Carnets sur sol

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Nouveautés discographiques 2019


Du fait de ma (grosse) consommation discographique, et des commentaires que je peux en faire çà ou là, autant centraliser… (Et puis on pourra jouer à la remise des prix à la fin… je ne sais jamais ce qui est sorti dans l'année.)

Je sèmerai donc ici, en commentaires, des impressions (souvent d'abord jetées sur le mirifique forum Classik) sur ce qui vient de sortir. À chaud et sans apprêt, pardon, mais cela laisse toujours une trace en attendant que vos magazines préférés en disent d'autres sottises que les miennes !

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1. Le lundi 21 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



Intégrale Paavo Järvi & Orchestre de Paris, dès longtemps attendue (elle a dû être enregistrée en 2015-2016 ?)

Écouté les 1,2,4 pour l'instant. On y retrouve les mêmes qualités qu'en concert (prise de son formidable en plus, très différent de ses autres disques RCA plus ouatés et égalisés) : ces petits retards presque flottants des phrasés, très différents du rubato téléphoné habituel (dans la 1 !), ce grain formidable (2,4), tout rugit et vibrillonne en permanence…

Pas impossible que ça s'impose comme un premier choix, à ce train-là.

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Après écoute intégrale…

Globalement : l'intégrale la mieux captée (avec Elder-Hallé), on entend tout, et avec un grain exceptionnel, la gouaille des bois, la râpe des cordes, tout est physiquement proche et sensible. Et cela se combine très bien avec la conception de Järvi, très vive (rapide tout le temps, en fait), très folklorisante aussi.
Très, très grande lecture (la qualité flottante mais très maîtrisée des phrasés, très poétique), et surprise d'entendre l'Orchestre de Paris sonner à ce point comme le meilleur orchestre du monde. Ils étaient superbes lors des concerts, mais là, ils ont vraiment bossé, la qualité de timbres et la sûreté de réalisation est assez supérieure à celle de leurs concerts (que je trouve pourtant presque tout le temps excellents). On peut supposer qu'on avait envoyé Aïche, Cazalet et Rouillard en vacances dans les îles pendant l'enregistrement.

Les rares réserves : vision plus motorique que poétique (plus proche d'Elder que d'Oramo ou Saraste, pour situer), l'écoute suivie paraît un peu homogène, alors que d'ordinaire on est frappé par le contraste entre les œuvres.

Très convaincante sur les symphonies moins réussies (référence absolue, pour moi, dans les 1,4,6). Moins dans les symphonies très courues, que j'avais trouvées plus réussies en salle ou sur bande (2,5,7). Le final de la 5 manque un peu de majesté, à mon sens – dans ce cas, il aurait pu prendre plutôt la version originale, sa lecture s'y prêtait mieux.

Donc peut-être pas une référence ultime / absolue / universelle comme Rattle-Berlin, Oramo-Birmigham ou Ashkenazy-Philharmonia, mais pas bien loin (largement du niveau de Storgårds, des deux Maazel, d'Elder, de Saraste…). On verra à l'usage, ce n'est qu'une première impression. C'est assez parfait en tout cas, ça fait partie des intégrales qui peuvent amplement suffire à une vie d'écoute, tout est réussi.

2. Le lundi 21 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



Dans la foulée, j'écoute la version de la Première de Sibelius par Rouvali qui vient aussi de sortir (avec Göteborg chez Alpha), et que j'avais trouvée puissamment originale et cohérente, à Radio-France.

Ça l'est !

(Après Järvi, il faut un petit temps d'adaptation, mais c'est passionnant, équilibre vraiment différent, une gestion très horizontale du contrepoint, avec une logique de la ligne plutôt que de l'instant, très inhabituelle dans Sibelius, et pas facile à mettre en œuvre !)

En Saga endiablé, ça sonne presque des instruments anciens ! Là aussi, très étonnant, et peut-être bien une référence absolue cette fois !

3. Le lundi 21 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



Concerto pour piano de Boïeldieu, 6 Ouvertures (dont une de Cherubini). Orchestre de la Suisse Italienne, Howard Griffiths. (CPO)

Ce disque a le grand mérite de documenter le délectable Concerto pour piano de Boïeldieu, assez peu enregistré (alors que le Concerto pour harpe, pourtant moins original… !). Son mouvement pastoral à variations (le deuxième et le dernier) est d'un genre absolument anti-virtuose, tout dans la tendre évocation, un délice.

Je n'ai pas grand'chose à dire des Ouvertures, ne goûtant guère les compilations de ces œuvres toutes sur le même patron (même lorsqu'elles sont fabuleusement écrites, comme pour La Dame Blanche)… Griffiths y mêle ici les très célèbres et les très rares.

J'aime beaucoup CPO, et Griffiths a beaucoup fait pour le répertoire du tout premier XIXe, mais ses lectures très cordées et étales ne font pas exactement justice à ce que la musicologie a apporté pour revivifier ces pièces… Donc à défaut de mieux dans l'offre couramment disponible, on prend, mais quand on voit les artistes que CPO mandate par ailleurs, y compris pour ce répertoire, j'enrage en silence de cette occasion manquée de proposer des disques véritablement marquants.

4. Le lundi 21 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



4) Beethoven, Symphonie n°9, Mito Chamber Orchestra, Ozawa

Tous les témoignages d'Ozawa, jusque dans Bach, étant exceptionnels, j'en attendais vraiment quelque chose… et fus déçu. Une bonne Neuvième, bien sûr, mais assez lisse, rien de très singulier ni de particulièrement saisissant, dans une discographie complètement saturée de lectures très abouties / animées / personnelles. Ce serait très bien en concert, mais lorsqu'on a le choix entre des centaines de disques, je ne vois pas vraiment de raison de se précipiter sur celui-ci (et puis la partie de Fujimura étant enterrée dans la partition, même pour elle ce n'est pas la peine).
J'en suis le premier étonné, parce que de Mozart à Berlioz, je ne vois rien qu'Ozawa ait moins que réussi de façon éclatante, alors un Beethoven en sa pleine maturité artistique, je m'étais figuré autre chose.

5. Le lundi 21 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



5) Stenhammar, Symphonie n°2. Göterborg SO, Blomstedt

Comme je suis admiratif de ce chef, qui non content d'être l'un des plus passionnants en activité, continue de proposer des œuvres moins fréquentées, et met sa notoriété au service d'une entreprise d'exploration – je me demande à combien d'exemplaires ça peut se vendre, du Stenhammar par Göterborg et un chef qui n'est pas une vedette des magazines… Tandis que la plupart de ses collègues âgés se recentrent sur leur cœur de répertoire pour finir par ne plus jouer que deux ou trois compositeurs inlassablement répétés (du genre Beethoven-Mahler, Wagner-Bruckner-Brahms…)

C'est d'autant plus méritoire que je ne suis pas certain que les symphonies de Stenhammar soient d'authentiques chefs-d'œuvre – contrairement à sa belle Sérénade d'une pureté primesautière presque mozartienne, et surtout à ses Quatuors, de vertigineux témoignages du romantisme le plus furieux et le pus subtil.
Et, je rougis de le dire, la présente version n'est vraiment pas la meilleure que j'aie entendue – quelque chose de réellement sage et aimable. Mais même Paavo Järvi paraît un peu tranquille dans cette œuvre-là…

6. Le mardi 22 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Il me reste encore à parler des Nuits d'Été & d'Harold par Les Siècles, du récital Offenbach de Devos, du Concerto d'Elgar par Hoffman & Arming, de « l'opéra des opéras » de Niquet, du dernier disque du Quatuor Novus… Et quelques autres à écouter, aussi.

7. Le mardi 22 janvier 2019 à , par antoine

David, moi, j'aime bien la première, très cuivrée, de Stenhammar. Et toujours pas de Casella...

8. Le mercredi 23 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Je n'ai plus d'image précise de cette Première, j'irai réentendre. J'ai l'impression que la 2 est plus fréquemment enregistrée, aussi.

Il y a des nouveautés de Casella ? J'essaie de les suivre, pourtant.

9. Le mercredi 23 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



6) REINECKE, Intégrale des 5 Quatuors. Reinhold SQ, chez CPO.

J'attachais Reinecke (et je crois que c'est ce que reflète sa discographie) à de jolies pièces galantes avec flûte… Ces quatuors révèlent bien davantage. Sans bouleverser notre représentation des hiérarchies, ils se rapprochent finalement davantage d'une véritable conception romantique, pourvus de mélodies prégnantes et de belles modulations, dans un esprit assez proche de ceux de Schubert – évidemment, pas avec le relief des derniers, pour ça il y a Czerny. Les Quatuors 1 et 5 en particulier bénéficient de mouvements rapides entraînants et marquants, et de superbes mouvements lents suspendus.

Tout cela par les merveilleux membres du Quatuor Reinhold, qui ont déjà gravé de passionnants quatuors d'Eugen d'Albert (majeurs, eux) pour le même label.

10. Le mercredi 23 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



7)
BERLIOZ, Harold en Italie. Tabea Zimmermann, Les Siècles, Roth (HM)
BERLIOZ, Les Nuits d'Été. Stéphane Degout, Les Siècles, Roth (HM).


Quel grain ! En particulier chez Zimmermann, que je n'avais jamais entendue sur boyaux, et qui y est tout aussi extraordinaire, avec une présence hors du commun… chaque son résonne autant que si la corde était à vide, et avec quelle chaleur expressive !
Côté orchestre, il y existent de la belle concurrence, avec des orchestres modernes qui s'accommodent à la vérité fort bien de l'orchestration visionnaire de Berlioz, mais le gain de chaleur et de couleur (à défaut de fondu et de legato, évidemment) est tout à fait considérable et mérite résolument le détour.

Couleurs tout aussi extraordinaires dans les Nuits d'été, mais toujours le mystère du choix de Degout, très en voix (le timbre a vraiment gagné en velours, sans s'étouffer pour autant), mais tellement homogène… Une seule couleur, une seule émission, tout cela est chanté comme un grand air d'opéra, ne tire pas le plus grand parti du détail de poèmes. (Ça fonctionnait merveilleusement dans le lied-héroïque de la Lyrische Symphonie de Zemlinsky…)
Moi, ça me frustre, mais si on écoute juste la musique, c'est très beau assurément. Et Absence donne un très beau contre-exemple au reste du cycle.

11. Le jeudi 24 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



8)
ZEMLINSKY, Trio piano-cordes Op.3 (arrangement du trio avec clarinette). Trio Stefan Zweig (Ars Produktion)
KONRGOLD, Trio piano-cordes Op.1. Trio Stefan Zweig (Ars Produktion)


Quoique constitué d'œuvres rares, ce couplage n'est pas du tout inédit au disque : il existe au moins également chez Philips par le Beaux-Arts Trio et chez Capriccio par le Pacific Trio. De fait, il s'impose assez logiquement si l'on veut des œuvres de qualité de compositeurs viennois « décadents », écrit dans leur jeunesse dans un style encore très postromantique, et d'une notoriété qui ne soit pas nulle.

Le Trio de Zemlinsky sent sa jeunesse, mais celui de Korngold figure, à mon sens, parmi ses meilleures œuvres (les Quatuors à cordes méritent aussi le détour), d'un romantisme très généreux, pas retors ni d'une sophistication ostentatoire, mais réellement raffiné.

Très belle interprétation animée et généreuse, qui communique assez bien la fièvre de ces pages et non sans qualités plastiques.

12. Le jeudi 24 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



9)
« In a Strange Land », œuvres chorales de compositeurs catholiques anglais (pour certains exilés) à la fin du XVIe siècle :
Robert WHITE, Richard DERING, Philippe de MONTE, Peter PHILIPS, Huw WATKINS, et bien sûr DOWLAND et BYRD…
Stile Antico (Harmonia Mundi)


Je ne mesure pas bien si réaliser un programme sur ce sujet relève de la véritable démarche de fond ou du titre bien trouvé, mais la cohérence du propos et la qualité des œuvres me convainquent grandement.

Surtout, les spécialistes de Stile Antico parviennent à forcer simultanément l'admiration pour leur netteté de trait et leur force d'expression très directe, deux qualités qu'on trouve rarement conjuguées chez les ensembles spécialistes de musique a cappella pré-1600.

Pour moi qui trouve souvent que la polyphonie noie la force du verbe, dans ce répertoire, j'avoue avoir été magnétisé par ce disque, là où l'égalité de réalisations parfaites (ou le flou de celles plus expressives-romantisantes) peuvent assez vite me lasser. À réécouter très vite – je connais pour ma part assez mal leur discographie, qui jouit d'une haute réputation outre-Manche, et je m'en vais l'épurer de ce pas.

13. Le jeudi 24 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



10)
BEECKE, Quatuors à cordes, Quintette piano-cordes. Andreas Kirpal, Diogenes SQ (CPO)


Un témoignage précieux de musique de chambre de la fin de l'ère classique, où affleurent un lyrisme et une sophistication plus romantiques. De très belles œuvres élancées et généreuses, servies par la finesse de diamant du Quatuor Diogenes (une des meilleures formations actuelles à mon sens, tous leurs disques sont gigantesques).

14. Le jeudi 24 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



11)
SCHUBERT, Quatuor n°14 « Toûm-yakatatám ». Quatuor Novus (Aparté).
BERG, Suite Lyrique « Crouik-djouïng ». Quatuor Novus (Aparté).


Cette publication du Quatuor Novus représente, dans la discographie dès longtemps saturée du quatuor le plus célèbre de Schubert, un grand coup de frais équivalent à la parution, il y a une dizaine d'années, de la version du Quatuor de Jérusalem. Les publications et les versions ravivées à coup de boyaux et de musicologies ont été si nombreuses que le choc ne peut être le même, mais revoici une lecture très personnelle, et surtout opérante – pas de la radicalité ou de l'effet de manche qui s'émousse.

Le principal point fort de cette version, et qui ne s'émoussera pas, réside dans sa lisibilité absolue : chaque partie est très détachée des autres (les lignes sont moins legate que d'ordinaire), les archets partent plus souvent vers le chevalet (avec un son plus nasal, plus perçant, plus net qui permet d'éviter le fondu), et l'ensemble est comme toujours merveilleusement capté, si bien que l'on entend mieux que jamais auparavant chaque détail écrit.

Pour le reste, version particulièrement bondissante, dotée de belles couleurs, d'accents qui claquent… je n'y trouve peut-être pas les ombres poétiques d'autres de mes chouchoutes (Jerusalem, Ehnes, Alban Berg, Leipziger, Debussy…), mais pour l'élan et l'éclat, on ne fait pas vraiment mieux (en particulier pour le premier mouvement). Grande version à découvrir pour renouveler l'écoute, donc.

(Je n'ai pas écouté la Suite Lyrique, l'une des rares grandes œuvres du répertoire que je n'aime guère. Mais avec ce son et cette approche, je gage que ce doit être encore plus neuf et dépaysant.)

(Leur disque Tchaïkovski est du même tonnel, aussi peu russe que possible, acéré, limpide, lumineux.)

15. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



12)
Bartłomiej PĘKIEL, intégrale
(essentiellement des œuvres chorales sacrées a cappella)
OCTAVA Ensemble (DUX).


(à prononcer « Bartwomieille Pinkièle »)

Quantité de messes et de motets en polyphonie, pour ce compositeur polonais qui écrit exclusivement au XVIIe siècle (1600-1670) tout en restant largement dans une logique esthétique de la Renaissance. Toutefois, il correspond aussi à son ère par sa grande sobriété, son sens du verbe plutôt que de la sophistication contrapuntique.

Comme d'habitude chez DUX une interprétation remarquable, ciselée avec beaucoup de finesse, de variété et de luminosité. Un disque réjouissant qui pourrait être une excellente porte d'entrée pour les baroqueux pas très à l'aise avec la polyphonie vocale – Dum complerentur ressemble à du grand Schütz, mais les messes évoquent vraiment la période pré-1600, de façon moins exotique et intimidante que les véritables œuvres de la Renaissance. Recommandé !

16. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par Diablotin :: site

Bonjour David,

J'ai écouté toutes les symphonies de Sibelius par Järvi/Paris -en ligne sur Q...z, mais dans d'excellentes conditions sonores- : j'ai trouvé cela très bien, mais pas ultime -pour peu qu'une intégrale ultime existe-...
En fait, il est très difficile, me semble-t-il, de rater ces symphonies, et, à de rares exceptions près -Rattle I/EMI dont la prise de son est bien grise, Bernstein / Vienne DGG qui n'est pas tout-à-fait une intégrale-, je les apprécie toutes à des degrés divers.
Sur ce, je retourne à mon écoute d'Uuno Klami, que j'approfondis un peu ces derniers jours...
La prise de son est assez réussie, plus large que profonde cependant, et manque un peu d'assise dans les graves -les contrebasses ne sont pas celles de Berlin, clairement ;-) -.
Conclusion : c'est très bien en effet, mais pas aussi exceptionnel que je m'y attendais à la lecture de ta notule.

17. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Bonjour Diablotin !

On est d'accord que ce répertoire est très « écrit », donc avec un bon orchestre, il n'y a pas le même risque de se rater qu'en jouant mal du Haydn, c'est certain. Mais tout de même, des intégrales un peu pâles, épaisses, molles, sèches, atones, ronronnantes ou tout simplement mal captées, il y en a (Kamu à Berin, bien sûr ; mais aussi Berglund à Helsinki, à part la 7 ; Volmer-Adelaide…).

Et là, à part Elder, je ne vois pas où l'on entend aussi bien tout (prise de son) ; pour l'interprétation, affaire de goût, mais il y a quand même chez Jârvi un sens très particulier du phrasé flottant, et surtout de la transition organique, qu'on perçoit comme un pont ou un tunnel en général, un moment utilitaire, et dont il fait toujours un événement…
Une fois cela posé, chacun a ses chouchous, et effectivement, ce ne sont pas les belles intégrales qui manquent, en particulier dans les années récentes.

La grande déception est que Klami n'a pas laissé de symphonie (ou que personne n'a daigné les enregistrer, je n'en ai jamais trouvé). Parce que dans le genre sibélien, en effet, c'est très fort. (En général, pour combler cette frustration, j'enchaîne avec celles de Madetoja…)

18. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



13)
« L'opéra des opéras », pot-pourri de tragédies en musique de Lully, Charpentier, Marais, Campra, Destouches, Batistin, Montéclair, Gervais, Bertin de La Doué, Francœur & Rebel, Blamont, Rameau, Leclair, Dauvergne…
Katherine Watson, Karine Deshayes, Reinoud Van Mechelen – Le Concert Spirituel, Hervé Niquet (Alpha).


Je dois avouer qu'à la parution et l'écoute de ce disque, je n'ai pas eu le sentiment de comprendre grand'chose à ce qui avait pu le motiver.

¶ Pourquoi un pot-pourri qui ne permet de rien situer clairement, alors que tant de ces compositeurs demanderaient vraiment d'être documentés (Gervais ou La Doué, ce sera sans doute la première fois que j'en entendrai hors de mes petits doigts et de ma petite glotte) ?
¶ L'intrigue ainsi reconstituée ne fonctionne vraiment pas. On a certes tous les passages obligés d'un opéra, mais juxtaposés, cela renforce l'impression d'artificialité du genre, au lieu de le rendre plus accessible. Même pour un fanatique dans mon genre, ça paraît vraiment formel / artificieux / peu naturel.
¶ Pourquoi cette distribution, de tout le vivier dont on dispose ? Ce sont des voix tout à fait respectables, mais Šašková-Gens-Auvity, ça aurait eu une autre allure, un autre abandon quant au texte et aux situations dramatiques ?
¶ Pourquoi cette pochette hors-sol, qui vise le public étroit des nostalgiques de la télévision des années d'il y a longtemps qui soit aussi amateur de la tragédie en musique ?

À la vérité, je m'aperçois, en prenant un instant de recul, que je sais ce qui s'est passé.

♦ Répertoire de niche (donc qui ne se vend pas) ; or les seuls réels succès sont les pots-pourris du type « Symphonie imaginaire » de Minkowski. Remarquablement interprété, mais qui ne ressemblait pas plus à une symphonie que ce récital ne ressemble à un opéra… et il y avait encore mieux, et plus cohérent, avec les Suites des opéras de Rameau (par Brüggen par exemple). Mais on voit bien en quoi cette accrétion de tubes vendue comme un tout cohérent a un côté plus rassurant, plus définitif, qu'une suite de ballet d'un ouvrage précis, pour le public qui n'est pas déjà amateur du répertoire, ou l'est de façon moins acharnée que d'autres.
♦ Plutôt qu'un récital solo, dans un répertoire où les airs sont très courts (et souvent sur le même patron), un récital en trio qui offre davantage de possibilités (ça m'amuserait tellement plus aussi, dans les récitals Verdi, d'avoir des trios, toujours bien meilleurs que les airs…).
♦ Pour le CMBV, l'occasion de mettre en valeur des raretés qui ne se seraient jamais vendues avec le sticker « premier album Bertin de La Doué ever ». L'habillage visuel de même : les amateurs achèteront quand même, et pour les autres, cela le singularise, parle un langage connu, stimule la curiosité.
♦ Dans la notice, Benoît Dratwicki défend de façon assez convaincante l'inspiration tirée des pots-pourris d'époque, où des opéras entiers étaient constitués de morceaux choisis de compositeurs à succès. (Je ne suis pas convaincu que ce soit du bon opéra pour autant, mais il y a une forme de cohérence dans la démarche musicologique, au moins.)

C'est donc, sous un aspect un peu vain, une entreprise assez philanthropique, à bien y regarder, de promotion de ce répertoire, et dans ce cadre je lui pardonne bien volontiers tous les défauts qu'on voudra lui trouver.

Pourquoi n'ai-je pas été touché, ensuite ? Peut-être à cause de la forme récital, ou de l'attente promise d'un « opéra » (même dépit à la première écoute de la Symphonie imaginaire, pourtant un très beau disque dans l'absolu), sans doute aussi pour des raisons d'interprétation. J'ai l'impression que, comme pour les Musiciens du Louvre, le fait que le chef les réunisse moins souvent leur fait perdre de leur acuité et de leur singularité, par rapport à la grande époque où ils constituaient le pilier de l'exploration du baroque français – tout en restant très beau et pertinent, bien sûr (les Musiciens du Louvre, c'est à un autre degré, ils n'arrivent plus à reproduire la pertinence de leurs Gluck parce qu'ils jouent du XIXe tout le temps, et que les musiciens ne doivent plus du tout être les mêmes, et certainement plus des spécialistes de LULLY !).
Enfin il y a la question de voix : sans chercher du tout à diminuer les mérites et les qualités des interprètes présents (tous de bons, voire de très bons chanteurs), je ne vois pas comment des voix qui mettent autant le texte et la déclamation (pour des raisons techniques structurelles, en amont de la bonne volonté des interprètes) au second plan, si fondues, si peu antérieures, peuvent rendre justice à l'esprit de ce répertoire. C'est une position radicale dans laquelle je ne me sens pas à l'aise, car elle disqualifie par principe des camions entiers d'interprètes valeureux et désireux de servir ce répertoire, mais c'est en tout cas ce que je constate à l'usage.

Je réécouterai, en tâchant de mettre de côté mes attentes déçues (j'avais cru à trois disques d'extraits choisis !) et en prêtant davantage l'oreille à l'intérêt des redécouvertes.

19. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



14)
« Rencontre », récital de mélodies françaises de Raquel CAMARINHA & Yoan HÉREAU (Naïve).


Excellente initiative que ce disque : il s'agit du meilleur répertoire de Raquel Camarinha (qui ne m'a pas tout à fait convaincu jusqu'ici dans les rôles traditionnels d'opéra), une voix fine parfaitement calibrée pour l'exercice, un verbe savoureux (et même, sur scène, un réel abattage dans l'exercice pourtant contraint du récital avec piano).

Pour ce disque, elle a fait le choix de réunir peu ou prou le meilleur de la mélodie française : Ariettes oubliées de Debussy, Shéhérazade de Ravel, Poèmes hindous de Delage, Aragon & Fiançailles pour rire de Poulenc. Et ce sont des interprétations très fines et frémissantes, on trouvera difficilement texte plus clairement énoncé… S'y ajoute le beau piano mobile de Yoan Héreau, dans des pièces particulièrement exigeantes où il ne laisse sentir aucune limite instrumentale – la transcription piano des Shéhérazade !

Un disque qui n'atteint peut-être pas la singularité des meilleurs volumes de Vourc'h, Gens ou Piau, mais qui peut aisément s'y comparer – on y retrouve d'ailleurs des [R] uvulaires assez déments, et des placements finement trompettants qui évoquent les sopranos légers de la Grande Époque.
J'espère donc un prochain disque où elle pourra inclure de la mélodie portugaise, où elle excelle avec tout le naturel qu'on peut deviner… ainsi qu'une poursuite, peut-être pour ouvrir d'autres niches, de ses témoignages de mélodie française !

20. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



15)
Récital « Offenbach colorature » par Jodie Devos, la Radio de Munich et Laurent Campellone (Alpha).


