Creepy talk
Par DavidLeMarrec, vendredi 9 novembre 2012 à :: Vaste monde et gentils - Langue :: #2121 :: rss
En début de semaine, en écoutant comme tout le monde les discours des vaincus et vainqueurs, toujours très soignés pour les présidentielles étatsuniennes (ceux des vaincus sont souvent assez beaux), je remarque particulièrement cette phrase :
It doesn't matter who you are or where you come from or what you look like or where you love. It doesn't matter whether you're black or white or Hispanic or Asian or Native American or young or old or rich or poor, abled, disabled, gay or straight.
Alors qu'il s'agit d'inclure de façon non-péjorative les homosexuels dans cette promesse de réussite, la langue anglaise oppose spontanément « gay » à « straight ». Donc, en miroir, « gay » est synonyme de « tordu » : inverti, en somme.
Tandis que le mot a disparu en français, justement à cause de son caractère intrinsèquement axiologique, il semble que la langue anglaise conserve spontanément cette représentation. En en cherchant des occurrences, on s'aperçoit de sa récurrence dans les textes de type prêche, ce qui n'est pas forcément étonnant vu les références verbales habituelles aux USA - « doux Jésus » devient franchement désuet en France, et personne n'a jamais osé « oh Jéz ! » pour exprimer sa surprise.
N'étant pas suffisamment imprégné de la culture locale, je ne parviens pas à sentir ce qui l'emporte dans cette phrase, des présupposés des mots (« les dévoyés et les normaux ») ou du sens général de la phrase (au contraire inclusif [1]). Le public du Parti Démocrate explose d'enthousiasme à ce moment-là, mais c'est à la fin d'un raisonnement appelant à l'élévation de 100% des américains... Et, pour qui en doutait, des mesures physiologiques ont montré il y a quelques années que les aires responsables de la pensée critique s'anesthésient lorsqu'on écoute un politicien de son camp.
Je serais assez curieux de recueillir l'avis d'anglophones ayant résidé dans le pays, il me semble assez difficile de discerner la nuance dominante en demeurant hors-sol.
En tout cas, ce télescopage est troublant : un candidat reconduit, tout en annonçant dans son discours qu'il va affirmer l'égalité des inclinations sexuelles devant la loi, désigne les destinataires de la mesure avec une terminologie qui les discrédite implicitement.
Il est peut-être temps de ressortir Ulrichs du placard : uranisme dispose de l'élégance qui manque à à peu près tous les autres termes, et pour les défenseurs de la cause, sa signification est historiquement positive. De surcroît, fonctionnel dans toutes les langues.
C'était ma contribution essentielle à l'égalité des langues et des droits. Non, ne me remerciez pas, je n'ai fait que mon devoir, je m'en retourne sauver le monde.Notes
[1] Inclusif dans l'intention... même si l'on trouve à proximité immédiate « apte ou handicapé ».
Commentaires
1. Le samedi 10 novembre 2012 à , par malko
2. Le samedi 10 novembre 2012 à , par David Le Marrec
3. Le samedi 10 novembre 2012 à , par Ouf1er
4. Le samedi 10 novembre 2012 à , par David Le Marrec
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6. Le dimanche 11 novembre 2012 à , par rhadamisthe :: site
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8. Le dimanche 11 novembre 2012 à , par rhadamisthe :: site
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