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Hors du nombril du Monde : opéra en province et à l'étranger en 2014-2015

En tant que spectateur, on a sans doute tendance à faire trop confiance à ses goûts : j'étais déçu de la saison de l'Opéra de Paris (je vais même probablement faire le voyage à Lyon pour voir Rusalka, plutôt que la production locale !), mais en fin de compte, il y a tellement à faire qu'on est bien content que toutes les salles ne proposent pas la même densité que Versailles en chefs-d'œuvres incontournables ou que l'Athénée en dispositifs intrigants.

On se retrouve d'ailleurs face au choix d'explorer à fond un domaine qui nous plaît — dans ce cas, en voyageant un tout petit peu, rien qu'en France, on peut être comblé ! — ou de varier les plaisirs (dans ce cas, le temps manque rien qu'à Paris). Je suis plutôt dans la seconde perspective (il y aura donc Decaux, Menotti, Uthal, Amendoeira et Bobby & Sue), mais pour ceux qui souhaitent plutôt approfondir la première, voici de quoi vous occuper un peu l'année prochaine.

Comme l'an passé, en gras les œuvres peu données et particulièrement intéressantes, en souligné les distributions très alléchantes.

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Baroque

Boismortier – Don Quichotte chez la Duchesse – Metz (janvier)
L'opéra le plus divertissant de tout le répertoire, à Versailles aussi, est joué par Hervé Niquet dans une mise en scène des époux Benizio, vraisemblablement à la (dé)mesure de la fantaisie du livret.
Peut-être la plus belle partition de toute la troisième école de tragédies en musique & opéras-ballets, il faut absolument se précipiter le voir. S'ils avaient pu le donner à deux moments différents d ela saison, je m'en serais bien fait deux shots.

Cavalli – Elena – Nantes, Rennes (novembre)
Reprenant pour large par les chanteurs fidèles de Leonardo García Alarcón qui a donné ce titre récemment, la production mise en scène par Jean-Yves Ruf inclut Mariana Flores, Fernando Guimarães, mais aussi Emiliano Gonzalez-Toro (protégé de Rousset) et Anna Reinhold (bébé-Christie), qui d'un matériau initial plutôt médiocre (terne, presque visqueux), semble s'épanouir remarquablement — son récent disque d'airs de cour italiens de Kapsberger, avec Thomas Dunford, est l'un des meilleurs jamais publiés.
À part la Calisto, Cavalli est fort mal documenté (et dans des styles parfois fantaisistes du fait des lignes de basses nues sur les partitions... quand ce n'est pas du tripatouillage au sein même de la partition explicite !), c'est donc une aubaine pour les amateurs de déclamation un peu sévère.

Charpentier – David et Jonathas – Tourcoing (octobre)
Ce n'est clairement pas, à mon sens, le chef-d'œuvre de Charpentier, mais ce n'est pas donné très souvent

Colonna – Mosè – Marseille (novembre)
En couplage thématique avec Moïse & Pharaon de Rossini, cet opéra du XVIIe de Giovanni Paolo Colonna, rarissime (première mondiale ?). Comme Falvetti et plus encore Legrenzi, il s'aventure déjà dans l'univers du seria, tout en conservant les couleurs (mais moins que les deux autres) de la chatoyante période du premier baroque. En plus, Nicolas Courjal, décidément partout à la fois, sera Pharaon !

Lully – Armide – Nancy (juin)
Armide et Hidraot (rien que ça) ne sont pas encore distribués, donc il faut attendre pour se décider – j'espère un attelage pas trop épais (ce pourrait être aussi bien être Blandine Staskiewicz & Benoît Arnould que Marie Kalinine & Nathan Berg), mais pour le reste, sacrés seconds rôles : Julian Prégardien, Marc Mauillon, Marie-Claude Chappuis, Judith van Wanroij, Julien Véronèse, Hasnaa Bennani ! Si Christope Rousset ne s'amollit pas trop dans les récitatifs (plutôt sa manière Cadmus, Roland, Bellérophon, ou Amadis que sa manière Persée ou Phaëton, donc), ce pourrait être grand. En plus, mis en scène, ce qui n'est pas si fréquent pour ce répertoire, même si Armide figure parmi les mieux servis.