Un très beau récital où s'épanouit la délicieuse voix bien focalisée de Jodie Devos ; des airs souvent rares (voire rarissimes), qui échappent pour la plupart à la virtuosité pyrotechnique mais mettent d'abord en valeur des qualités théâtrales, chose rare (et appréciée) dans les récitals portant colorature au frontispice.

Direction extrêmement pertinente, informée, délicatement colorée, poétique de Laurent Campellone, un des plus grands spécialistes du XIXe français (de tous les temps). Quant à la Radio de Munich, en collaboration avec Bru Zane (et le Château de Versailles !), elle a pris l'habitude de servir ce répertoire assez éloigné de sa généalogie esthétique, et le fait très bien.
[La Radio de Munich est un orchestre distinct de la Radio Bavaroise, quoique résidant dans la même ville et partageant le même chœur – de la Radio Bavaroise. La Radio de Munich est moins prestigieuse et très peu présente au disque, ne fait pas les grandes tournées ni les enregistrements de prestige, donc peu connue des mélomanes non locaux – pour autant, elle m'a jusqu'ici beaucoup plus régulièrement intéressé, en pourcentage, que sa consœur.]

Cela reste un récital, bien sûr, mais quitte à écouter un récital, autant écouter un récital intéressant (et accompli !).

21. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par Diablotin :: site

Les 2 symphonies + la "Symphonie Enfantine" qui est plus ancienne -1928- d'Uuno Klami sont disponibles chez Ondine -Orchestre Philharmonique de Tampere, dir. Tuomas Ollila-, ça date de 1995.
La seconde et la Symphonie Enfantine sont enregistrées en première mondiale -c'est indiqué sur le CD-, ce qui sous-entendrait que la première avait déjà été enregistrée auparavant !?!
C'est très bien, mais on y sent finalement moins les influences de Sibelius que de la musique russe (Tchaikovsky et Stravinsky dans le seconde symphonie) ou même de Ravel (dans la symphonie enfantine surtout). C'est plus dans ses pages inspirées du Kalevala qu'on retrouve des atmosphères "finlandaises" alla Sibelius ou Madetoja.
On trouve tout ça sur les boutiques en ligne hors de nos frontières, les prix sont très variables, mais jamais modiques...

22. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



15)
« V for Valse », récital de Vassilis VARVARESOS.
Pièces pour piano de Schumann, Liszt, Tchaïkovski, Scriabine, Ravel, Moriz Rosenthal (Aparté).


Vu passer cette nouveauté… et comme j'aime beaucoup le Carnaval de Vienne de Schumann, l'occasion d'écouter, sans vraiment m'intéresser à la version. Et surprise ! Une très grande version, probablement même la plus enthousiasmante que j'aie entendue, pour ce bijou : Varvaresos a beau utiliser généreusement la pédale, il conserve une aération du spectre, une clarté impressionnantes. Et cela vaut pour tout le reste du disque, qui contient l'une des Valses de Ravel les plus limpides et dansantes qu'on puisse trouver, ainsi que quelques raretés : une Valse post-chopinienne de Scriabine, une valse de Liszt d'après Schubert, et ce recueil pot-pourri virtuose de Moriz Rosenthal, à partir de valses de Johann Strauß II !

Contrairement à ce qu'on pourrait supposer au vu du titre et des œuvres convoquées, un disque où prime la poésie, assez profond en réalité. Et servi par les prises de son toujours épatantes d'Aparté. Quelle belle surprise !

23. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

@ Diablotin :

Ah mais oui : J'ai écouté ça, plusieurs fois même… et ça a m'a un peu laissé sur ma faim, effectivement, pas du tout aussi évocateur que ses poèmes symphoniques qui rivalisent avec Sibelius… Tellement que je l'avais occulté !

24. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



16) Concerto pour violoncelle d'ELGAR (et Schelomo de Bloch). Gary Hoffman, Philharmonique Royal de Liège, Christian Arming (La Dolce Vita)..

Chez ce label qui s'est fait une spécialité, me semble-t-il, de rééditer certains enregistrements de la feue Calliope, une autre nouveauté de Gary Hoffman (celle-ci remonte à novembre, mais je viens seulement de l'apercevoir et de l'écouter cette semaine), après ses Sonates de Mendelssohn tout aussi définitives…

J'avais déjà proposé des alternatives à Jacqueline Du Pré (Gastinel-Birmingham-J.Brown en particulier), celle-ci s'y ajoute : Hoffman propose, avec une parfaite sobriété, une variété incroyable d'attaques, de textures, de sons… le tout inscrit dans une musicalité très cohérente, vraiment une sorte d'idéal qui s'incarne (comme à peu près tout ce qu'il touche), et dans un son si beau, ni du violoncelle robuste-épais, ni clair-plaintif, vraiment un équilibre qui s'impose.

La réserve se situe plutôt du côté de l'orchestre (certes très accessoire dans ce concerto), dirige de façon assez globale / opaque / épaisse par Christian Arming, d'un seul bloc, dans une orchestration qui n'est déjà pas un modèle de transparence et de couleurs bigarrées. Ce n'en demeure pas moins une (nouvelle) référence assez incontournable.

25. Le dimanche 27 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



17) Messes chorales polyphoniques de TITELOUZE. Ensemble Les Meslanges (chez Paraty)

On dispose enfin d'un enregistrement des Messes de Titelouze, compositeur emblématique du style Louis XIII à l'orgue, mais dont la musique vocale demeurait largement à documenter, hors de quelques motets. Ces Messes comblent donc un vide essentiel pour comprendre l'évolution du genre de la Messe en France entre Le Jeune et Charpentier (avec pour jalons Formé, Frémart, Le Prince, Boutry…), et la rémanence dans un univers sonore déjà baroque de formes qui demeurent celles de la Renaissance – en musique vocale et en particulier sacrée, le baroque est le triomphe de la monodie, la mise en valeur expressive du texte, l'usage d'instruments non pour doubler mais pour accompagner… Pourtant ces pratiques contrapuntiques demeurent jusque dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et Titelouze, une figure majeure de la musique d'église du temps, manquait dans ce panorama.

À la vérité, et malgré la belle exécution (et la captation très réussie, à la fois ample et très précise), j'avoue ne pas être bouleversé par ce contrepoint très rigoureux, qui ne ménage pas beaucoup de surprises – ce n'est pas Frémart, clairement (ni Pękiel ci-dessus !). Ni même, à mon sens (mais je suis à la vérité assez limité sur cette question) un corpus particulièrement passionnant dans le domaine de la polyphonie post-Renaissance. Pour autant, en disposer, et bien servi, reste inestimable, et je ne puis trop engager chacun à aller se faire son avis.

26. Le lundi 28 janvier 2019 à , par Diablotin :: site

Du coup, je suis allé lire la notule consacrée au concerto pour violoncelle d'Elgar, pour voir quelles autres alternatives tu proposais : je n'y ai trouvé aucune des miennes, dans un concerto que j'aime vraiment beaucoup, et qui sont, sans ordre de préférence :
• Weilerstein / Staatskapelle Berlin -Barenboim, Decca 2012 -ça y est, tu es tombé de ta chaise :-D !!!
• Starker / Philharmonia - Slatkin, RCA 1992
• Maisky / Philharmonia, Sinopoli, DGG 1990. -Plus généralement, j'ai toujours trouvé Sinopoli excellent dans Elgar, où il se montre moins singulier que dans d'autres oeuvres-.
La seconde version dirigée par Elgar himself -1928, violoncelle : Beatrice Harrison- est intéressante historiquement, et beaucoup moins "dégoulinante" que bien des versions postérieures, malgré l'usage abondant du portamento -le son est excellent pour l'époque, c'est un enregistrement électrique de belle qualité-.

27. Le mardi 29 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec

Je vais dupliquer ton message sous la notule en question, où il sera utile aux lecteurs futurs… je t'y réponds !

28. Le mardi 29 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



18) Récital Ian BOSTRIDGE, Seattle Symphony, Ludovic MORLOT (chez Seattle Symphony Media).
Mélodies orchestrales : Nuits d'Été de BERLIOZ, Séhérazade de RAVEL, Baudelaire de DEBUSSY (orchestration de John ADAMS).


Un beau disque très bien capté, où Morlot fait des merveilles avec un orchestre que Gerard Schwarz avait rendu incontournable dans la documentation du patrimoine américain, mais dans un son beaucoup plus banal et gris pour le reste du répertoire. À la fois du moelleux, de l'aération et de la couleur, entre les ingénieurs et le chef, la métamorphose est complète ! Avouerai-je que j'ai trouvé l'orchestre plus enthousiasmant même que les excellents Siècles qui viennent de faire paraître leurs propres Nuits d'été (cf. disque #7) ?

Ces Nuits sont une surprise réellement délicieuse : le français de Bostridge est toujours aussi bizarre, sons contraints, apertures aléatoires… mais son expressivité contournée fait des merveille, l'expression est adroitement soulignée, ni prévisible, ni aléatoire. Extrêmement attachant, une des lectures les plus émouvantes de ce cycle, pour moi – et l'un des assez rares témoignages avec voix masculine.

Le reste m'a paru moins fondamental. Là plus encore, très original d'enregistrer les Shéhérazade pour voix masculine – à part Konrad Jarnot (pour baryton, donc, et c'était avec piano), il n'y a pas foule –, et l'ensemble est très réussi, mais j'y trouve l'empreinte verbale moins forte, peut-être parce que l'écriture en est plus sophistiquée, et qu'il ne se produit donc pas le même décalage que dans les Nuits assez épurées. Autrement, la voix ne vieillit pas d'un pouce (sauf tout en haut, le sib3 de « haine » est tout de même assez méchamment petit et poussé, seule trace d'une diminution des moyens – on se demande comment ça peut passer en studio, un truc comme ça, mais il aurait été tellement dommage de jeter le disque pour si peu…).

Quant aux Baudelaire de Debussy, l'un de ses cycles les plus originaux et ambitieux, on m'avait prévenu, l'orchestration d'Adams est, étrangement, très cordée, peu saillante, noie les harmonies plutôt qu'elle n'exalte (ou invente…) des couleurs. Donc une bonne interprétation vocale, mais pas de plus-value de ce côté-là, pas la découverte attendue.

Mais j'insiste, si l'on n'a pas peur de l'étrangeté, les Nuits d'été méritent vraiment le détour !

29. Le mardi 29 janvier 2019 à , par DavidLeMarrec



19)
« Immortal and Beloved » (chez Analekta)
Cycles de BEETHOVEN (An die ferne Geliebte) et James K. WRIGHT (Briefe an die unsterbliche Geliebte).
BEETHOVEN, Trio n°7 pour piano et cordes « Archiduc ».
David John Pike (baryton), Trio Gryphon (dont Jamie Parker au piano également pour la Ferne Geliebte).


Jolie construction programmatique : on glisse du cycle voix-piano au trio avec piano grâce à l'inclusion d'une pièce de 2012 de James Wright, mise en musique des fameuses lettres à l'Immortelle bien-aimée de Beethoven pour voix moyenne et trio piano-cordes, pendant adroit à la bien-aimée lointaine du cycle dont il est l'auteur musical.

La pièce contemporaine, d'un langage assez traditionnel, ne m'a pas particulièrement marqué (en première écoute), et le trio est finalement réduit à un rôle d'accompagnement qui aurait pu échoir à un piano seul (alternative lucidement suggérée par le compositeur lui-même). L'interprétation du trio non plus ; les Canadiens, qui ont enregistré pour les labels les plus divers, ne sont pas les plus ardents défenseurs de Beethoven, en une période où nous sommes saturés d'enregistrements de jeunes gens exaltés. Se détache tout de même la netteté éloquente du piano de Jamie Parker.

La belle surprise tient surtout dans la belle lecture de David John Pike du cycle vocal de Beethoven : conception très sobre, assez verticale, dépourvue d'effet, mais les mots y sont clairement énoncés, les accents émis avec autorité… quelque chose de simple et évident, qui en fait finalement une des très bonnes versions de ce cycle.

30. Le vendredi 1 février 2019 à , par DavidLeMarrec



20)
Benjamin BRITTEN, Chœurs a cappella :
RIAS Kammerchor, Justin Doyle (Harmonia Mundi).


Une divine surprise, à tous les niveaux : retrouver le RIAS Kammerchor sous son meilleur jour (je le trouvais un peu épaissi dernièrement, toujours aussi moelleux mais moins pur), au niveau de ses Brahms irradiants avec Creed. Le moelleux et le rayonnement ; la diction est peut-être un peu floue, mais dans des chœurs, a fortiori anglais, c'est toujours difficile, et pas aussi essentiel que dans d'autres répertoires.

Ensuite pour le choix des œuvres. Sacrées d'une part (Ad majorem Dei gloriam, Un Hymne à la Vierge, Hymne à sainte Cécile…), et surtout deux corpus profanes rarement joués et d'une beauté suffocante, très différentes des couleurs habituelles de Britten. Les Danses Chorales de Gloriana d'une part, qui assument leur part d'archaïsme et de références à la Renaissance, tout en conservant la logique et la richesse d'un langage du XXe siècle, en rien néoclassique – le résultat fait plutôt penser aux grands maîtres nordiques de la musique pour chœur. D'autre part les Flower Songs, de petites merveilles étonnantes qui, par endroit, évoquent les meilleurs moments du War Requiem, sous une forme dépouillée et dans un contexte optimiste assez inattendus.

Très très beau disque.

31. Le vendredi 1 février 2019 à , par DavidLeMarrec



21)
Psaumes et motets de MEYERBEER, arrangés pour cordes & piano par Dario Salvi (chez Naxos).
Andra Chudak (soprano), Jakub Sawicki (piano & orgue), Neue Preussische Philharmonie, Dario Salvi (arrangements & direction).


Enfin un peu de documentation dans le grands legs allemand de Meyerbeer qui, tandis qu'on connaît assez bien ses opéras parisiens et qu'à défaut de les jouer, on mentionne souvent ses opéras italiens (loin d'être tous documentés, mais comme je ne les trouve pas bons, je ne pleurniche pas trop fort).

Ce disque couvre donc une part de sa musique sacrée de langue allemande (plus un Pater noster), incluant de grandes pages symphoniques qui n'ont peut-être pas l'originalité de ses opéras français (encore que… en orchestration originale ?), mais manifestent, même en réduction, un sens aigu du drame et du phrasé éloquent.

Quoique limité aux pièces avec soprano solo, on y croise beaucoup d'éléments très divers… certains évoquent plutôt l'héritage classique mozartien, d'autres les motets sulpiciens de Saint-Saëns et Dubois, tandis qu'on retrouve par endroit la hardiesse de ses élans d'opéra. La pièce la plus immédiatement saisissante est sans doute le Pater Noster qui débute comme « Ombra mai fu » et poursuit dans une veine plus tuilée postromantique façon Adagio de Barber, tout en ménageant quelques volutes d'un mineur bien mozartien… un moment de suspension assez ineffable.

Les réductions de Dario Salvi fonctionnant très bien (et très bien exécutées), on dispose en outre d'un entre-deux chambriste et moelleux extrêmement agréable pour soutenir la documentation très stimulante (et touchante) de ce répertoire. Sans révéler peut-être de chef-d'œuvre qui bouleverse vos représentations, de quoi faire largement mieux que satisfaire le curieux !

32. Le samedi 2 février 2019 à , par DavidLeMarrec



22)
BERLIOZ-HEISSER, La Symphonie Fantastique arrangée pour « piano vis-à-vis ».
Jean-François Heisser, Marie-Josèphe Jude (Harmonia Mundi).


Sur un Pleyel spécial de 1928, comportant un seul corps, mais deux claviers face à face, le couple a enregistré cet arrangement maison de la fantastique. Très beau, mais j'avoue ne pas y avoir trouvé de plus-value particulière, comme dans d'autres transcriptions : j'entends bel et bien une réduction, sans bénéfice particulier dû à l'instrument ou à la radiographie piano. Il faut dire que l'orchestration de Berlioz permet si bien de tout entendre, et avec les couleurs les plus bigarrées, l'exercice est toujours périlleux pour l'arrangeur.

De même pour le piano : bel instrument ancien, peut-être moins puissant que deux piano, mais dont le timbre, un peu plus chaleureux, ressemble tout de même beaucoup au piano moderne, du moins dans l'enregistrement.

Très beau, mais pas aussi singulier que je l'aurais espéré. (La grande réussite de l'arrangement reste l'évocation de la résonance des cloches avec des frottements de demi-tons, qui offrent, pour le coup, un relief saisissant au sabbat final !)

33. Le samedi 2 février 2019 à , par DavidLeMarrec



23)
Hugo WOLF, Italienisches Liederbuch.
Diana Damrau, Jonas Kaufmann, Helmut Deutsch (Erato).


Après la tournée, voici le disque. L'idée était de rendre plus accessible ce pan assez exigeant du lied, en confiant un cycle de Wolf (certes un Wolf plus truculent que d'ordinaire, même si ce cycle n'a pas la saveur pittoresque, à mon sens, du Spanisches Liederbuch) au prince des accompagnateurs, flanqué de deux vedettes du chant actuel – vedettes qui ont leurs habitudes dans le récital de lied, tout de même.

Et le projet est pleinement réussi : on peut aimer des approches plus sobres, exaltant davantage le verbe, soignant davantage le timbre, mais le résultat demeure que ces vignettes prennent remarquablement vie. Damrau n'est plus la soprane brillante qu'elle fut, mais dans un registre plus central, presque mezzo, elle a conservé la saveur de ses intentions (ce qui est beaucoup moins patent dans ses rôles actuels à l'Opéra !). Quant à Kaufmann, il joue à plein l'emportement et la fièvre, avec le talent qui est le sien ; pas du lied réellement poétique, mais ces courtes pièces contrastées et assez joueuses s'y prêtent complètement. Quant à Deutsch, densité et esprit, comme toujours.

Je ne sais pas si cela ravira les meilleurs connaisseurs de ces pièces (il existe quelques autres beaux attelages plus pudiques et subtils – peut-être pas si l'on inclut le piano !), mais il y a là amplement de quoi se régaler, et peut-être d'autant plus pour les moins familiers de Wolf, que cette entreprise pourrait permettre d'aborder – et Dieu sait que ce n'est pas le compositeur de lied qui se livre le plus aisément !

34. Le dimanche 3 février 2019 à , par DavidLeMarrec



24)
Friedrich Ernest FESCA, Psaumes 9 et 103,
Franz DANZI, Psaume 128, Ouverture pour la tragédie Viola, Cantate Preis Gottes.
Bachchor Karlsruhe, Camerata 2000, Bernhard Gärtner (CPO).


Très bonne idée que ce volume documentant deux compositeurs bien connus de nom par les mélomanes (Fesca jouissant d'une réputation flatteuse, Danzi surtout connu pour quelques mouvements de sérénades), et témoins de l'esthétique musicale allemande hors des grands pôles, dans les toutes premières années XIXe siècle, à la conjonction des langages classique et romantique.

Le rapprochement des deux compositeurs est assez évident : outre qu'ils ont exercé dans les mêmes années dans la même partie de l'Allemagne, ils ont tout deux fini leur vie en occupant des fonctions musicales éminentes à Karlsruhe, l'un après un poste à Kassel, l'autre à Stuttgart.
C'est donc une exploration tout à fait passionnante. Et ce sont, en bonne logique, des ensembles locaux qui se proposent pour mener la redécouverte – comment CPO n'aurait-il pas été intéressé ?

Les Psaumes de Fesca (grand violoniste du temps, considéré comme un égal de Spohr), encore très marqués par le style classique, ne m'ont pas paru (à la première écoute, n'est-ce pas !) proposer de saillances particulières, hors cette petite volute répétée qui évoque l'Adagio de la Troisième de Bruckner – le meilleur moment de cette symphonie, cette étonnante touche archaïsante que je croyais évoquer un Haendel fantasmatique et qui correspond donc bel et bien à une réalité, mais plus tardive.

Chez Danzi (chef d'orchestre important, notamment à Munich), la grande cantate « Gloire à Dieu » avec solistes est ce qui attire le plus l'attention : on y trouve des palpitations typiquement mozartiennes (formule du début d'Exultate, jubilate), mais aussi des élans lyriques qui tiennent davantage de Schumann (très étonnant d'entendre des bouts des Scènes de Faust dans une pièce écrite au début des années 1820 !). C'est réellement le clou du disque, qui ménage aussi des dispositifs rarement entendus au disque, comme cet air de soprano avec chœur, traité en symbiose comme dans les airs de basse accompagnés, dans les Passions de Bach, mais dans le goût de quelqu'un qui a clairement entendu Beethoven (les petites ritournelles en tuilages de bois !). Une bien belle découverte à faire.

Le reste du disque, indépendamment du caractère indispensable de ce qu'il documente, m'a moins ébloui : dans ce concert de 2016 capté par la SWR et publié aujourd'hui par CPO, destiné à célébrer le bicentenaire de l'édification de l'église luthérienne locale, le chœur, manifestement amateur (voix « plates ») manque un peu de relief, de même que l'orchestre, très modestement articulé et coloré (là aussi, vu le niveau hallucinant de chaque orchestre de ville moyenne en Allemagne, ce pourrait être un orchestre amateur – mais aussi bon que nos orchestres de cacheton français !). Tout est en place, mais dans des œuvres qui ne sont pas les plus surprenantes du monde, il n'est pas toujours évident, sans être dans la salle, de se laisser emporter seulement avec un disque.

Donc un nouveau document indispensable de CPO, mais pour ceux qui ne sont pas déjà intéressés par ce répertoire, pas forcément la bonne médication. Contentez-vous peut-être, pour commencer, de découvrir la cantate de Danzi qui clôt le disque, et qui apporte le plus d'étonnements (avec une soprane et un ténor solos excellents).

35. Le dimanche 3 février 2019 à , par luisa miller

La Fantastique par Heisser et Jude ? Parbleu voila qui est alléchant. Ca donne quoi après écoute?

36. Le dimanche 3 février 2019 à , par Benedictus

hors cette petite volute répétée qui évoque l'Adagio de la Troisième de Bruckner – le meilleur moment de cette symphonie, cette étonnante touche archaïsante que je croyais évoquer un Haendel fantasmatique et qui correspond donc bel et bien à une réalité, mais plus tardive.


En fait, ta première hypothèse était peut-être la bonne, et ce Haendel pas forcément si fantasmatique que tu le dis: il existe à la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Florian plusieurs cahiers de brouillon de Bruckner, dans lesquels on trouve pas mal de copies de maîtres anciens, et en particulier de Haendel (ce qui m'a un peu surpris) et de Heinrich Isaac.

37. Le dimanche 3 février 2019 à , par DavidLeMarrec



25)
« Si vous vouliez un jour… », Airs sérieux & à boire vol.2
Airs de cour de Moulinié, Lambert, Le Camus, Charpentier,
Les Arts Florissants (Harmonia Mundi).


Dans la suite du très beau premier volume (ils donnent actuellement des concerts pour le troisième de la série, avec beaucoup de Guédron !), les meilleurs solistes vocaux et instrumentaux des Arts Florissants donnent un nouveau cycle de sélections du XVIIe français.

Toujours le même charme de cette alternance entre airs polyphoniques et monodiques, qui donne à entendre le plus vaste éventail des tons disponibles dans ce répertoire très spécifique.
Je suis modérément convaincu ici par l'utilisation du français restitué – qui met, pour des différences mineures, assez à distance des œuvres conçues au contraire en proximité ; il paraît, avec pourtant les mêmes choix, d'un autre naturel chez Il Festino, le disque à posséder pour ce répertoire (« Airs sérieux de Lambert et Le Camus », chez Musica Ficta) –, mais les dictions sont assez claires pour qu'il n'entrave pas l'intelligibilité. (Disons qu'il y a un petit côté figé et un peu opératique dans cette belle vision des Arts Flo.)

Je trouve aussi le corpus moins exaltant, peu de pièces m'ont profondément touché, alors que le disque est calibré pour mes goûts. Si vous n'avez pas écouté le premier volume, il est donc prioritaire – et je gagne que le prochain, Guédron aidant, sera lui aussi plus électrisant.

C'est bien sûr chipoter : j'ai été déçu de ne pas être transporté, même après plusieurs écoutes, mais c'est un disque remarquablement préparé qui ne souffre pas beaucoup de réserves en réalité (sauf peut-être le choix des airs ?).

