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Les carottes juteuses sont cuites


Il doit y avoir une jolie contrepèterie à faire avec ''L'Erato que tu songes...'', mais j'avoue ne pas avoir la patience de la chercher.


Après avoir annoncé la mort cérébrale d'EMI Classics, on peut constater qu'en effet, la compétence est au pouvoir dans les niches classiques de Warner.

Rappel des épisodes précédents : suite au rachat d'EMI par un fonds d'investissement peu adroit (et potentiellement abusé par son banquier), à sa session à Universal, au démembrement imposé par les autorités de la concurrence, et au rachat d'une partie mineure du catalogue par Warner (dont EMI Classics et Virgin Classics), on s'attendait à voir le fonds pourrir en bonne et due forme dans les tiroirs de la maison, laissant tout au plus surnager quelques gros morceaux réédités en collection économique de façon parfaitement arbitraire et anarchique –€ sans lien avec l'intérêt dans l'histoire de l'interprétation ou même la présence d'un public pour acheter. On le voit depuis longtemps avec le fonds Erato-Teldec : des enregistrements cultes qui seraient achetés massivement et rapidement rentabilisés n'ont jamais été réédités, tandis que des versions d'oeuvres archi-documentées, et par des ensembles peu célèbres sont proposées en réédition économique.

Il semble que, sans surprise, la gestion du catalogue des nouveaux venus ait été confié à la même équipe de spécialistes du curling de bureau, dont la culture musicale ne semble à tout le moins pas complètement spécialisée en accord avec leur domaine d'exercice professionnel.

1) Évidemment, aucune nouveauté, à part quelques albums déjà enregistrés, et éventuellement quelques enregistrements de prestige pour têtes de gondole.

2) EMI sera réédité sous label Warner, qui servait déjà à toutes les rééditions non seulement Warner, mais aussi de ses acquisitions au fil des ans, avec des labels aussi divers que Fonit Cetra (précédemment détenue par la RAI, gros fonds d'opéra italien, en particulier des années 50-60), Teldec (musique symphonique du grand répertoire, musique baroque – avec pour artistes-phares Harnoncourt, Masur, Sinopoli ou Barenboim), Erato (spécialisée en musique française, baroque, opéra, musique de chambre, orchestres français). Déjà assez fourre-tout. Quelques rééditions économiques d'Erato paraissaient sous Apex pour les CDs simples, mais pas pour les coffrets d'opéra qui restent proposés par Warner (sans livret bien sûr).

3) Virgin Classics sera réédité sous label Erato (qui n'aura donc plus rien de spécifiquement français), tandis que les rééditions Erato devraient poursuivre sous label Warner ou Apex. Manière qu'il n'y ait pas de confusion.

De toute façon, vu le rythme des rééditions, le risque de s'emmêler les pinceaux reste assez mince.

Heureusement, EMI (comme n'importe quelle major d'ailleurs) ne contient à peu près rien d'indispensable en matière de répertoire, à part en musique anglaise : aujourd'hui, avec la multiplicité de petits labels, aucune oeuvre ne devrait être en cessation complète de distribution. Pour ce qui est des disques précis, en revanche... et Warner ne travaille même pas sérieusement à la diffusion dématérialisée, qui pourrait être un bon biais pour encaisser de l'argent régulièrement plutôt que d'essayer des rééditions dont l'amortissement est, par définition, incertain.
Virgin contient de très belles versions d'oeuvres baroques, mais là aussi, rien qui ne puisse être comblé.

Est-ce la fin des majors, est-ce la fin de l'Âge d'Or du disque, est-ce la fin du disque... ou est-ce simplement que quelques investisseurs incompétents se sont débarrassés inconséquemment d'une des maisons de disques les plus importantes au monde, tandis que Warner, récipiendaire par hasard, continue gentiment d'extraire de ses brillants cerveaux de la daube en papillote ? Je n'ai pas de réponse, mais si vous repassez par ici dans vingt ans, j'aurai sans doute l'occasion de vous rappeler que je vous l'avais bien dit.

Merci à Adriaticoboy pour ses nouvelles fraîches.



