Annalisa RASPAGLIOSI, ou comment avoir tout pour soi
Par DavidLeMarrec, samedi 4 mars 2006 à :: Portraits - Disques et représentations :: #163 :: rss
Annalisa Raspagliosi est une habituée de Martina Franca. Non, non, ne fuyez pas tout de suite : elle, elle chante (très) bien.
Discographie
Trois intégrales sont disponibles :
- Simone Boccanegra (2000, seule version originale de l'oeuvre enregistrée - 1857)
- Robert le Diable (2000)
- Les Huguenots (2002)
Les trois versions sont captées sur le vif à Martina Franca, sous la direction de Renato Palumbo et aux côtés de Warren Mok.
Cela ne rend hélas pas compte de l'étendue du talent d'Annalisa Raspagliosi, en raison de la prise de son et de la supervision moindre du français que lors de ces Huguenots de Francfort en 2002, sous la direction enflammée de Guido Johannes Rumstadt.
Pour illustrer mon propos sur Annalisa Raspagliosi, je cite un extrait de cette version :
http://kurtag.free.fr/jenecrainsriendevous.mp3
Marcelo Giordani (Raoul) et Soon-Won Kang (Marcel), qui l'accompagnent ici, sont dans une forme olympique.
Déjà , d'emblée, vous noterez le timbre d'une délicieuse couleur olive. La petite a du grave, de l'aigu, du suraigu, un superbe médium et un excellent français, très idiomatique, intelligible de bout en bout, jusque dans les aigus. C'est déjà beaucoup !
Autre fait remarquable pour son format, elle parvient à tenir la ligne de sa dernière réplique avec une voix pleine, sans détimbrer le moins du monde. Et avec une vraie beauté élégiaque.
Mais le plus étonnant à mon sens, c'est son inspiration incroyable pour la dynamique des phrasés (ici sans doute très bien influencée par le chef Rumstadt). Elle parvient à placer ses accents pour faire rebondir la phrase de façon stupéfiante. Exemple avec l'extrait sonore et le bout de partition ci-dessus.
"Non, non, je ne crains rien de vous." Au lieu de se contenter de la très belle écriture de Meyerbeer, elle la décortique de la façon suivante : fort accent sur le sol bémol (second "non"), qui porte la vigueur, articulation très minutieuse de "je ne crains", légère accélération sans accentuation pour "rien de" (bien qu'en début de mesure et sur temps fort), et tout le poids de la phrase retombe sur le "vous", sur le temps faible puis la syncope. C'est cela qui rend la phrase aussi emportée, aussi dansante aussi. Cette joie terrible qui s'empare des martyrs pas moins fanatiques que leurs bourreaux est totalement décuplée par le placement des accents et la force proprement incantatoire des phrasés de notre Raspagliosi. Bref, c'est phénoménal.
Une tenue hors norme accompagnée d'une imagination musicale de très grande qualité. Qu'attendre de plus ?
Un rendu parfait
des intentions, peut-être : http://kurtag.free.fr/Raoul!.mp3. Vous entendrez que lorsque Marcel, effrayé de cette voix entendue dans une temple païen, à l'acte III, demande le mot d'ordre, Valentine Raspagliosi lance le prénom de Raoul avec un large sourire, amusée, malgré les dangers, de l'épouvante du vieux soldat. Arriver à faire sentir cela en deux syllabes, au coeur de l'un des moments les plus délicats de la partition d'un des rôles les plus difficiles qui soient, je dis chapeau et je fonds à chaque fois.
Voilà pour ma petite notice admirative sur Mlle Annalisa Raspagliosi.
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