38. Le dimanche 3 février 2019 à , par DavidLeMarrec

@ Luisa : J'en parle juste au-dessus de ton message. :)

@ Benedictus : Oui, il est fort probable que Bruckner ait davantage étudié Haendel que Fesca ! Mais disons que ça ressemble à un pastiche du Messie version romantisée, donc pas du tout du Haendel-type (je n'ai jamais entendu cette formule exacte dans du Haendel), alors que dans ce Psaume de Fesca, elle était bel et bien concrètement présente ! Bien sûr, Fesca n'a pas dû exercer d'influence sur Bruckner, mais l'image que je me faisais de la référence haendelienne n'était pas si évidente qu'il y paraissait…

39. Le jeudi 14 février 2019 à , par Benedictus

Bon... juste quelques remarques:
1. Sibelius / Rouvali
À tout seigneur, tout honneur: c’est ici même que j’avais découvert ce disque avant d’en lancer la hype sur classik. Mais c’est vraiment un enregistrement exaltant (déjà, rien que pour que j’achète une nouveauté en grand répertoire symphonique...)
2. stile antico
Je n’ai pas encore écouté ce disque-là, mais ça ne saurait tarder - et il est peu douteux que ce soit en effet très, très bien: j’avais beaucoup aimé leur disque consacré aux polyphonies Tudor, The Phoenix Rising; en revanche, pour ce que j’ai entendu d’eux dans des répertoires «continentaux» (les Répons de Ténèbres de Victoria et une anthologie Palestrina / Gombert / Lassus / Victoria autour du Cantique des cantiques), ils ont vraiment le défaut que tu signales: l’égalité de réalisations parfaites qui lassent assez vite (ça souffre vraiment de ce manque de grain et de cette réserve expressive qui caractérise souvent les chœurs anglais.)
3. Le récital de Raquel Camarinha
À essayer de te lire entre les lignes, je n’arrive pas à savoir si c’est le genre de disque que je vais adorer ou un de ceux où je laisserai plutôt tomber un giscardien «oui, mais...»
4. Les chœurs a cappella de Britten
Tu ne connaissais pas les Flower Songs et les Danses Chorales de Gloriana? Si j’avais su, je te les aurais recommandées... Cela dit, je pense que tu n’aurais pas forcément accroché avant ce disque-là (que je n’ai pas encore écouté, mais que j’imagine volontiers incomparablement supérieur à toutes les versions existant jusque là.)
5. Italienisches Liederbuch
J’imagine que le dernier paragraphe s’adresse plus ou moins à des gens comme moi... Tu pensais à Christiane Oelze / Hans Peter Blochwitz / Rudolf Jansen (Berlin) et Soile Isokoski / Bo Skovhus / Marita Viitasalo (Ondine) comme «beaux attelages plus pudiques et subtils.» Au demeurant, j’avais été plutôt agréablement surpris du résultats - et de toute façon, je trouve extrêmement méritoire de la part de Kaufmann et Diana Damrau d’avoir fait ce disque (et cette tournée.)
6. Airs sérieux & à boire
Ce que tu dis là du volume 2, c’est en fait ce que j’avais déjà pensé en écoutant Bien que l’amour... (Y compris la recommandation alternative du disque Douce Félicité d’Il Festino avec ta chouchoute Dagmar Šašková.) Tu crois que dans Guédron, les Arts Flo’ feront mieux que Lefilliâtre, Goubioud, Mauillon & Co.?
7. Das Schloss Dürande
Il y a le visuel, mais toujours pas la recension? Peut-être envisages-tu une notule plus longue? (J’enrage: c’est moi qui avais signalé la sortie, mais je n’ai toujours pas reçu mon exemplaire. Les postes suisses ont apparemment une réputation à tenir...)

40. Le jeudi 14 février 2019 à , par DavidLeMarrec

Merci pour ces retours, Benedictus !

Sibelius / Rouvali => Vu d'abord en salle (rare qu'on ait la première, en tout cas hors intégrale, faite il y a peu et en même temps par les deux principaux orchestres explorateurs de Paris…), j'y allais juste pour entendre l'œuvre et j'avais été cueilli par l'originalité de la pensée, vraiment une relecture à nu, comme absolument libre de toute la tradition. Pas d'effets spectaculaires à signaler, juste que la pensée des équilibres et des articulations, sans forcer du tout l'esprit de la partition, est très différent. (On rencontre ça aussi, à un moindre degré, dans l'intégrale Saraste – mais c'est moins neuf et saisissant, je trouve.)

Stile Antico => C'était ma découverte de l'ensemble. Effectivement, il est souvent difficile de s'exporter dans des répertoires plus « lyriques » pour ce type d'ensemble – de façon plus spectaculaire, la Liberazione par Huelgas ou de F. Cacciniles motets de Bach par les Hilliard (par deux fois), ce n'est pas très convaincant (que c'est rigide). Et même à répertoire contigu, comme tu dis, il y a quelquefois cette froideur. Je n'ai cela dit rien entendu de semble chez Stile Antico que j'ai trouvé étonnamment vivant et chaleureux dans un répertoire qui n'est pourtant pas celui où je me sens d'emblée le plus à l'aise. [De toute façon, les tubes Renaissance ne seront pas mon premier choix dans leur discographie…]

Camarinha => Vu ce que tu viens de (mé)dire sur A.-C. Gillet dans un forum voisin, je ne me permets plus de rien pronostiquer. Ce n'est pas le disque de l'année, sans doute, mais une fois accepté qu'il s'agit d'œuvres célèbres et d'une version piano, ça se hisse très haut en matière de sobre intelligence musicale et textuelle. Vraiment quelque chose qu'on prend du plaisir à écouter, et à mon avis plus convaincant que la plupart de ce qui existe.
Tu devrais en tout cas aimer. Ensuite adorer, ça se joue sur la frange entre « géniale sobriété » et « réserve ».

Britten a cappella : Gloriana, forcément que si, puisque j'ai écouté l'opéra en entier (une fois). Les Flower Songs, vu la quantité de disques que j'ingurgite, probable aussi, c'est quand même un ensemble choral relativement important d'un compositeur franchement incontournable. (Ayant vu du Britten choral en concert çà et là, il n'est pas impossible que j'en aie même entendu des bouts en salle !)  Mais dans tous les cas, je n'avais jamais remarqué leur intérêt !
Très belle version, effectivement lorsqu'on retrouve la RIAS de l'époque Creed, ça souffre peu la comparaison (ou alors il faut partir vers un genre plus diaphane et tranchant).

Wolf par H. Deutsch : Ça s'adresserait à toi si je ne connaissais déjà ton avis. :)  Oui, effectivement, Isokoski ou Blochwitz, ça correspond tellement plus à ce qu'on peut attendre dans ce répertoire lorsqu'on en est habitué, une expressivité travaillée, mais plutôt en-dedans, des voix plus légères.
Mais je trouve que le disque est vraiment réussi, je crois que je n'ai jamais été aussi intéressé par ce cycle (qui souffre toujours de la comparaison avec le Spanisches, pour moi – comme je ne les écoute pas beaucoup, l'Italien passe souvent par pertes et profits quand je remets Wolf sur le métier).

Airs sérieux & à boire 2 : Le disque du 1 était un peu figé aussi, c'était moins vrai en salle (petite mise en espace minimale, et puis le plaisir de voir ça en vrai). En tout cas la philosophie est totalement différente des ensembles que tu cites, aucune recherche de l'ambiance folklorique chez les Arts Flo, plutôt tournés vers l'hypothèse « opéra miniature ».
Donc non, leurs Guédron ne sont pas meilleurs, vraisemblablement, mais… ce ne sont pas les mêmes !!  Donc je prends, goulûment. Par ailleurs il y aura Negri, Auvity, Mauillon et Costanzo, je crois bien, donc côté éloquence, on n'aura pas trop à se plaindre.

Das Schloß Dürande : J'avais commencé à écrire et à installer imprudemment la pochette, mais il y a finalement beaucoup trop à dire (entre l'intérêt vertigineux de l'œuvre, la polémique sur l'édition, l'excellence absolue de l'interprétation). Spoiler pour les autres : c'est le disque de l'année, voire du lustre écoulés.

41. Le vendredi 15 février 2019 à , par DavidLeMarrec



26)
Louis Antoine LEFEBVRE, Clérambault, Montéclair, Courbois
Cantates baroques françaises
Eva Zaïcik & Le Consort


Exhumation par Le (Taylor) Consort d'un compositeur qui écrit très tardivement de la cantate dans les années 1740 (le genre étant créé dans les années 1700, et surtout en vogue dans les années 1710 et 1720), en conservant le style de ses débuts… Pour autant, corpus de premier intérêt, qui manifeste une sorte de décantation dans la pensée des meilleurs moyens expressifs liés au genre, et qui touche juste, à chaque fois.

L'exécution en est suprême : la chair et l'éloquence d'Eva Zaïcik ont peu d'équivalents sur le marché baroque, tandis que son accompagnement (en particulier le continuo très subtil du clavecin de Justin Taylor, varié mais sans effet spectaculaire, toujours dans la juste mesure de ce qui sert le chant et la situation – d'autant plus admirable qu'il s'est fait d'abord une notoriété comme soliste) se situe lui aussi sur les cîmes du goût juste et de la passion véritable.

J'avais recommandé l'antique disque des Arts Florissants comme point d'entrée… Je crois (je sais) que celui-ci constitue le second disque à posséder absolument pour documenter ce répertoire à son plus haut degré d'incandescence.

42. Le vendredi 15 février 2019 à , par DavidLeMarrec



27)
Gioachino ROSSINI ; Franz Anton HOFFMEISTER
Sonates pour cordes 4,5,6 ; Quatuor-Solo 3,4
Minna Pensola, Antti Tikkanen, Tuomas Lehto, Niek de Groot (BIS).


Second volume de cette double intégrale de quatuors dans le format inhabituel violon-violon-violoncelle-contrebasse.

Les Sonates de Rossini sont bien connues, écrites à l'âge de 12 ans dans un style essentiellement mélodique et galant (premier violon et accompagnement), dotées une douce grâce lumineuse très prégnante.

Ce disque en propose une lecture avec beaucoup de grain, sans relief extrême non plus, assez conforme à l'esprit des œuvres : de la couleur, de la mélodie, pas forcément du drame ni de la profondeur. Prise de son très aérée mais précise de BIS, peut-être la maison qui capte actuellement le mieux la musique de chambre. (Outre l'intérêt du contenu, les Quatuors de Stenhammar par le Quatuor Stenhammar ou les Quintettes à cordes de Mendelssohn par le Quatuor Mendelssohn – oui, je sais, l'imagination au pouvoir… – sont des objets de jouissance pure en matière de prise de son, à la fois amples et très nets.)

Hoffmeister utilise le même effectif totalement à rebours : ici, c'est la contrebasse qui est soliste (il existait une grande tradition de traits et solos de contrebasse dans la Vienne du tournant du XIXe siècle), d'une façon beaucoup virtuose – avec beaucoup de démonstration, et à mon sens moins de séduction musicale. Mais la mise à disposition de cet objet étrange pique évidemment la curiosité, et mérite d'y jeter une oreille. Pour apprécier Hoffmeister, je recommande plutôt son legs du côté du genre du quintette avec clarinette, où l'on entend tout autrement sa science musicale et sa sensibilité singulière.

43. Le vendredi 15 février 2019 à , par DavidLeMarrec



28)
Wolfgang Amadĕ MOZART
Symphonies 40 & 41
NDR Radiophilharmonie Hannover, Andrew Manze


Après avoir vedette de la violonité baroque, Manze, au même titre que Christoph Poppen, devient une figure importante de la direction d'orchestre dans le répertoire romantique.
Ses Brahms totalement renouvelés avec Helsingborg (du Brahms net et nervuré, loin du fondu global qu'on entend toujours dans ces œuvres), ses Mendelssohn « objectifs » avec Hanovre (dont il est chef permanent depuis 2014), ses sobres Vaughan Williams avec Liverpool (dont il est premier chef invité) l'ont récemment mis à l'avant de la scène.

Son intégrale Brahms est pour moi la plus belle de toute la discographie. Par ailleurs j'adore aussi la Radio de Hanovre – attention, ce n'est pas le même orchestre que, celui plus célèbre, « Symphonique de la NDR de Hambourg » (l'orchestre de Tennstedt, Wand, Gardiner, Blomstedt, Dohnányi, Hengelbrock !), aujourd'hui « NDR Elphilharmonie Orchester ». La Radio de Hanovre a gravé en particulier des merveilles pour CPO, dont une intégrale des Symphonies de Sinding (corpus d'une qualité vertigineuse) dans les meilleures conditions sonores possibles – avec Dausgaard pour les 1 & 2, Porcelijn pour les 3 & 4.

C'est pourquoi, malgré le programme usé jusqu'à la corde du génie, j'écoutai ce disque, dont on m'a par ailleurs dit beaucoup de bien.

Je n'en attendais pas un bouleversement de mes inclinations (plutôt du côté d'Harnoncourt Concentus Musicus, Menuhin, Harnoncourt Concertgebouw pour la 40 ; Mackerras Prague & Écosse, Menuhin, Gardiner pour la 41). Je ne fus pas déçu de ce côté-là.

Lecture très traditionnelle, très calme et équilibrée. Spectre sonore où dominent les cordes, et que colorent peu les bois, accentué par la prise de son toujours peu naturellement contonneuse de PentaTone. Se pose alors la question : pourquoi enregistrer ça ? C'est tout à fait décent bien sûr, mais l'intérêt d'enregistrer des ultimes de Mozart sans aucun trait distinctif, voire un brin tranquilles ?

Il n'y a que le final de la 41 qui laisse entrevoir une ivresse fuguée et un peu de lâcher-prise. Mais je crois que c'est pareil dans toutes les versions.

44. Le vendredi 15 février 2019 à , par DavidLeMarrec



29)
Gustav MAHLER
Symphonie n°3
Sara Mingardo, Gürzenich de Cologne, François-Xavier Roth (Harmonia Mundi).


Entre Roth qui fait des étincelles en renouvelant un Mahler clair et articulé avec Les Siècles (la Première, donnée sur des instruments de même facture qu'à la création !) et le Gürzenich qui a commis récemment, avec Markus Stenz, l'une des plus belles intégrales Mahler jamais gravées, on pouvait s'attendre à beaucoup. Mais à quoi cela ressemblerait-il ?

Lecture assez traditionnelle à la vérité (j'ai même eu un peu peur dans ce premier mouvement qui paraît assez peu renouvelé, et quelques poussées de trombone franchement grasses), mais qui s'épanouit avec deux gros points forts :

¶ les sections intermédiaires pépiantes / folklorisantes / dérisoires sautillent en irisations assez fascinantes, d'une rare beauté, d'une insolente clarté (le Comodo, et ce n'est pas un mince compliment, y devient une scène d'action, passionnante) ;

¶ l'ensemble est parcouru d'une tension remarquablement bien maintenue, jusque dans les mouvements contemplatifs. Ce n'est pas « dramatique » pour autant (les mouvements extrêmes en témoignent, bien tenus sans ressembler à une course à l'abîme ou un Te Deum), mais constamment en progrès, ce qui permet d'atteindre le difficile programme de symphonie-monde, qui paraît pour une fois totalement relié et cohérent.

Très belle référence. Évidemment la discographie est si généreuse que chacun aura ses inclinations propres (Tennstedt-Minnesota, Rögner-Radio de Berlin, Salonen-Los Ángeles, Levine-Chicago, Ozawa Boston, Litton-Dallas, Kondrachine-Moscou, en ce qui me concerne… et aussi Stenz-Gürzenich, d'ailleurs), mais celle-ci me paraît aboutie de part en part, un bon point d'entrée par exemple.

De quoi se consoler de ce que le label Harmonia Mundi, de pionnier courageux du baroque inédit, soit devenu une usine à enregistrer des tubes par des gens à la mode… (Car ce ne fut pas toujours du niveau de ce disque-là !)

45. Le samedi 16 février 2019 à , par Benedictus

Merci pour la veille discographique, je vais donc tâcher d’écouter ce que donnent le 26 (mais le chant et le timbre d’Eva Zaïcik ne risquent-ils pas de me paraître un peu proprets par rapport à Noémi Rime dans Clérambault?) et le 29 (tant mieux si c’est bien, je n’avais pas été vraiment emballé par [url= http://classik.forumactif.com/t1602p250-mahler-5eme-symphonie#1127322]la 5ᵉ des mêmes[/url].)

46. Le samedi 16 février 2019 à , par DavidLeMarrec

En vrai, Zaïcik a une présence incroyable, rien de propret, c'est ample vocalement et généreusement dit. Au disque, peut-être que a peut paraître trop confortable (mais j'ai vu quatre fois cet ensemble en deux ans dans des cantates françaises, donc mon écoute du disque est profondément imprégnée de l'expérience en salle…). C'est quand même vraiment grand, et on ne croule pas exactement sous les disques engagés et dans un français de qualité (même les Clérambault du Concert Spirituel paraissent assez prudents et ternes…). Donc à essayer.

Pour Roth, effectivement lecture tradi, il ne faut surtout pas en attendre la même chose que ses relectures avec les Siècles, mais ici, il éclaire tout de même avec beaucoup de vivacité les pans les plus faibles de la partition, sans relâcher la tension dans les moments capitaux non plus… J'avais lu tes réserves pour la Cinquième, mais ici, c'est diablement réussi.

(Tu aurais pu en profiter pour râler contre le changement de politique de HM, tout de même.)

47. Le samedi 16 février 2019 à , par DavidLeMarrec



30)
Mendelssohn, Trios piano-cordes.
Trio Metral (Aparté).


Le Trio Metral fait partie des mystères de la carrière, pour l'observateur extérieur. Entendus plusieurs fois au concert, ils disposent désormais, après le CNSM, la Chapelle Royale belge, de beaux engagements, et même, donc du disque.

Je n'ai jamais compris leur avantage comparatif. Bien sûr, ils jouent bien, mais il y a plus assuré ailleurs, ou plus engagé, ou plus original… Le violoncelle de la sœurette conserve quelque chose de plus frémissant (quoique, au disque, le voisinage soit forcément rude), mais je retrouve dans ce disque ce que j'avais jusqu'ici perçu : je trouve ça assez tranquille, encore un peu vert, nettement en deçà des grands trios (jeunes ou pas) qui enregistrent ces pages – le manque de fondu, par exemple (presque des trous dans le spectre entre les instruments), ou la façon un peu littérale de jouer (des respirations que la tradition fait, qui ne sont pas faites mais ne semblent pas être réinterrogées).

Bien sûr, c'est très bien (et la prise de son Aparté permet d'entendre des détails extraordinaires de ces chefs-d'œuvre, détails d'ailleurs très finement exploités par les Metral), mais quand je considère la quantité de jeunes trios superlatifs, je n'arrive pas à deviner ce qui a fait la différence.

Issus eux aussi du CNSM, les Trios Sōra et Zadig figurent au contraire, à mon sens, parmi les plus grands trios de tous les temps (top 5 ? top 10 ?)… et quoique leur calendrier soit plein, ils n'ont pas encore les mêmes honneurs, ce qui ne fait qu'accroître l'inconfort de ma question : qu'ai-je manqué ?

48. Le samedi 16 février 2019 à , par DavidLeMarrec



31)
Album Julie Fuchs : Mademoiselle
Airs italiens, français, espagnols de Rossini, Pacini, Meyerbeer, Donizetti, Berlioz, Pietro Raimondi, Vincenzo Fioravanti, Francisco Asenjo Barbieri.


Une des toutes premières remarques à l'écoute de ce récital (en flux, donc sans voir la pochette). « Que cet orchestre est coloré ! Et si engagé ! »

Je regarde.

Sans surprise, c'est le plus bel orchestre du monde, ou en tout cas de France. L'ONDIF, Orchestre National d'Île-de-France : comme d'habitude, engagé à chaque seconde, et en plus, ce qui est moins ordinaire, d'une beauté incroyable – manifestement très bien préparé. Il est rare d'entendre du belcanto, hors ensembles sur instruments anciens, joué avec autant de soin et d'élan, l'orchestre est une merveille en soi.
Décidément DGG, qui avait déjà confié la Iolanta « de Netrebko » au Philharmonique de Slovénie et le premier disque de Fuchs au National de Lille, ose, et ose juste.

Second sujet d'émerveillement : oh, un récital de belcanto qui explore ! (Même du belcanto en espagnol avec Barbieri…) Certes, les Raimondi et Barbieri ne m'ont pas paru de très grande facture, le Fioravanti était sympathiquement pittoresque, mais voilà qui changeait de la même poignée de Rossini-Donizetti-Bellini entendus partout (et pas forcément meilleurs). Les Pacini, tirés de La Regina di Cipro, sont même fort beaux et touchants, de belles cantilènes qui imprègnent fortement de leurs mélodies mélancoliques, alla Bellini.

Le clou du disque étant bien sûr l'air de la comtesse Adèle dans Le comte Ory, où l'arrogance vocale et l'expression expansive de Fuchs se mettent au service d'une tendresse qui vire à la nymphomanie, de façon très réjouissante.

Fuchs, justement ? Une bien belle voix, plus nette et focalisée que la norme dans ce répertoire, et pas sans ampleur, acquise très rapidement.
C'est au prix d'une diction qui perd en netteté selon les pistes (l'espagnol, et même le français dans Le Siège de Corinthe, sont absolument inintelligibles), et surtout d'un vibrato dont l'amplitude est assez forte (l'impression d'entendre un trille lent sur un demi-ton sur certaines tenues…).
Ces défauts pourraient paraître sérieux, mais en réalité ils n'entament pas le plaisir de cette très belle interprétation – la seule chose qui limite mon enthousiasme étant plutôt le répertoire lui-même, pas au cœur de mes inclinations. Et encore, lorsqu'on découvre autant d'œuvres, voire de compositeurs !

49. Le samedi 16 février 2019 à , par DavidLeMarrec



32) Franz LISZT

Cantate Sardanapalo, poème symphonie Mazeppa.
Staatskapelle Weimar, Kirill Karabits (Audite).


La Sk Weimar est l'un des rares orchestres modestes d'Allemagne, et cela s'entend un peu dans Mazeppa, abondamment documenté, qu'on a entendu plus nettement défini, plus joliment timbré ailleurs.
L'intérêt réside bien sûr dans la cantate (inédite au disque ?) consacrée à Sardanapale, en italien. Je n'y trouve pas la substance musicale que celle dédiée à sainte Élisabeth, ni la fraîcheur primesautière de son opéra Don Sanche (aux accents d'un Rossini d'opéra comique), plutôt ici un belcantisme teinté de bizarreries berlioziennes.

Je ne suis pas convaincu que ce soit un chef-d'œuvre (et je n'aime pas beaucoup la voix assez blanche de Joyce El-Khoury, façon Machaidze), mais c'est assurément une face inhabituelle de Liszt, qui mérite le coup d'oreille !

50. Le dimanche 17 février 2019 à , par DavidLeMarrec



33)
Karl-Amadeus HARTMANN, Quatuors à cordes.
Airis SQ (Accord).


Ces quatuors sont des merveilles.

Le Premier surtout, tranchant, farouche, mais d'une sorte de beauté assez apaisée, très intense, de la décadence souriante.
Le Second est plus lyrique, d'un lyrisme là aussi assez décadent (très mélodique et sombre, on dirait le Schönberg du Premier Quatuor), très beau aussi, quoique moins original.

À découvrir absolument !

… Pas nécessairement par ce disque en revanche : le son des Airis est agréablement organique dans le médium, mais les aigus sonnent un peu poussés un peu par rapport aux très très grands instrumentistes qu'on a l'habitude d'entendre dans les disques de quatuor. Aussi, même s'il faut acquérir deux disques, je recommande plutôt les deux volumes du Zehetmair Quartett chez ECM, d'une netteté et d'une poésie incommensurables (couplés respectivement avec Bartók 4 et Holliger 2, des valeurs assez sûres – quoique pas toujours confortables pour l'auditeur, ce Bartók en particulier).

51. Le dimanche 17 février 2019 à , par DavidLeMarrec



34)
Offenbach & Gulda : Concertos pour violoncelle
Edgar Moreau ; Les Forces Majeures, Raphaël Merlin (Erato)


Quelle belle surprise : un disque de concertos qui explore du répertoire ! Et en plus du beau répertoire.

Le Concerto d'Offenbach est une merveille, qui manifeste dans un très grand format (plus de 40 minutes pour un concerto de 1848, et les mouvements les plus rapides étant les plus longs, beaucoup, beaucoup de mesures à travailler !) la même évidence musicale que dans ses opéras, mais sans chercher la mélodie facile, plutôt une façon d'élocution qui coule sans cesse de source, avec des formules simples et marquantes, jamais dans l'effet spectaculaire ni la facilité mélodique.
Extrêmement exigeant aussi pour le soliste (mais Edgar Moreau conserve, imperturbable, son grand son sombre et éclatant, avec en outre beaucoup de présence expressive – un très très grand…).

On a très peur au début (et à la fin) du concerto de Gulda, avec ses emprunts à des caricatures de jazz et même délibérément, à la fin, à la musique de fête foraine (!), mais l'idylle, la cadence, le menuet centraux manifestent une véritable sensibilité musicale (certes archaïsantes) dans cet univers composite. Le mouvement lent, vraiment, est superbe.

De très très belles œuvres, très peu données, sont ainsi mises à l'honneur, tout en démontrant à la fois la belle cohésion de ce tout jeune ensemble – et la maîtrise fulgurante et habitée de Moreau. Carton plein. Si tous les disques de majors du disque pouvaient ressembler à ça !

