Carnets sur sol

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Le pot de janvier et février


(Tant que personne ne m'aura félicité pour ma jolie référence, je poursuivrai à la filer, chaque année. Parfaitement, ceci est une menace.)



Encore une fois, sélection personnelle dont le ressort est souvent la rareté ou la bizarrerie. Pour une sélection plus transversale et moins triée, l'Offi et Cadences sont assez complets (tout en ratant certaines de mes propositions, considérant les recoins où je râcle des pépites et ma veille généralisée des clubs interlopes). Et bien sûr France Orgue pour les concerts de pouêt-pouêts à tuyaux, ce n'est pas exhaustif, mais de très loin ce qu'on trouve de plus complet !




Tout figure, comme pour le mois dernier, sur un PDF avec des pastilles de couleur (trahissant l'intensité de mes conseils), et cette fois-ci jusqu'au 10 mars !

En violet : immanquable.
En bleu : très rare et/ou prévisiblement exaltant.
En vert : tentant (distribution ou rareté).

Et comme je n'ai relevé que ce qui m'intéressait personnellement (et pas tout ce qui m'intéressait, d'ailleurs), le reste aussi est conseillé / conseillable. Comme d'habitude : issu de mon agenda personnel, n'hésitez pas à demander le
sens des abréviations ou les programmes complets.

D'autant que, pour me libérer de la place pour d'autres notules (ou pour des choses plus amusantes que le relevé d'agenda, comme les traductions chantables ou les arrangements musicaux), je ne commenterai rien ce mois-ci. Mais je réponds très volontiers aux questions sur tel ou tel concert programmé.

Comme des pépites se révèlent régulièrement au dernier moment, je les posterai ci-dessous en commentaire, et poursuivrai peut-être, après février, à citer simplement une sélection semaine par semaine. Le but étant toujours de conserver l'agenda, qui existe et qui est manifestement utile à quelques lecteurs fidèles, tout en prenant le moins de temps possible sur d'autres préparations plus stimulantes pour moi – et, je l'espère, moins marcescibles.


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1. Le samedi 12 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Dimanche 13 janvier, à Saint-Pierre de Montmartre (16h30).

L'Ensemble Actéon donne des motets de Charpentier et Brossard.

2. Le samedi 12 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Samedi 19 janvier, à Sainte-Clotilde (20h45).

Les Chantres de Paris donnent du Pärt (le superbe De Profundis avec orgue), du grégorien et du faux-bourdon. Entrée libre sur réservation (leschantresdeparis.com), et probablement libre participation au chapeau.

3. Le samedi 12 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Dimanche 3 février, à Sainte-Marguerite (XIe). 16h30.

L'orchestre (amateur en théorie, plein de pros en réalité) d'Éric van Lauwe joue une Suite pour cordes de Parry, deux concertos pour orgue (Haendel et Poulenc).

4. Le dimanche 13 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Mardi 15 janvier, à l'amphi Richelieu de la Sorbonne. 19h45.

Psaumes de David de Gabrieli et Schütz.

Les Sorbonne Scholars, dirigés par Jean-Christophe Frisch.

Gratuit sur réservation ici.

(Merci à @jmnrichter !)

5. Le mercredi 23 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Pendant le plus clair du mois de février (tous les jours sauf le lundi, et même deux horaires samedi et dimanche), le Théâtre Marigny donne Marry Me a Little de Sondheim, un musical accompagné au piano qu'il a constitué à partir de chansons non retenues dans ses autres pièces… En partenariat avec le Châtelet, donc on peut supposer une production soignée !

6. Le samedi 26 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #79 : Concerto pour violon de Bartók
par Misako Akama, l'Orchestre des étudiants du CNSM et les étudiants en direction d'orchestre de la classe d'Alain Altinoglu :
Antoine Petit-Dutaillis (L2), Gabriel Bourgoin (M2), Nikita Sorokine (L3).


Choix original de cette œuvre de jeunesse si étonnante (le langage est déjà très complexe et original, sans ressembler vraiment à du Bartók habituel), en deux mouvements. Dans le premier, l'essentiel semble du discours semble se dérouler à l'orchestre, comme déclenché par les figures (pas ostentatoirement virtuoses du tout) du violon solo. Dans le second, c'est l'impression rhapsodique qui domine – et de quelle façon ! – en naviguant du chromatisme le plus retors à des formules ultratonales parfaitement archaïques qui créent presque une gêne… Et le violon s'interrompt sur une absence de résolution, sur la pointe des pieds, laissant l'orchestre à nouveau en tirer tout l'éclat. Pour un concerto-déclaration d'amour (à la dédicataire), ce n'est pas très flatteur – mais bien plus intéressant qu'un concerto, il faut bien l'avouer !

Très agréablement surpris de constater les frémissements qu'insuffle Nikita Sorokine, dont je n'aimais pas les manières tradis jusqu'ici, mais qui trouve ici une veine lyrique pas du tout caricaturale, animant le discours élusif de dynamiques très joliment didactiques !

(Pas pu entendre mes chouchous Sora Lee et Félix Benati, programmés dans le Concerto pour orchestre qui se donnait pendant mon second concert de la soirée.)

7. Le samedi 26 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #80 : Lieder de Schubert, Schumann, Brahms et Mahler arrangés pour banda
Florian Boesch, Musicbanda Franui
Vidéo de Jonas Dahlberg


Mauvaise surprise au début de ce concert : sans aucun avertissement, il est amplifié ; pourtant aucun instrument numérique, c'est avant tout le chanteur (un vrai chanteur lyrique, Boesch est l'un des plus grands liedersänger d'aujourd'huiqui s'exprime dans un micro. Ne pas prévenir l'amateur de chant lyrique de ce genre de chose, c'est vraiment l'exposer à de violentes frustrations.
Par ailleurs, le programme n'était pas très clair non plus sur la nature de l'arrangement pour ensemble – je me figurais quelque chose d'assez traditionnel, comme le disque de Prégardien avec Pentaèdre ou l'arrangement pour octuor de Takenori Nemoto. En réalité il s'agit d'un groupe de musique plus populaire / transversale, du Tyrol. Dix instrumentistes : violon, clarinette (et clarinette basse), clarinette (et saxophones soprano et alto), 2 trompettes, trombone (à pistons), tuba, contrebasse (et accordéon !), harpe (et cithare), hackbrett (un dulcimer à cordes frappées, qui sonne comme une sorte de cymbalum local).
Et dès le début, Boesch se met à émettre des sons moins soutenus, des ports de voix typique du chant oral… on se situe clairement dans un bidouillage massif de standards du lied, quand je venais surtout pour entendre le maître… (pas mon type de voix, mais son Schwanengesang est probablement le meilleur que j'aie entendu au disque, révélation toute récente pour moi qui n'écoutais pas prioritairement ses réalisations)

Et pourtant.