Rameau – Castor et Pollux – Dijon (septembre-octobre)
Vu la distribution, version de 1754 encore... La notule sur la comparaison des deux états de la partition a été laissée de côté pour d'autres urgences, mais si musicalement, les deux se défendent, dramaturgiquement, croyez-le, cette refonte est une cochonnerie.
Dirigé par Emmanuelle Haïm, avec Emmanuelle de Negri, Gaëlle Arquez, Pascal Charbonneau, Henk Neven et Frédéric Caton ! Voilà qui promet.

Rameau – Daphnis et Églé + La Naissance d'Osiris – Dijon (14 novembre)
Tournée du spectacle des Arts Florissants (également à Caen, Paris...) dans une mise en espace de Sophie Daneman (généralement très avisée). La Naissance d'Osiris, qui a mauvaise réputation à cause de l'enregistrement (par ailleurs très bon) de la Simphonie du Marais où les chœurs étaient audiblement en méforme, reprend de larges passages de Zoroastre, mais va au delà et c'est, musicalement, une pièce d'une remarquable générosité, un peu comparable aux Boréades.
Bref, une soirée qui promet beaucoup et dont on se fera l'écho à l'occasion des représentations parisiennes.

Steffani – Niobe, Regina di Tebe – Mérignac (20 janvier)
Le spectacle passe aussi à Versailles (et, me semble-t-il, à la Cité de la Musique). Bel opéra pré-seria, dans une belle version au continuo généreux, où la chatoyance du XVIIe laisse progressivement la place à la fascination pour l'exposition vocale.

Classicisme

Cimarosa – Il Matrimonio segreto – Colmar-Mulhouse-Strasbourg (mars-avril-juin)
Œuvre restée des les consciences en particulier à cause de Stendhal. Cimarosa a écrit de très belles choses, de beaux opere serie (une fluide Olimpiade, par exemple), et en particulier un inénarrable Maestro di cappella ; celui-ci n'est pas son meilleur, coincé entre Mozart et Rossini, sans atteindre la finesse du premier ni la vitalité du second. Mais ce n'est pas joué tous les jours non plus, et c'est une jolie pièce, le classicisme n'étant pas tellement représenté à l'Opéra en dehors de Mozart...

Romantisme

Donizetti – Anna Bolena – Nice (novembre)
J'ai déjà eu l'occasion (l'an passé, par exemple) de dire mon exécration de l'ouvrage, simultanément tombeau de la musique et du théâtre ; mais il semble s'imposer progressivement en France à cause du prestige de quelques titulaires (Callas-Gencer-Sutherland-Sills-Caballé dans le passé, Netrebko aujourd'hui), et je suppose du sujet (alléchant sur le principe). Si l'on aime le belcanto romantique, le répertoire couramment joué n'est pas si vaste qu'on puisse faire l'impasse — personnellement, j'aime bien ça, mais pas au prix d'écouter du mauvais Donizetti !
L'avantage principal à Nice, c'est qu'on aura la voix franche et finement focalisée d'Ismael Jordi. Pour le reste, ce sont des voix très capables techniquement mais plutôt dans le genre opaque (formées au belcantisme, justement) : Ermonela Jaho, Kate Aldrich.

Dvořák – Rusalka – Lyon (décembre)
Avec Nylund, Popov, Baechle et un chef russe (Chudovsky), dans une mise en scène de Herheim dont on peut espérer beaucoup dans un univers aussi onirique et porteur. J'irai probablement là plutôt qu'à Paris, où la mise en scène étriquée et l'état actuel de la voix Guryakova promettent des résultats plus modestes.

Gounod – Mireille – Avignon (30 novembre, 2 décembre)
Enchantement promis avec Nathalie Manfrino, Sylvie Brunet, Marc Barrard et Jérôme Varnier. Un peu moins enthousiasmé par la présence de Florian Laconi, mais il paraît qu'en vrai, il est très bon.

Halévy – La Juive – Anvers (avril)
Avec Jean-Pierre Furlan dans la distribution B, ce devrait être très intéressant — on n'entend à peu près jamais Éléazar bien chanté. L'entourage est moins prometteur (Netopil à la baguette, Konwitschny à la mise en scène).