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Commentaires

1. Le samedi 27 juillet 2013 à , par Passée des arts :: site

Bonsoir David,

J'ai lu cette nouvelle il y a quelques jours, je vous avoue que ça me fait assez mal au ventre de penser que les horreurs auto-satisfaites de Christina Pluhar et les piaulements narcissiques de Philippe Jaroussky vont paraître sous l'étiquette, chère au souvenir de bien des gens, dont votre serviteur, d'Erato, ravalée pour le coup au rang de coquille vide.

Je ne sais pas de quoi tout ceci est la fin – je crois que les majors ont depuis longtemps baissé les bras et que l'âge d'or du disque est derrière nous (ce qui ne m'empêche pas de continuer à en acheter un certain nombre) – mais c'est, en tout cas, une preuve de plus que nous sommes bien à l'époque des faux-monnayeurs que rien n'arrête et qui iront donc toujours plus bas que nous l'imaginions ou le redoutions.

C'est, à mes yeux, une excellente raison de continuer à défendre sans relâche le travail des « petits » labels en le faisant connaître et en le soutenant par nos achats.

Merci pour cette note et belle soirée à vous.

2. Le lundi 29 juillet 2013 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Jean-Christophe !

Je suis avant tout frappé par le désordre (heureusement, il n'y a plus besoin de passer par les catalogues pour commander, aujourd'hui, sans quoi ce deviendrait vraiment problématique) et par l'évident manque d'expertise des gens en charge des labels classiques de Warner. L'aspect sentimental me touche beaucoup moins –€ et il semble de toute façon que le logo d'Erato aille virer au bleu, ce qui règle d'une certaine manière la question symbolique.

Je n'ai aucune inimitié vis-à-vis de Pluhar et Jaroussky, même si la première s'est enfermée à présent (après de fascinants premiers albums) dans un schéma unique et des expérimentations de cross-over diversement convaincantes ; même si le timbre du second ne m'intéresse pas beaucoup –€ sans parler de la diction en bouillie, mais c'est avant tout lié au mode d'émission de ce type de voix, difficile de dire fermement avec un matériau par essence mou. Ce sont tout de même des artistes de grande valeur technique et dotés d'un syle personnel très étudié, qu'on aime ou pas leur répertoire et leurs manières. La question que je me pose est plutôt celle de la logique de les mettre sous un label spécialisé dans la musique française.

Grâce aux petits labels, je crois justement que nous vivons cet âge d'or : le catalogue des majors est encore disponible (et même bradé à coups de coffrets, ce qui annonce la fin du modèle), et on n'a jamais eu autant de répertoire couvert grâce au travail de labels explorateurs, en assez grand nombre (Timpani, CPO, Hyperion, Glossa, Atma et pas mal d'autres). Je crains en revanche qu'il ne puisse plus durer longtemps : une fois le patrimoine des grandes maisons accessible par coffrets à prix cassés, il n'est plus possible de revenir en arrière et de proposer une nouveauté (de qualité par essence plus incertaine) à un prix susceptible d'amortir l'investissement.

Et je me demande ce qu'il adviendra de ce vide. Sera-ce le sacre des petits labels, où les canaux de distribution vont-ils dépérir et entraîner tout le monde dans la chute ? Car je ne suis pas sûr que la fermeture d'EMI entraîne mécaniquement la montée en chiffre d'affaires des autres maisons. Au contraire, les coffrets Fischer-Dieskau vendus au prix d'un CD double rendent impossible d'imposer les gravures (pourtant très intéressantes) de Bauer, Loges, Davislim ou Boesch, par exemple.

Moins d'EMI (et des autres gros labels, qui prennent le même chemin) ne signifiera pas forcément plus de Centaur ou d'Analekta... mais peut-être tout simplement encore moins de ventes physiques.

Je suis tout sauf un fétichiste de l'objet disque, mais ce changement de modèle, sans véritable alternative à l'heure actuelle, est préoccupant.

Bonne journée !

3. Le mercredi 14 août 2013 à , par DavidLeMarrec

... je viens de me rendre compte que Warner vendait en mp3 les Grieg de Kitajenko / Bergen et Ruud / Trondheim, parus initialement chez Virgin... sous label Erato ! On n'y retrouve plus rien du tout, il faut à chaque fois remonter l'histoire des acquisitions pour déterminer de quel enregistrement il s'agit. |:-o

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