¶ La voix de Boesch se révèle mieux émise qu'il ne paraît au disque, beaucoup plus claire et bien moins tassée (même s'il finit par forcer un peu pour sonner plus « dramatique ») ;
¶ le micro lui autorise de passer par tous les modes d'émission (fausset, belting…) ;
¶ tous les lieder sont enchaînés de façon très adroites, les alternances chanté / accompagné sont bien équilibrées, l'harmonie des morceaux est enrichie (accords beaucoup plus complexes), le niveau des musiciens se compare à celui des meilleurs interprètes classiques (dont ils doivent être…).

Au bout du compte se révèle un parcours extrêmement structuré, pas juste le jeu entre potes qui consiste à dénaturer des lieder sur un ton canaille de Fête de la Bière : c'est même une façon de raviver ces œuvres, non pas en les déformant, mais réellement en les récrivant, avec plus de matériau à l'origine. (Rien à voir avec le bidouillage rigolo de Hans Zender sur le Winterreise, par exemple.)

Terrifié quand j'ai vu la tête du plateau, je ne me suis pas ennuyé une second et suis sorti enchanté de la cohérence et de la beauté de la proposition, finalement beaucoup plus organisé et naturel qu'un récital de lied standard où l'on juxtapose des groupes.

8. Le jeudi 31 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

#ConcertSurSol #81
Annette Dasch & Wolfram Rieger dans des lieder décadents (Cité de la Musique)


Annette Dasch, soprano
Wolfram Rieger, piano

Programme:
Erich Wolfgang Korngold
My Mistress' Eyes (des Fünf Lieder op. 38)
4 Lieder nach Shakespeare Op. 31

Hanns Eisler
Rimbaud-Gedicht
Goethe-Fragment (from Sieben Lieder über die Liebe)
Der Kirschdieb
Auf der Flucht
Printemps Allemand

Alban Berg
Sieben Frühe Lieder
Viktor Ullmann
Six sonnets de Louise Labé op 34.
Gustav Mahler
Frühlingsmorgen
Ging heut‘ morgens übers Feld
Ich ging mit Lust
Des Antonius von Padua Fischpredigt
Lob des hohen Verstandes



Avoir un programme aussi original, et servi par des interprètes (le bonheur palpable de Rieger jouant – enfin ? – les Ullmann !) très enthousiastes, c'est merveilleux. Rieger a d'ailleurs un jeu d'une précision (et très bien timbré) rare pour un accompagnateur. Et Dasch était émue aux larmes à plusieurs moments.

Après, je n'ai pas été complètement bouleversé, d'une part parce que le programme ne contient pas d'œuvres qui me touchent particulièrement (hors quelques-uns des Berg, pas de doudous), même si elles étaient toutes belles et fascinantes ; d'autre part pour des raisons techniques, la voix de Dasch (qui n'a pas bougé d'un pouce, ceux qui disent qu'elle a perdu sa voix en sont pour leurs frais) ne se plie pas idéalement à l'exercice (un son assez poussé, diction pas très nette, pas beaucoup d'expression dans les mots…), par sa structure même.

Ce n'était donc pas un grand récital de lied, mais son originalité et la générosité des interprètes m'ont touché au bout du compte, d'une façon différente.

9. Le jeudi 31 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

wissmer léonidas

#ConcertSurSol #82

Pierre WISSMER : Léonidas, ou la cruauté mentale
(opéra bouffe en un acte)

Au Studio Raspail, opéra bouffe de Pierre Wissmer, Léonidas ou la cruauté mentale, avec Mélanie Boisvert, Christophe Crapez et Lionel Peintre, rien que cela !

Farci de blagues pour musiciens et d'allusions lestes façon Heure Espagnole !

Musique peu marquante (tricot assez sophistiqué mais très égal, malgré la force de la situation – une nuit de noces interrompue par un trompettiste soliste, puis par la fascination du mari pour le concerto dodécaphonique qu'il joue, jusqu'à son arrestation), production pas complètement bien finie, mais le texte est amusant (tout en rimes… pauvres !) et les chanteurs excellents (ces trois-là sont de vraies valeurs sûres, et Julien Henric s'est révélé tout aussi bon !).

Le plaisir de la découverte n'a pas de prix – et vaut largement, je trouve, celui d'entendre une œuvre bien connue parfaitement interprétée.

10. Le jeudi 31 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

#ConcertSurSol #83
Mahler n°3 à l'Opéra Bastille.

J'attendais beaucoup de cette soirée, considérant que l'orchestre et le chef avaient déjà fait toutes leurs preuves dans une très belle Mahler 2 il y a quelques saisons (à peine diminuée par la couleur physique due au chœur au complet et toutes glottes dehors, faisant saturer Bastille dans les dernières mesures, si bien qu'on n'entendait plus ni orchestre, ni orgue, ni même musique…). La salle propose en outre un impact très direct et réaliste du son, sans les coquetteries réverbérées de la Philharmonie, sans l'immédiateté impitoyable du Théâtre des Champs-Élysées.
Surtout, ces concerts symphoniques constituent l'un des rares moments où l'Orchestre de l'Opéra se donne réellement à fond.