Offenbach – Barbe-bleue – Nantes (décembre)
On donne en permanence, dans les théâtres « permanents » ou par des troupes spécialisées, des opéras moins célèbres d'Offenbach, et la Barbe-bleue n'est pas, et de loin, la moins bien servie. Mais avec Mathias Vidal et Gabrielle Philiponet, couple déjà éprouvé, ce devrait être magnétique. En plus, Laurent Campellone peut tirer le meilleur d'orchestres en théorie modestes.

Ponchielli – La Gioconda – Marseille (octobre)
Rarement joué en france, on y retrouvera quelques grandes voix comme Béatrice Uria-Monzon (pas gracieuse, certes), Qiulin Zhang (le grand contralto dramatique du moment, avec Anna Larsson) et Fabio Armiliato.
Dans le rôle-titre, Micaela Carosi, valeur sûre (dans des souliers un peu grands ?), et Elena Popovskaya, jeune dramatique plus trémulante, mais assez impressionnante.

Rossini – Moïse et Pharaon – Marseille (novembre)
En version de concert, dans une luxueuse distribution : Mariella Devia, Annick Massis, Jean-François Lapointe, Ildar Abdrazakov, Philippe Talbot, Julien Dran, Nicolas Courjal.

Schubert – Fierrabras – Bruxelles (janvier)
Opéra avec dialogues, très inégal, mais dispensant beaucoup de moment de pur bonheur, à commencer par les longs mélodrames, le chœur a cappella des chevaliers captifs et plusieurs grands ensembles.
Version de concert aux Bozar, avec une très belle distribution : Juliane Banse, Kurt Streit, Bernard Richter, Dietrich Henschel, Steven Humes, Robert Bork... Dirigé par Ádám Fischer, que j'admire considérablement dans Wagner et supporte mal dans Haydn, donc mystère.

Tchaïkovski – La Dame de Pique – Strasbourg-Mulhouse (juin-juillet)
Soirées très tentantes : dirigées par l'excellent Marko Letonja, mises en scène par Robert Carsen (qui devrait trouver pas mal de matière dans cette œuvre), et avec Tatiana Monogarova, Stefania Toczyska, Roman Burdenko, Tassis Christoyannis et même l'étonnant Misha Didyk dans un rôle qui devrait très bien lui convenir. Très tenté par le déplacement.

Tchaïkovski – Eugène Onéguine – Nantes (mai)
Rien d'original assurément, mais on pourrait se délecter de Gelena Gaskarova en Tatiana — pas une grande voix en volume, mais frémissante et délicieuse, ce devrait être vraiment charmant. Curiosité : Diana Montague (ancienne Iphigénie de Gardiner !) en Madame Larina.

Thomas – Hamlet – Avrignon (mai)
L'opéra a perdu son statut de rareté (qu'il avait encore lorsque CSS lui avait consacré une série, il y a près de dix ans) et s'est maintenant, comme La ville morte, durablement installé au répertoire à ce qu'il semble, et il se trouve ici servi par une distrbution inhabituellement prestigieuse pour une petite maison, sous la direction de (l'excellent) spécialiste et pionnier Jean-Yves Ossonce : Patrizia Ciofi, Jean-François Lapointe, Géraldine Chauvet, Sébastien Guèze, Nicolas Testé (le Spectre, manifestement), Julien Dran, Patrick Bolleire...

Wagner – Tristan und Isolde – Bordeaux (mars-avril)
Bordeaux a fait le choix, cette saison, de diminuer le nombre d'opéras, mais de mettre la gomme sur le prestige en matière de récitals et de distributions. On peut discuter de la clairvoyance de l'entreprise (il y a vraiment des arguments dans les deux sens), mais ce Tristan en bénéficie, dans une mise en scène de Giuseppe Frigeni (peut-être rêver mieux pour ce type d'œuvre atmosphérique ?) et avec une distribution de qualité, où l'on remarque en particulier la silhouette intrigante du Marke de Nicolas Courjal ! (À Toulouse, ce sera Hans-Peter König.)

