John BLOW - Venus and Adonis - Elizabeth Kenny
Par DavidLeMarrec, mercredi 10 août 2011 à :: Baroque français et tragédie lyrique :: #1798 :: rss
1. Miniature et références
Sur le même modèle que Dido and Aeneas de Purcell (mais représenté un an plus tôt que Purcell, en 1683), un masque nourri des formes de la tragédie en musique française, avec son Prologue allégorique, ses actes en lieux divers, ses dieux rencontrant les mortels, ses divertissements choraux et dansés... Le choeur final est d'ailleurs conçu exactement sur le même patron que celui de Didon - et plus beau encore, selon mon sentiment.
La forme très courte oblige Blow (également librettiste, un cas assez exceptionnel avant le XXe siècle) à ne pas montrer les pivots essentiels de l'action, que connaissent tous les spectateurs, et à les laisser imaginer ce qui se passe entre les actes. Ainsi la rencontre comme la blessure d'Adonis ne sont pas racontées, mais seulement leurs conséquences (sur l'acte I et sur l'acte III). Cette représentation elliptique est réellement originale à l'opéra, et même en allant regarder du côté du vingtième siècle !
Au demeurant, le livret lorgne ouvertement vers des contrées comiques, avec la gouaille des chasseurs à l'acte I et la leçon des cupidons à l'acte II. Là aussi, même dans les premières tragédies lyriques où les scènes comiques étaient tout à fait admises, on a rarement vu avant Meyerbeer (avant de devenir plus commun au XXe siècle) des oeuvres de type "sérieux" qui utilisent des séquences humoristiques qui "dégradent" leurs personnages principaux. Or, ici, Cupidon et même Adonis ne sont pas présentés avec toute la révérence qu'on pourrait attendre.
Même chose, la très belle mort d'Adonis n'est pas si solennelle.
Musicalement, l'oeuvre est moins inégale que celle de Purcell : elle n'atteint jamais ses plus hautes cîmes, mais son intérêt est constant et sa musique toujours très soignée, sans les récitatifs ou divertissements un peu plats de Dido. Le livret étant de surcroît très concis, on s'amuse beaucoup (sans perdre tout à fait son sérieux).
--
2. Une nouvelle version
Cette notule a été suscitée par la parution toute récente, chez le label du Wigmore Hall, de la version d'Elizabeth Kenny avec le Theatre of the Ayre. Roderick Williams, grand interprète de songs y est un Adonis d'une fantastique susbtance vocale (et verbale), le chasseur de Jason Darnell offre une générosité et une typicité saisissantes, et la direction pudique d'Elizabeth Kenny offre la sobriété sans rien imposer en mollesse.
Je suis davantage réservé sur la Venus aigrelette et transparente (à tous égards) de Sophie Daneman, qui caricature ici le mal que ses détracteurs (dont je n'ai jamais été) disent d'elle - avant vérification, j'allais la comparer à un compromis (vaguement monstrueux dans ma bouche) entre Emma Kirkby et... Sophie Daneman !
Il n'empêche que cette version, sans doute grâce à la scène, me paraît plus prenante que celle de Jacobs (où Rosemary Joshua n'est pas spécialement non plus un modèle pour les tons incarnat). Moins séduit à l'écoute de cette version-là, je n'avais pas tenté celles de Pickett, Medlam (voire Rooley ?), ce que je vais m'empresser de faire.
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment.
Ajouter un commentaire