Et je fus assez déçu. C'était l'orchestre des « jaunes » (la maison appelle « verts » et « bleus » les deux orchestres qui alternent sur les productions, sans jamais communiquer sur qui joue quoi et en assurant que les répertoires sont brassés, le niveau et la culture d'ensemble exactement identiques), avec ses hommes âgés et ses jeunes femmes. C'étaient les « jaunes » qui avaient fait au moins deux volets du cycle Tchaïkovski la saison passée.

L'orchestre n'était pas à fond (ce sont, en termes d'exigence de recrutement, les meilleurs musiciens de France, et ça ne s'entendait pas vraiment), pas mal de scories aussi (qui passent très bien chez des ensembles engagés, et donc d'autant plus douloureux ici…) malgré quelques beaux solistes (trompette magnifique de Nicolas Chatenet, violon premier solo de Frédéric Laroque, hautbois de Jacques Tys…).

La conception de Philippe Jordan m'a laissé sur le bord du chemin. Une lecture complètement dans l'instant, dont l'hédonisme flatte la texture, soigne les nuances douces, mais n'articule pas vraiment les épisodes et les tuilages, pour ce que j'en ai ressenti, entre eux. L'impression d'entendre Petrouchka dans le I et un mouvement lent étale, statique et vertical de Bruckner dans le VI – les enchaînements de phrasés n'embrayaient jamais entre eux, comme un éternel commencement.

J'étais fatigué aussi, peut-être tout simplement, mais mes camarades, séduits ou non, ont aussi ressenti cette volonté-là. Et je trouve que ce ne fonctionne pas bien dans cette symphonie dont la force réside justement dans ses aspects très originalement organiques, ces tuilages infinis, ces échos incessants, ces enchaînements qui relancent sans cesse le discours et superposent les motifs… Le traiter en vignettes léchées ne m'a pas fait décoller, ce qui est vraiment rare pour cette œuvre. Peut-être l'ai-je trop souvent écoutée dernièrement et suis-je devenu trop habitué à des expériences en salle un peu trop superlatives, car je ne vois pas ce qui, objectivement, aurait dû m'empêcher d'être quand même ému par la musique. Ça n'a pas pris ce soir-là, tant pis pour moi.

11. Le jeudi 31 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

J'ai retiré ces détails de mon commentaire pour ne pas produire quelque chose de féroce, ce qui n'est jamais mon intention, mais je livre ici la teneur de remarques de détail qui sont, en réalité, le reflet de mes dispositions de moins en moins bienveillantes envers l'Opéra de Paris.

Côté orchestre, donc, ce n'était pas exactement survolté, et pour un orchestre de ce niveau, théoriquement les meilleurs musiciens de France, la réalisation était en-dessous de ce que l'on entend chez des orchestres moins dotés.  Les cors ont beaucoup pané, et je me suis vraiment demandé si le cri dans la nuit du hautbois et du cor anglais, qui n'arrivaient pas à réaliser le glissando prévu, était vraiment délibéré (mais pourquoi n'était-il jamais réalisé de la même façon ?  pourquoi y avait-il des blanchissements et des trous dans le geste sonore ?), ou le fruit d'un manque de préparation. Je ne les avais jamais entendus réalisés ainsi (ratés ?), en tout cas, même dans des orchestres infiniment plus modestes.

Et surtout, le Chœur de femmes de la maison ?  À moi-même, je me sussurrais qu'il faudrait licencier tout le monde et recruter des voix capables de chanter en chœur. Bien trop lourdes, vibratos énormes, elles savent indéniablement chanter, et pourraient sans doute tenir des rôles solo avec brio, des Ortrud, des Färberin, des Kostelnička… mais en chœur, ce n'est pas possible. Le texte était absolument incompréhensible, cinquante voyelles couvertes de façon différente, et aucune réalisée de façon intelligible. Pis, ça n'avait manifestement pas bossé ensemble : les consonnes étaient toutes décalées, et pas qu'un peu, chacune les plaçait à sa guise…
Il faudrait vraiment embaucher des voix compatibles avec la discipline chorale d'une part (le chœur de la Radio Flamande, donc je devisais il y a peu, ne recrute pas des voix de solistes éclatantes, mais au moins ils peuvent faire de jolis sons ensemble et chanter les mêmes voyelles, les mêmes notes…), et les faire bosser d'autre part. (Je mesuis demandé ce qu'ils pouvaient faire de leurs journées, si mettre en place une pièce sans difficulté de moins de cinq minutes est impossible pour des artistes de ce niveau. On les a averties le matin même ?) 

La faute aux décideurs, aux chefs de chœur, aux chanteurs, je n'en sais diable rien, mon propos n'est pas de dire que c'est nul (même si ce n'était pas bien beau), ces gens sont tout à fait compétents… mais pourquoi, avec les plus gros moyens, font-ils aussi ostensiblement moins bien que les autres ?

Et cela rejoint aussi ce que l'on voit dans les représentations : ils peuvent embaucher qui ils veulent, mais continuent de recruter les mêmes metteurs en scène paresseux ; ils sont les meilleurs musiciens de France, mais ne jouent vraiment en place qu'à partir du milieu des séries ; ils peuvent déchiffrer n'importe quoi à vue (et remplir Garnier avec des ragas estoniens en hip-hop s'ils le souhaitent) et pourtant ils ne jouent que des Barbiers et des Traviatas. Pendant ce temps, des orchestres ou des compagnies qui ont à peine de quoi survivre parviennent à produire le meilleur avec trois sous… (les Frivolités Parisiennes, typiquement)  L'argent corrompt, le conford amollit, quelque chose comme cela sans doute.

Je ne veux pas du tout déprécier qui que ce soit, mais se pose la question du rapport entre le niveau, les moyens et le résultat, quand on arrive au stade de battre des records de pains ou de mettre sur scène un chœur moins en place que ce qu'oserait montrer un ensemble semi-pro. Je ne veux opprobrer personne, mais cela soulève tellement de questions…

12. Le jeudi 14 février 2019 à , par DavidLeMarrec

#ConcertSurSol #91 : Rusalka de Dvořák par Carsen et Mälkki (Nylund, Mattila, Vogt, Mayer…).

