Rapport logique
Par DavidLeMarrec, jeudi 22 novembre 2012 à :: Langue - Vaste monde et gentils :: #2134 :: rss
Trouvé par hasard dans Le Point alors que je cherchais autre chose, un sympathique signe des temps.
C'est une recension de l'ouvrage de Jean Soler, Qui est Dieu ?, publiée par Michel Onfray dans l'hebdomadaire le 7 juin dernier. Dans un paragraphe éloquemment intitulé « Dynamiteur », on trouve ainsi :
Il a toutes les qualités de l'universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l'université, qui manque de ces talents-là , ne le reconnaît pas.
J'aime beaucoup « voilà pourquoi », très révélateur d'une forme de valorisation de la pensée dans la culture européenne [1] : pour être intéressant, il faut non seulement être nouveau, mais de surcroît subversif. C'est une spirale sans fin : les théories du « soupçon » ont irradié la pensée du vingtième, donnant ensuite la parole aux déconstructeurs de déconstructeurs, amenés à être déconstruits à leur tour. Typiquement le cas de Michel Onfray : il écrit un ouvrage pour terminer le déboulonneur Freud, et se trouve à son tour déconstruit par un ouvrage collectif.
Ce goût ne se manifeste pas qu'en philosophie (où le principe reste légitimement d'ordonner le réel, et donc au besoin de le défaire pour le redéployer), mais aussi largement dans les arts. Faute de public, le filon semble se tarir en musique, où l'on est partiellement revenu à une sorte de moyen terme, mais pour les arts plastiques, si le figuralisme avait jamais disparu, nul doute qu'il serait revenu à la mode sous la forme de quelque déconstruction de l'abstraction.
Notes
[1] Ce n'est pas d'hier, le mouvement s'initie au XIXe siècle avec la singularité du créateur, et prend son tour actuel avec les « déconstructions » du XXe.
Ce mouvement perpétuel vers une sorte de nouveauté négative me laisse assez froid, je dois dire. Si on fait bien, a-t-on besoin de faire absolument neuf ?
Cette idéologie du progrès (version à la petite semaine) appliquable à tous les domaines se trouve magnifiquement figée dans ce petit « voilà pourquoi » : si l'on est subversif, alors on est bon.
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Au passage, cet article a été au coeur d'une querelle assez risible qui ne mérite pas d'être lue, mais qui peut être amusante : forcément, Onfray est accusé d'être antisémite parce qu'il dit du mal de la religion juive, ce à quoi il répond que ses adversaires, puisqu'ils n'osent pas être d'accord avec lui, sont des lâches. C'est à peu près ce qu'il en ressort, ce qui est particulièrement savoureux pour des gens qui, tenant le rang d'« intellectuels » aux yeux du monde, semblent être un peu trop affairés pour penser lorsqu'ils écrivent.
Je n'ai pas retrouvé l'ensemble des contributions, mais il doit y avoir le papier hostile dans Libération, un droit de réponse, et une nouvelle tribune d'Onfray dans le Point. Ce ne devrait pas être trop compliqué à débusquer si la fantaisie vous prend de les lire.
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