Robert HOLL - liedersänger, liederkomponist
Par DavidLeMarrec, mercredi 17 janvier 2007 à :: Découverte du lied - Musicontempo - Portraits :: #492 :: rss
Plus le temps passe, et plus je m'attache à Robert Holl. Je me suis longtemps demandé - et je persiste à le faire - pourquoi, sans cesse distribué dans les rôles de basse les plus prestigieux de l'oratorio et du répertoire wagnérien à Vienne et Salzbourg, il rencontrait un tel succès auprès des plus grands chefs (Abbado, Harnoncourt, Boulez, Barenboim...), à part pour son étonnante solidité. La voix reste très ingrate, même si on s'aperçoit en regardant le texte, au lieu de contempler sa rustique barbe, que l'interprétation n'est pas dénuée d'intérêt.
Et au fil du temps, la familiarité, l'attachement naissent pour ce chanteur qui ne fascinera jamais les magazines par la brillance de son timbre et l'éclat de son aigu[1]. Une certaine musicalité, avec l'accoutumance, se révèle. Et aussi, lorsqu'on y regarde de plus près, une caractéristique assez admirable : il est l'un des seuls wagnériens aujourd'hui a pouvoir chanter correctement le lied, sans l'écraser sous un volume immense, un timbre dur et des flots d'approximations dans l'intonation. Sans être l'interprète ultime du lied[2], il y développe des qualités de musicalité tout à fait estimables, et son Winterreise que je louais abondamment pour l'accompagnement de Naum Grubert, n'est pas dénué de vertus, à défaut d'être fortement séduisant.[3] A défaut d'être séduisant, peut-être ; il s'agit cependant d'une valeur sûre en termes de musicalité.
Mais je découvre qu'il est également compositeur de musique pour piano et... de lieder ! Et quels lieder ! Dans la droite lignée des viennois décadents de la première moitié du vingtième, une engeance qu'on croyait disparue avec Krenek. On sent bien que la Seconde Ecole de Vienne est passée par là dans certaines discontinuités, certains sauts d'intervalles généreux, certaines 'antithèses' radicales d'accords successifs ; toutefois, le discours demeure tout à fait tonal et lisible, sombre mais juste raisonnablement sinistre. Très bien écrit pour la voix, à ce que l'on devine (je ne dispose pas encore des partitions), mais avec un piano d'une éloquence qui rappelle Medtner, Langgaard ou les meilleurs Korngold et Schreker. Robert Holl ose de superbes interludes au coeur même de cycles (mis à part le prélude et postlude des Poèmes de l'Intermezzo de Heine par Ropartz, je ne connais guère d'audaces de ce type dans un genre où le texte commande) ; il ne s'agit vraiment pas d'un chanteur qui écrit, mais bien d'un compositeur en tant que tel.
Je vous livre celui-ci, qui m'a particulièrement enthousiasmé :
Un des deux Interludes du cycle Frühlingsreise[4] de Robert Holl, par lui-même et Rudolf Jansen au piano.
Pour finir, on remarque que sur sa propre musique, il réalise d'assez belles nuances. Il existe bienheureusement trois disques qui reprennent ses compositions, à savoir les trois premiers volumes des neuf parus dans la Sonder-Edition, dont je donne ici le programme complet :
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Parmi sa discographie assez fournie, et sur des domaines souvent très concurrentiels, je recommanderais en priorité son Sachs avec Barenboim, assez complet, même si la concurrence rend sa fréquentation dispensable. Non publié, mais à n'en pas douter cela viendra, un Gurnemanz vraiment bon malgré la qualité un peu ingrate du timbre, bien dit et d'une belle musicalité. La direction allante, limpide et dramatique de Boulez, quasiment debussyste, ainsi que l'engagement des partenaires (Endrick Wottrich, Michelle de Young, Alexander Marco-Buhrmester) et la prestation fabuleuse des choeurs de Bayreuth en font un incontournable. En outre, en l'état de la discographie, c'est-à-dire en l'absence des grands diseurs Alfred Reiter, Cesare Siepi et Martti Talvela dont circulent des bandes radio mais encore aucun enregistrement, les talents de conteur et la rigueur musicale de Robert Holl le font figurer parmi les Gurnemanz recommandables de la discographie. Malgré une étoffe de loin moins séduisante, le discours est plus captivant que celui d'un Gottlob Frick, par exemple.
Les autres enregistrements disponibles à la vente sont, pour de multiples raisons, bien moins engageants - rugosités lassantes dans l'oratorio, accents plus prosaïques en Charlemagne chez Schubert ou en Daland du Hollandais Volant.
Un extrait de l'acte III du de cette version Boulez III de Parsifal (Bayreuth 2004).
En somme, il est par-dessus tout recommandé de découvrir ses propres compositions, dont la valeur intrinsèque est très réelle ; c'est de surcroît le lieu où il brille le mieux.
Notes
[1] Absence d'éclat qui est en soi une malédiction moins grande que l'éclat : le monde entier se détourne en un instant des timbres instrumentaux qui l'ont fasciné aux premières flétrissures. Je l'entendais, encore récemment, de Barbara Bonney ou d'Agnès Mellon. Seconde malédiction de l'éclat : l'absence d'exigence sur la qualité du reste, comme c'est le cas pour Juan-Diego Flórez, qui joue abominablement mal, ne dit à peu près rien, ne nuance à peu près jamais.
[2] Celui-là, tout le monde le connaît.
[3] A tout petit
prix, avec d'autres bonnes choses, chez Brilliant Classics. Achetez-le
donc en Allemagne, c'est moins coûteux et
évite de donner quelques sous au passage au distributeur
français Abeille Musique dont les manières sont plus que
cavalières.
[4] Non, aucun jeu de mots, pourquoi ?
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