52. Le dimanche 17 février 2019 à , par DavidLeMarrec



35) Jean-Louis DUPORT, Concertos pour violoncelle 1, 4 & 5
Raphaël Pidoux ; Stradivaria, Daniel Cuiller (Mirare)


Comme dit précédemment, je trouve formidable d'enregistrer – surtout pour des concertos dont le propos est souvent, pour le compositeur comme pour le public, la démonstration de la valeur de l'interprète avant même les considérations plus proprement musicales – des portions négligée du répertoire.
Une monographie d'un compositeur important et rarement représenté autrement qu'en compléments, quelle aubaine !

Bien, à l'écoute, j'avoue que ce n'est pas ce que Duport a commis de plus Mozart-français ; je trouve l'ensemble assez peu marquant et conventionnel, voire un brin ennuyeux. Ce n'est que le Cinquième que je trouve véritablement joli et séduisant. Je révère bien sûr la démarche, car au moins je puis avoir le luxe d'une opinion et me représenter de quoi il s'agit. On gagnera toujours plus mon respect ainsi qu'en gravant de très bons Beethoven ou Mahler supplémentaires.

C'était aussi l'occasion de réentendre Stradivaria, je me languissais d'une occasion depuis leur fulgurant Pyrame & Thisbé de Francœur & Rebel (cette fois un véritable chef-d'œuvre absolu ; il existe toute une série qui y est consacrée sur CSS), mais ils enregistrent peu et se produisent essentiellement dans leur région.

53. Le lundi 18 février 2019 à , par Benedictus

Pour le 33 (quatuors de K.A. Hartmann), une alternative discographique: le quatuor Vogler de Berlin chez Nimbus (décidémment un beau catalogue de quatuors décadents - les Schmidt des Franz Schubert, les Wellesz des Arts...), couplage avec le quatuor de Eisler. À propos des Stradivaria mentionnés dans le 33, entre Pyrame & Thisbé et celui-ci, ils ont aussi enregistré le Te Deum de Madin chez Alpha (avec les Cris de Paris) - vraiment très, très bien. Enfin, je file: mon Schloß Dürande vient enfin d’arriver!

54. Le mardi 19 février 2019 à , par DavidLeMarrec

Merci pour ces recommandations pour Hartmann. Je n'ai écouté que Zehetmair (miraculeux) pour l'heure, c'est prévu.

Pour Madin, je m'en suis aperçu peu après avoir posté (et je n'avais pas matériellement le temps de compléter), en vérifiant si je n'avais pas des disques d'eux à écouter, que j'aurais manqués… Et effectivement trône ce Madin, que j'ai bien sûr écouté (mais peu, à la vérité, alors que j'avais beaucoup aimé, pas trop boismortierisant ni superficiel pour du Louis XV, encore quelque chose d'un grand genre un peu hiératique et contrapuntique). Tu as bien raison de le citer !

(J'ai dans l'intervalle lu que tu avais toi aussi été passablement hystérisé par ce nouveau Schoeck… Quelle œuvre et quel disque, bon sang.)

55. Le mardi 19 février 2019 à , par Benedictus

Et, symétriquement, je vais essayer de trouver Zehetmair dans Hartmann...

En effet, Madin avait été une très heureuse surprise: je m'attendais moi aussi à quelque chose de beaucoup plus dans l'air de son temps, et en fait ça ressemble beaucoup plus aux grands motets de la génération précédente.

Et oui, ce nouveau Schoeck est totalement incroyable!

56. Le mercredi 20 février 2019 à , par DavidLeMarrec

J'espère pouvoir publier bientôt une notule dessus (mais les sujets se bousculent et mon temps disponible pour les notules s'est réduit…), peut-être bien le grand disque de la décennie !

57. Le samedi 23 février 2019 à , par DavidLeMarrec



36)
Luigi BOCCHERINI
Concertos pour violoncelle, La Casa del Diavolo, Quintette en ut, Sonate violoncelle-piano, Stabat Mater
Ophélie Gaillard, Sandrine Piau ; Pulcinella, Ophélie Gaillard (Aparté)


Des œuvres documentées par ailleurs d'un corpus un peu décoratif ou galant, ça n'attirait pas particulièrement l'attention. Erreur !

L'album, dont la pochette ne met pas du tout en valeur cet aspect (ressemble à un album de violoncelle sur mesure pour l'interprète, visuellement), consiste au contraire en un parcours étonnant dans un Boccherini tel qu'on ne le connaît pas !

Deux très beaux concertos pour violoncelle très bien choisis (tous ne sont pas de ce niveau), où Ophélie Gaillard se fait plaisir en osant des cadences assez subversives : espagnolade dans le concerto en ré, citation du Quintette en ut de Schubert dans le concerto en si bémol !

La Symphonie La Casa del Diavolo, déjà bien documentée avec son final gluckiste (sur le modèle des Enfers d'Orphée & Eurydice), a la particularité assez exaltante, de pair avec le reste du programme, de faire une place très importante au pianoforte, qui apporte beaucoup d'impact et de couleurs au spectre orchestre. Antonini pouvait sembler en avoir laissé une version difficilement remplaçable, motoriquement irrésistible, mais cette proposition alternative apporte au moins autant de satisfactions !

Le Stabat Mater surprend moins mais permet d'entendre une autre facette. Et plus encore la Sonate violoncelle-piano (un exemple assez tôt dans l'histoire du genre, qui doit naître précisément à ce moment-là, comme le quatuor à cordes dont il est considéré co-créateur avec Haydn) qui permet de se figurer l'état du genre avant Beethoven (et finalement très proche de celui documenté par le Grand Pot !).

Pour fini, un des nombreux quintettes à cordes (Op.30 n°6 / G.324), que je ne connaissais pas, sous-titré « La musique nocturne des rues de Madrid », une suite d'instantanés de musiques de rues un peu déformé, on est presque dans l'univers mental d'Abel Decaux. Très déstabilisant, suite de danses un peu expansives et distordues, qui ébranle, je dois l'avouer, ma représentation des genres en ce dernier XVIIIe…

--

À cela s'ajoute la virtuosité, la précision, la chaleur de l'ensemble (en particulier Francesco Corti au pianoforte), capté de très près mais avec beaucoup d'espace, encore une très belle réussite Aparté d'un disque que je n'avais d'abord essayé que par souci d'exhaustivité !

58. Le dimanche 24 février 2019 à , par DavidLeMarrec



37)
Duos pour piano de Franz SCHUBERT, Igor STRAVINSKI & Peteris VASKS
Divertissement sur des motifs originaux français (et Rondo en ré), Concerto per due pianoforti soli, Music for Two Pianos
Linda Leine & Daria Marshinina (Es-Dur)


Programme très original à quatre mains (Schubert) ou deux pianos. Schubert qui ne sont d'ailleurs pas du tout les plus courus. Je ne suis inconditionnel que du Divertissement à la hongroise, dans son catalogue à quatre mains (je suis un garçon superficiel, la danse et le folklore me vainquent assez facilement), mais ce Divertissement français dispose d'une réelle matière musicale, et d'une certaine façon plus que le(s) sombre(s) Lebensstürme ou la très dépouillée Fantaisie.

Un Stravinski rare et minéral, dans une errance atonale qui n'a pas la raideur de sa période dodécaphonique – l'œuvre, la première qu'il écrit après l'obtention de sa nationalité, est considérée comme appartenant à sa période néoclassique, ce que je ne ressens pas du tout à l'écoute. Beaucoup de relief à défaut de mélodies, une œuvre un peu sévère qui distille un véritable charme – Stravinski la considérait comme « possiblement » l'une de ses plus belles œuvres « purement instrumentales ».

Enfin une pièce de Peteris Vasks, la grande figure vivante de la musique lettonne. Un grand talent dans la musique chorale, assez tradi dans la musique instrumentale. Cela se confirme ici, mais avec une recherche intéressante d'agrégats en nuages, de résonances mêlées de cordes « préparées ». Il se dégage même une petite parenté avec le Stravinski, dans cette écriture sans mélodies mais tout à fait accessible, ces accords chargés mais qui sonnent clair…

Très bel ensemble, je me suis immédiatement bissé l'album.

Côté interprétation, c'est très bien, du piano solide qui sonne bien. Pas de texture particulièrement personnelle, une approche peut-être un peu sérieuse et abstraite (même dans le Schubert), mais du beau piano, et honnêtement, vu le programme, j'achèterai toujours ça avant n'importe quel album Argerich / Pollini / Sofronitsky.

59. Le dimanche 24 février 2019 à , par DavidLeMarrec



38)
Camille PÉPIN, œuvres de chambre
Lyrae (quatuor à cordes, harpe, percussions), Chamber Music (mezzo-soprano, violon, violoncelle, clarinette, cor, piano), Luna (idem, mais sans chanteuse), Kono Hana (violoncelle solo). Ensemble Polygones : Léo Marillier, Célia Oneto Bensaid… (NoMadMusic)


Compositrice très insérée chez les jeunes instrumentistes en vue (et ici, ce sont même les plus jeunes du marché – mais pas les moins grands…), Camille Pépin publie un album chez NoMadMusic (donc probablement pas disponible en physique).

Ce que j'y entends n'est pas forcément marquant, mais plaisant.

Lyrae explore de jolies résonances (à la façon des rémanences sympathiques des cordes), Chamber Music et Luna trouvent de belles couleurs grâce au cor et à la clarinette (un peu songé au trio avec cor To the Spirit Unconquered de Sheila Silver, que j'aime beaucoup)… mais tout de même, quel dommage de mobiliser la grande Oneto Bensaid pour faire des boucles post-minimalistes (qui habillent toutes les pièces du disque…). Et pas trop aimé Kono Hana, moins gracieux que le reste.

Ce n'est pas une musique qui touche avec vigueur, et quand on a à la disposition des discothèques entières de musiques tonales dont la personnalité ou l'audace font frémir, ce n'est forcément pas un premier choix. En revanche, en salle, je suis sûr que je serais séduit.

60. Le dimanche 24 février 2019 à , par DavidLeMarrec



39)
Tchaïkovski, Symphonie n°4
Moussorgski-Ravel, Tableaux d'une exposition
London Symphony Orchestra, Gianandrea Noseda (LSO Live)


Déception.

D'abord parce que j'avais un peu rapidement lu « n°1 », et que je me réjouissais de la réécouter (la 4 étant celle que j'aime le moins des 6, avec un faible particulier pour les 1, 2 & 5).

Ensuite parce que, pour du Noseda-LSO, j'ai trouvé le résultat un peu terne : pas beaucoup de fougue, de tension, de mordant, les cordes sont un peu éteintes, les cuivres sonnent un peu bouchés, sans doute une affaire de prise de son également, je n'ai jamais été très convaincu par leur label – sans que ce soit rédhibitoire comme pour le LPO, dont les prises coupent les ailes à toutes leurs publications maison…

Je me suis arrêté là, parce que j'ai beaucoup à écouter pour poursuivre ce défi nouveautés (une vingtaine de disques écoutés à commenter, une vingtaine à écouter avant de commenter, et deux ou trois que j'écouterai sans les commenter je commenterai sans les écouter, ni vu ni connu), ainsi que tout ce que ma fantaisie me commande d'écouter ou de réécouter. Je retenterai dans de meilleures dispositions si jamais on me dit que je suis tout à fait passé à côté – car, d'ordinaire, séparément, Noseda et le LSO sont de très bons clients, en tout cas des gens à mon goût.

61. Le dimanche 24 février 2019 à , par DavidLeMarrec



40)
The Dubhlinn Gardens (anonymes)
Reinoud Van Mechelen (ténor), Myriam Rignol (viole de gambe), Sarah Ridy (harpe triple & harpe irlandaise), Loris Barrucand (clavecin), Anna Besson (traversos et conception).
Et autres membres de l'ensemble A Nocte Temporis (Alpha)


Fruit de recherches minutieuses d'Anna Besson autour de chansons anonymes à la mode au XVIIIe siècle, telles qu'elles alors ont été retranscrites, ce programme propose une immersion dans ce bel univers sonore, avec des moyens qui sont ceux de la musique savante, par les membres de ce bel ensemble baroque – Besson, Rignol et Barrucand, qu'on a souvent l'occasion d'entendre au concert ou au disque, figurent parmi les meilleurs musiciens actuels dans ce répertoire, et cela s'entend dans la finesse de la réalisation musicale ici.

Je trouve aussi que Reinoud Van Mechelen, dont je n'aime pas démesurément la voix (assez moelleuse et en-dedans, peu dynamiquement projetée) ni la réserve expressive dans les grands textes de tragédie en musique ou de cantates profanes, trouve ici un terrain d'expression qui met idéalement en valeur la souplesse de sa ligne, les dégradés insensibles de ses registres…

Quelque chose, dans un genre tout à fait différent, bien plus poétique que gaillard, des deux albums consacrés aux chansons traditionnelles françaises par le Poème Harmonique.
La démarche, le dépaysement du programme (avec une véritable couleur locale), veine mélodique irlandaise (à la hauteur de sa proverbialité) aidant, serait en soi un motif suffisant, mais ainsi superlativement servi, c'est une ivresse à laquelle il faut assurément se prêter.

62. Le lundi 25 février 2019 à , par Andika :: site

En ce qui concerne le disque de Camille Pépin, je n'ai eu aucune difficulté à l'obtenir en physique, et même avant sa sortie officielle. Va savoir pourquoi ! Je suis content que tu l'aies écouté !

63. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec

Oui, quelle surprise : http://andika.fr/2019/01/camille-pepin-il-n-y-a-pas-de-musique-feminine-ni-de-musique-masculine.html. ^^

64. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



41)
La Vie Rêvée
Bigflo & Oli (Polydor)


Dans le domaine du rap francophone, cet album, pourtant tout à fait mainstream (très vendu et amplement récompensé), propose ce que je perçois comme une nouveauté, depuis ma fréquentation lacunaire du genre.

Le rap français est souvent éprouvant, épuisant les mêmes poncifs inutiles au gré d'une prosodie fautive, sur le moins de musique possible – en somme, le rap, c'est du seria. Le rap anglophone a pour lui des appuis beaucoup plus naturels (les finales lourdes du français obligent à le phraser avec un accent assez étrange, des accentuations secondaires artificielles), et ses platitudes poétiques s'entendent moins, peut-être parce que la langue est structurellement plus concise.
Ce que je connais en France est donc essentiellement le rap mainstream (où j'ai trouvé peu de pépites, entre les solécismes & anacoluthes en folie de Booba et l'épure simplette de Kaaris – respectivement les Corneille et Racine du rap grand genre, je suppose –, pour ne rien dire de La Fouine ou des vieilles gloires de la première génération…), le gangsta rap (Maffia, Key Largo – dont les textes promeuvent le meurtre, le viol, la bicrave… difficilement appréciable vu l'effet concret de promotion qu'on leur voit au Mexique comme dans nos cités), le gentil slam (Grand Corps Malade et Abd al Malik, l'anti-gangsta rap assurément, mais tellement niais que là aussi, difficile à écouter, des chansons où il faut rapporter le portefeuille trouvé et aider les vieilles dames à traverser…).
Je me doute donc qu'il existe bien d'autres sous-genres, d'autres explorations que je n'ai pas tentées. Le principe d'une prosodie brute ne manque pourtant pas de charmes, mais entre les sujets pas passionnants et les moyens verbaux pas toujours à la hauteur, la frustration est souvent de la partie.

Aussi, sans prétendre du tout avoir découvert l'eau chaude, j'ai été très agréablement impressionné par cet album, ou plus exactement une piste en particulier (le reste étant sur le même mode de boucles très consonantes – souvent des cordes « classiques », d'ailleurs, pas vraiment des boîtes à rythme –, et des textes pas vertigineux) : « Rentrez chez vous ».
Une narration polyphonique, et décalée dans le temps (l'événement qui ouvre la chanson n'est raconté de l'autre point de vue qu'au milieu), qui offre un décentrement radical, dans une expression assez simple, mais touchante. Pas de prêchi-prêcha gangsta ni scout, une véritable fiction, une sorte de parabole en hélice, bâtie autour d'un double récit, et dont le propos, qui se livre peu à peu, a beaucoup plus de force ainsi mis en action, en théâtre. Seule réserve : le titre gâche la chute, alors que le début de la chanson « Ça y est, ils ont fait sauter la Tour Eiffel » aurait été plus significatif, en plus d'avoir une tout autre allure.

Vraiment une découverte séduisante et marquante, que je recommande donc à tous les amateurs de lied je ne sais qui. Mais rien que me figurer la tête des lecteurs, il n'y a pas de plus belle récompense.

65. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



42)
Olivier MESSIAEN, Vingt Regards sur l'Enfant Jésus
Martin Helmchen, piano (Alpha).


Je ne suis pas sûr d'être la bonne personne pour commenter ce disque : j'aime de plus en plus intensément Messiaen, mais sur un nombre d'œuvres de plus en plus restreint. L'Ascension pour orgue, la Nativité, les Chants d'oiseaux, les Poèmes pour Mi, les Vingt Regards (dans cet ordre). Et c'est à peu près tout – le reste me lassant vite, voire ne m'intéressant pas, comme les choucroutes symphoniques. Même en me replongeant dans ce chef-d'œuvre assez incontestable que constitue Vingt Regards, j'avoue une pointe de lassitude çà et là.

Ce grand cycle, héritier de la fresque pittoresque (voire narrative) du piano à la française, dont le prototype (mais je ne prétends pas qu'il soit le premier, pas étudié d'assez près la question) se trouve chez Dupont, semble beaucoup devoir à la fusion entre geste virtuose et concept mystique qu'on trouve déjà chez Tournemire (Préludes-Poèmes). Le tout dans cette consonance paradoxale qui le caractérise – dissonant si la norme est le système tonal traditionnel, mais en réalité tout à fait consonant, voire apaisant au sein de ses propres modes, ses propres « gammes ».

Pourquoi alors prendre ces précautions ? Car je n'ai pas été étourdit par l'interprétation de Martin Helmchen, qui atteste de moyens pianistiques immaculés, assurément, mais qui m'a aussi paru assez peu coloré, un brin corseté, peu poète. Mais il y avait assez longtemps que je n'avais pas écouté l'œuvre en entier, et en comparant avec d'autres grands pianistes (mais pas mes chouchous Muraro et Peter Serkin), la différence n'est pas si flagrante au demeurant (c'est tellement précisément écrit que les interprétations se ressemblent fatalement davantage que deux sonates de Scarlatti ou de Mozart).
Donc partagé entre le plaisir de réentendre l'œuvre et l'interrogation de la raison pour laquelle Alpha, dont ce n'est pas le cœur de répertoire, propose une nouvelle version d'une œuvre très bien documentée et destinée à une niche d'auditeurs peu nombreux, par un pianiste qui n'est pas une vedette, et dans une interprétation qui ne diffère pas énormément des (très hauts) standards des autres interprètes de l'œuvre.

Aussi, la mort dans l'âme, mon conseil serait plutôt d'acquérir Muraro (surtout !), Peter Serkin, Yvonne Loriod, John Ogdon… ou, si vous en avez déjà une version, d'aller plutôt investir dans les nouvelles parutions pianistiques (intégrale Tansman et intégrale Bernstein sont sorties ce mois-ci, et elles sont très réussies !).

66. Le lundi 25 février 2019 à , par DavidLeMarrec



43)
« Une jeunesse à Paris », récital de mélodies et airs légers
Marie Perbost, Joséphine Ambroselli, solistes des Frivolités Parisiennes (Harmonia Mundi).


Voilà un véritable récital pour jeune chanteur ! Des pièces légères qui révèlent un caractère…

Remarquée par nos lutins dès 2014, dans un rôle pourtant fort court, elle a déjà laissé un premier récital (mal capté, et où la voix ne s'épanouit pas bien), et celui-ci rend bien mieux compte de ce qu'elle est devenue. Bien qu'excellant dans le baroque, la voix a gagné en chair – elle chantait il y a une semaine à la Cité de la Musique, avec brio, un rôle de colorature exigeant chez Galuppi –, et beaucoup en régularité (elle avait ses jours où la voix paraissait flasque, comme si le soutien se dérobait).

Ce disque rend compte de son sens de la scène, de sa générosité, dans un programme original de pièces évoquant le badinage à Paris sous différentes formes – cycles de mélodies d'art, extraits d'opérettes, chansons populaires diversement lestes… La seule restriction serait que, captée de près, la diction paraît floue (ce qui n'est pas forcément le cas en salle), et que la mélodie n'est évidemment pas le domaine où son art s'épanouit avec le plus de facilité. Il n'empêche, programme vivifiant, interprété avec beaucoup de variété et de sens des situations.

Ce disque de la collection de récitals de jeunes, Harmonia Nova, bénéficie en outre du concours des Frivolités Parisiennes, orchestre extraordinaire dont quelques-uns des membres viennent ici en renfort – dont le patron Thibaut Maudry. Hervé, Offenbach, Lecocq, Messager, Hahn, Weill, Serpette, Kosma, Delettre, Dhau… il n'y a finalement que les Debussy et Poulenc qui soient des classiques ici.

67. Le jeudi 28 février 2019 à , par antoine

....Je ne peux continuer, ma souris s'est figée dès qu'elle a rencontré le mot "rap"...

68. Le vendredi 1 mars 2019 à , par DavidLeMarrec

Avouerai-je avoir pensé avec délices à votre réaction, lorsque j'ai rédigé cette présentation ? (qui en plus était un peu de la triche, le disque a paru en novembre 2018, j'ai écarté d'autres disques fabuleux sur ce critère strict…)

Mais figurez-vous qu'hier, à l'heure approximative de votre message, j'écoutais du Casella… La Première Symphonie (toujours chouette), l'Élégie Héroïque et surtout la Suite du Monastère que je découvrais et qui m'a séduit par ses couleurs inhabituellement claires, sans descendre en sophistication. Curieux d'entendre l'œuvre intégrale. (Tiré de la série Noseda / BBCPO chez Chandos.) J'ai aussi vu un CPO que je n'avais pas encore écouté.

69. Le vendredi 1 mars 2019 à , par Adalbéron

Il te faut absolument écouter Damso, enfin ! Et avec sérieux.

Ce n'est pas tout à fait du rap stricto sensu, mais c'est grave chouette.

70. Le samedi 2 mars 2019 à , par DavidLeMarrec

Stricto sensu,
je l'ai bicrave à son insu !

J'irai écouter cela avec un sérieux pontifical.

71. Le lundi 4 mars 2019 à , par antoine

David, sans doute votre côté gilet rappeur! Connais pas la suite du monastère, du moins sous ce nom, mais si maintenant vous créez du Casella, alléluia!

72. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec

Noseda a gravé une Suite orchestrale tirée de sa « comédie chorégraphique » Il convento veneziano. Comme quoi il vous reste encore du Casella à explorer !

73. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



44)
Nicolas Chédeville, Les Saisons amusantes
Ensemble Danguy (Ricercar).


Partiellement inspiré des Quatre Saisons (beaucoup de mouvements originaux en réalité), une version française de ces concertos pour violons transformés en concertos pour… musette !

Belle interprétation de l'Ensemble Danguy, mais j'ose avouer que tout charmant que soit son timbre, la dynamique mf unique de la musette finit par taper un peu sur le système ; disons qu'on s'en lasse sans doute davantage que des nuances, attaques et variétés de jeu des concertos pour violon d'origine.

74. Le lundi 4 mars 2019 à , par antoine

David, je ne demande qu'à recevoir de vous des cours de Casella! Cela dit, la suite à laquelle vous me semblez faire allusion, je la connais sous la dénomination "le couvent sur l'eau", mais je n'ai rien contre les monastères...

75. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



45)
Récital sur orgue de salon Cavaillé-Coll : pièces pour orgue, transcriptions de mélodies, de poèmes symphoniques…
Louis-Noël Bestion de Camboulas & ses invités (Harmonia Mundi).


Un disque d'orgue du chef de l'ensemble Les Surprises – qui m'a diversement convaincu à ce poste, évoluant dans une esthétique assez ronde et peu déclamatoire pour mes goûts dans le répertoire français. Mais il est d'abord organiste, et c'est ce versant que présente cette nouvelle parution.

Encore un récital de la série Harmonia Nova qui se montre d'une remarquable intelligence : il documente un instrument qu'on n'entend jamais au disque ni au concert, un Cavaillé-Coll de salon – donc pas de grands jeux d'anche, surtout des fonds, mais fins et avec une certaine variété de coloris. Et cela, aussi bien à travers les grands standards du répertoire d'orgue (le dernier des trois ultimes chorals de Franck), des transcriptions de poèmes symphoniques (Orpheus de Liszt), des mélodies transcrites pour orgue (L'Horizon chimérique de Fauré, Gebet de Wolf, Nadia Boulanger) ou déjà écrites comme telles (Geistliche Lieder de Reger)…

Cela dans un goût parfait. Outre l'intérêt de certains titres (on se figure mon hystérie en entendant Wolf et N. Boulanger en transcription !), la réalisation en est exemplaire, et si je ne suis pas complètement convaincu par Étienne Bazola (un peu impavide, voire embarrassé dans la souplesse de ces tessitures plus aiguës que celles auxquelles ses rôles de choriste-soliste baroque l'ont accoutumé), je suis en revanche totalement extatique devant ce que propose Eugénie Lefebvre, encore une fois. Cette élocution si expressive sur ce moelleux chaleureux qui ne manque jamais de la touche d'éclat qu'il faut pour ne pas s'empâter… la prière de Mörike, pourtant l'une des plus belles choses de tout Wolf, ne m'a jamais bouleversé à ce point.

