartosch), avec de chouettes sonorisations des combats d'épée.

Comme je parle exclusivement d'opéras en langue suédoise, je laisse de côté l'excellent opéra italien de Jacopo Foroni (né en 1825) Cristina, Regina di Svezia. [Je renvoie donc simplement les curieux vers la notule qui en parle, pour la série Une décennie, un disque.]
En revanche, sur Advokaten Pathelin, je lis des sources contradictoires sur sa composition originelle en italien ou, plus logique, en suédois – conçu pour la Suède, et l'adaptation théâtrale de la Farce de Maître Pathelin avait été représentée en suédois dès 1818. On ne dispose à ma connaissance que d'un duo-valse vocalisant chanté par la soprano Rut Jacobson.

Je suis moins enthousiaste sur Bergtagna d'Ivar Hallström (né en 1826). Les notices le présente comme le « Verdi suédois », mais je suis frappé au contraire, dans cette histoire des noces du Roi de la Montagne, venu chercher une belle et jeune mortelle déjà fiancée, par la décorrélation entre texte et musique. Le livret n'est pas mauvais, des mystères, des ruptures, énormément de scènes remplies d'êtres merveilleux… et cependant la musique, belle, paraît imperturbable, ne change pas de caractère selon les personnages qui s'expriment, n'accélère pas quand les situation se tendent, etc. De la belle musique un peu extérieure, pour moi.
Par ailleurs, l'interprétation disponible au disque n'est pas tout à fait enthousiasmante : voix un peu limitées, voire vraiment fatiguées (Hillevi Martinpelto, dans son rôle de jeune première, y ressemble à une mezzo en fin de carrière). Il est possible aussi que dans une œuvre peu courue, le Symphonique d'Umeå ne soit pas de même niveau que ses collègues de la capitale.

Pour Hertig Magnus och Sjöjungfrun du même Hallström, seul un air, à nouveau par Rut Jacobson, peu s'écouter – mélancolique et touchant, il donne envie de connaître le reste ! (Et laisse à penser que, mieux servis que dans l'intégrale Sterling qui a l'immense mérite d'exister, Bergtagna et les autres opéras de Hallström mériteraient sans doute leur chance !)

Faute d'une intégrale pour ce compositeur d'opéra important, je vous ai proposé un oratorio de Noël d'Andreas Hallén (né en 1846), mais je ne connais pas son langage dramatique par ailleurs… Simplement pour essayer de proposer un paysage le moins lacunaire que je puis.


E. Le postromantisme suédois

Bien que nous arrivions du côté des générations qui ont bien connu le vingtième siècle (nés à partir des années 1860), le style demeure pour la plupart très romantique, simplement augmenté d'harmonies un peu plus recherchés et d'une construction orchestrale plus souple, suite à l'influence de Wagner.

Je commence par Jean Sibelius (né en 1865), le seul de cette génération, précisément, à échapper à cette dimension (il faut dire qu'il n'est pas Suédois, mais suédophone de Finlande) : son opéra Jungfrun i tornet (La Jeune Fille dans la Tour) est réellement traité comme un immense duo atmosphérique de Tristan, dont les rares parties dramatiques évoquent plutôt les tournures du Vaisseau fantôme. Une atmosphère très symboliste, quelque part entre la simplicité folklorisante (du type Peer Gynt de Grieg) et la transparence mystérieuse qui évoque plutôt Rodrigue et Chimène de Debussy.

Il en existe deux versions (seulement !) : celle de Neeme Järvi est particulièrement bien chantée, par des voix fermes et colorées (dont Hynninen !), tandis que celle du fiston Paavo Järvi, plus internationale de ton et plus ternement captée, profite tout de même d'un soin de coloriste tout particulier du côté du chef – mais pour un opéra où la partie vocale demeure prépondérante, je vous recommande clairement la première.

La seule intégrale dont on dispose couramment pour Wilhelm Peterson-Berger (né en 1867) est celle d'Arnljot, d'un postromantisme à tendance épique, dans une glorieuse équipe de wagnériens fameux d'alors (Barbro Ericson, encore connue pour sa Kundry avec Knappertsbusch à Bayreuth ; Sigurd Björling, Wotan avec Karajan à Bayreuth) et dirigés par un des excellents chefs suédois de sa génération, Sixten Ehrling.