Toujours autant suffoqué par l'œuvre (surtout l'orchestre) ; les ponctuations orchestrales, interludes, postludes, ballet, sont des miracles… on n'en revient pas que Dvořák sache faire ça – il ne le montre pas dans ses quatuors, trios, symphonies…

Wagner ingurgité et enrichi de couleurs orchestrales extraordinaires, réellement féeriques, avec un peu d'élan tchaïkovskien en sus. Pour moi, un des tout plus beaux opéras jamais composés – et aussi au top de ce que j'ai vu en salle.

C'était très bien chanté, et sans surprise assez loin de mes goûts (on n'aurait vraiment pas deviné que c'était du tchèque, sauf dans les courtes parties enregistrées où on entend manifestement Diadkova et Hawlata…). Mais grosse baffe avec Mälkki, qui dirige de façon très raide la musique contemporaine (même dans les répertoires qu'on croyait cassants / métronomiques par essence), mais qui ici a totalement fendu l'armure, joignant le meilleur des deux mondes, précision incroyable, mais aussi sens du [i]rubato[/i], du lyrisme, des changements de tempo (la petite accélération du thème B de la romance de l'Ondin, quelle belle trouvaille !).

Grand, grand moment.

13. Le dimanche 17 février 2019 à , par DavidLeMarrec

#ConcertSurSol #93
Baldassare GALUPPI, Il Mondo alla roversa. (« Le monde à l'envers », livret de Goldoni)


Au lieu d'aller voir un Mahler qui promettait d'être remarquable, avec mes chouchous de Bamberg (le premier orchestre que j'ai aimé pour lui-même, le premier aussi, plus tard, dont j'aie repéré les solistes…), direction la Cité de la Musique pour un opéra qui est un peu à l'extérieur de mon cœur de répertoire. Un opéra de la nébuleuse non-sérieuse de la fin du XVIIIe siècle, qui n'est pas pour autant un opéra bouffe, très rarement donné (quoique je m'aperçoive, en consultant mes archives, que je l'aie en réalité déjà écouté, à l'occasion de la série « les opéras donnés dans la monde », la saison passée).

Galuppi a laissé de très belles Sonates pour piano dans un style post-scarlattien, distinguées par une entrée particulière dans CSS. Il a aussi écrit des opéras qui sonnent familièrement : c'est pour lui que Goldoni a écrit Il Mondo della Luna, ensuite repris par Haydn ; il a également écrit une Clémence de Titus (sur une adaptation différente de Métastase que celle de Mazzolà utilisée par Mozart).

Je n'avais manifestement pas été très impressionné par ma première écoute, considérant que je ne me rappelais même pas l'avoir écouté (tandis que la Clémence, du seria un peu rigide mais aimable, m'avait plutôt plu). J'espérais qu'avec cette distribution remarquable (Marie Perbost et la plus grande chanteuse en activité, Dagmar Šašková), et cette mise en scène, je serais convaincu.
Pas vraiment, mais j'étais content de découvrir.

Je n'ai pas trop compris pourquoi, à ma part le titre intriguant, on avait choisi cette œuvre : hors le début de l'acte II (le Concile des Femmes !), tout est pris dans un schéma symétrique d'amours comiques extrêmement conventionnel, et la musique ne propose aucune nouveauté, sans même la contrepartie de l'agilité qu'il y a dans le seria (on y a cru, avec le premier air de Tullia, de près de dix minutes, et rempli de coloratures très joliment galbées ! – hapax), sans les ensembles piquants qu'on trouve dans le véritable opéra bouffe. (Ici, c'est un « opéra burlesque », c'est-à-dire un truc pas sérieux mais pas drôle, sans agilité mais aussi sans ensembles. Youpie.)
Au début, je me suis dit que ce serait peut-être le sujet, les femmes étant au pouvoir. Mais non, c'est une simple île où les femmes gouvernent les hommes par leur rouerie en amour, vite perdues dans des querelles intestines avant que le débarquement d'un homme moins niais permette à tout le monde de convertir ce seul îlot en un endroit plus convenable. Avec une moralité particulièrement misogyne, au demeurant.

Musicalement, tous les airs, pas très marquants mélodiquement, sont écrits dans la même veine, un mode majeur bien tranquille (très peu sollicitent les hautbois, basson et cors, d'ailleurs), assez indifférents aux particularités des situations. Quand on a les Da Ponte dans l'oreille, ou même des contemporains raisonnablement dotés (Cimarosa, Salieri, J.-C. Bach, etc.). On est assez proche de ce que fait Haydn dans ses opéras légers, la séduction des couleurs harmoniques et orchestrales en moins.
L'énigme reste donc entière : quitte à jouer une œuvre inconnue, pourquoi (pardon…) ne pas en jouer une bonne ? Ce n'est pas ce qui manque. Un petit Vranicý, au hasard ? Quitte à récrire son titre de façon aguicheuse, s'il n'y a que cela.

C'est donc surtout l'exécution qui soutenait l'intérêt.
Akadêmia, pas du tout spécialiste de la période (plutôt tourné vers le premier XVIIe en général), joue avec beaucoup de vivacité, une légèreté de touche, un qualité très chaleureuse de la coloration, c'est superbe.
Le plateau me convainc diversement (quelques voix un peu courtes, et même Alice Habellion qui fait à peu près tout ce qui est réprouvé par les traités de chant – et, dois-je avouer, quelques-unes de nos oreilles ce soir-là), mais profite de la présence de l'excellent moelleux du ténor João Pedro Coelho Cabral et bien sûr des protagonistes Marie Perbost (dont la voix a spectaculairement gagné en ampleur et en rondeur depuis sa sortie du CNSM, et sans rien rogner de son bel éclat) et Dagmar Šašková (la voix la mieux focalisée du monde, tout en entière émise dans un sourire, et dite avec une gourmandise sans pareille).

Très admiratif aussi de la mise en scène de Vincent Tavernier, encore meilleur que d'habitude : ce n'est pas profond dans le sens où cela ajouterait des messages, mais dans ce format à numéros très statique, il parvient à animer sans cesse le plateau (en lien avec l'action, pas du cirque inutile), et mieux, à faire interagir les personnages pendant leurs airs respectifs, comme des dialogues muets qui colorent les paroles répétées… du très grand art (rien n'est plus difficile à mettre en scène qu'une succession d'airs à da capo), qui a clairement sauvé la soirée et rendu très plaisant une expérience qui aurait pu paraître fastidieuse (fin de la représentation au delà de minuit !).