Wagner – Tristan und Isolde – Strasbourg-Mulhouse (mars-avril)
Dans une nouvelle production d'Antony McDonald, belle distribution : Melanie Diener, Ian Storey, Michelle Breedt ! Assez tenté par la perspective d'entendre Tristan bien chanté et dans un « petit » théâtre.

Post-romantiques et décadents

Berlioz – La Damnation de Faust – Bordeaux (février)
En version de concert, distribution idéale menée par Paul Daniel : Géraldine Chauvet pour la mezzo aux médiums à se rouler dedans, Eric Cutler pour le ténor souple et vaillant, Laurent Alvaro pour le baryton grave au verbe généreux. Et même l'excellent diseur Frédéric Goncalves en Brander !

Debussy – Pelléas et Mélisande – Lyon (juin)
Avec Bernard Richter en Pelléas, Hélène Guilmette en Mélisande, Vincent Le Texier en Golaud, Jérôme Varnier en Arkel, Sylvie Brunet en Geneviève, Kazushi Ono à la direction... Ce devrait être exaltant — en tout cas si la mise en scène de Christophe Honoré tient la rampe.
Je n'aurai vraisemblablement pas le temps de me déplacer pour un Nième Pelléas, mais j'espère que ce sera documenté !

Dukas – Ariane et Barbe-Bleue – Strasbourg-Mulhouse (avril-mai)
Points forts : l'œuvre flamboyante, pour une fois mise en scène (Olivier Py, s'il a travaillé ce peut être intéressant), Marc Barrard dans le minuscule rôle de Barbe-Bleue, Brunet qui proposera pour une fois une Nourrice remarquablement chantée, la direction de Callegari, toujours passionnant (et qui devrait éviter toute tentation d'empâtement).
Point faible : Charbonnet en Ariane, vraisemblablement inintelligible et moche... Ce n'est pas forcément la faute des programmateurs ni de la chanteuse : le rôle requiert un gros instrument pour tenir face à la fin du premier acte, et demande simultanément des trésors de déclamation fine. On ne peut pas avoir à la fois une Brünnhilde et une Mélisande — malheureusement, les théâtres tendent depuis toujours à privilégier l'aspect Brünnhilde...

Gerswhin – Porgy and Bess – Toulouse (mars)
Coproduction avec Massy.

Hahn – Le marchand de Venise – Saint-Étienne (mai)
... remarquablement servi par des voix globalement petites, mais toutes bien faites : Philippe Talbot, François Rougier, Guillaume Andrieux ; il y a même de très beaux instruments plus amples et très expressifs (Frédéric Goncalves, Laurent Alvaro), voire des tempéraments exceptionnels (Magali Arnault Stanczak, à découvrir absolument, l'une de mes plus belles « rencontres » de ces dernières années, Gabrielle Philiponet, Isabelle Druet).

Janáček – Journal d'un disparu – Dijon (juin)
On le joue de temps en temps parce que ça ne coûte rien à monter, mais il est ici avec mise en scène. Œuvre qui, comme le laisse supposer son programme (un jeune fermier amoureux d'une gitane finit par quitter son village avec elle) et son dispositif (piano, deux solistes et trois voix féminines, chœur ou non), n'est pas exactement palpitante à mon sens.
Il s'agit de toute façon d'un cycle de lieder et pas d'un opéra.

Korngold – Die tote Stadt – Nantes-Nancy (mars-avril)
Il y a quelques années désormais que Die tote Stadt, au même titre que Jenůfa ou Kabanová, est plutôt devenu un standard qu'une audace en Europe – du moins dans les pays du Nord de l'Europe (incluons la France), où les programmations ne sont pas limitées à Mozart-Verdi-Puccini. En revanche, avec Helena Juntunen, l'une des plus grandes chanteuses vivantes (aussi bien pour la technique que pour le timbre et l'expression : une sorte de Mattila d'aujourd'hui), et justement spécialiste de ce répertoire, il faut s'attendre à être renversé. En plus, Maria Riccarda Wesseling en Brigitta représente un luxe inattendu.
Mon problème est plutôt qu'il faudra compter avec Thomas Rösner, peut-être le chef le plus prosaïque que j'aie entendu dans une salle de concert... il était à l'époque assistant de Hans Graf, avec l'ONBA indiscipliné au creux de la vague, il s'est peut-être amélioré depuis — mais je ne suis pas optimiste, parce que même avec d'autres orchestres, je n'ai jamais été convaincu, pour rester mesuré.

