Le disque du jour - XLIV - Aimez-vous Franck ? - (Première Sonate pour violon de John Ireland)
Par DavidLeMarrec, mercredi 21 décembre 2011 à :: Le disque du jour - Domaine chambriste - Musique romantique et postromantique - Musiques du vingtième siècle :: #1883 :: rss
Si l'on m'avait demandé si j'étais amateur de musique anglaise, je me serais récrié avec force j'aurais sans doute répondu non, que ce n'est pas vraiment mon domaine d'élection. Et pourtant, trois notules successives sur trois aspects de la musique anglaise, c'est un événement dont peu de genres peuvent se vanter sur CSS. Il faudra donc bien se rendre à l'évidence sur la réalité de mon (mauvais) goût. [Qu'on se rassure, la prochaine notule ne sera pas pour autant consacrée à la discographie exhaustive des chefs-d'oeuvre symphoniques de Ketèlbey.]

Ireland
John Ireland, en dépit de son nom, est londonien (tandis que Bax mourra à Cork...) ; il est le cadet de quinze ans de Debussy, Sibelius et Nielsen ; et le contemporain de Bartók. Son langage cependant demeure d'un romantisme totalement typé "années 60-80" (du XIXe siècle, bien sûr), ce qui explique son manque de notoriété.
Et tout n'est pas superlatif chez Ireland, il existe des oeuvres d'un postromantisme tout à fait abouti, mais qui reste "standard", et ne justifie pas forcément de le jouer plus que tel autre.
C'est pourquoi je souhaitais attirer l'attention sur une de ses oeuvres les plus intéressantes, sa Première Sonate pour violon et piano.
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Violon
Les parentés avec la sonate de Franck sont étonnantes, harmonies et balancements similaires, preuve supplémentaire que les Britanniques écoutaient beaucoup les Français à cette époque bénie. D'une grande densité, d'un vrai lyrisme, et même assez entraînante (avec ce final qui évoque presque des variations sur "Ah, ça ira"), vraiment à entendre si l'on aime Franck.
A titre tout à fait subjectif et personnel, je la trouve même plus intéressante - en abandonnant les questions de primeur et de dates.
La Deuxième Sonate qui figure sur le disque est plus tardive, plus accidentée, même si écrite sensiblement dans le même genre. J'y trouve un peu d'ostentation dans les raffinements harmoniques, quelque chose de moins naturel que le décalage temporel complet de la première. Ici, en plus de Franck, on entend par moment plus nettement Wagner (passé par le filtre français, naturellement).
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Alentours
C'est donc surtout l'écoute de la Première qui mérite le détour, le reste de la musique de chambre est sensiblement plus conventionnel, quoique très agréable. Les trios avec piano n°2 et 3 sont encore ce qu'il y a de plus intéressant, quoique moins complètement convaincants : on retrouve beaucoup Franck dans le 2 (en un seul mouvement), et des accords assez chargés dans le final du 3, qui évoquent quelque part La Rose et le Réséda d'Auric, un peu plus de son temps, mais furtivement.
Sinon, dans le domaine de la mélodie anglaise, de très belles choses, complètement postromantiques et feutrées, mais réellement savoureuses, existent dans son catalogue. Des délicatesses éphémères pour piano solo, aussi. Par exemple celle mentionnée hier au détour d'une notule (mais je ne suis pas certain qu'elle ait été enregistrée au disque).
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Disque
Si j'ai sélectionné la version parue chez le label confidentiel Vienna Modern Masters (Michael Davis & Nelson Harper), c'est que sa couleur m'a paru absolument idéal (du moins dans la première), avec un violon incisif sans acidité, fruité sans rondeur, idéal pour de la musique de type française, et son piano à la fois net et confortable. Vraiment joué avec chaleur, tout fonctionne bien.
Sinon, on peut trouver plus aisément ces oeuvres chez Naxos (membres du Gould Piano Trio) ou Chandos.
Je n'ai pas à ce jour éprouvé le besoin d'entendre une autre version de cette oeuvre, vu la qualité de Davis & Harper, mais mon préjugé favorable irait à Naxos : prises de son excellentes pour ce trio non moins remarquable, habitué de ce répertoire ; et par ailleurs les prises de son de Chandos, malgré leur grand confort, manquent toujours de netteté pour la musique de chambre. L'esthétique des interprètes, également, est souvent davantage tourné vers un moelleux plus consensuel.
On peut entendre en ligne des extraits des versions Gould et Mordkovich sur JPC. Par ailleurs, la version Davis ici recommandée se trouve à un prix raisonnable sur Amazon.com.
Si un lecteur teste ces versions, qu'il n'hésite pas à donner son avis...
Bonne journée !
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