14. Le dimanche 17 février 2019 à , par DavidLeMarrec

#ConcertSurSol #94
Mahler 8, Philharmonique de Munich, Orfeón Donostiarra, Gergiev


Découverte de l'œuvre en salle pour moi.

Superbe plateau vocal : Simone Schneider et Jaquelyn Wagner, renversantes ; Claudia Mahnke et Michael Nagy très expressifs ; Katharina Magiera d'une profondeur et d'une projection hallucinantes (je découvrais son existence, quel alto exceptionnel !), sans rien de grossi, avec un parfait naturel. Très beaux chœurs (en particulier les Basques).

Pour le reste, j'ai (étrangement) trouvé, à la vérité, que l'impact était moindre en salle qu'au disque (!), l'orchestre est vraiment couvert par les chœurs (pourtant pas des phalanges bourrineuses, loin d'en faut!), les solistes paraissent un peu loin. Était-ce Gergiev, qui dirige souvent comme en fosse, éteignant le son pour ne pas couvrir les chanteurs ; était-ce l'abaissement du réflecteur principal (qui renvoyait tout vers le parterre et rien vers les balcons) ; est-ce l'œuvre ; est-ce moi aujourd'hui ? Je ne sais.

Une petite remarque sur l'œuvre tout de même : arrivé à sa Huitième, produire un élan final si court alors qu'il fait trois fois plus long dans sa Deuxième, pourtant sise sur des matériaux mélodiques tuilés très comparables, c'est un peu décevant. (Et l'interprétation de cet après-midi, sans paraître atone du tout, n'évitait pas l'impression des vignettes juxtaposées qu'il faudrait, dans l'idéal, sublimer.

J'étais bien sûr très content de découvrir ça ! Simplement surpris de ne pas être cueilli comme après une Deuxième, une Troisième, une Neuvième.

15. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



#SoiréeSurSol #95
Racine, Iphigénie, mise en scène de Chloé Dabert (Théâtre de Gennevilliers).


J'en avais lu des commentaires peu enthousiastes, l'accusant de se contenter de bien faire dires les vers. Il est vrai qu'il ne se passe pas beaucoup de choses sur scène, mais pour les vers, heu, bon, les accents mi-titi mi-quartiers (« c'est mon peuère »), le refus de le faire pleinement sonner, ce n'était pas très exaltant de ce point de vue. Je n'ai jamais compris ce que voulait faire Yann Boudaud (Agamemnon), disant son texte comme s'il ne le comprenait pas, l'air hagard et grimaçant, parlant toujours « faux » (mais il a bossé sur les dernières productions de Régy, je suppose qu'il sait ce qu'il fait, même si je devine que ce n'est pas du Racine…). Même Bénédicte Cerutti (Ériphile), terrible reine étrangère de la Princesse Maleine, ou excellente alliée de Braunschweig, semblait réduite à un jeu par défaut où l'on entendait plutôt la trame de sa technique, la réalité de sa voix et de son accent, que la sophistication d'un rôle mûri.
Certains acteurs manifestaient cependant une certaine présence, comme Sébastien Eveno (Achille) et surtout Julien Honoré (Ulysse), aux voix bien plus projetées, exactes et expressives. Mais cela ressemblait à une mise en scène de routine, Racine à qui l'on retire sa pompe inutile, sans que j'aie pu sentir ce qu'on lui ajoutait par ailleurs.

Avait-on besoin d'ajouter quoi que ce soit, au demeurant ? Passé un excellé moment en compagnie de ce texte, l'un de ceux que j'aime le plus chez lui. Dans ce mouchoir de poche diégétique, que de coups de théâtre intimes, que de merveilles rhétoriques déployées pour aller vaillamment là où l'on était dès le début.

16. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #96

Concert « dans les copeaux » à l'atelier de facture von Nagel (situé dans une école spécialisée) par le duo Antonova & Kiskachi.

Lully-D'Anglebert, King Arthur et Boccherini pour deux clavecins, Dvořák et Saint-Saëns à quatre mains.

Impressionné comme cet atelier, pourtant saturé de boiseries, de machines, de pots d'enduits, ne sent absolument rien, ni poussière, ni produits… Très sympa comme lieu (jauge minuscule, mais entrée absolument gratuite sur réservation)..

Et très convaincu par les arrangements ! Exécutés d'ailleurs avec beaucoup de grâce, des enchaînements travaillés entre pièces (glissement insensible de Froberger à… Ligeti !), de petits jeux de scène, des accompagnements avec tambourin ou bruits de caisse…

Public chenu : il y avait 5 personnes de moins de 65 ans, et j'étais le seul de moins de 40 (en exceptant la petite sœur de la claveciniste).

17. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #97

#ConcertSurSol #97 Pour mon premier Requiem de Berlioz en salle, j'ai attendu les meilleurs auspices : les deux meilleurs chœurs symphoniques du monde : Orfeón Donostiarra, et surtout le Chœur de l'Orchestr ede Paris, menés par le démiruge Pablo Heras-Casado.

Pas changé d'opinion sur l'œuvre, mais passé un excellent moment : ces grosses doublures grégoriennes sans prégnance mélodique ni rehauts harmoniques prennent, par les contrastes de masse et de spatialisation, beaucoup de relief. La seule œuvre que je ne pourrais pas apprécier à nouveau par le disque, je crois.

Plus que le Tuba mirum, bruyant barnum certes amusant, ébloui par le dépouillement lumineux du Sanctus. Et Antoun depuis le Balcon-Oeuf, mixé, lumineux, projeté à souhait.
Le tout vraiment servi par la direction si organique d'Heras-Casado, qui anime ces masses de l'intérieur, alors même qu'il y a surtout des doublures à entendre.

18. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #98
Sondheim, Marry Me a Little (Studio Marigny).