Je trouve toutefois – contre toute attente, n'aimant pas du tout l'intégrale Sibelius très crémeuse et un peu indolente d'Okko Kamu – les extraits parus chez Sterling beaucoup plus vivants, mettant davantage en valeur les beautés mélodiques de cette musique assez lyrique. Peterson-Berger, assez paisible dans le domaine orchestral ou choral, révèle à l'opéra des talents dramatiques insoupçonnés, avec une qualité musicale jamais prise en défaut.

Mais ma préférence va à Domedagsprofeterna (Les Prophètes d'Apocalypse), plus original et intense. Hélas seulement disponible pour une heure vingt d'extraits.

L'autre grand représentant norvégien postromantique de l'époque, Wilhelm Stenhammar (né en 1871), est aussi compositeur d'opéra ; lui qui aime à l'orchestre les consonances et les atmosphères souriantes, voilà qu'il réagit très efficacement aux impératifs du contraste dramatique pour ce Gillet på Solhaug (La Fête à Solhaug) d'après le drame d'Ibsen ! J'y retrouve des traces de Wagner (les trombones en octaves descendants comme pour les Pactes de l'Or du Rhin, des ponctuations qui évoquent les Maîtres Chanteurs…), dans un style qui demeure très romantique, quoique tout à fait continu, avec des frontières entre scènes d'action et airs profondément brouillées.

J'ai encore plus aimé l'exaltant Tirfing, dont les élans épiques emportent immédiatement l'adhésion. Là aussi, disponible seulement en extraits, mais les choix sont judicieux : les finals d'acte, là où se concentrent en général les ensembles, l'action et le meilleur de la musique.

Pour Florez och Blanzeflor, seul un air enregistré par le grand baryton wagnérien Joel Berglund (il existe en particulier un impressionnant Hollandais intégral) nous subsiste – prometteur mais court.

Devant le peu d'œuvres disponibles, je me permets ce détour par Hugo Alfvén (né en 1872), probablement le Suédois le plus singulier après Sibelius (et Allan Pettersson, mais c'est plus tard et je n'aime pas beaucoup l'univers de Pettersson).

À défaut d'opéra, il a écrit quantité de cantates de commande pour toutes sortes d'occasions, qui permettent, à défaut d'action dramatique, de profiter de son écriture vocale de grand format : Cantate de l'Apocalypse, pour la fête de la Réforme à Uppsala en 1917, pour les 500 ans du Parlement suédois, pour les 450 ans de l'Université d'Uppsala, pour le vernissage de l'exposition baltique à Malmö, pour le rassemblement de la Croix-Rouge suédoise en 1930, pour l'anniversaire du demi-siècle de l'Union postale mondiale… !

Malgré les sujets d'apparence peu inspirante, comme l'éloge du Parlement, l'écriture en est en réalité particulièrement élancée et généreuse, musicalement dense. On les écoute et réécoute avec beaucoup de plaisir, davantage que bien des opéras !


F. Écoles du XXe siècle et au delà

Parmi les énormes manques. Naxos avait distribué (de quel label ?) une version DVD que je n'ai jamais revu émerger de Kronbruden (La Couronne nuptiale) de Ture Rangström (né en 1884), d'après Strindberg. Seul un long extrait, marquant par ailleurs – totalement tonal, mais d'une certaine distance émotionnelle, faisant la part belle aux solos de clarinette basse, de hautbois, de cors, avec une écriture vocale qui ne cherche plus prioritairement l'élan lyrique –, se trouve dans ce récital de Joel Berglund publié par l'excellent label spécialiste Bluebell.

Dernier opéra, le plus récent que j'aie, Svart är vitt – sa Kejsaren (Le noir c'est blanc – dit l'Empereur) de Laci Boldemann (né en 1921), un opéra dont l'écriture demeure relativement traditionnelle (et complètement tonale), mais dont le coloris est davantage néoclassique (néoclassique bariolé, on sent davantage la parenté avec Petrouchka et Riisager qu'avec The Rake's Progress). L'aspect parfois dégingandé de sa musique et son sujet de conte terrible (un enfant se retrouve encagé par un Empereur capricieux et ombrageux) ne sont pas sans rapport avec Prokofiev – mais un Prokofiev sans ombres, l'œuvre hésite entre le ton de l'œuvre pour enfant ou de l'opérette, et le véritable opéra ambitieux. On peut penser à Juliette ou la Clef des Songes de Martinů, également, même si la densité musicale de l'œuvre de Boldemann n'est pas du tout équivalente aux modèles cités.