Krása – Brundibár – Dijon (février)
Opéra chanté par des enfants, adapté et joué pour la première fois par ceux de Theresienstadt (venant de l'ancienne chorale de l'ophelinat juif de Prague, où ils avaient commencé à travailler avec Krása). L'œuvre reprend la matière des contes, mise en musique dans un style « blanc » assez indéfinissable (et pas passionnant à mon gré). On la joue de temps en temps en particulier à cause du symbole qu'elle représente : créée en 1943, témoin de la vie culturelle dans les camps de travail comme celui de Terezín, elle a aussi été reprise en 1944 comme moyen d'intoxiquer la Croix-Rouge lors de sa visite des camps.

Mascagni – L'Amico Fritz – Strasbourg (octobre-novembre)
Un classique que tout le monde connaît de nom, mais qu'on ne joue plus. Dans la veine lyrique généreuse, il y a pourtant de quoi y trouver des satisfactions – et il y a un public assez large pour cela.

Messager – Fortunio – Saint-Étienne (novembre)
Tout n'est pas excellent dans la partition, mais il y a plusieurs moments vraiment réussis, et l'ensemble reste charmant. En plus mis en scène par Emmanuelle Cordoliani, donc vraisemblablement vivant.

Rachmaninov – Aleko – Clermont-Ferrand (18 décembre)
Belle promotion pour Anas Seguin, alors qu'on distribue habituellement l'exigeant rôle-titre à des matériaux plus ronds. Sans doute intéressant. Avec Renaud Delaigue également.

Rachmaninov – Aleko, Francesca da Rimini – Nancy (février)
Nancy fait toutes les audaces cette saison, même celle d'un doute Rachmaninov mis en scène. Extrêmement tentant si on ne peut pas aller à Bruxelles.

Rachmaninov – Aleko, Francesca da Rimini et Le Chevalier Ladre – Bruxelles (juin)
Grand événement, l'intégrale des opéras (très différents et saisissants !) de Rachmaninov en une soirée. Ce sera compliqué, mais il est prévu de tenter le déplacement.
En plus, de belles distributions russophones (Sergueï Leiferkus en Baron !).

Ravel – L'Heure espagnole – Tours (avril) Dirigé par Jean-Yves Ossonce, avec Alexandre Duhamel en Ramiro et Didier Henry en Don Iñigo Gomez, voilà qui promet. Couplé avec La voix humaine chantée par Anne-Sophie Duprels.

Respighi – La Belle au bois dormant – Strasbourg-Mulhouse-Colmar
Également joué, toujours dans la traduction de Vincent Monteil, à l'Athénée de Paris. Les œuvres lyriques de Respighi jusqu'ici exhumées ne sont pas de premier intérêt, mais vu ce qu'il peut faire dans la musique de chambre, peut-être que dans le cadre moins corseté du conte, il révèlera enfin ses qualités très réelles !

Schreker – Die Gezeichneten – Lyon (mars)
À Lyon en mars, avec Charles Workman en Salvago. Ce doit être la création française de l'œuvre, ou du moins la première exécution depuis plus de vingt ans... Un événement, facilement accessible d'un peu partout (pourvu qu'on ne soit pas sur la côte Ouest). CSS devrait y être.

R. Strauss – Daphne – Bruxelles (septembre)
Le livret, assez statique, n'est pas merveilleux, mais la densité musicale de cet opéra est exceptionnelle. En plus, dans une distribution très intéressante (en tout cas s'ils passent la rampe) : Sally Matthews, Peter Lodahl, Eric Cutler.

Ullmann – Der Kaiser von Atlantis – Dijon (mars)
Ce petit opéra allégorique est devenu un standard de la scène française, probablement l'un des titres les plus joués ces cinq dernières années ! Musicalement, rien de très marquant – comme Brundibár, c'est un style difficile à qualifier, tonal mais comme athématique ; mais le sujet autorise de la fantaisie scénique et intéresse facilement le public, comme un Grand Macabre miniature, indépendamment de la réalisation musicale (qui ne requiert qu'un ensemble de chambre).
C'est décidément encore une saison très originale à Dijon — avec de plus Wozzeck et Kátia Kabanová, pas exactement des titres avec lesquels il est facile de remplir en province. À l'exeption des deux spectacles Rameau et du Barbier de Séville, que des œuvres particulièrement exigeantes. Avec le risque que le public, s'il n'est pas converti, prenne l'habitude de rester chez lui.