La nouvelle direction du Marigny fait la part belle à la musique, que ce soit l'opérette avec Bru Zane (quatre programmes !) ou comme ici la comédie musicale semi-patrimoniale. Et pas avec n'importe qui, Kimy Mc Laren (excellente liedersängerin et dans La Dame de Monte-Carlo de Poulenc) et Damian Thantrey étant des habitués des premiers rôles des superbes productions du Châtelet.

La pièce, de la main de Sondheim, réutilise des chansons de Saturday Night (pas encore produit, en 1980), ainsi que des chansons non retenues pour Follies, A Little Night Music, Company, A Funny Thing Happened, The Girls of Summer, The Last Resorts et Anyone Can Whistle. Accompagnées au piano (Charlotte Gauthier). Comme elle ne sont pas reliées par des dialogues, bien que leur propos tourne toujours autour de la romance ou du couple établi, tout repose sur la réalisation scénique (ici, de Mirabelle Ordinaire, bien faite au demeurant) pour faire comprendre le sort de ces célibataires qui se croisent et rêvent un peu sur le palier, sans jamais se rencontrer véritablement.

On y retrouve la veine mélodique lyrique de Sondheim, mais j'avoue une petite frustration en découvrant l'œuvre (en compagnie d'une primo-sondheimienne) : extrêmement court (moins d'une heure), pas d'action (l'enchaînement du pot-pourri ne fait pas réellement sens en soi), et surtout limité à une veine particulière de Sondheim, le Sondheim des romances, jusque dans les numéros les plus lestes ou caustiques – à mon sens pas le meilleur Sondheim. Toute la répartie de ses grands projets avec Lapine (dont il écrivait pourtant le détail du texte…), tout ce tac-au-tac, les enchaînements de récitatifs et d'ariosos, les ensembles un peu loufoques disparaissent. Et, en fait d'un grand représentant de la comédie musicale, on se retrouve avec une esquisse de pièce autour de gentilles romances.

Très agréable, incontestablement, mais très en-dessous de ce que vaut Sondheim, d'où une certaine perplexité sur son projet lorsqu'il a commis ce fourre-tout très superficiellement apprêté. (Avec des dialogues et quelques scènes de liaison, ça changeait tout ! D'autant que les interprètes étaient excellents.)

19. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #99
Quatuors de Gassmann, Pleyel et Beethoven.
Quatuor Pleyel Paris, à La Passerelle (Paris XIe).


Ensemble sur instruments d'époque, spécialiste de l'exploration de cette période comprise entre les débuts du quatuor jusqu'aux frémissements romantiques, de Gassmann à Auber, disons. La justesse n'est pas toujours parfaite (du côté du premier violon, l'intonation reste fragile, surtout lorsque les boyaux commencent à se détendre…), mais l'amour de ces musiques emporte tout.

À chaque fois, de surcroît, leur programme présente le portrait d'évolutions, trois quatuors pour trois états du genre, que Cécile Cavagnac présente de façon très didactique.

Cette fois-ci, juxtaposition d'un quatuor de Gassmann (1773), encore empreint de traits baroquisants (basses typiquement baroques – même si ce n'est pas le cas ici, ses premiers quatuors comprenaient une basse continue ! –, fugues multiples…), d'un quatuor d'Ignace Pleyel (1785), dans la veine classique, doté d'un de ses formidables mouvements lents avec sourdine (indépendamment de l'effet, superbe étoffement progressif du matériau) et pour une fois d'une vedette, le quatuor Op.18 n°1 de Beethoven, de forme classique mais déjà tellement hors cadre (l'obsession de motifs brefs totalement incantatoires et explosant avec rage, comme dans le mouvement lent, c'est déjà un autre monde, au delà même du romantisme d'ailleurs…).

Il ne faut pas confondre cet ensemble avec le Pleyel Quartett allemand, qui travaille dans le même répertoire et enregistre chez CPO. Il est vrai que Pleyel est un beau patron : il a laissé beaucoup de quatuors, assez personnels, avant de devenir éditeur (et d'inventer l'édition de poche), puis facteur de pianos (et inventeur de l'échappement simple, à ce qu'en disait Cécile Cavagnac). Un sacré gaillard.

20. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #100
Chopin : Nocturnes Op.62, Polonaise n°5, Berceuse, Scherzo n°3, Ballade n°1.
Debussy : Préludes Livre I + Feux d'artifice.
Maurizio Pollini (Philharmonie).


Je crois que c'était mon troisième récital tout piano depuis mon installation dans la région, il y a dix ans. Raté beaucoup de choses intéressantes à cause de problèmes d'agenda (Dupont, Medtner, Szymański, Rzewski…), mais globalement, c'est essentiellement lié aux programmes très conventionnels, alors que ce répertoire est si vaste ! C'était donc un récital de transcriptions d'oratorios, symphonies et opéras pour deux pianos pour le premier ; de soviétiques pour le second (Roslavets, Mossolov, Lourié…).

Pourquoi donc aller voir ces tubes ? D'une part Paris roupille gentiment pendant les vacances scolaires de la zone C, toujours moins de concerts dans ces périodes pour une raison que j'ignore. Par ailleurs j'aime passionnément Chopin. Et je fais ce que je veux d'abord.
D'autre part et surtout, j'étais curieux d'entendre Pollini en salle : voilà un pianiste qui, cassant et glacial dans ses années de jeunesse, a radicalement changé sa technique pour devenir le maître d'un jeu beaucoup plus profond, où le corps entre dans le piano en créant une infinité de strates timbrées de façon distincte. Il y a un monde entre ces deux périodes (la seconde commence vers la toute fin des années 90). Que cela produit-il en vrai ?

Il se confirme que Pollini est un grand pianiste, et qu'il est devenu un grand poète, de très belles couleurs en suspension, en sens de la superposition des informations simultanées qui rend tout lisible.