Récital à la fois passionnant dans son principe, abouti dans sa réalisation… et réellement plaisant, voire enthousiasmant, à l'usage de l'écoute (déjà fait quatre fois, pour ma part, depuis sa parution en février).

76. Le lundi 4 mars 2019 à , par DavidLeMarrec

@ Antoine : Il est vrai que les couvents ne sont pas toujours des monastères, mais les monastères étant des couvents, ça ne me paraissait pas une liberté de dénomination particulièrement cryptique. Vive Casella (qui a toujours pour lui le mérite d'être rare, et donc de nous surprendre) !

77. Le mardi 5 mars 2019 à , par antoine

David, soit, mais les couvents ne sont jamais des monastères car mixtes, et peut-être plus "cool", ce qui change probablement le sujet.

78. Le mardi 5 mars 2019 à , par DavidLeMarrec

Ah non, les couvents ne sont pas forcément mixtes, ce doit même être une assez petite minorité ! La différence varie selon les contextes, mais globalement, le mot 'couvent' est plus tardif, lié aux ordres mineurs, donc effectivement davantage ouverts, avec une contrainte moindre d'enfermement (mais pas d'obéissance).

79. Le samedi 9 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



46)
Pauline VIARDOT, Le dernier Sorcier
Trudie Styler (narratrice), Camille Zamora, Jamie Barton, Michael Slattery, Eric Owens, Myra Huang (piano), chez Bridge.


Si Cendrillon est désormais donnée de temps à autre par les petites compagnies en mal d'argent, voici un autre opéra de chambre (piano et voix) très divertissant de Pauline Viardot ! Un Sorcier et son auxiliaire, décatis par le temps qui a passé, mettent au défi les jeunes premiers.

Un témoignage réjouissant d'un autre opéra de Viardot (sur un livret de Tourguéniev !). Très correctement chanté, même si le français n'est pas un naturel confondant (mais pas difforme non plus… pour une interprétation américaine, cela se défend assez bien). Le petit manque tient surtout dans la suppression des dialogues (ce qui trahit toujours un peu le genre, et lèse à la fois l'équilibre et l'allant généraux), remplacé par une narratrice de bonne qualité, mais qui n'a pas la même saveur, surtout dans ce contexte facétieux.

80. Le samedi 9 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



47)
J.S. BACH, Concertos pour clavier
Les Muffatti, Bart Jacobs (Ramée)


En fait de concertos « pour orgue », il s'agit bien sûr des fameux concertos pour clavier (ordinairement joués pour clavecin, et quelquefois subvertis en concertos pour piano – Gould / Bernstein !).

N'étant pas un grand amateur de ces pièces, que je trouve (pardon) assez oppressantes (beaucoup de mélomanes parlent de force vitale chez Bach, chez moi c'est tout l'inverse, j'entends quelque chose de sinistre et désespérant dans ses couleurs harmoniques très spécifiques – l'usage des transitions par accords diminués ?), je les ai tentées dans cet habillage, et avec succès. L'orgue procure de l'ampleur, de la douceur aussi, aux angles et à la « méchanceté » de ton des originaux. Les unissons sont plus beaux également… Cela fonctionne bien mieux pour moi, et j'en sens davantage les beautés.

Mais ayant énoncé d'où je partais, je ne suis pas vraiment en mesure de conseiller qui que ce soit. Je puis en revanche témoigner de la qualité de la réalisation d'ensemble par des interprètes très assurés et engagés.

81. Le samedi 9 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



48)
Alberto NEPOMUCENO, Série Brasileira, Symphonie en sol mineur.
Orchestre Philharmonique du Minas Gerais, Fabio Mechetti (Naxos).


Une très belle surprise que cet album : on est frappé par la bonne qualité des œuvres (qui évoquent par endroit assez furieusement Schumann) et de l'orchestre (certes, région côtière et riche du Sudeste, mais sa réputation musicale n'est pas telle qu'on puisse s'attendre à un orchestre de cette très belle tenue). Tout cela fonctionne très bien, un romantisme qui n'a rien de retors, mais très bien écrit. J'y suis revenu plusieurs fois, justement pour son aspect sans façon, de la belle musique qui se contente d'être elle-même. Recommandé à tous ceux qui ont un peu fini d'explorer le fonds de répertoire des grands corpus les plus personnels, ou qui apprécient ce premier romantisme sans ombres excessives.

82. Le dimanche 10 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



49)
Julius RÖNTGEN, Intégrale pour piano vol. 4
Mark Anderson (Nimbus)


Röntgen avait déjà été distingué dans ces pages pour ses concertos pour violoncelle, assez dvořákiens… Mais ici, ce n'est plus un effet de décalque, plutôt un véritable choc !

Une véritable personnalité se dégage de l'ensemble : on sent que ce piano connaît les fulgurances physiques de Liszt (ou des Chopin les plus tempêtueux comme les Sonates), il est parent de l'écriture très pleine et enveloppante de Brahms… mais il fait cela avec une veine mélodique d'une immédiateté saisissante, qui m'a immédiatement évoqué… Schubert ! Non que cela ressemble aux mélodies de Schubert, mais cette simplicité extrême sise sur une véritable sophistication harmonique (et quelquefois contrapuntique, d'ailleurs) a quelque chose de très parent, dans la démarche même.

Dans ce volume (Impromptu, trois Ballades, une courte Sonate de 9', Variations & Fugue sur un thème de P.E. Hartmann) encore plus que dans les précédents (le 1 contient des Romances d'une fougue assez ébouriffante), je suis frappé par l'absence de pièces mineures, tout est remarquablement écrit et prégnant.

Il faut dire que l'interprétation de Mark Anderson m'a laissé pantois : les attaques sont d'une netteté et d'un moelleux rares, et bien qu'il y ait des couleurs, des échos de pédale, chaque ligne, jusque dans les juxtapositions d'accord ou les contrepoints compliqués, est impeccablement audible, le tout conduit par une véritable poussée permanente. Le pianiste aussi, que je découvre à cette occasion, constitue un grand choc.

Très grand disque de répertoire et de piano. Impromptu Ajouter à une playlist 04:18 2 Ballade No. 1 in D Minor, Op. 6 07:07 3 Ballade No. 2 in G Minor, Op. 22 07:56 4 Ballade No. 3 in E minor 07:11 5 Sonata in C Sharp Minor 08:55 6 Sérénade mélancholique 04:35 7 Variations and Fugue on a Theme of J.P.E. Hartmann, Op. 38 17:40 2019 | Nimbus Records

83. Le dimanche 10 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



50)
Robert SCHUMANN, les 3 Liederspiele
Anna Palimina, Marion Eckstein, Simon Bode, Matthias Hoffmann ; Ulrich Eisenlohr (Naxos).


Sortes de narrations miniatures articulées autour de lieder (allant jusqu'au quatuor), les Liederspiele constituent une particularité où Schumann excella et livra quelques pages hors du commun. Outre les quatuors, la sérénade espagnole où la soprane est soudain, à mi-parcours, rejointe par le ténor, constituent des moments de jovialité et de grâce rares.

Ils ne sont hélas pas très célèbres, donc peu donnés en concert (pour des raisons de coût évident) et, plus étrange, assez peu enregistrés. Cette version-ci, bien faite, bénéficie surtout de l'accompagnement toujours très engagé d'Ulrich Eisenlohr (architecte de l'intégrale Schubert chez Naxos). C'est une version très bien faite, sans voix particulièrement séduisantes, sans frémissement dramatique majeur, mais qui permet d'approcher très respectablement ces trois cycles.

Au disque, le choix prioritaire demeure la version accompagnée par Deutsch et Höll, chez Capriccio, mais il manque Minnespiel (certes le moins marquant des trois). Et je reste inconsolable de l'absence de publication de la tournée Röschmann-Kirchschlager-Bostridge-Quasthoff-Deutsch-Drake, qui répondait assez remarquablement à l'ensemble des exigences, comme on s'en doute…

Rien d'indispensable sur le plan de l'interprétation, donc, mais pour découvrir l'ensemble des cycles (ce qu'il faut absolument, absolument faire !), ce disque Naxos constitue un choix à la fois commode (complet), peu onéreux et très décemment interprété. Si Cendrillon est désormais donnée de temps à autre par les petites compagnies en mal d'argent, voici un autre opéra de chambre (piano et voix) très divertissant de Pauline Viardot ! Un Sorcier et son auxiliaire, décatis par le temps qui a passé, mettent au défi les jeunes premiers.

Un témoignage réjouissant d'un autre opéra de Viardot (sur un livret de Tourguéniev !). Très correctement chanté, même si le français n'est pas un naturel confondant (mais pas difforme non plus… pour une interprétation américaine, cela se défend assez bien). Le petit manque tient surtout dans la suppression des dialogues (ce qui trahit toujours un peu le genre, et lèse à la fois l'équilibre et l'allant généraux), remplacé par une narratrice de bonne qualité, mais qui n'a pas la même saveur, surtout dans ce contexte facétieux.

84. Le dimanche 10 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



51)
Alexandre TANSMAN, Intégrale pour piano
Giorgio Koukl (Grand Piano).


Koukl président ! Il avait déjà osé une intégrale Le Flem, une Kapralová (une tchèque tonale du XXe, très touchante), une Lutosławski, une Lourié (2 CDs), une Tchérépnine (8 CDs), une Martinů (7 CDs + 2 de concertos + 5 de mélodies…).

Et il confirme ici son flair pour les corpus négligés mais de premier intérêt : Tansman brasse ici énormément de langages du XXe siècle, pas seulement français, avec inventivité concentrée sur la musique plus que sur l'effet instrumental ou l'évocation pittoresque. Je ne suis ordinairement pas un défenseur trop intense de sa musique (belle, mais peu personnelle, une sorte de Ravel académique), mais ce panorama de piano révèle un musicien de grande qualité, pas forcément très original en effet, et cependant insensible à la superficialité, regorgeant de beautés sobres. Très hautement recommandé.

85. Le dimanche 10 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



52)
Fazıl SAY, « 1001 Nuits dans le harem »
Concerto pour violon (dont c'est le titre), Grand Bazar, Rhapsodie chinoise
Radio Autrichienne, Howard Griffiths (Sony)


J'admire vivement Say : l'improvisateur d'abord, vraiment capable d'élaborer autour d'une idée forte ; le pianiste ensuite, dont j'ai découvert l'impact récemment en salle dans le monumental « Saint-Saëns n°2 » (ce dont les disques rendent fort mal compte, le jeu y paraissant un peu lisse) ; enfin l'homme, dont j'admire le courage – lui interprète adulé, ayant les moyens de loger n'importe où, revenant pour affronter la justice de son pays, pour se poser en exemple de liberté d'expression, risquant la prison quand il est habitué aux hôtels de luxe.

Le compositeur n'est pas tout à fait à la même enseigne – et ce disque le confirme : l'idéologie (mélange des cultures) ou le sens du commerce (orientalisme par un « biculturel ») semblent prévaloir sur la nécessité musicale. De même que pour ses symphonies, tout cela est fort joli et agréable, ferait sans doute passer un bon moment en concert, mais sa nécessité, le besoin d'expression musicale qui l'a fait naître, l'utilité de le graver sur disque m'échappe tout à fait. Un bric-à-brac bien fait, dont je ne saisis pas bien le discours ni l'utilité (quand on se pose la question de l'utilité d'une musique, c'est en général mauvais signe).

Je ne puis donc en dire ni du bien ni du mal, simplement que, devant l'abondance de parutions (le concerto pour violon existe déjà au disque, en outre), je ne le recommanderais pas comme une écoute urgente.

86. Le dimanche 10 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



53)
Franz LISZT, Via Crucis
Collegium Vocale Gent, Reinbert De Leeuw (Alpha).


Le Chemin de Croix de Liszt figure parmi les œuvres chouchoutes de CSS ; un chapitre entier lui est consacré, et une discographie exhaustive est en préparation depuis les premiers jours de CSS (2005), sans cesse repoussée pour ajouter les très fréquents ajouts – il faut peu de monde pour en graver un, un chœur de chambre et un claviériste (piano ou orgue, prévoit la partition) suffisent. Par ailleurs, aussi bien pour les doigts que pour les glottes, le cycle ne présente absolument aucune difficulté technique. Sa nudité le rendrait insupportablement moche par des débutants, mais elle signifie aussi que n'importe quel ensemble professionnel, quel que soit son niveau, peut en triompher sans beaucoup de préparation.

Et au sommet de cette discographie trône… Reinbert De Leeuw. Sa version chez Philips (épuisée) prend le parti d'une lenteur extrême, d'un temps suspendu, et s'accorde très bien avec les timbres crus du Chœur de Chambre des Pays-Bas. Un concentré de poésie pure, de méditation transcendantale.

L'annonce d'une nouvelle parution, il y a deux ans, donnait l'espoir d'une réédition, mais c'était la version piano seul (la même chose sans le chant qui émerge çà et là, donc vraiment, vraiment nu, et moins d'enjeu « dramatique ») nouvellement enregistrée par lui pour Decca.

Et cette fois, une nouvelle version vocale chez Alpha, avec l'un des meilleurs chœurs sacrés du monde, le Collegium Vocale de Gand, probablement le plus grands atout de la carrière de Philippe Herreweghe.

Eh bien, la conjonction de ces deux poésies n'est pas parfaite pour moi. Il y a finalement trop de beauté paisible dans ce chœur pour ce sujet – j'aimais particulièrement les timbres nasillards des Néerlandais, qui paraissaient plus humains, moins éthérés, et qui campaient avec profit la foule stupéfiée, hargneuse, ou Pilate lâche, Jésus souffrant… Ici, l'enjeu disparaît derrière une beauté plus lisse. Le piano aussi, moins lent m'a-t-il semblé, moins nu, plus rond…
Une très belle version musicale, mais considérant qu'il y a somme toute assez peu de musique et beaucoup d'atmosphère dans cette œuvre, elle ne m'a pas du tout fait l'effet de mes chouchoutes – j'aime beaucoup aussi Fasolis, au contraire rapide, au clavier dur, beaucoup plus combatif. Dans les deux cas, l'évocation du Chemin de Croix semble primer sur la musique de Liszt, et c'est cela même qui sert l'œuvre.

(Évidemment, c'est une très très belle version, par des musiciens de premier plan, et je ne l'ai écoutée qu'une fois, je suis forcément passé à côté de choses… Mais le paradoxe plus beau / moins juste était intéressant à relever. Trouvez, absolument, cette version De Leeuw d'origine qui fait assez bien l'unanimité chez les amateurs du cycle !)

87. Le vendredi 22 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



54)
Schumann, Die Dichterliebe
Lieder sur les mêmes poèmes par Mendelssohn, Loewe, Liszt, (Robert) Franz, Wolf, Stefan Heucke, Grieg, Moussorgski, Ives
Samuel Hasselhorn (baryton), Boris Kusnezow (piano), chez GWK Records.


À peine issu du CNSM (où il a complété des études supérieures déjà prestigieuses en Allemagne), déjà couronné par le concours Reine Élisabeth, et voici un disque – chez un label très confidentiel, mais bien diffusé en numérique, ce qui est rarement le cas chez ces toutes petites maisons (et lui offre une visibilité bien supérieure). Ce n'est pas son premier à la vérité : il avait déjà proposé un programme Schubert-Pfitzner-Reimann chez Pindakaas dès… 2014 (il était alors loin d'avoir achevé ses études).

Samuel Hasselhorn est un cas très particulier : classé baryton mais doté de peu d'assise et d'un aigu manifestement facile (qui, s'il couvrait un peu plus, concentrait le son et abaissait davantage le larynx, pourrait vraisemblablement se muer en ténor sans trop de contorsions), il paraît fragile dans nombre de répertoires (où la voix est terne, pas vraiment timbrée), est trop peu projeté pour l'opéra (immédiatement concurrencé par l'orchestre)… mais qu'il ouvre la bouche dans le lied, et tout est dit. Une couleur naturelle, d'un dorure douce, comme irradiée d'une tendre lumière par en-dessous… et des mots immédiatement émouvants. Un des rares à avoir le potentiel de fascination pour entreprendre une carrière exclusive de chanteur de lied – je me demande si on peut réellement en vivre, même Goerne, Gerhaher et Bauer font au moins de l'oratorio romantique et quelques Wolfram (je ne vois pas Hasselhorn là-dedans à moins d'une réforme technique assez conséquente).

Ce disque, en plus de faire valoir ces qualités, fascine par l'intelligence de son programme. En écho à l'inévitable Dichterliebe (très beau, mais qui n'est pas encore à la hauteur des plus grandes lectures du cycle, ni du meilleur qu'il a lui-même produit (Schwanengesang suffocant), il propose la mise en musique des mêmes poèmes par d'autres collègues célèbres (Mendelssohn, Loewe, Liszt, Wolf) ou plus rares (Robert Franz, Stefan Heucke – vraiment prégnants ceux-là), voire par des étrangers (Grieg, Moussorgski, Ives), dressant tout un panorama des possibles musicaux du Lyrisches Intermezzo de Heine.

Je crois qu'interprétativement ce disque ne révèle pas la plénitude de l'inspiration de Samuel Hasselhorn, mais son format mérite à lui seul le découvert, passionnante découverte, qui a l'intelligence de proposer des poèmes déjà connus : cela permet aux auditeurs pressés ou peu à l'aise en allemand de suivre sans se plonger dans de nouveaux textes. (En plus de l'effet d'écho et de relecture passionnant. Évidemment.)

88. Le vendredi 22 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



55)
Beethoven, Symphonies 6 & 8
Wiener Symphoniker, Philippe Jordan (Erato)


Je ne gloserai pas sur l'audace de la parution d'une nouvelle intégrale Beethoven. Elle a l'intérêt de faire entendre le plus stimulant orchestre viennois (je trouve l'ÖRF un peu terne de timbre et le Philharmonique insupportablement lésineux, alors que le Symphonique a toujours bien claqué !). On y entends une lecture aux timbres très allégés, aux phrasés brefs et nets, très marquée par les allègements de spectre apportées par les versions sur instruments d'époque. Pas de recherche d'expériences extrêmes ici, mais une forme d'élégance suprême dans cette raréfaction d'effets, dans cette vivacité qui ne cherche pas les accents ou les couleurs pour eux-mêmes, et file avec grand naturel.

Il n'est plus guère possible de bouleverser une telle discographie, mais ce volume apporte une couleur réellement intéressante, où les trouvailles des ensembles informés ne servent pas le spectaculaire, mais au contraire une forme de pureté presque sèche. J'aime beaucoup, et cela vaut la peine d'être entendu. (Pour les franciliens, ils passeront à la Philharmonie la saison prochaine avec… des symphonies de Beethoven.)
Et, pour les détracteurs de Jordan (je n'en suis pas), cela ne ressemble pas du tout au moelleux ample qu'il met dans ses productions d'opéra à Paris.

89. Le vendredi 22 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



46)
Juan Crisóstomo de ARRIAGA, Symphonie en ré & cantate Herminie
Berit Norbakken Solset, BBC Philharmonic, Juanjo Mena (Chandos)


Arriaga a laissé la trace d'une splendide promesse ; mort à vingt ans de la tuberculose, il avait eu le temps d'éblouir Cherubini qui en fait son protégé à Paris. On pressent tout son potentiel dans l'opéra aux airs et scènes qu'il a écrits sur des extraits de livrets préexistants, regroupés dans un cahier d'« Essais » (Ensayos lírico-dramáticos), brûlant sans doute de faire ses preuves à la scène.

De fait, si ses quatuors continuent d'être joués (en particulier par les ensembles espagnols, le poétiquissime Cuarteto Quiroga fait partie de ceux qui les défendent très régulièrement – il seront en avril au Salon des Invalides avec un Arriaga dans leurs bagages), sa musique symphonique ne l'est plus, et l'écoute de ce disque aux tropismes Chandos évidents (l'orchestre sonne large et un peu flou, la réverbération masque le détail des attaques) n'aide pas cette musique dont les composantes classiques restent importantes. (Le disque Marriner avec le petit Orchestre de Cadaqués est plus adéquat pour la Symphonie et l'Ouverture des Esclaves heureux.)

L'air de Médée (sur un aménagement du livret de F.-B. Hoffman pour Cherubini) ne me paraît pas un vertigineux chef-d'œuvre (même s'il est tout à fait bien écrit). En revanche la véhémence d'un romantisme qui se découvre, dans la cantate Herminie, me bouleverse assez, et l'engagement plein de distinction de Berit Norbakken Solset, au très beau français, le sert à plein, malgré le son d'orchestre un peu large. On est immergé dans ce récit affûté comme du Gluck, mais avec tous les moyens du romantisme moderne, et une superbe veine mélodique. Si l'on est amateur du grand récitatif dramatique du premier romantisme, il s'agit là d'une de ses grandes gemmes.

90. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



47)
César FRANCK, Pièces pour piano + Quintette
Michel Dalberto, Novus SQ (Aparté).


Difficile d'émettre une opinion un minimum fondée sur une écoute de Franck sans la partition sous les yeux, me concernant, tant ses beautés sont largement formelles. À l'oreille, je retrouve les caractéristiques de Dalberto, avec ses très belles attaques individualisées et rondes, mais aussi un sens limité du discours, un phrasé que je ne trouve pas particulièrement éloquent… Autant dans Bach ou Chopin je me sens prêt à dire qu'il y a mieux, autant dans Franck je ne peux pas décemment affirmer quelque chose sans une écoute plus approfondie (que je n'ai pas été assez intéressé pour faire, pour l'heure).

Couplé avec le Quintette (pas eu envie de l'écouter, vu plusieurs fois récemment en salle), le Quatuor Novus m'avait énormément impressionné dans son Schubert 14, mentionné ici justement, en #11. Ce doit donc être très bien.

91. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



48)
César FRANCK, Œuvres pour piano
Michael Korstick (CPO).


Déjà illustré par de nombreux et beaux Koechlin (pour Hänssler), Korstick propose ici, outre les deux grandes pièces Prélude, Choral & Fugue et Prélude, Aria & Final, une transcription très réussie de la Sonate violon-piano pour piano solo, due à Alfred Cortot. On y évite l'opposition mélodie / accompagnement, très marquée dans l'original (même si l'accompagnement en question est fort riche), au profit d'une œuvre-monde, foisonnante et beaucoup plus intégrée – j'aime davantage, clairement, la transcription.

Je n'ai mentionné précédemment le disque Dalberto, que je n'ai fait que survoler, pour documenter le contraste avec la lecture de Korstick : les attaques sont comme toujours un peu cassantes dans la mélodie, et la pédale est assez généreuse, mais la conduite du discours tient en haleine, et les grandes apothéoses parviennent, à la seule force du clavier, à édifier des cathédrales sonores assez grisantes. Je ne suis pas sûr que ce soit bien ou subtil, mais c'est immédiatement accessible, séduisant, éloquent – ce qui, dans la musique de Franck, n'est pas une mince affaire.

92. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



49)
Verdi, Requiem
Stoyanova, Prudenskaya, Castronovo, Zeppenfeld ; Dresde, Thielemann (Hänssler).


Le résultat est assez exactement conforme à ce qu'on pourrait se figurer : Thielemann épais et pas très vivant, solistes superlatifs, idéaux, complètement possédés par leur partie et disposant d'instruments hors du commun – même Castronovo, plus modeste dans l'absolu, a toujours un côté incroyablement phonogénique.

Petite déception du côté du chœur, un peu haché, très germanique (alors qu'il peut être superbe dans cette œuvre – ils avaient commis une très belle interprétation avec Gatti, il y a une quinzaine d'années). Donc dans l'ensemble une version à écouter pour se repaître de solistes hors du commun ; moins pour la réalisation d'ensemble, Thielemann ne favorisant pour cette fois vraiment pas le sens du détail (qu'il sait très bien exploiter) ni la force de la poussée (qui lui est moins naturelle).

93. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



50)
Othmar SCHOECK, Das Schloß Dürande
Sophie Gordeladze, Uwe Stickert, Robin Adams, Andries Cloete… ; Symphonique de Berne, Mario Venzago (Claves)


Premier enregistrement intégral (il n'existait que des extraits, par Cebotari et Anders) de ce qui est possiblement la plus grande œuvre de Schoeck : plus proche de Venus que de Penthesilea, un postromantisme un peu décadent qui chatoie de tout côtés, avec une générosité orchestrale, verbale, dramatique qui ne le cède jamais à la vulgarité ou à la complaisance (très peu richardstraussien de ce point de vue : tout le temps mélodique avec pudeur, jamais dans le parlando abstrait ni le lyrisme sirupeux), et davantage de variété de coloris et de textures, d'atmosphères, que dans Venus. Un chef-d'œuvre assez absolu, témoignage, versant lumineux, de ce que l'art germanique pouvait alors produire de plus élevé sur une scène de théâtre et dans une fosse d'orchestre. Que d'harmonies irisées, d'effets d'orchestration (piano très présent), d'élans en tout genre se bousculent dans cet assez long opéra (en 3 CDs) qui semble contenir assez de musique pour quatre ouvrages lyriques !
Bref, un chef-d'œuvre.