Vives – Doña Fancisquita – Toulouse (décembre)
Sympathique initiative de fin d'année que cette zarzuela-culte, au langage tout à fait romantique (même pas post-, malgré la date), et chantée par une troupe de natifs.

Écoles du XXe siècle

Britten – Owen Wingrave – Besançon, Nancy, Toulouse
Trois productions différentes ! Peut-on encore parler de rareté, d'autant que ça déjà a été donné quelquefois ces dernières années ? À Nantes, c'est avec Orla Boylan, grande voix, actrice extraordinaire — ceux qui ont ouï ses Quatre Derniers Lieder ou, mieux, vu sa Tatiana de Baden-Baden (production de Lehnhoff, ça se trouve même en DVD), mesureront l'intérêt de la nouvelle. Surtout qu'elle ne chante pas souvent en France.

Martin – Le Vin Herbé – Bruxelles (10 mars)
Version de concert d'une œuvre (semi-oratorio) intéressante – avec Stella Doufexis en Branghien.

Poulenc – Les mamelles de Tirésias – Nancy (décembre-janvier)
Dans une mise en scène de Macha Makeïeff, une remarquable distribution incluant Werner Van Mechelen, Ivan Ludlow, François Piolino et Michèle Lagrange !

Prokofiev – Les Fiançailles au couvent – Toulouse (mai)
Pas le meilleur Prokofiev, mais plaisiant ; il arrive ici dans une distribution fort honorable, où l'on entendra notamment Daniil Shtoda qui semble passé de mode ces dix dernières années (plus de disques, plus d'apparitions en France ; et où en est-il vocalement ?), Garry Magee et John Graham-Hall – avec l'interrogation que cela suppose que la qualité linguistique. En revanche, dirigé par Sokhiev vraisemblablement très à son affaire.

Sauguet – Les Caprices de Marianne – Avignon, Marseille, Massy, Metz, Rennes, Tours L'opéra le plus célèbre de Sauguet, qui n'est pas le plus grand compositeur de tous les temps, mais qui s'écoute toujours, au minimum, sans déplaisir. L'œuvre fait le grand tour de France : en plus des lieux où elle passe cette saison, elle est aussi en coproduction avec Limoges, Bordeaux, Nice, Reims, Rouen, Saint-Étienne et Toulouse !
Avec Cyrille Dubois, François Rougier, Carl Ghazarossian, Tiago Matos, Thomas Dear et Claude Schnitzler selon les soirs (autant d'artistes que vous pouvez retrouver grâce à la fonction recherche de la colonne de droite).

Tailleferre – Le bel ambitieux – Limoges (novembre)
Une rareté absolue : un opéra de Tailleferre ! Étant donné que tout ce que j'ai écouté d'elle m'a paru assez gris et médiocre — mais nous ne disposons que de bribes, et souvent dans un son précaire —, je ne me déplacerai pas... mais j'aimerais bien l'entendre pour pouvoir compléter ma perception de cette compositrice très peu servie par le disque (jusqu'ici non sans raison, mais tant qu'on n'en a pas plus, impossible à dire).

Opéras d'aujourd'hui

Campo – Quai Ouest – Strasbourg (septembre-octobre)
Régis Campo fait partie des compositeurs capables de se plier à la forme opéra, en principe. Dans les faits, je n'avais pas du tout aimé ses Quatre Jumelles, d'une manière étale, et très peu séduisante. L'aspect général de L'Amour de loin (Saariaho) avec les couleurs des Trois Sœurs (Eötvös), en quelque sorte.
Fort de cette expérience, peut-être aurons-nous un bel opéra cette fois !
Superbe distribution, en plus : Mireille Delunsch, Pau Gay, Christophe Fel, Julien Behr, Fabrice Di Falco...