Et cependant, je suis sorti du concert assez perplexe : l'âge l'a rattrapé entre les dernières bandes que j'avais entendues de lui (qui avaient au moins 5 ans) et ce qu'il a produit la semaine passée à la Philharmonie. On sent qu'il manque désormais de la vigueur dans les bras, et que l'impulsion ne va plus au fond des touches, que le jeu est devenu peu puissant, plus limité en surface du son. Ce n'est pas bien grave.
En revanche je ne comprends pas comment un homme qui a dévoué sa vie au piano avec la plus haute exigence, peut se sentir prêt à jouer comme cela en public : pourquoi diable avoir programmé ce Troisième Scherzo de Chopin ? Et, si c'est une méforme passagère, pourquoi avoir donné cette redoutable Première Ballade en dernier bis ? Des pains partout, les octaves ne passait pas, il était obligé de les ralentir soudainement pour les mettre au bon endroit (quand on a un peu pratiqué, on sent très facilement ce qui est du rubato et ce qui relève du damage control). Dans la fin de la Ballade (une strette presto con fuoco où il faut beaucoup de fermeté musculaire pour des figures qui font culbuter la main autour du pouce à grande vitesse), beaucoup de notes ne sortaient pas, les accents sur les sommets de progression manquaient (là encore, pas délibéré, juste un manque de force), et il y en avait bon nombre à côté. Il n'aurait pas eu un diplôme de milieu de parcours en conservatoire avec cela… Pourquoi s'infliger cette humiliation publique, alors qu'il aurait pu jouer des pièces moins virtuoses où ses talents de coloriste auraient fait merveille, comme les deux nocturnes suspendus de début de programme, comme ses Pas sur la neige ?

Au demeurant, passé un bon moment avec ces très belles œuvres et cette interprétation sensible (qui, en effet, le différencie de n'importe quel pianiste), mais déjà qu'on sait que la notoriété ne signifie pas la supériorité, ici c'était même une démonstration inverse : le public a fait un accueil très chaleureux au nom de Pollini, à la mémoire de ce qu'il fut, et pas au concert tel qu'il était, et qu'un autre aurait pu assurer (certes sans remplir la Philharmonie…) avec davantage de pertinence.
Ça ne me gêne pas en soi, on a le droit de garder de la tendresse pour des artistes déclinants, c'est surtout la motivation de Pollini qui me laisse interdit : quelle satisfaction retire-t-il à exposer ses limites, alors qu'il pourrait simplement adapter son répertoire ?

21. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



#SoiréeSurSol #101
Hugo, Lucrèce Borgia.
Mise en scène Denis Podalydès. Avec Elsa Lepoivre, Éric Ruf, Gaël Kamilindi, Christian Hecq, Adeline d'Hermy… (salle Richelieu).


J'étais curieux de voir un méchant Hugo fonctionner en salle. Le fait est que le temps passe sans ennui, grâce aussi à la bonne qualité d'exécution, mais pas de révélation, on reste très, très éloigné de la finition des grands drames en vers qui s'étendent de Marion Delorme aux Burgraves…
Après avoir vu la scène (la plus intéressante) de l'affrontement entre Lucrèce Borgia et Alphonse d'Este, accompagnée de la musique de scène d'Alexandre Piccinni (petit-fils de Niccolò), j'avais été frappé par ce qui restait tout de même de la puissance rhétorique d'Hugo. Au sein de la pièce complète, je n'ai pas ressenti le même effet.

La mise en scène apporte tout de même un peu de relief en ménageant de l'animation en plateau, en ajoutant de belles atmosphères instrumentales (uniquement du Verdi : interludes ou accompagnements sans voix que j'ai tous identifiés en principe, tirés de Macbeth, Simone Boccanegra et Don Carlo). Christian Hecq, en alternance dans Gubetta, ajoutait une dimension comique qui dépassait la simple ironie tragique, le seul trait, en faisant du confident un bouffon maléfique très réussi – était-ce réalisé dans le même esprit avec Thierry Hancisse programmé en alternance, je ne sais.

En sortant, je suis assez persuadé que le projet d'Hugo pour Lucrèce était celui de Beaumarchais pour Tarare : au lieu de faire aimer un nom ridicule, l'enjeu est ici de provoquer la compassion pour un personnage rendu exécrable par la tradition et par les propos de sa propre pièce. Cela réussit plutôt bien, à défaut de se révéler passionnant – sans doute aussi que cette mystique de la nature, déjà usée à l'époque, où le fils pressent sa mère a de surcroît beaucoup vieilli dans la représentation que le spectateur du XXIe siècle se fait des liens de filiation (et du surnaturel ?)…

22. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #102
John Williams, The Return of the Jedi.
Orchestre National d'Île-de-France, Ernst van Tiel.


Suite de la série de ciné-concerts. Hélas cette fois-ci, bruitages à fond, bruit de fond permanent (comme un roulement de grosse caisse – est-ce le cas ? était-ce déjà un bruit synthétique ?) qui, en plus de faire mal aux oreilles et crisper inutilement, masque toute une partie du spectre de l'orchestre (petite harmonie notamment ; quant aux contrebasses, elles ont joué pour rien dans toutes les scènes d'action, impossible de les entendre…). Quand même un non-sens d'aller à un ciné-concert pour n'entendre l'orchestre que par l'amplification et encore, partiellement !

La partition m'a aussi parue un peu inférieure aux deux précédents volets, mais peut-être était-ce aussi dû aux détails moins audibles. La Marche des Ewoks singe un peu trop ouvertement celle des Trois Oranges (en mieux, certes !), les aplats homorythmiques de cordes (façon « il est vrai que ce château est très vieux et très sombre » dans Pelléas) chez l'Empereur sont très beaux, mais repris à l'identique à chaque séquence en sa présence… il est vrai qu'il y manquait le chœur ! (Je suppose qu'ajouter un chœur faisait un surcroît, même amateur, vu les répétitions supplémentaires pour synchronisation alors que l'orchestre a une discipline d'ensemble plus sûre.)