L'excellence et l'engagement de Berne et de Venzago ne sont pas une surprise, en revanche la qualité de l'équipe vocale (pourtant de faible notoriété internationale) surprend et épate : des voix bien faites, amples mais assez claires, ni des colibris ni des dramatiques tubés, un plateau idéal dont la vastitude des moyens impressionne.

Autrement dit, le disque de la décennie, vraiment.

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Il y a cependant un mais, sinon tout aurait été trop beau. L'opéra ayant été créé en 1943 à Berlin (ce qui fut reproché à Schoeck en Suisse avant même la fin de la guerre), l'équipe artistique a trouvé insupportable de remonter ce livret – il faut lire la notice, un délire assez invraisemblable où il est expliqué que le texte est de toute évidence nazi car il y a beaucoup de points d'exclamation. (Je vous promets que je n'invente rien !) Si bien que le livret a été récrit en changeant l'intrigue et en réintroduisant des extraits d'Eichendorff (pourquoi pas…), pour éviter toute connotation possible – tout cela est mélangé à des considérations selon lesquelles le livret d'origine était de toute façon mauvais et que le résultat est sans contredit meilleur, tellement plus respectueux de la musique de Schoeck, etc.

N'ayant pu lire le livret original en intégralité et n'étant pas spécialiste de la vie de Schoeck et de son librettiste, je ne peux attester avec certitude de l'injustice du soupçon ; ce qui est sûr en tout cas, c'est que la justification apportée est assez peu convaincante (pensez donc, le mot Heimat dans un texte allemand, avec des points d'exclamation en sus) et surtout incohérente (pourquoi y mêler des considérations d'ordre littéraire). Par ailleurs, fût-ce nazi (possiblement dans les représentations, mais je doute que l'opéra qui en Provence sous la Révolution française fasse la promotion de pogroms), j'écoute aussi de l'opéra pour entendre un objet qui témoigne de son temps… je suis prêt à accepter que ce ne soit pas bon, ou que ce soit éloigné de mes standards moraux.
(J'ai prévu de présenter plus précisément l'œuvre, ses amendements et sa notice farfelue dans une notule dédiée, je publierai alors des extraits de l'étonnante note d'intention.)

En somme, autant la reconstruction ne m'est pas antipathique (et le livret d'arrivée, disponible en intégralité dans la notice, n'est pas mauvais, j'en conviens), autant le principe de priver l'auditeur de connaître la réalité d'une œuvre inédite m'agace assez, surtout sous le prétexte que moi, citoyen débonnaire, je serais suspect d'être influencé par un livret d'opéra pour ensuite aller tuer des fils d'Israël ?

J'ai conscience que c'était le prix à payer pour que ces représentations aient lieu, que ce disque soit publié (on en est loin avec La Légende de saint Christophe de d'Indy…), et je me félicite donc, à nouveau, de l'intérêt incommensurable de cette publication – la perplexité un peu scandalisée qui m'envahit en lisant la notice ne peut éclipser la recommandation de découvrir, impérativement, cette merveille, cette révélation éblouissante.

94. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



51)
Rousseau, Le Devin du village
Mutel, Dubois, Caton ; Les Nouveaux Caractères, d'Hérin (Château de Versailles Spectacles).


Pourquoi un nouvel enregistrement de cette œuvre importante dans l'histoire musicale française (pas tant pour son influence, très limitée, que parce qu'elle illustre les positions idéologiques – dévoyées et aberrantes, certes – de Rousseau sur le renouvellement de l'esthétique lyrique en France) ? Après tout, on en disposait au moins d'un ancien avec des chanteurs français (Louis de Froment, avec Micheau, Gedda, Roux), d'un plus récent (en 2007, chez CPO), très décents. Et l'œuvre, gentille, n'est pas des plus nourrissantes au disque seul.

Je crois qu'il faut y voir un coup d'envoi de la marque Château de Versailles Spectacles (CVS), devenue label discographique et vidéographique. J'avais râlé, les premiers temps, contre la disparition des concerts exploratoires lorsque les concerts du Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) ont été repris par CVS, parfois pour les remplacer par des Da Ponte, voire des ballets de Preljocaj ; mais après un temps d'accommodation, il faut bien reconnaître que la force de frappe (financée en partie par le succès des Grandes Eaux, comme le souligne la Cour des Comptes) s'est considérablement accrue (beaucoup plus de spectacles, en nombre ; également de plus en plus de productions scéniques qui étaient l'exception), et que les raretés du baroque français et du XVIIe italien, si elles ne sont plus liées aux années thématiques, continuent d'y trouver refuge.

Ce label a de surcroît un fort potentiel, considérant le prestige de la marque, et permet de tout traiter en interne (certaines activités artistiques, comme la prise de photos, sont assurées par des salariés de la maison déjà en poste), ce qui laisse beaucoup plus de flexibilité pour publier, et potentiellement vendre – outre le public qui achète un souvenir du concert, comment résister au rêve d'une représentation à Versailles, avec le petit logo soleil dessus ?

C'est alors que cette publication prend tout son sens : un opéra emblématique de l'histoire française, par un nom dont le prestige est proprement universel (et très au delà de la musique), issu d'une soirée de prestige dans le petit théâtre de Marie-Antoinette au Trianon (tarif unique : 348€, champagne compris), voilà qui fait rêver. Je suis aussi assez satisfait de la démarche, parce que je trouvais triste de limiter cette production (la première par de très grands spécialistes du baroque français) au seul usage des comités d'entreprise et touristes fortunés, laissant à la porte tous les amateurs et curieux. Ce disque vient réparer cela, en trouvant un point d'équilibre entre le financement de CVS par des soirées de prestige dans la Galerie des Glaces ou sous forme de bal costumé, et la collaboration avec le CMBV pour la documentation du répertoire patrimonial de la Cour de France.

Même si une nouvelle version du Devin ne me paraissait pas indispensable, je trouve donc très positive l'initiative de mettre à disposition la bande de ce spectacle (il faut le voir sous l'angle des spectacles dont dispose la maison dans l'année écoulée, et pas de la discographie générale).

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Le résultat ? Ce n'est pas le meilleur disque des Nouveaux Caractères (ça, ce sont Les Surprises de l'Amour), pas au maximum de leurs couleurs et de leur mordant, dans une œuvre qui ne flatte de toute façon rien de tout cela. Toujours la même difficulté avec Caroline Mutel (dans tous les disques puisqu'elle co-dirige artistiquement l'ensemble) : c'est une bonne actrice et une chanteuse très estimable, mais une émission aussi vaporeuse et une diction aussi floue dans ce répertoire, cela me pose vraiment une difficulté, comme un contre-sens de principe. Cyrille Dubois, malgré l'étroitesse du rôle, rayonne comme à son habitude, franc, net, articulé, juvénile sans mièvrerie ; la grande force du disque.

Cela reste, à ce jour, la meilleure version (et tout à fait suffisante) du Devin ; les limites étant plutôt liées à la portée limitée de l'œuvre elle-même – dans le genre simili-italien, les Troqueurs ont une autre saveur !

95. Le samedi 30 mars 2019 à , par DavidLeMarrec



52)
Elgar : In the South, Serenade pour cordes, Enigma Variations.
Liverpool Royal Philharmonic, Vasily Petrenko (Onyx).


Vécu de récentes très belles expériences avec Elgar : les Enigma en concert par des membres des conservatoires supérieurs de Paris et Manchester, dans la salle historique de l'antique Conservatoire où furent créées les symphonies de Beethoven et la Fantastique ; les symphonies incroyablement aérées et colorées par le Philharmonique (Royal lui aussi) de Stockholm et Oramo ; la Première Symphonie en concert par Norrington, sans vibrato, tellement nette et souverainement bâtie.
L'envie, donc, de poursuivre sur cette lancée en essayant V. Petrenko avec son orchestre de Liverpool rénové.

Ce n'est pas tout à fait le même degré d'émerveillement, malgré la réussite d'ensemble. Un Elgar très transparent, très doux, jamais pâteux ni emphatique, qui souffre aussi de cela : peu de couleurs (translucide, vraiment), peu de tension ni d'éclats lyriques. Un Elgar élégant, mais dans une veine un peu plus musique-de-fond que grande-musique-de-concert, disons.

Cela réussit très bien à la Serenade, non dénuée de grâce ; beaucoup moins dans les élans d'In the South. Un beau disque dépaysant, donc, mais qui ne résout pas tous les enjeux de la difficile interprétation d'Elgar – qu'il faut en quelque sorte à la fois seconder et contourner. Petrenko fait très bien le second, moins le premier.

96. Le lundi 8 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



Manière de gagner du temps, une brassée de disques que j'ai écoutés et appréciés, sans qu'ils me paraissent nécessairement prioritaires à essayer ou acquérir… manière de laisser de la place aux rencontres plus singulières (que je voudrais réécouter ou prendre le temps de mieux commenter).

53) Mahler par Maazel, Radio Bavaroise (réédition)
54) Lekeu chez Brilliant
55) Haydn par le Jubilee SQ
56) Ben-Haim, Œuvres pour violon
57) Frescobaldi par Rousset
58) Brahms 3 & 4 par Paavo Järvi et la Chambre de Brême
59) Peretyatko dans des airs de Mozart, Traetta, Martín y Soler, Paisiello

Autant j'avais adoré la générosité décadente des symphonies de Paul Ben-Haim, autant ce volume consacré à l'œuvre pour violon m'a paru d'un romantisme moins profusif. À réécouter néanmoins, j'ai pu passer à côté, considérant le potentiel du compositeur.

Une lecture solide de Bruckner, claire, bien faite. Mais dans le large choix, il existe plus charismatique. Pour Lekeu, il existe déjà beaucoup de choix de haute volée (et ici les timbres sont un peu acides). Un peu la même chose pour Frescobaldi par Rousset : c'est très bien, mais la discographie permet déjà de s'abreuver à d'autres sources qui entrent plus profondément en résonance, chez moi, avec le ton de cette musique (purement subjectif évidemment).

Pour Järvi, c'est même une petite déception : alors que ce chef bâtit comme personne les transitions et qu'il joue ici avec un orchestre en formation réduite qui peut claquer très joliment, le résultat est peu lisse (terni aussi par la prise de son toujours un peu opaque de RCA), peu de contrastes, de creusé, d'accents, en tout cas dans le résultat tel qu'on peut le percevoir sur le disque. Sans lui reprocher quoi que ce soit, ça me paraît peu prioritaire dans une discographie aussi déraisonnablement étendue. (C'était pareil pour la 2 parue à l'automne, mais encore plus patent ici.)

Enfin Peretyatko : belle initiative de mettre à l'honneur des airs rares (que je n'ai pas, il est vrai, trouvés bouleversants, mais des airs dépareillés ? surtout de cette période, forcément plus homogène qu'à la fin du XIXe ou au XXe…). En revanche la voix s'est élargie et a perdu en focale, en netteté, en agilité : ce n'est plus très confortable pour du Mozart. Là aussi, c'est agréable, mais devant l'avalanche de parutions, je me contente de signaler que je l'ai écouté.

97. Le mardi 9 avril 2019 à , par DavidLeMarrec

Zut, j'ai été interrompu par une urgence et je n'ai plus le temps de poster à présent, peut-être pour plusieurs jours, la suite (avec de réels enthousiasmes très chaleureux – Schubert par le Quartetto di Cremona, une cantate ébouriffante de Gade…).

Du coup ça se limite à un superficiel survol en forme de robinet d'eau tiède, c'est un peu la misère… (pardon)

98. Le mardi 9 avril 2019 à , par Benedictus

De Ben-Haïm, je n'ai dû entendre qu'un concerto pour violon (plutôt du genre sirupeux, dans mon souvenir); tu pourrais en dire plus (quand tu auras le temps) au sujet de la «générosité décadente» de ses symphonies?

(Bien sûr, tu es tout pardonné - mais toujours pas de Casella?)

99. Le mercredi 10 avril 2019 à , par DavidLeMarrec

^^ Méchant garçon.

Il me semblait avoir parlé de la Deuxième de Ben-Haim quelque part (carnet d'écoutes ? Classik ?). Un langage assez syncrétique où passent pas mal de beautés rétrospectives, dans un langage qui reste postromantique par sa qualité mélodique mais porte en lui quelque chose de la mélancolie et de désirs de modernité de Weill, disons. Je l'ai beaucoup écoutée, j'ai trouvé ça vraiment suffocant de beauté, et personnel à défaut d'être en quoi que ce soit de l'avant-garde.

Je suppose que ça devrait plutôt te plaire. (Davantage que la Herbstsymphonie que j'ai réécoutée dans la même version et qui m'a moins convaincu que toi, cette fois !)

100. Le mercredi 10 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



60)
Rameau, Les Indes Galantes
Watson, Santon, Gens, Mechelen, Bou, Dolié, Vashegyi


Parution de nouvelles Indes Galantes, sans entrée des Fleurs (et par conséquent sans le merveilleux quatuor « Tendre amour »). L'intérêt est tout de même attiré par la distribution (Gens délicate, Bou toujours aussi ardent), mais la réalisation orchestrale et le reste de l'entourage n'ont pas tout à fait le même éclat. Quitte à écouter l'œuvre pour moi qui ne goûte pas particulièrement le style galant de l'opéra ballet et ses absences d'intrigue, je trouve bien mieux mon compte dans la sévérité de Reyne, qui met en valeur le récitatif et la langue brute.

J'enrage de ne pas parvenir à caractériser plutôt la position esthétique de Vashegyi (comme je pourrais parler de la sécheresse pleine de délicatesses de Christie, de la nudité sévère propice au verbe chez Reyne…) ; mais je peine honnêtement à la ressentir. Alors que son feu, sa probité, sa mobilité toujours tournée vers l'avant font merveille dans la tragédie en musique postclassique de Méhul !

Je crois aussi que, par rapport à des périodes antérieures, les chanteurs récurrents des productions d'opéra baroque sont beaucoup moins à mon goût que du temps où on avait Poulenard-Laurens-Crook ou Révidat-Staskiewicz-Auvity. Watson-Santon-Mechelen ne me fait, je dois l'avouer, pas du tout le même effet, si dans le timbre, ni dans le verbe, et quoique ce soient des artistes très bien rompus à ce répertoire. Comme ils sont de tous les disques, difficile de leur échapper si l'on veut découvrir au moins les nouveautés de répertoire.
C'est pourquoi j'espère que la prochaine génération incluera Cécile Madelin et Eugénie Lefebvre en vedettes… La seconde a déjà tout à fait ses entrées (récemment plusieurs rôles importants dans Issé de Destouches, à Versailles !), ne reste plus qu'à lui confier tous les premiers rôles. La seconde finit à peine ses études, il faut bondir dessus avant qu'elle n'aille s'enterrer et s'abîmer dans un chœur pour chanter des brigands de Verdi.

101. Le vendredi 12 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



61)
MAYR, I Cherusci
Markus Schäfer, Chœur Mayr, Concerto de Bassus, Franz Hauk. (Naxos)


[Prononcez « Kérouchi ».]

Parution très intéressante : de Mayr, on dispose surtout de méchantes gravures (chez Dynamic notamment) avec des orchestres médiocres et hors de propos (tout en cordes épaisses, lisses, molles, soulignant le peu de matière harmonique d'une musique qui ne peut pas se jouer sur le même ton que La Nuit Transfigurée), d'opéras particulièrement hiératiques (Medea in Corinto n'est vraiment pas un modèle de mobilité musicale), dont j'ai jusqu'ici peiné à trouver les richesses.

I Cherusci change tout à fait cette perception, à plusieurs titres.

1) L'œuvre est enfin interprétée dans un style adéquat, par le président de la Société des Amis de Mayr, Franz Hauk. L'orchestre sert son propos d'accompagnement et seconde la vie du texte et des situations au lieu de tout encombrer d'une pâte collante.

2) Musicalement, on est clairement très au-dessus des autres Mayr que j'ai pu écouter jusque là : une quantité d'ensembles assez animés, écrits comme du bon opéra bouffe du temps (on peut songer au Barbier de Paisiello ou aux premiers Rossini comiques).

3) C'est la troisième surprise : en survolant d'abord l'opéra sans livret (m'attendant à trouver la musique trop pauvre pour avoir envie de m'y plonger plus avant), j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'un opéra bouffe aux quiproquos virevoltants, très bien écrit. Pourtant il s'agit d'une intrigue tout à fait -type du vrai seria : une histoire d'esclave inconnue dans une cour royale, de sacrifice qui permet une reconnaissance à la croix de ma mère… Petite touche d'originalité supplémentaire, cela se déroule chez les Chérusques, peuple germanique de l'Antiquité (du côté du moyen-Elbe) connu pour sa résistance aux Romains. Cette mobilité des formats et des ensembles est fort rare dans le genre sérieux italien avant Verdi, et fait tout le prix de cette parution.

Musicalement, sans être du grand Mozart, le beau naturel mélodique et la fluidité des ensembles, en plus de son caractère documentaire (période intermédiaire mal représentée) et de ses spécificités étonnantes, rendent l'œuvre bien plus intéressante qu'une majorité de Martín y Soler, Galuppi, Haydn ou Piccinni. Indispensable pour quiconque s'intéresse à ce genre / cette période.

102. Le vendredi 12 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



62)
Bohuslav MARTINŮ, Sonates violoncelle-piano
Petr Nouzovský (violoncelle), Gérard Wyss (piano), chez ArcoDiva.


La musique de chambre de Martinů ne m'enthousiasme pas toujours – entre les poussées néoclassiques et le contrepoint parfois en mode automatique façon Milhaud, on trouve beaucoup de belles choses, mais pas toujours les chefs-d'œuvre qui correspondent à son potentiel véritable.

Hé bien, ses sonates pour violoncelle et piano sont exactement cela : son potentiel véritable. Trois sonates : H.277, H.286, H.340, qui partagent le même mérite, combiner un élan irrépressible (comme cette énergie vitale lorsque apparaissent les modes lumineux des finals de Koechlin, les chants de marin de Cras ou Le Flem…) avec une expression musicale d'une grande densité – on se situe dans un univers assez voisin des folles Sonates violon-piano de Roussel. À la fois lyrique mais toujours surprenant, complexe mais avenant, ce corpus puise à toutes les sources du bonheur.

Le label ArcoDiva, spécialiste des merveilles tchèques (qui a déjà commis de fort beaux Martinů, comme Jour de Bonté) parachève notre griserie en proposant, dans une prise de son très franche quoique confortable, une interprétation de toute première classe : le violoncelle de Nouzovský est à la fois charnu, rugueux, profond, et d'une éloquence remarquable, dans une discographie pourtant déjà assez fournie (Starker, Isserlis, Benda, Zappa, etc.)…

Le violoncelle, instrument valorisant aux personnalités multiples, qui laissait parfois les compositeurs un peu trop en confiance et en confort, inspirait décidément Martinů au plus haut degré – ses concertos, et en particulier le premier, sont aussi des merveilles à placer au sommet du vaste répertoire de l'instrument.

103. Le dimanche 14 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



63)
Mozart, Quatuor n°14 – Transcription anonyme de Die Zauberflöte
Quatuor Zaïde (NoMadMusic)


Quatuor émérite (récompensé par le concours Évian-Bordeaux par lequel passèrent les Keller, les Takács, les Pražák…), les Zaïde proposent ici une transcription des principaux numéros (il y en a vraiment beaucoup d'inclus) de la Flûte Enchantée, d'une main anonyme mais réalisée, nous précise-t-elles, dans un style instrumental très proche des propres quatuors de Mozart.

Le résultat, à cause de la matière même de l'opéra, n'est pas aussi vertigineux que la transcription intégrale de Don Giovanni (par les Franz Josef) ou du Requiem (par les Debussy), mais demeure absolument délicieux et se réécoute avec grand plaisir. Ces mutations font toujours entendre autrement la musique, l'épurent de ses forces et faiblesses dramatiques, des biais introduits par le timbre humain, et propulsent l'écriture musicale au premier plan. Je crois que c'est la première fois qu'une telle transcription pour quatuor (contrairement à celles pour vents de Triebensee et Tarkmann, très souvent enregistrées) est gravée sur disque. Et c'est un excellent choix, original et satisfaisant pour tous publics.

En couplage, mon quatuor-chouchou de tout Mozart, le n°14 en sol majeur (avec ses fusées jubilatoires dans le final), dans une des plus belles interprétations, limpide et lumineuse, de la discographie.

104. Le dimanche 14 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



64)
Schubert, Quatuor n°14 & Quintette à cordes
Quartetto di Cremona, Eckart Runge (Audite).


Après une intégrale Beethoven vertigineuse (quel sens du clair-obscur !), parmi la petite dizaine des plus originales et nourrissantes, voici un disque qui promettait beaucoup.

On y retrouve le même tissu moiré (instruments modernes montés en boyaux, j'ai l'impression, le son est très chaleureux), un sens des attaques, une capacité à tenir le récit qui parviennent encore, dans cette discographie saturée, à l'en distinguer. Le son est splendide, la construction au cordeau, les phrasés toujours animés sans négliger la poésie… La Jeune Fille & la Mort vaut pour son articulation, tandis que le Quintette parvient à des moments de poésie étale mais jamais immobile.

Une fois de plus, dans un corpus où l'on croyait que plus rien ne pouvait arriver, le Quartetto di Cremona propose du nouveau ; pas par pléthore d'effet, mais en imposant sa propre idiosyncrasie… et le résultat se place sur les sommets, dans les compagnies les plus illustres (je dirais Haas, Chilingirian, Brentano, Taneyev pour le Quintette ; Jerusalem, Ehnes, Berg, Leipziger, Debussy, Novus, Atrium, Artemis, Voce, Tokyo, Lindsay pour le Quatuor).

105. Le dimanche 14 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



65)
Chopin, Concertos 1 & 2 (transcrits pour sextuor piano-cordes)
David Lively (piano), Quatuor Cambini, Thomas de Pierrefeu (contrebasse), chez Aparté.


Depuis une vingtaine d'années ont fleuri (en particulier au concert pour des raisons économiques, mais également au disque) les versions réduites pour piano & quatuor à cordes des concertos de Chopin, qui, considérant la quantité assez chiche d'informations contenues dans la partition d'orchestre, ne font rien perdre, mais n'apportent pas non plus grand'chose – c'est un peu gâcher le talent des quartettistes.

Cet enregistrement constitue à ce titre une double nouveauté : nouvelle transcription, et entièrement sur instruments d'époque.

Sur instruments d'époque : David Lively (dont on nous explique que, par élèves successifs, il est l'héritier de Chopin) joue un Érard de 1836 et les cordistes des instruments italiens (sauf la contrebasse, hongroise) montés en boyaux et fabriqués entre 1839 et 1881.
Cela procure évidemment un nouvel équilibre, où le piano est beaucoup plus intégré au tissu général.

Une nouvelle transcription : le frontispice de la première édition indique « pour accompagnement quintuor ad libitum », ce dont s'est inspiré David Lively pour sa transcription. Elle a la particularité d'inclure le piano dans les parties d'orchestre. On y perd, bien sûr, le caractère spectaculaire des entrées, souvent très soignées, du soliste ; mais on y gagne une complexité de reliefs et de parfums, dans ces parties qui sonnent encore plus indigentes en version réduite. Elles m'ont paru très abouties.

En termes de jeu soliste proprement dit, entre les limites intrinsèques d'un tel instrument (médium très exposé, pas de possibilité de faire résonner les graves ni tinter les aigus, beaucoup moins d'amplitude dynamique) et la personnalité de David Lively, il ne faut pas attendre une nouveauté particulière dans la belle réalisation bien intégrée des traits écrits ; la plus-value se situe autour du spectre sonore, des équilibres nouveaux, de la chaleur particulière qui s'en dégage.

En cela, il ne faut probablement pas l'écouter comme un concerto pour piano mais comme une pièce chambriste (un peu déséquilibrée, certes), et le pari est grandement réussie, le premier enregistrement chambriste des Chopin qui me paraisse réellement apporter quelque chose et appeler la réécoute (ce qui est déjà fait).

106. Le dimanche 14 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



66)
Trios : Tchaïkovski, Dvořák n°3
Renaud Capuçon, Kian Soltani, Lahav Shani (Erato)


Après avoir adoré, vraiment, la noirceur et la décantation des intégrales chambristes Brahms et Fauré sous l'égide des frères Capuçon (et du Quatuor Ébène), captés chez Virgin Classics (désormais fusionné dans le grand pot Warner et publié sous étiquette Erato), j'abordais confiant ce disque.