Defoort – Daral Shaga – Limoges (septembre)
Opéra en lien avec les arts du cirque et paraît-il une esthétique assez métissée. Fait inhabituel, Maciej Straburzynski, l'un des trois solistes, sera à la fois basse et contre-ténor.

Dusapin – Penthesilea – Bruxelles (avril)
Considérant les succès passés de Dusapin en adaptant de grand mythes à l'opéra, on peut espérer beaucoup de sa maturité face au texte si magnétique de Kleist — quel sera le degré du remaniement du livret ? C'est une création, mais elle est très attirante sur le principe. Dirigée par Ludovic Morlot.

Fujikura – Solaris – Lille (mars)
Joué au Théâtre des Champs-Élysées dès l'automne. La musique de Dai Fujikura fonctionne par strates de timbres, assez habilement agencées pour faire entendre un discours dans ses œuvres les plus inspirées ; dans les autres, on peut avoir l'impression d'une succession d'effets sans lendemain.
Je ne suis pas excessivement optimiste sur la possibilité de ce type de langage à se conformer efficacement aux exigences du théâtre, et surtout de la prosodie et des voix, mais sur un tel sujet, le choix du compositeur n'est vraiment pas absurde. Il y a beaucoup à faire à Paris à ce moment-là, mais j'aimerais bien essayer.

Mitterer – massacre – Toulouse (avril)
Opéra hurlé et glossolalisé dans la pire caricature d'urlo tedesco, avec tout les plus mauvais clichés de la musique contemporaine : suraigus sans raison, aucun mot intelligible, livret grotesque, mélange d'agrégats mal écrits et de pseudo-swing... Comme si la laideur ostentatoire des Germains s'était croisée avec la démagogie programmatique gauloise, un joli petit cauchemar baigné dans une lumière violette très mauvaise pour le foie.
Mais si vous avez envie de voir un opéra sur la fin du Duc de Guise, et d'entendre Lionel Peintre qui réussit à chanter divinement cette infâme daube, je vous indique ça existe.

Rihm – Jakob Lenz – Bruxelles (février-mars)
Avec Georg Nigl et John Graham-Hall, de vrais moyens en perspective.
Opéra assez régulièrement donné pour une œuvre récente ; accessible, parcouru de multiples références ; avec à la clef l'alternance de moments familiers et plages atonales qui paraissent d'autantplus longues. Il a déjà été présenté sur CSS à l'occasion de représentations précédentes.
Une œuvre relativement convaincante si on veut écouter de l'opéra contemporain, mais qui reste à mon avis déséquilibrée (et le livret n'est pas le meilleur du monde non plus) ; Rihm a fait beaucoup mieux depuis ! (Mais Lenz ne coûte pas cher à monter, tout simplement...)

Saariaho – La Passion de Simone – Clermont-Ferrand (14 novembre)
Le dernier opéra de Saariaho, avec Karen Vourc'h et Raquel Camarinha, compagnonnes de route de CSS.

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En résumé

J'ai indiqué au fil des propositions mes projets personnels, en grande partie liés aux distances et aux dates, et dont seulement quelques-uns aboutiront :
¶ Boismortier, Osiris, peut-être Steffani, Respighi et Fujikura (je les verrai en Île-de-France) ;
¶ Rusalka et Gezeichneten à Lyon ;
¶ Daphne, Fierrabras et Rachmaninov à Bruxelles ;
¶ Tristan à Strasbourg et Pikovaya à Mulhouse.
J'ai vraiment prévu d'essayer de faire les Gezeichneten et Rachmaninov. À cause des dates, Daphne, Rusalka, Tristan et Pikovaya sont faisables (et très alléchants). Tout dépendra aussi de l'envie, vu la richesse déjà débordante à Paris, dans des registres très divers : j'ai moins de probabilité de revoir prochainement Joana Amendoeira en France qu'un bon Tristan à Paris !

Je n'ai pas encore relevé l'Europe proche, en dehors de la Belgique (facilement accessible en train, par rapport à la Suisse par exemple, et ne posant pas les enjeux de langue qu'il peut y avoir dans de vrais pays étrangers). Mais il y a déjà de quoi s'occuper à proximiter, n'est-ce pas.