On y trouve tout de même quelques pépites : la superposition des flûtes-follets qui annoncent quelquefois le thème de la Force et des basses du thème de l'Empereur ; ou bien la harpe qui fait le thème de Vader pour annoncer la remise de son âme à Dieu – évident hommage à la mort de Tristan. Mais le plus beau moment se trouve, étrangement à un endroit de transition tout à fait mineur dans l'intrigue : dans la navette impériale volée Tyridium, les héros s'apprêtent à atterrir sur la lune forestière d'Endor et échangent fiévreusement un code pour obtenir leur passage. Comme Luke sent à ce moment la présence de Vader qui le perçoit à son tour, Williams mêle les basses du thème de l'Empereur et des traits de cordes aigus (que je n'ai pas identifiés comme motifs, mais qui restent dans le schéma harmonique de l'Empereur), puis les thèmes de Vader et de la Force, se disloquant en s'entre-pénétrant, comme les deux consciences tourmentées du père et du fils. Très beau prétexte au plus beau segment musical de la partition.

Un peu déçu par les tubas un peu pouêt-pouêteux et les trombones pas très gracieux (alors que le tubiste solo avait été miraculeux dans la Suite de Doctor Atomic d'Adams, il y a un an environ), il est vrai qu'il faut faire appel à des supplémentaires et que ces partitions sont inhabituellement et redoutablement exigeantes pour les sections de cuivres ; là encore, je crois que c'est largement l'affaire de l'amplification (en plus pas de qualité exceptionnelle, ai-je trouvé, petites saturations).
Je suis en tout cas très impressionné par l'orchestre qui livre une prestation immanquablement engagée et très exacte (pas de pains, même dans les solos ultra-exposés, pas un seul), dans des œuvres très longues, au tempo très contraint, très difficiles, et quatre fois (pour deux partitions différentes) jouées intégralement à quelques heures d'intervalle… C'est un tour de force qui, même en connaissant le niveau requis pour entrer dans ces formations, laisse très admiratif. D'autant que le résultat ne pâlit pas face aux gravures historiques du LSO avec Williams, malgré de niveau théorique (et de recrutement) entre les deux orchestres.

23. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



#ConcertSurSol #103
John Williams, The Force Awakens.
ONDIF, Ernst van Tiel (Philharmonie).


Dernier concert de la série, cette fois assez vide ; il faut dire que tout le monde s'est légitimement jeté sur la trilogie historique, l'épisode VII n'étant pas encore patrimonial, et n'ayant pas reçu le même assentiment critique. Or, à 55€ en dernière catégorie, on vient acheter le frisson de voir la trilogie originale en vrai – ou peut-être, pour les plus jeunes, la prélogie avec laquelle ils ont également découvert le cycle. Les balcons latéraux (premier et second, plus l'œuf VIP) étaient totalement vides, ce qui n'arrive absolument jamais, même pour les concerts peu remplis. Déjà que, même plein, la dîme de Disney doit être telle que je parie que chaque concert était déficitaire… on peut douter avoir jamais l'Épisode VIII (pourtant plus intéressant musicalement).

Replacé après l'entracte en ayant constaté le vide, j'ai mieux profité de l'orchestre en m'éloignant au maximum des systèmes d'amplification… (Je me suis figuré qu'il y avait eu des plaintes de spectateurs, le texte étant parfois masqué par la musique de ces places-là, ce dont on n'a pourtant que faire en ciné-concert -sous-titré… L'acoustique étant très dissemblable selon le positionnement à l'intérieur de la Philharmonie, difficile de prodiguer à chacun un équilibre acceptable. Mais à mon sens, l'objectif devrait être qu'on entend bien l'orchestre de partout, et tant pis si de certaines places bruitages et dialogues en pâtissent un peu.)

L'orchestration est assez différente des trois autres volets, on sent l'effet des modes : orchestre plus opaque (au lieu de jouer par touches, tout le monde joue souvent ensemble, quitte à multiplier les doublures), effets plus sommaires (les scènes de bataille tendent davantage à exploiter les effets de type trémolo de cordes + accents de cuivres, sur des harmonies assez simples, qu'à explorer des univers entiers de timbres et d'enchaînements comme dans les premiers volets).

Pour autant, il reste beaucoup de beaux moments, avec au sommet le grand duel final, où le thème de la Force se mue et se superpose à Rey, où les thèmes des opposants Rey et Ren se mêlent (par ailleurs liés dans le VIII, mais je doute qu'on ait fourni le scénario à l'avance à Williams…), le tout dans une belle orchestration (usage plus important des clarinettes que dans la trilogie originale où Williams leur offre peu de devantures thématiques).
Certains nouveaux motifs sont par ailleurs séduisants, comme les gammes ascendantes liées à l'héroïsme de Poe (dont le thème exaltant est lui-même assez réussi) ou la Marche de la Résistance abondamment reprise dans les crédits – je me suis demandé un moment à quelle œuvre fondamentale du répertoire me faisait penser ce geste de jeté, avant de me rendre compte que je songeais à la Passacaille de la Quatrième Symphonie de Brahms (et je ne suis pas sûr que ce soit, pour une fois, autre chose qu'une coïncidence…).
Je me suis tout de même demandé pourquoi le thème de Luke apparaissait pour accueillir l'entrée de Han Solo, mais ce n'est que de la musique, tout est permis (et dans le synopsis non plus la cohérence n'est pas toujours merveilleuse).

Encore une fois, ONDIF à bloc, le cor solo s'est couvert de gloire… Je n'avais jamais un chef de son âge aussi rincé que Tiel, à la fin du concert… il marchait comme Pollini en début de semaine, on aurait dit qu'il avait pris quarante ans en deux jours… Très admiratif de la qualité et de l'engagement de tout ce monde (quand d'autres orchestres supposément plus virtuoses exécutent à l'économie des pièces qu'ils jouent pourtant à chaque saison…), un véritable tour de force, même pour des musiciens de cette trempe. Et de la jubilation en barres pour le public.

Après avoir vu le Berlin de Meisel et The Artist de Bource, voilà qui vient compléter la très-shortlist des BOs que je voulais absolument voir en action, un jour. La Philharmonie a lu mes désirs au cordeau, sur ce coup-là – et pour Meisel, je ne comprends toujours pas pourquoi ils ont programmé ça, mais j'en suis évidemment enchanté, c'était absolument merveilleux.

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David Le Marrec

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