Il ne reste que Renaud Capuçon de l'équipe, et je n'y ai pas trouvé la même intensité. Le Tchaïkovski, dans la discographie surabondante, est loin des plus animés et colorés ; le Dvořák, m'a paru beaucoup plus habité, avec une netteté d'attaque, des reflets sombres et un rebond beaucoup plus probants. Évidemment, il faudrait laisser mûrir ma propre écoute (unique) en m'y replongeant, mais en me précipitant sur la sucrerie d'un nouveau Tchaïkovski prometteur, je n'ai pas tout à fait eu ce que j'espérais. Le Dvořák m'en a, certes, grandement consolé !

107. Le dimanche 14 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



67)
John ADAMS, Roll Over Beethoven
Joseph Havlat & Philip Moore, du LSO Percussion Ensemble (LSO Live).


Vingt minutes pour deux pianos, qui reprennent des cellules empruntées aux quatuors beethoveniens, en les fragmentant, les réassociant, quelquefois dans des rythmes décalés. Cela fonctionne assez bien : on perçoit la naïveté relative du langage de Beethoven, tout en expérimentant des réagencements qui font parfois penser à de la jolie pop, d'autres fois aux Études de Ligeti.

Ce n'est pas extrêmement nourrissant (étrange d'avoir publié ça sous la forme d'une parution isolée, qui ne remplit pas l'équivalent d'un disque), mais très agréable.

108. Le samedi 20 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



68)
Richard STRAUSS : Also sprach Zarathustra, Ein Heldenleben
Philharmonique d'Oslo, Vasily Petrenko (Lawo Classics)
(parution 19 avril 2019).


Vasily Petrenko continue de graver son fonds de répertoire avec ses orchestres habituels, à commencer par Liverpool et Oslo.

Je n'ai écouté que Heldenleben (mon temps est trop précieux pour me forcer à écouter Zarathustra, désolé), qui flatte à peu près tous les points forts de Petrenko : sa capacité à envelopper ces grandes fresques dans un lyrisme constant (pas la fiole d'érable qui dégouline sur les grandes mélodies, mais vraiment un élan constant, une poussée de sève qui irrigue organiquement toute l'œuvre), la qualité de ses équilibres entre pupitre permettent de profiter de tous les aspects de l'expérience, aussi bien l'ivresse de la grande machine que le luxe de détails dont Strauss nous gratifie – on ne peut bien sûr pas tout entendre au disque, ni même au concert d'ailleurs, mais il s'attache à rendre ces détails aussi présents que possible.

À cela s'ajoute un caractère plus personnel et assez étonnant : le son. On est d'emblée saisi par le caractère très russe des cordes (d'une densité particulière, comme vibrées de l'intérieur), tout en conservant la transparence légèrement acide des vents nordiques… Très original pour jouer ce type de répertoire, et en ce qui me concerne assez idéal, l'emphase et la clarté tout à la fois. En plus d'être une grande version, sans baisse de tension comme souvent dans cet étrange masse profusive, elle est assez différente de celles que vous avez pu entendre jusqu'ici.

109. Le samedi 20 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



69)
Mendelssohn : Symphonie n°1, Concerto pour piano n°2, Ouverture Mélusine
Bezuidenhout, Freiburger Barockorchester, Heras-Casado (Harmonia Mundi)
(parution le 19 avril 2019)


Après le choc considérable des symphonies 3 & 4, complètement remises en perspective avec un grain, des couleurs, des équilibres, des atmosphères, même une pensée formelle différents, j'avais été un peu moins convaincu par la très belle Cinquième, qui ne bouleversait pas autant les habitudes. Pour cette Première, je m'avoue même un brin frustré : j'y entends moins de couleurs, et les phrasés très verticaux, très brefs, m'évoquent plutôt les premiers Beethoven d'Harnoncourt avec le Chamber Orchestre of Europe, avec un phrasé par mesure, dans une symphonie qui appelle pourtant l'élan et la continuité, la fièvre horizontale.

C'est très bien, évidemment, mais des tradis comme Weller ou Ashkenazy, pourtant pas les pionniers de l'exploration musicologique, touchent à mon sens avec beaucoup plus de justesse la logique (très harmonique en réalité, des progressions tendues par des absences de résolution) des formes de cette symphonie. Pas indispensable.

J'ai bien davantage aimé le concerto, qui là non plus ne bouleverse rien (même le piano de Bezuidenhout sonne assez familier, assez grand piano de concert), mais Heras-Casado y fait preuve d'un remarquable soin dans les accompagnements, les moirures d'orchestre qui soutiennent modestement ces grands traits d'instrument.

110. Le samedi 20 avril 2019 à , par DavidLeMarrec

(Je me demande si les graphistes sont payés, ou si c'est juste le cousin du label manager qui lui fait des montages de petites fleurs pour les disques de musique romantique…)

111. Le dimanche 21 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



70)
Beethoven, Quatuors n°3 & n°14 ; Hillborg, Kongsgaard Variations
Quatuor Calder (PentaTone).

Parution le 19 avril 2019.

La pochette peut de prime abord paraître assez terne (des sapins parce qu'il y a un compositeur suédois très international et urbain ?), mais pas si mal vu lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un tableau intitulé Fugue, du compositeur Čiurlionis, pour illustrer un album consacré notamment à l'un des derniers quatuors de Beethoven.

C'est surtout, vous vous en doutez, la présence du compositeur Hillborg qui attire l'attention. Ce n'est pas un inédit, l'œuvre fut créée par les Pražák et enregistrée par les Stenhammar (dans un album consacré aux contemporains suédois), mais une rareté dont la consonance, chez ce compositeur certes parfaitement syncrétique (entre les nappes postligetiennes du chœur a cappella Muoaiyoum et la citation d'È lucevan le stelle dans son concerto pour clarinette, le spectre est large et souvent mêlé), surprend, réellement tonal, avec des fonctions harmoniques audibles – et en sus, une lumière rare dans des écritures enrichies (le jeune Schönberg ou bien Szymanowski ne sonnent pas de cette façon radieuse). On pense beaucoup aux Américains : les harmonies d'Appalachian Spring de Copland, l'élan radieux des symphonies de David Diamond.
Le nom intrigue, mais les Kongsgaard Variations n'ont rien à voir avec une garde royale danoise : il s'agit du nom des commanditaires californiens Maggy & John Kongsgaard, vignerons de renom, chez qui l'œuvre fut créée, en privé.
Arrivé dans la dernière minute, surgit soudain un choral de quatuor beethovenien : il s'agit en réalité de variations inversées, où le thème d'origine n'est révélé qu'à la fin – il a bien sûr conditionné toute l'harmonie, plus riche et néanmoins traditionnelle, des variations qui ont précédé. L'éclairage paisible qui baigne la pièce est très beau – un peu le même effet que les miniatures de Lars-Erik Larsson.

Les deux Beethoven sont très bien joués par le Calder Quartet, d'une limpidité très froide ; les sons sont vibrés (pas toujours tranchants d'ailleurs), mais il y a quelque chose d'une pureté, d'un refus de la couleur, assez particulier. Je suis plus sensible pour ma part, dans ce corpus, à des lectures plus chaleureuses – chez les quatuors américains, l'épure beaucoup plus nette et intériorisé des Brentano me parle bien davantage, par exemple. Sans parler de toutes les lectures très colorées (du type Cuarteto di Cremona) qui peuvent se rencontrer. Au demeurant, cela fonctionne très bien dans les irisations minérables du Hillborg !

112. Le dimanche 21 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



71)
Mahler, Symphonie n°7
Orchestre du Festival de Budapest, Iván Fischer (Challenge Classics).

(parution mars 2019)

Jusqu'ici, cette série de scies ne m'avait pas trop convaincu. Mais après avoir enfin découvert cet orchestre, le chouchou des mélomanes parisiens, en salle, j'ai pu entendre ce nouveau disque tout autrement. Lorsqu'on sait ce que produit cet orchestre en vrai, à commencer par ces cordes incroyables (sonnant avec la résonance pure d'une corde à vide quelle que soit la position de la main sur la touche !), on guette et entend ces qualités dans le disque, la générosité, la virtuosité ; la poussée imprimée sans relâche par Fischer, également.

Je me figure que les prises de son Challenge Classics, très confortables, rondes, presque ouatées, tassent un peu le spectre réel d'un orchestre qui est pourtant très typé et qui « claque », en conditions réelles.

Très belle lecture à recommander, donc, mais surtout pour ceux qui se représentent déjà comment sonne l'orchestre, sans quoi on passe facilement à côté.

113. Le dimanche 21 avril 2019 à , par DavidLeMarrec

J'ai mis sous forme de tableau les nouveautés 2019, classées en chroniquées, écoutées, à écouter (et subdivisées en dominante parution-œuvre ou parution-version). Uniquement celles qui m'intéressent, je précise.
En gras, priorités. En italique, déceptions. En gras italique : œuvres à découvrir absolument, mais plutôt dans une autre version.

Je n'y arriverai jamais, mais j'essaie très fort, c'est le défi de la saison (comme l'an passé la programmation mondiale en opéra).

Inconvénient, ça prend sur le temps d'écoute de choses que j'aimerais écouter ou réécouter par goût (toujours pas épuisé les archives CPO, un puits sans fond).
Avantages : ça évite de manquer des parutions confidentielles de choses rares dont personne de parlera ; ça force aussi à écouter des choses un peu moins dans sa zone de confort et de découvrir des merveilles que je n'aurais vraisemblablement jamais eu le temps d'explorer si je n'y avais été conduit par ce tamis (l'ensemble Stile Antico, le corpus des Dubhlinn Gardens et surtout la bouleversante Renaissance anachronique de Bartłomiej Pękiel !).

114. Le lundi 22 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



72)
Anton RUBINSTEIN, Concertos pour piano 3 & 5
Anna Shelest ; Orchestre Symphonique National d'Estonie, Neeme Järvi.


Ces concertos sont un bon étalon de la réputation de Rubinstein : une musique très marquée par l'Allemagne (on y entend l'empreinte de Beethoven dans ses rondeaux très rythmiques, de Schumann dans la pâte orchestrale et thématique, de Mendelssohn dans la virtuosité), qui se distingue cependant par des épanchements mélodiques (en particulier orchestraux) sensiblement plus généreux, pour tout dire russes. Très belles œuvres, qui ne changent pas les équilibres de l'histoire de la musique, mais qui valent bien d'autres concertos romantiques qu'on programme et enregistre à tour de bras.

Anna Shelest assure sans faiblir sa tâche très exigeante, avec une tendance à la pédale un peu généreuse et brouillée (ce qui n'est pas gênant dans ce répertoire, quoique étrange dans la cadence). Un plaisir de retrouver le National d'Estonie, qui joue avec une véritable ardeur en retrouvant le patriarche Järvi (qui n'a pas toujours la même intensité au disque).

115. Le lundi 22 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



73)
Album de harpe, « Solo », d'Anaïs Gaudemard
(Harmonia Mundi, collection Harmonia Nova)

(parution 22 février 2019)

Décidément la meilleure entreprise d'HM depuis la mort du fondateur que cette collection, coproduite avec les interprètes, qui promet de jeunes musiciens (formidables) dans des programmes qui sont d'abord conformes à leur personnalité avant de l'être au marché. Ça ne doit pas se vendre (du tout) par rapport au dernier Chopin de Tiberghien ou au cinquième Winterreise de Padmore, mais ça fait un bien fou.

Le programme mêle transcriptions et pièces originales de D. Scarlatti, C.P.E. Bach, Fauré, Hindemith, Hersant… et culmine dans la Légende d'Henriette Renié (une élève de Théodore Dubois, capitale dans l'histoire de l'enseignement de la harpe), grande pièce autonome librement inspirée des Elfes de Leconte de L'Isle, dont j'ai déjà parlé récemment.

Très belle interprétation « symphonique », amplifiée par une prise de son très adéquate, qui prodigue une réverbération généreuse sans brouiller le détail, un très bel hommage à la présence physique très particulière de l'instrument (à la fois discret et toujours très audible).

116. Le mardi 23 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



74)
Album Simone Kermes : Mio caro Händel
Avec ses Amici Venezani (Sony).

(parution mars 2019)

Un milliardième album Haendel, rempli de tubes de surcroît (quelques airs plus rares de Teseo, Lotario ou Deidamia, mais on y retrouve globalement tous les grands hits). Comme j'aime bien Kermes (surtout dans Verdi, où l'on bénéficie d'une fine aux attaques très nettes, ce qui permet vraiment d'aborder son œuvre sur le plan musical plutôt que vocal / dramatique / physique, et fonctionne très bien aussi – le Trouvère par Hofstetter constitue une véritable expérience !), je mets l'album distraitement pendant que je vaque…

… et le miracle se produit. La transparence de cette voix quasiment sans timbre permet une sorte de plasticité, d'immédiateté, comme si la musique et l'expression coulaient directement au cœur. L'orchestre, extrêmement percussif et coloré, parvient au contraire à ménager des moments de suspension extrarodinaires dans les cantilènes, que je n'ai jamais entendues aussi magnétiques.

Je devrais être agacé par la diction peu idiomatique (ces [t] alvéolaires aux lourdes expirations…), par l'aspect diaphane, par les options spectaculairement contrastées, mais tout cela est réalisé avec tant de soin sur chaque air, pensé à chaque instant, et si bien réalisé… cela excède mes attentes, même envers un très bon album de seria.

Je n'ai jamais été parmi les détracteurs de Kermes (elle est marrante et chante quand même très bien, c'est plus qu'il n'en faut pour du seria et change un peu dans Verdi), mais j'ai tout de même l'impression d'être dessillé : celle que je prenais pour un accessoire dans ma recherche d'interprétations alternatives (toujours de superbes réalisations, que je n'écoutais pas forcément pour elle) est assurément une grande dame. À nouveau magnifiée par son entourage (les effets de tintement de doublures partielles du clavecin dans des lignes aiguës, par exemple !), qui constitue une fois de plus le premier intérêt de ce disque splendide.

117. Le mardi 23 avril 2019 à , par DavidLeMarrec



75)
Leopold Mozart, Missa Solemnis
Bayerische Kammerphilharmonie, Alessandro De Marchi (Aparté, coproduction Radio Bavaroise)

(parution 19 avril 2019)

Nouvelle parution très stimulante : une messe dans le style classique qui, contrairement à l'image qu'on a de Léopold, se distingue par une certaine originalité. Orchestration riche (d'autant que De Marchi ajoute un continuo qui devenait progressivement optionnel en cette période), belles mélodies qui ne se limitent pas aux formules classiques, et un certain nombre d'effets peu ordinaires. Le Credo regorge de merveilles, notamment ce Crucifixus aux trompettes farouchement martelées dans des nuances douces, ou la vocalisation (littéralement) fulgurante du ténor au Et resurrexit. Un petit bijou.

Le tout est très bien chanté par le chœur (Das Vokalproject) et les solistes (en particulier le moelleux Patrick Grahl dans le ténor très exposé, qui vocalise remarquablement), joué, ainsi que dirigé – De Marchi, formé à l'école du seria, a depuis commis une superbe Clémence de Titus version révisée début XIXe dont j'ai dû faire état quelque part (il sait diriger des orchestres modernes et s'est réellement adapté à l'évolution du style et ne fait pas du « Mozart baroquisé »). Et comme d'habitude, capté avec beaucoup d'espace, de précision et de couleurs par Aparté (dont j'aime décidément beaucoup les pochettes…).

Vraiment à découvrir, pour l'œuvre aussi bien que pour l'aboutissement du projet lui-même.

Petit mot sur la Bayerische Kammerphilharmonie, qui n'est pas un orchestre munichois, ni une émanation baroque de la Radio Bavaroise (qui produit des disques baroques, comme leur formidable Saint Jean par Dijkstra qui vient justement d'être rééditée, mais avec des musiciens du Symphonique de la Radio sous leur nom habituel). Il s'agit d'un jeune orchestre (sur instruments modernes, il fait même beaucoup de contemporain) d'Augsbourg, distinct du Philharmonique de la ville, et fondé seulement en 1990. On peut juger par ce disque de son accomplissement technique et de sa remarquable plasticité stylistique. Ce n'est pas leur premier disque, loin de là, mais qu'il les met joliment en lumière !

118. Le samedi 27 avril 2019 à , par Benedictus

Juste quelques remarques ou questions en passant.

60) Rameau: Indes - Vashegyi
Pas écouté, et peu probable que je le fasse - ton compte-rendu confirmant assez exactement mes a priori. D'ailleurs:

Je crois aussi que, par rapport à des périodes antérieures, les chanteurs récurrents des productions d'opéra baroque sont beaucoup moins à mon goût que du temps où on avait Poulenard-Laurens-Crook ou Révidat-Staskiewicz-Auvity. Watson-Santon-Mechelen ne me fait, je dois l'avouer, pas du tout le même effet, si dans le timbre, ni dans le verbe, et quoique ce soient des artistes très bien rompus à ce répertoire. Comme ils sont de tous les disques, difficile de leur échapper si l'on veut découvrir au moins les nouveautés de répertoire.

Je contresigne évidemment des deux mains.

68) Strauss - Petrenko / Oslo

On est d'emblée saisi par le caractère très russe des cordes (d'une densité particulière, comme vibrées de l'intérieur)

J’ai l’impression que c’est un peu une spécialité de Petrenko: ça m’a fait excatement la même impression dans ses disques Naxos avec Liverpool (Chosta 10 et Tchaikovski 1-2-5.)

69) Mendelssohn - Bezuidenhout / Heras-Casado

(même le piano de Bezuidenhout sonne assez familier, assez grand piano de concert)

Pour autant qu’une écoute en streaming permette de s’en rendre compte, c’est même assez surprenant: ce Erard de 1837 sonne plus proche d’un Bösendorfer ou d’un Bechstein de 1880 que des Erard de 1847-49 du Musée Chopin... Est-ce que faire sonner un pianoforte comme un piano de concert moderne (soit le contraire de ce que fait Brautigam dans les concertos de Beethoven) ne serait pas une sorte de marque de fabrique de Bezuidenhout?

(Je me demande si les graphistes sont payés, ou si c'est juste le cousin du label manager qui lui fait des montages de petites fleurs pour les disques de musique romantique…)

C’est vrai: même pour un fake de dernière minute un 1ᵉ avril, j’aurais honte de commettre un truc aussi mal fichu. (Au fait, tu en as pensé quoi du Ricercar subcromatica de Vincentino par Alessandrini?)

71) Mahler 7 - Fischer / Festival de Budapest
J’ai écouté, dernièrement, leur 1ᵉ (très, très bien, chouettes textures, belle poussée continue) mais comme j’ai écouté juste après celle de Kocsis avec le Philharmonique National de Hongrie (qui propose quelque chose d’assez radicalement neuf), ça m’a paru finalement assez aimable et confortable. Tu crois que cette 7ᵉ pourrait me plaire?

70) Hillborg: Kongsgaard Variations
75) L. Mozart: Missa Solemnis

Tu crois que c’est potentiellement pour moi? (Hillborg, je n’ai écouté que des trucs pour orchestre que j’avais trouvé raccoleurs.)

119. Le lundi 29 avril 2019 à , par DavidLeMarrec

68) Strauss - Petrenko / Oslo
V. Petrenko a spectaculairement rajeuni et éclairé le spectre de Liverpool, l'orchestre le plus opaque d'Angleterre devenu une merveille de limpidité (l'effectif a énormément changé sous son mandat, aussi), mais l'effet 'russifié' est vraiment beaucoup plus sensible dans ces Strauss avec Oslo que dans les Russes & Soviétiques avec Liverpool (d'un beau lyrisme, mais plus gentiment internationaux, disons). Enfin, ce Strauss, puisque je n'ai toujours pas eu le cœur de me mettre le Zarathustra. Trop de quatuors suédois à écouter en ce moment.

69) Mendelssohn - Bezuidenhout / Heras-Casado
Je ne crois pas qu'un pianiste puisse à ce point influer sur le son d'un instrument, et encore moins sur un piano aussi ancien. Non, c'est sans doute la facture elle-même (et la restauration, le réglage… il y a par exemple des questions d'harmonisation et d'accord qui peuvent faire une grande différence) qui diffère. Bezuidenhout joue par ailleurs pour Mozart ou Beethoven des pianoforti qui ressemblent à des pianoforti.
Le tour de force de Brautigam ne peut pas se produire, à mon sens, à rebours sur des instruments dont la mécanique a des possibilités plus limitées (on peut mettre la pédale à fond et bourriner comme un âne, ça n'aura jamais l'ampleur de Berezovsky dans Liszt).

C’est vrai: même pour un fake de dernière minute un 1ᵉ avril, j’aurais honte de commettre un truc aussi mal fichu. (Au fait, tu en as pensé quoi du Ricercar subcromatica de Vincentino par Alessandrini?)
Ben, j'en avais parlé dans le fil que tu avais alimenté : http://classik.forumactif.com/t9113-nicola-vicentino-15111575 . J'ai cherché le jour même la référence de cette pièce hors normes chez toutes mes sources, avant que son absence ne me fasse douter… Herreweghe, c'était évident (le jour où il jouera quelque chose dont on n'a pas déjà écouté quinze versions…), mais l'Alessandrini m'a complètement eu, ça avait l'air bien tentant en plus.
Comme pour le Crépuscule des Dieux pour ensemble de théorbes, tu as fait naître une frustration qui ne pourra plus s'apaiser…

71) Mahler 7 - Fischer / Festival de Budapest
Difficile à dire : moi je trouve ça assez aimable sans la perspective des textures réelles, vraiment différentes… au niveau de la conception, il n'y a pas beaucoup de surprises. 70) Hillborg: Kongsgaard Variations
75) L. Mozart: Missa Solemnis

Hillborg, tu devrais essayer Muoaiyoum, une merveille ligetisante pour chœur, des nuages incroyables. J'aime beaucoup le concerto pour clarinette (avec sa citation de Tosca) et pas mal de ses poèmes symphoniques, mais c'est effectivement du spectaculaire confortable, de l'atonalité qui n'en est pas vraiment à force de citations et de pôles. Parfait pour un garçon superficiel comme moi, mais quand on cherche de la musique un peu ambitieuse qui râpe, ce n'est pas la bonne adresse. Le Quatuor est vraiment très consonant (puisqu'il émane d'une source simili-beethovenienne), je doute que ça t'emporte très loin.
La Missa Solemnis de Leopold, pas sûr non plus, mais ça devrait au moins satisfaire ta curiosité, c'est de la belle musique dans le style classique, remarquablement exécutée, et assez personnelle (j'en suis le premier surpris).

120. Le dimanche 2 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



76)
« Tchaikovsky Treasures » : Concerto pour violon, arrangements du Lac des Cygnes et d'airs d'Onéguine
Guy Braunstein, BBCSO, Kirill Karabits (Pentatone)

(parution 26 avril 2019)

Splendeur orchestrale, inhabituellement captée avec naturel par PentaTone, plénitude du son, et lecture frémissante et pudique impulsée par Karabits. En revanche, pas du tout séduit par le violon grincheux de Braunstein, pas très beau (ce son vraiment dur, râclé) et abusant surtout de rubato… dès l'entrée du concerto, il y a un millier d'élargissements de mesure, de tous les côtés. Autant je ne fais pas partie de ceux qui trouvent Tchaïkovski dégoulinant, autant sa musique est assez lyrique et expansive pour ne pas y surimposer des couches d'expression appuyée. Pas touché, voire agacé.

Les arrangements pour violon et orchestre du grand pas de deux du Lac, des adieux de Lenski et de la scène de la Lettre ne sont dépourvus de charme, à défaut de justifier totalement l'écoute du disque.

121. Le dimanche 2 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



77)
Balakirev, piano intégral vol. 4
Nicholas Walker (label Grand Piano).

(parution 10 mai 2019)

Le piano de Balakirev est abondamment documenté au disque (presque jamais en concert, hors Islamey), cependant Grand Piano, fidèle à sa démarche, propose une intégrale qui inclut des pièces restées inédites jusqu'ici. Remarquablement capté, de façon proche, nette, naturelle, et servie par un pianiste impliqué et très sûr de ses doigts, non dénué d'élégance.

Ce volume regroupe des œuvres d'identité assez différentes : pièces de caractère inspirées de l'Espagne, trois scherzos qui doivent beaucoup à Chopin (mais sentent aussi une virtuosité plus massive, une conception davantage protéiforme et moderne du piano, avec de véritables recherches de textures qui excèdent jusqu'à Liszt), et même une transcription réussie du début de la Fuite en Égypte (de l'Enfance du Christ) de Berlioz.

Très beau voyage.

122. Le lundi 3 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



78)
Brahms, 4 Symphonies
Thomas Zehetmair, Musikkollegium Winterthur (Claves)

(parution 24 mai 2019)

Le grand violoniste (et chambriste… ses disques de quatuor sont miraculeux), ancien directeur musical de l'Ensemble Orchestral de Paris (devenu Orchestre de Chambre de Paris), propose une intégrale Brahms. Pas avec n'importe quel orchestre : Winterthur, sixième ville de Suisse, était aussi le lieu de résidence de Rieter-Biedermann, éditeur de Brahms (notamment du Premier Concerto pour piano, de Die schöne Magelone et du Deutsches Requiem), où le compositeur lui-même séjourna abondamment (en compagnie de Clara Wieck-Schumann).