Quelques maisons semblent se retirer largement de la production lyrique (deux spectacles à Limoges, quasiment aucun spectacle d'envergure à Lille). Pour d'autres, c'est au contraire la consécration d'un parcours d'excellence et d'audace : pas de surprise en y retrouvant Lyon, Toulouse et Marseille, un peu plus en constatant les tentatives spectaculaires de sortie des sentiers battus de Clermont-Ferrand et surtout Dijon.

Bruxelles a l'une des saisons les plus étourdissantes d'Europe, mais c'est devenu une habitude, en particulier sous la direction de Caluwe.

Mais en France, la saison prochaine, ce sera avant tout à Strasbourg-Mulhouse (Clemenza, Matrimonio, Tristan, Vie parisienne, Pikovaya, Fritz, Dukas, Respighi, l'opéra de Campo) et surtout à Nancy (Armide, Nabucco, Alko, Rimini, Tote Stadt, Mamelles, Wingrave et un titre contemporain en espagnol !) que ça se passera, avec des programmes hautement originaux (surtout Nancy !) et dans des conditions assez parfaites (en particulier Strasbourg).


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Commentaires

1. Le jeudi 3 juillet 2014 à , par Jorge

J'ai snobé "La naissance d'Osiris" dans mon abonnement dijonnais... Peut-être une erreur ?

La saison lyrique de l'honorable capitale bourguignonne est en effet aventureuse... Je crains qu'effectivement le remplissage soit limité (sauf pour Castor et Pollux et le Barbier). Je confesse que même avec mes places à 5€ en première catégorie je n'ai pas pris le risque de réserver pour les spectacles les plus inattendus ou modernes. Ceci étant, il y a déjà eu des programmations audacieuses qui ont fait le plein, grâce à la promotion efficace faite autour de ces spectacles. A voir donc.

2. Le jeudi 3 juillet 2014 à , par Ugolino le profond

Je te trouve dur avec Mitterer : c'est nul mais j'ai entendu largement pire.

3. Le jeudi 3 juillet 2014 à , par DavidLeMarrec

Bonsoir vous deux !

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Jorge :
J'ai snobé "La naissance d'Osiris" dans mon abonnement dijonnais... Peut-être une erreur ?

J'ai réécouté le disque de Reyne tout récemment. Mis à part le passage de l'orage où c'est un peu le bazar (et encore, pas tant que ça finalement), et qui aurait clairement mérité un prise supplémentaire après le concert, le timbre du chœur n'est certes pas très joli (étonnant d'ailleurs, parce que pour Ulysse peu de temps après, c'était au contraire magnifique dans les mêmes pupitres qui péchaient...), mais l'interprétation n'est pas mauvaise du tout (Chuberre est même carrément magnifique).

Quant à l'œuvre, une fois passé la surprise de réentendre des bouts de Zoroastre (ce qui n'est jamais déplaisant, au demeurant), il y a vraiment une densité étonnante en très belles choses, énormément d'ensembles très raffinés. Ça a plus à voir avec les Boréades qu'avec Anacréon, clairement.

En plus, couplé avec un titre rare aussi... je ne vois pas pourquoi se priver quand on aime cette musique.


(sauf pour Castor et Pollux et le Barbier).

Ah tiens, pourquoi Castor ? Il y a un tropisme baroque dans le public, ou juste l'espoir d'échapper au vingtième ? :)


Je confesse que même avec mes places à 5€ en première catégorie je n'ai pas pris le risque de réserver pour les spectacles les plus inattendus ou modernes.

C'est sûr qu'ils n'ont pas fait dans la demi-mesure...

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Ugolino :
Je te trouve dur avec Mitterer : c'est nul mais j'ai entendu largement pire.

Huhu. Oui, voilà.

Mais franchement, à côté, Neuwirth et Pintscher, c'est du génie en barres, débordant de trouvailles euphoniques et de sonorités personnelles. Quand même.

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David Le Marrec

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4 => Arabelle et Didon
5 => Woyzeck le Chourineur
6 => Nasal ou engorgé ?
7 => Voix de poitrine, de tête & mixte
8 => Les trois vertus cardinales de la mise en scène
9 => Feuilleton sériel




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