Friedrich HÖLDERLIN - Heimkunft I - Episode 0 - Introduction, texte et traduction(s)
Par DavidLeMarrec, mardi 6 février 2007 à :: Littérature :: #508 :: rss
La production de Hölderlin, quant à sa forme, et aussi bien quant à sa matière thématique, est assez aisément classifiable. On peut ainsi isoler, assez chronologiquement, les poèmes de la jeunesse, généralement assez brefs, les poèmes inspirés par Susette Gontard ("Diotima"), les poèmes brefs de la maturité, les hymnes en quatrains, les grandes élégies et les poèmes de la folie (ou poèmes « de la Tour » - pour beaucoup, de simples quatrains isolés et versifiés régulièrement). S'ajoutent quelques épigrammes, plutôt de jeunesse, qui échappent à ces classifications. La vie et la production de Hölderlin se séparent symétriquement, en deux périodes d'égale durée, la seconde étant dévolue aux quelques fragments laissés par la folie.
Plusieurs thématiques dominent : la Grèce (presque omniprésente avant la folie), la condition de l’humanité, la réflexion métapoétique, et à une place bien plus secondaire la nature.
Pour les raisons évidentes de limites de dimension imposées pour approche précise, on se limitera essentiellement à un poème ; il s'est révélé, à l'étude, que cette première section du groupe Heimkunft comportait suffisamment de caractéristiques propres à la poésie de Hölderlin, avec une constitution suffisamment riche, pour qu'on s'y arrête précisément et exclusivement – tout en étudiant, bien entendu, ses relations au reste de la production de Hölderlin et de certains de ses contemporains. Dans un rythme ternaire merveilleusement académique, on y contemplera, en se plongeant progressivement depuis la société littéraire du temps jusqu'au fonctionnement interne du texte,
1) la spécificité du sujet et de la versification dans l'environnement contemporain,
2) la force de son expression très ramassée et de ses néologismes, pour aboutir à
3) l'étude de l'incarnation de ces paramètres dans la phrase même de Hölderlin, une poétique sinueuse tentée par l'organisation argumentative de la philosophie.
Avec, en supplément gratuit, une petite conclusion en forme de parcours musical.
Les réjouissances débutent ici.
Le texte : Heimkunft I, seconde version
Drin in den Alpen
ists
noch helle Nacht und die Wolke, Freudiges dichtend, sie deckt drinnen das gähnende Tal. Dahin, dorthin toset und stürzt die scherzende Bergluft, Schroff durch Tannen herab glänzet und schwindet ein Strahl. Langsam eilt und kämpft das freudigschauernde Chaos, Jung an Gestalt, doch stark, feiert es liebenden Streit Unter den Felsen, es gärt und wankt in den ewigen Schranken, Denn bacchantischer zieht drinnen der Morgen herauf. Denn es wächst unendlicher dort das Jahr und die heilgen Stunden, die Tage, sie sind kühner geordnet, gemischt. Dennoch merket die Zeit der Gewittervogel und zwischen Bergen, hoch in der Luft weilt er und rufet den Tag. Jetzt auch wachet und schaut in der Tiefe drinnen das Dörflein Furchtlos, Hohem vertraut, unter den Gipfeln hinauf. Wachstum ahnend, denn schon, wie Blitze, fallen die alten Wasserquellen, der Grund unter den Stürzenden dampft, Echo tonet umher, und die unermeßliche Werkstatt Reget bei Tag und Nacht, Gaben versendend, den Arm. |
Là dans les
Alpes,
c’est encore nuit claire et le nuage, Poétisant du joyeux, il couvre au-dedans la vallée béante. Deçà, delà, tempête et s’abat le vent de la montage, le bondissant, Abrupt par les sapins vers le bas scintille et se perd un rayon. Lentement se hâte et lutte le Chaos qui frissonne joyeusement, Jeune de stature, et pourtant fort, il fête un amoureux différend Entre les rocs, il fermente et vacille dans les barrières éternelles, Car plus bachique s’étire au-dedans le matin vers le haut. Car elle croît plus infiniment là-bas l’année et les saintes Heures, les jours, sont plus audacieusement ordonnées, mêlés. Et pourtant il marque le temps, l’oiseau de tempête, et entre Monts, haut dans les airs, il séjourne et appelle le jour. A présent aussi s’éveille et regarde dans les profondeurs, au-dedans, le village Sans crainte, familier de ce qui est haut, entre les pics amont. Pressentant croissance, car déjà, comme des éclairs, tombent les vieilles Cascades, leur fond sous les chutes s’élève en vapeurs, L’écho résonne alentour, et l’atelier immense Lève jour et nuit, distribuant présents, le bras. (Trad. François Fédier) |
François Garrigue propose pour le vers 2 de la seconde version de Heimkunft (celle que nous étudions présentement) : « Condensant la joie, couvre au fond la vallée béante. »
On notera aussi les variantes « tonet » et « Gaaben », issus du déchiffrement des manuscrits de Hölderlin par Michael Knaupp (Editions La Différence) - ici, l'in-folio de Hombourg. L'orthographe « Thal », aussi, qui coexiste avec la version sans « h » dans la langue d'alors.
Première version
Drin in den Alpen
ists
noch helle Nacht und die Wolke, Deckt, die träumende wohl drinnen das gähnende Thal. Dahin, dorthin toset und stürzt die scherzende Bergluft, Schroff durch Tannen herab glänzet und schwindet ein Strahl. Langsam eilt und kämpft das freudigschauernde Chaos, Jung an Gestalt, doch stark, feiert es liebenden Streit Unter den Felsen, es gärt und wankt in den ewigen Schranken, Denn bacchantischer zieht drinnen der Morgen herauf. Denn es wächst unendlicher dort das Jahr und die heilgen Stunden, die Tage, sie sind kühner geordnet, gemischt. Dennoch merket die Zeit der Gewittervogel und zwischen Bergen, hoch in der Luft weilt er und rufet den Tag. Jetzt auch wachet und schaut in der Tiefe drinnen das Dörflein Furchtlos, Hohem vertraut, unter den Gipfeln hinauf. Wachstum ahnend, denn schon, wie Blitze, fallen die alten Wasserquellen, der Grund unter den Stürzenden dampft, Echo tonet umher, und die unermeßliche Werkstatt Reget bei Tag und Nacht, Gaaben versendend, den Arm. |
Au sein des
Alpes
c'est encor nuit claire, et le nuage, Couvre bien, dans son rêve, au fond la vallée béante. De çà, de là gronde et plonge le vent railleur des montagnes, Brusque par les sapins brille et s'efface un éclair. Longuement se hâte et se bat le Chaos, qui de joie frissonne, Jeune d'allure, mais fort, il fête un combat d'amour Par les rochers, bouillonne et titube en l'éternel champ-clos, Car en plus vive bacchanale y monte le matin. Car plus infiniment, là-bas, grandit l'Année, les saintes Heures, Les Jours, plus hardiment s'y voient rangés et mêlés. Cependant l'oiseau de l'orage observe le temps et parmi Les monts, haut dans les airs, plane et appelle, le Jour, Voici qu'à son tour veille et guette au fond le hameau Sans crainte, familier d'en haut, sous l'amplomb des cimes. Sentant monter la sève, alors qu'en éclairs, tombent les hautes Cascades, le sol fume sous leur déferlement, L'écho gronde alentour, et l'atelier gigantesque Agite nuit et jour, répandant ses dons, le bras. (Trad. François Garrigue) |
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