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dimanche 10 novembre 2024

Carl LOEWE – Gutenberg et le chœur des imprimeurs assassins


Tentative de raffiner le format vidéo : un extrait de l'acte I capté en entier d'un inédit intriguant (et de haute volée), Gutenberg de Carl Loewe. Un chœur d'imprimeurs enragés qui imite les terrifiants crissements des machines, et annonce l'usage dévoyé de l'imprimerie pour faire la guerre et le mal, sorte de cauchemar du pieux inventeur. Cette scène clôt l'acte I et constitue, à mon sens, la pièce la plus étonnante de tout cet oratorio.

J'ai donc tenté un format de vidéo où mes commentaires musicaux et la traduction des textes sont incrustés au fil de la musique, pour rendre la chose plus pédagogique. Un peu long à faire – difficilement tenable pour les vidéos sur des actes complets –, mais il me semble davantage pertinent pour le public. (N'hésitez pas à me le faire savoir.)

Et pour ceux qui ne jurent que par l'écrit, les commentaires incrustés figurent ci-dessous dans la notule.

[[]]


(Bien sûr, comme vous le savez, je fais comme je peux sans avoir les moyens pianistiques de l'intention ; il faut le voir comme du déchiffrage – même si pour cette fois j'ai tout de même joué la pièce plusieurs fois auparavant pour arriver à rendre vaguement l'esprit, vu les difficultés pianistiques qui jalonnent tout l'extrait et vu le tempo pas vraiment négociable sans altérer l'atmosphère farouche du mauvais rêve…)


𝔊𝔲𝔱𝔢𝔯𝔟𝔢𝔯𝔤

Un oratorio de Carl Loewe
(1837)

Le chant des compagnons imprimeurs.

Gutenberg a une vision d'horreur : des hommes
en armes qui glorifient l'usage de l'imprimerie pour
des pamphlets qui servent à nourrir la guerre civile.

Section allegro feroce assez délirante, où l'on entend
les crissements de la presse et le cliquetis des armures.

Les frottements de seconde bien âpres,
sur un rythme ternaire furieux !

Faust, le bourgmestre de Mayence, dont la fille
est aimée de Gutenberg, le met en garde
contre le « vase de Pandore » de l'imprimerie.

Gutenberg gémit : il voit la porte s'ouvrir soudain sur
des hommes porteurs de torches et ceignant l'épée, qui
s'emparent des « signes pacifiques » d'un poing menaçant.

La dissonance est bien écrite, mais le fruit d'un arbitrage dans
ma réalisation de l'accord (trop périlleuse à jouer en déchiffrage) ;
c'est un rapport tension-détente normal (V-I) mais réparti sur
des octaves différentes, d'où le (joli) frottement qui cadre bien,
je trouve, avec la situation paroxystique.

Nous sommes désormais (étrangement) en mode majeur,
et le chœur des compagnons imprimeurs se met à chanter :
— Portez le pamphlet à travers marchés et ruelles,
Contre le Pape et l'Empereur à la fois !

Nous l'avons préparé pour un coup mortel :
Lettres magiques, devenez flèches,
Feuilles volantes, devenez couronne de poix !

Sur ces dernières imprécations, tout l'orchestre se met à triller
de façon insolente, sans doute pour figurer les stridences de la
machine d'imprimerie. Vraiment saisissant, et répété comme
peut l'être une tâche mécanisée.

— Pour appeler nos amis, pour écraser l'ennemi,
Volez sur le Rhin, traversez chaque cité !

Ici, le chœur devient beaucoup plus polyphonique,
avec une sorte d'effet de pléthore qui fait écho à
l'idée de dissémination des pamphlets…

(Je n'ai hélas pas assez de mains ni de place sur
le piano pour le jouer.)

GUTENBERG
Hélas, armes mortelles et meurtrières,
Vous saccagez ma pieuse invention !

CHŒUR DES COMPAGNONS IMPRIMEURS
Pour nous libérer du joug d'un tyran,
Ce qui était muet – et servait à rêver –
Prend soudain vie !

Fin du premier acte.

(Mon geste emphatique final ne matérialise
pas ma satisfaction d'exécutant mais plutôt
mon soulagement, comme un poids vertical
et descendant qui est soudain ôté !)

J'espère qu'en dépit des conditions d'exécution
vous aurez été comme moi saisis par ce moment
très inattendu au sein d'un oratorio dont la matrice
musicale imite par ailleurs volontiers les chorals luthériens !

Tout l'acte I a été enregistré et sera bientôt publié sur la
chaîne, en attendant que des gens compétents s'emparent
de la réduction piano ou de la partition d'orchestre, totalement
disponibles. (Si L'Arpa Festante voulait s'en charger comme
pour Jan Hus, ce serait un merveilleux cadeau pour nous tous.)


[[]]

David Le Marrec

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