G. Les manques

Considérant l'étroitesse du corpus enregistré, ils sont considérables. Parmi les opéras fondateurs, bien sûr l'opéra à sujet national Gustaf Wasa de Johann Gottlieb Naumann (né en 1741), une commande de Gustave III et un standard des maisons suédoises jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Au début du XXe siècle, je citais l'absence de Ture Rangström, figure assez importante de la composition suédoise du temps, mais c'est surtout la seconde moitié du XXe et le début du XXIe qui sont très mal documentés, alors que Dacapo, par exemple, a publié énormément d'opéras danois récents en plus de ceux du patrimoine ! Un manque dans la politique de labels nationaux suédois.

J'aurais aimé, par exemple, disposer du Dracula de Victoria Borisova-Ollas (née en 1969), avec son orchestre mahlérien à oiseaux et cloches, son souffle lyrique au parfum nordique, ses chants aux mélodies conjointes pénétrantes ; j'en ai le souvenir d'une petite merveille, qui puise à bien des influences, et s'organise comme une douce cantate, au service des douceurs de la langue suédoise.

Ou bien Ocean of Time de Lars Ekström, dont j'avais adoré les entrelacs contrapuntiques assez tonals, le lyrisme presque strausso-zemlinskien, mêlé à de l'humour plus ligetisant. J'en avais mis un petit extrait sur la chaîne YouTube de Carnets sur sol, rien n'a jamais paru officiellement et je ne crois pas que ça ait été repris depuis la création en 2003.


H. Qu'écouter en priorité ?

Comme je prévois que vous n'aurez pas nécessairement ma patience pour écouter tout cela, quelques conseils.

Proserpina mérite assurément le détour pour la qualité et la force de l'écriture de Kraus, mais plutôt pour les amateurs de seria tardif ou au minimum d'opéras de l'ère classique et préromantique. De même, le Sibelius est très intéressant, mais j'imagine que beaucoup d'admirateurs du compositeur auront essayé sans mon conseil.

Les chefs-d'œuvre que je recommande sans hésiter sont donc plutôt Blenda de Ölander pour son panache (plutôt destiné aux amateurs de Marschner et Verdi), et puis les extraits de Domedagsprofeterna de Peterson-Berger et Tirfing de Stenhammar pour leurs qualités musicales et dramatiques.

Les principaux labels qui documentent cela sont Musica Sveciæ et surtout Sterling (rien vu en opéra suédois chez Swedish Society Discofil, pour l'instant). Pour information, tous les disques Sterling disposent d'un livret trilingue (suédois, allemand, anglais) ; il est diffusé sur les plateformes qui en prennent la peine, comme Qobuz par exemple. C'est aussi le cas, de mémoire, pour Musica Sveciæ – au moins le texte suédois des chants, je ne suis plus sûr des traductions.

Je serai bien sûr ravi de vous aiguiller ou d'essayer les titres que vous me proposerez !

Prochaine étape pour ce format, la playlist (plus fournie) d'opéras danois. Belles découvertes à vous !


mardi 6 août 2024

Nouvelles notules


Et ça se passe, pour des raisons pratiques, dans les annexes du site – le logiciel de publication de CSS est devenu vraiment obsolète et très peu commode d'usage lorsque je suis en itinérance.

→ Sur Carnets sur sol (boueux), un récit de marche un peu plus écrit, avec beaucoup de citations musicales.

→ Sur 1 jour, 1 opéra, Giulio Cesare in Egitto dans un centre culturel à Jérusalem, Rusalka dans un théâtre néo-baroque d'Australie Occidentale bâti avec l'argent de la Ruée vers l'Or.

(Pour information, il est possible de s'abonner à ces sites avec réception d'une alerte par courriel lors de la publication d'une nouvelle notule, je sais que beaucoup de lecteurs me réclament ça depuis longtemps.)

David Le Marrec

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Invitations à lire :

1 => L'italianisme dans la France baroque
2 => Le livre et la Toile, l'aventure de deux hiérarchies
3 => Leçons des Morts & Leçons de Ténèbres
4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
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