Mais ce qui importe, ultimement, est le résultat, et je m'avoue tout à fait magnétisé par cet enregistrement. Ce n'est pas aussi coloré que Manze-Helsingborg (ma référence personnelle), assurément, et même un peu opaque du côté des lignes de vents, mais la finesse de trait des cordes et le traitement à la fois élégant et nerveux de la ligne fait merveille. Un Brahms vif, souple, aussi éloigné que possible de la tradition d'ampleur un peu épaisse qui a toujours prévalu – et à laquelle j'ai essayé, douloureusement, de revenir pour comparer.

La seule réserve sérieuse est que, comparé à d'autres intégrales de premier choix (Manze, Masur-NYP, Chailly-Gewandhaus…), il manque ici les deux ouvertures et les variations Haydn, pas des piécettes négligeables…

Sans effet de manche, un Brahms frémissant, lisible, revitalisé. Très vivement approuvé et recommandé !

123. Le mercredi 5 juin 2019 à , par Télémaque

Profane de la musique, je suis en train de me taper toute cette liste depuis trois jours, et vous remercie de rendre ma vie aussi épique

124. Le jeudi 6 juin 2019 à , par DavidLeMarrec

Bienvenue Télémaque !

Ouille, c'est violent en effet.

Pour y aller plus en douceur, peut-être serait-ce plus facile avec la liste chronologique dans la série Une décennie, un disque ?.
Ça y va de façon plus organisée, rien qu'avec de très grands disques… et le rythme de parution y est beaucoup plus modéré !

Heureux d'avoir suscité votre intérêt en tout cas !

125. Le jeudi 6 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



79)
Haendel, Rinaldo
Teresa Iervolino (Rinaldo), Carmela Remigio (Armida) ; La Scintilla, Fabio Luisi

(Dynamic, parution 19 avril 2019)

Voilà un disque qui suscite la curiosité : la refonte de Rinaldo (1711), lui-même une opera impasticciata (constitué de pièces déjà écrites adaptées sur un nouveau livret, présenté pour l'arrivée de Händel à Londres) destinée à l'Opéra de Naples.

Peu de choses changent en définitive : quelques airs ajoutés de Leonardo Leo et autres (dont Bononcini !), qui tirent un peu, bien que Leo ne soit que de neuf ans le cadet de Haendel, vers un goût (encore tout à fait baroque mais) davantage proto-classique… et surtout le changement des tessitures. Godefroy de Bouillon, de contralto, devient ténor ; et Argante, qui fut basse, est désormais contralto (changement vraiment dépaysant).

Ce serait tout de même divertissant – j'aime beaucoup Rinaldo, si vous avez bien suivi – si l'interprétation était un minimum exaltante.
Or les voix m'ont paru assez ternes (phénomène accentué par les horribles prises de son Dynamic, où l'on entend tous les bruits parasites et où les timbres sont enlaidis, comme lorsqu'on est assis dans la plus mauvaise place d'un théâtre), même les deux vedettes Iervolino et Remigio (qui sont très bien, mais ont beaucoup chanté le romantisme, leurs timbres se sont un peu élargis pour la délicatesse de ce répertoire).
Plus surprenant (et plus grave), malgré la présence de l'excellent ensemble spécialiste La Scintilla, le festival de Martina Franca poursuit ses méfaits en matière orchestrale. Je ne comprends pas ce que vient faire Fabio Luisi, un des chefs les plus en vue au monde, en particulier dans les fosses depuis Verdi et Wagner jusqu'au contemporain, dans une production peu prestigieuse de ce répertoire de spécialiste, qu'il ne maîtrise manifestement pas aussi bien. Lecture un peu tradi-molle, donc. Pas mauvaise, mais terne là aussi.

Malgré l'intérêt de renouveler l'écoute de Rinaldo : avec des modifications marginales, une captation terne, des chanteurs peu saillants, un orchestre mou… on dispose de suffisamment de très beaux disques de cet opéra (Malgoire, Hogwood, Jacobs, Mallon…) pour ne pas s'astreindre à cette découverte. Dommage – une occasion manquée de plus à Martina Franca… millième preuve qu'il ne faut pas laisser produire le baroque par les glotto-romantiques !

126. Le mercredi 26 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



80)
Antonio SALIERI, Tarare
Les Talens Lyriques, Christophe Rousset

(Aparté, parution mai 2019)

Avec Das Schloß Dürande, c'est le disque de la décennie. Incontournable – pour ceux qui aiment l'opéra, les genres non documentés (cela ne ressemble pas, formellement, aux autres œuvres du temps), qui s'intéressent à Beaumarchais, à l'Histoire de France, qui sont sensibles aux belles dictions, au tourbillon dramatique, ou aux esthétiques de la tragédie en musique finissante… (Évidemment, si l'on aime d'abord le quatuor romantique et les poèmes symphoniques XXe, ce n'est pas la bonne adresse.)

Réalisation incroyable par les Talens Lyriques et les chanteurs invités. Toute une série existe sur l'œuvre et les représentations, voyez ici.

127. Le mercredi 26 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



81)
Friedrich GERNSHEIM, Piano intégral, vol.1
Jens Barnieck (Toccata Classics)

(parution 7 juin 2019)

Gernsheim est un de ces compositeurs germaniques « secondaires » (en tout cas dans la notoriété, mais aussi dans l'impact sur l'évolution du langage musical) que notre âge d'or actuel des parutions discographiques (jamais aussi nombreuses et audacieuses) permet d'explorer.
Audite l'a mis à l'honneur (avec Herzogenberg) dans son intégrale de Quatuors de Brahms où chacun était couplé avec un quatuor d'un contemporain, mais aussi CPO (évidemment), aussi bien les symphonies que la musique de chambre. Il y eut même, il y a deux ans, une petite récurrence thématique dans la saison de concerts de l'Auditorium du Louvre, en contrepoint avec Mendelssohn !

Quoique né sensiblement après Schumann (1810) et Brahms (1833), sa musique s'établit quelque part entre les deux styles, et suivant le répertoire, même en deçà du style schumannien : ainsi ces sonates pour piano tirent-elles non seulement vers Schumann mais aussi vers Mozart, avec une pureté d'harmonie et de trait étonnamment classique.

Ce n'est à mon avis pas prioritaire dans son catalogue, où dominent plutôt les œuvres pour cordes (Quatuor n°2) ou piano & cordes (Quatuors 1 & 3, Quintettes 1 & 2, voire les Trios 1 & 2), ainsi que sa Troisième Symphonie (pas du tout pionnière dans l'orchestration, mais aux beaux matériaux thématiques).

128. Le mercredi 26 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



82)
Friedrich GERNSHEIM, Quatuors 1 & 3
Diogenes SQ (CPO)

(parution 21 juin 2019)

Les quatuors sont davantage un point fort de Gernsheim, mais mon chouchou, le n°2, ne figure pas dans ce premier volume, et je suis moins saisi par ces deux autres.

M'avouerai-je aussi un peu déçu (en première écoute, et en toute honnêteté les conditions sonores n'étaient pas optimales) du Quatuor Diogenes, dont je suis avidement les parutions, même dans le grand répertoire balisé ? Certes, ils conservent leur son de diamant, mais l'articulation m'a parue un peu molle, comme l'impression qu'ils ont manqué de temps pour pouvoir s'abandonner réellement et dynamiser ces pièces d'un romantisme assez conservateur – elles ne manquent pas de beauté, mais un peu de caractère, et une interprétation nette et intense comme ils en ont l'habitude aurait permis à ces œuvres de mieux passer la rampe (jusqu'à moi du moins, je ne préjuge pas de vos capacités de passer outre ces contingences).

(Surtout ne regardez pas les dates, le Premier, qui semble un gentil romantique des années 1830 à l'aune de notre histoire-bataille des compositeurs-novateurs, date en 1872.)

J'espérais cette intégrale Gernsheim depuis longtemps, j'en suis un peu déçu. (Parmi les post-brahmsiens, il y a plus nourrissant chez Herzogenberg en général, mais il y avait pourtant aussi de quoi faire chez Gernsheim…)

129. Le mercredi 26 juin 2019 à , par DavidLeMarrec



83)
Offenbach, La Périchole
Extrémo, Barbeyrac, Duhamel, Huchet, Mauillon ; Les Musiciens du Louvre, Minkowski

(Bru Zane, parution 14 juin 2019)

J'ai beaucoup lu et entendue qu'il s'agissait d'une référence absolue… Je ne suis pas suspect d'avoir un tropisme déraisonné pour les vieilles cires (j'aime les orchestres qui jouent juste, les chanteurs qui respectent le style…), a fortiori dans le répertoire léger où le déclin des « grandes voix » franches d'antan ne pose pas du tout le même problème que dans Verdi et Wagner.
Pourtant, à l'écoute de cette très belle version, qui réunissait le meilleur sur le papier, quelques frustrations.

¶ Étonné que Bru Zane, dont le cœur de métier semble être la recherche (quitte à publier des œuvres un peu pâles comme les Félicien David et autres Joncières, qui documentent le goût du temps plus qu'elles ne révèlent – à mon sens – des œuvres d'une singularité ou d'une puissance affolantes), se satisfasse de cette version hybride entre l'opéra comique caustique de 1868 et le divertissement lyrique plus consensuel de 1874. Concession à Minkowski, d'après ce que laisse deviner la notice, et pourquoi pas, mais je reste toujours un peu interrogatif devant ces démarches hybrides : instruments d'époque, démarche musicologique sur les états des versions… pour finalement produire un tripatouillage qui n'a jamais existé.
(Honnêtement, ça ne gâche pas mon plaisir, autant entendre la version la plus efficace puisqu'on ne peut pas tout documenter… mais là aussi, il manque des numéros et on peut toujours être frustré qu'il en manque certains…)

Sur le plan de l'exécution, je suis partagé aussi.

¶ Vocalement, les protagonistes semblent dans un petit jour : je ne parviens pas à reconnaître Barbeyrac – le timbre, je veux dire –, sans doute souffrant lors des prises ; Duhamel est très beau comme toujours, mais avec une émission un peu grassement à l'arrière qui freine son impact vocal et sa mobilité expressive (qui est fort belle pourtant). [Je crois que je suis tout simplement inconsolable de ne jamais avoir retrouvé le naturel absolu de son Zurga dans ses autres incarnations… la technique en était vraiment différente, plus franche, plus claire, plus saine, et le résultat vraiment supérieur, voire assez miraculeux.]
J'aurais donc volontiers promu Huchet (toujours merveilleux) et Mauillon (aussi, mais dans les utilités qu'il chante ici, on a moins l'occasion de l'admirer).
Aude Extrémo en revanche, voix d'une générosité impressionnante et abattage irrésistible… pour les mezzos grand format, la France n'a pas eu ça depuis longtemps, longtemps… Elle fait une superbe carrière sur le territoire, mais étrangement peu demandée pour des premiers rôles à Paris, alors qu'on l'entend parfaitement, même dans les graves d'Anna pour Les Troyens, du fond de Bastille. Projection incroyable, voix large et sombre comme les aime notre époque, diction très belle cependant, grande actrice, même la silhouette physique est dans la norme de ce que je cherchent les vendeurs de DVD… je ne m'explique pas pourquoi on ne l'accable pas de propositions discographiques, pourquoi on ne lui propose pas des Didon et des Dalila sur les plus grandes scènes du monde. Et sa Périchole, pour moi, surpasse toutes les autres par sa beauté vocale et surtout par la richesse de ses intentions.

¶ Orchestralement, moi qui aime beaucoup les interprétations à métronome régulier (en particulier dans le répertoire italien : Hofstetter… et Minkowski dans le Trouvère, c'est parfait), je n'ai jamais été totalement convaincu par ce parti pris de Minkowski dans Offenbach, qui ploum-ploumise d'autant plus, qui surprend peu. Ajouté avec les timbres un peu plus acides des instruments d'époque, il y a un côté boîte à musique que je trouve assez peu émouvant, dans une partition qui laisse la place à des gestes plus souples et émouvants.
C'est un parti pris qui se défend complètement, simplement ce n'en est qu'un parmi d'autres, et j'aurais peine à parler, dans ce contexte, de référence absolue ou exclusive.

¶ Ainsi, hors d'Extrémo, qui règle clairement la question en ce qui me concerne au disque (il existe évidemment beaucoup d'autres portraits possibles – je reste assez marqué par celui, fin et délicat, de Martine Olmeda), je conserve ma tendresse prioritaire à d'autres versions : Marcel Cariven (avec Joseph Peyron !), Plasson-Berganza-Carreras-Bacquier (de sinistre réputation, mais que je trouve élégant de bout en bout, dans une veine plus sérieuse que bouffonne, il est vrai), Lombard-Crespin (davantage dans l'abattage, hautement chanté, et bellement dirigé).

130. Le lundi 1 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



84)
Musique pour violoncelle du XIXe russe : Tchaïkovski, Davidov, Liadov, Arensky, Rimski…
Dmitrii Khrychev, Olga Solovieva

(Naxos, parution 14 juin 2019)

Très beau parcours où la virtuosité des Variations rococo (Tchaïkovski) ou de la Fantaisie sur des chansons russes (Davidov) voisinent avec un folklore plus tsigane (Liadov) ou des pièces de caractère, assez poétiques (les deux groupes d'Arensky).

Servi par un violoncelle charnu mais jamais vrombissant, élancé mais pas du tout sentimental, une très belle expérience.

131. Le lundi 1 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



85)
Offenbach, œuvres de chambre pour violoncelle
Raphaela Gromes, Wen-Sinn Yang, Julian Riem.

(Sony, parution 10 mai 2019)

Un hommage très complet au legs violoncellistique d'Offenbach dans le format chambriste : duo pour violoncelle, pièces de caractère avec piano…

Le son très dense et le goût très sûr de Raphela Gromes (et de Wen-Sinn Yang, tout aussi extraordinaire !) font merveille dans ces œuvres où l'évidence mélodique d'Offenbach se déploie, mais dans un style très différent de l'ordinaire (pas du tout des mélodies accrocheuses, au contraire, de belles lignes élégantes immédiatement marquantes mais sans impression de facilité), plus formel mais tout aussi généreux.

On y trouvera tout de même quelques thèmes irrésistibles, comme cette Tarentelle en rondeau qu'il est difficile de ne pas se bisser pour soi-même, derrière sa platine… Un fonds riche et nourrissant, qui peut se comparer au grand Concerto publié ces dernières semaines chez Erato, et qui exige les mêmes qualités de virtuosité tout en offrant les mêmes satisfactions musicales. Un très, très beau disque de violoncelle.

132. Le mardi 2 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



86)
Stanford, Mass Via Victrix 1914-1918 (Messe « Chemin de la Victoire 1914-1918 »)
Chœur & Orchestre Nationaux de la BBC du Pays de Galles (BBC Wales), Adrian Partington.

(Lyrita, parution 3 mai 2019)

Charles Villiers Stanford (Dublin 1852 – Londres 1924) est plutôt connu comme l'auteur de symphonies assez paisiblement conservatrices (romantisme bien conçu, mais assez peu paroxystique, et orchestré d'une façon très peu personnelle, pour ne pas dire fadement). Pourtant, c'est aussi un compositeur doté d'un réel souffle, comme en témoigne son Stabat Mater, beaucoup plus ambitieux et marquant.

Le disque paru chez Lyrita documente la première exécution, en réalité, de cette seconde Messe (il avait écrit la première au début des années 1890, pour une paroisse catholique de Londres). De ce que nous apprennent les biographies, elle ne répondait à aucune commande extérieure, apparemment un besoin impérieux de célébrer la fin de la guerre.
L'hypothèse du chef est que, bien qu'anglican, Stanford avait souhaité écrire une messe dont le message pourrait être plus universel – ou bien est-ce, puis-je proposer, l'envie de se confronter à une forme fixe familière, comme en témoignent l'usage de parcelles de forme sonate dans le Credo, ou le dialogue solistes-en-petit-chœur vs. grand-chœur qui s'inscrit dans la lignée de la Missa Solemnis de Beethoven.

En tout cas, la composition se ressent fortement du contexte : considérablement plus exaltée que la plupart de ses œuvres, elle fait appel à de nombreux rythmes de marche et ostinatos – on peut songer à « Denn alles Fleisch » du Deutsches Requiem de Brahms. Un de ces ostinatos, aux trompettes, fait entendre l'écho de sonneries militaires derrière le texte beaucoup plus paisible de l'ordinaire de la messe – même pas à un moment particulièrement dramatique (« Agnus Dei, dona nobis pacem », qui fait taire les trompettes). [Cet Agnus Dei, souvent un peu plus terne chez les autres compositeurs, est peut-être le plus beau que j'aie entendu…]
Et pourtant, quoique inscrite dans ce contexte guerrier, quoique dédiée aux soldats tombés – « Transiverunt per ignem et aquam, et eduxsisti in refrigerium », dit l'exergue –, son atmosphère, au besoin ample et généreuse, demeure très paisible, aucune menace, pas de grande avalanche de Requiem romantique, tout est tendresse et consolation.

[Cette exergue est porteuse de multiples sens possibles. Cet extrait adapté du Psaume 66, « Imposuisti homines super capita nostra, transivimus per ignem et aquam, et eduxisti nos in refrigerium. », peut se traduire de façons assez multiples : « Tu as fait monter des hommes sur nos têtes; Nous avons passé par le feu et par l'eau, » (Segond), puis l'idée de rafraîchissement qui est traduite au choix « tu nous as fait entrer en un lieu fertile » (Martin 1744), « tu nous as fait sortir dans un lieu spacieux » (Darby 1859) ou par extension « tu nous as fait reprendre haleine » (Jérusalem), voire « tu nous en as tirés pour nous donner l'abondance » (Segond 1880/1910). Il s'agit bien sûr de qualifier l'état de béatitude que l'on souhaite aux morts au combat et aux victimes du conflit, mais le refrigerium est aussi une version antérieure du purgatoire, chez les premiers chrétiens, avec l'idée d'une pause après les souffrances et avant le Jugement Dernier – d'où les traductions, sans doute, qui paraissent plus libres mais font référence à cette notion.]

Très belle partition, peu spectaculaire en instrumentation, aux solistes vocaux très intégrés au tissu général, mais joliment mobile en modulations, regorgeant d'atmosphères très différentes, quoique toutes assez lumineuses (sauf peut-être le voile qui recouvre soudain le « Crucifixus » du Credo). En tout cas, malgré sa paix, elle ne se départit jamais d'une certaine tension dramatique, pas le moins du monde ostentatoire, mais toujours présente.

Belle exécution très valeureuse pour cette première mondiale ; Jeremy Dibble (son biographe) et Adrian Partington y ont mis beaucoup d'énergie, le premier pour recopier intégralement la vaste fresque (1h07 de musique avec beaucoup de portées, bois doublés…) sous forme informatisée (le passionnant John Quinn précise qu'il avait tout mis à disposition sous le logiciel Sibelius avant même que quiconque ne s'y intéresse, au cas où !), le second qui a dépensé beaucoup de son temps pour étudier l'œuvre et monter le projet. Et le résultat, capté par les belles prises de son assez directement physiques de Lyrita, rend assez bien compte de cet élan général.

Très belle découverte recommandée, au même titre que le Stabat Mater. Si vous voulez découvrir les symphonies, les plus saillantes sont à mon sens plutôt les 1, 2 & 6.

133. Le vendredi 5 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



87)
Karel KOVAŘOVIC, Intégrale des 3 Quatuors
Quatuor Stamic

(Supraphon, parution 14 juin 2019)

Kovařovic, harpiste de carrière, devient directeur de l'Opéra National de Prague en 1900 – c'est donc sous son mandat qu'est créée Rusalka de Dvořák ! –, jusqu'en 1920. Il est notamment l'auteur des révisions de Jenůfa de Janáček avant sa création, ainsi qu'en son nom propre compositeur de sept opéras – dont un Œdipe-Roi (1891) et Les têtes de chien (1897, son grand succès ; il en existe même un enregistrement chez Supraphon – František Dyk, avec Beno Blachut).

Ses quatuors (1885-1887-1889), joués avec beaucoup d'élan (et ce grain à la fois plein et légèrement pincé-acide, tellement tchèque !) par le Quatuor Stamic, évoquent assez notablement Schubert (la manière des palpitations, des hésitations, certains ostinatos comme dans le Deuxième Quatuor, le plus beau)… qui est né 65 ans avant Kovařovic, est mort 57 ans avant la composition du premier quatuor ! Cet écart de temporalité dans les styles une fois mis à part, d'un goût qui reste effectivement dans un premier romantisme (riche cependant, on aurait dit un bon Schubert ou un bon Schumann, pas un gentil petit-maître), on tient là un corpus particulièrement réjouissant, plein de ces belles trouvailles de tournures marquantes qui caractérisent Schubert, en particulier dans le quatuor en (la) mineur.

Un régal que je recommande vivement.

134. Le vendredi 19 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



88)
Chopin, Ballades & Impromptus
Gábor FARKAŠ (Hungaroton)

(parution 19 juillet 2019)

Un Chopin remarquablement net, où la pédale travaille l'ampleur et la coloration, jamais une béquille technique (des traits entiers sont exécutés sans elle). D'un goût parfait, peu d'épanchements malgré un rubato généreux et travaillé.
Ma petite réserve est que cela manque un peu d'ampleur et d'abandon dans les finals des balades (autrement très bien construites), et que les traits (marches harmoniques notamment) paraissent parfois un peu réguliers, un peu carrés, un peu digitaux avant d'être des moments d'exaltation musicale.

Mais très bel album Chopin, assurément. (Qui prouve que Hungaroton ne fait pas que dans la réédition de ses trésors.)

135. Le vendredi 19 juillet 2019 à , par DavidLeMarrec



89)
Weber, Oberon (version allemande
Philharmonique de Giessen, Michael Hofstetter (Oehms)

(parution 12 juillet 2019)

Au disque, la seule version qui ne soit pas absolument submergée dans un spectre orchestral pâteux ni empesée dans une emphase hors de propos était celle de Gardiner, dans son original anglais (sauf les dialogues, résumés par un récitant), vraiment excellente. Depuis, il y a eu de belles choses par le monde (Minkowski à Anvers !), mais rien au disque.

Cette version de Hofstetter (celui qui joue le Trouvère comme de l'opéra baroque, miam) propose la première version allemande disposant d'un son d'orchestre un peu net – et d'une très belle distribution par ailleurs, quoique pas du tout illustre au plan international. Les textes y sont délivrés aussi par un récitant, mais en vers (des morceaux des dialogues de la tradution allemande ?), de façon assez convaincante du reste.

Je m'attendais à un brin plus de fougue de la part de Hofstetter, mais l'ensemble file droit avec beaucoup de franchise, et met bien mieux en valeur que d'ordinaire l'écriture assez singulière de ce petit bijou. Seule réelle réserve, confier à un falsettiste la partie de Puck, l'une des plus exaltantes parties d'alto de tout le répertoire, et très bien écrite comme telle…

136. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



90)
Weber, Euryanthe
ÖRF, Trinks (Capriccio)

(parution 6 août 2019)

Quelle année Weber ! Exactement comme pour Oberon, discographie sinistrée, souvent mal chantée, et en tout cas très épaisse et molle, faisant sombrer ce drame musical – qui impose le durchkomponiert dans le paysage lyrique allemand, mais avec des récitatifs pas toujours d'une saillance folle…

Trinks fait remarquablement respirer tout cela, et le plateau est assez fabuleux – le timbre de Reinhardt évoque beaucoup le meilleur Kunde (il ne rayonne pas du tout autant en salle, mais au disque la voix a même de la rondeur supplémentaire), J. Wagner, Konthaler, Foster-Williams ont des timbres bien faits et individualisés, une technique qui résiste aux exigences redoutables de la partition, une véritable personnalité dramatique. Une grande réussite générale qui permet enfin à cette partition d'exister sans surexposer ses fragilités.

137. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



91)
Bruckner, Symphonie n°9
Pittsburgh SO, Honeck (Oehms)

(parution 23 août 2019)

Cette version propose une lecture extrêmement claire des plans sonores, avec le son des doublures extrêmement détaillé. Tout en étant entendu que ce n'est pas la version la plus paroxystique de la discographie, elle apporte une lisibilité et un confort particulièrement agréables. En terme d'impact physique elle peut se comparer au concert, et occupe donc une place particulière dans la discographie.

138. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



92)
Schubert, Winterreise
Ian Bostridge, Thomas Adès (PentaTone)

(parution 23 août 2019)

Très belle surprise que ce dernier Winterreise de Ian Bostridge : après celui plutôt apollinien et hédoniste gravé avec Leif ove Andsnes, il renoue avec les versions du tournant des années 2000 en compagnie de Julius Drake, et retrouve ce ton grimaçant, ce tourment intérieur qui se manifeste dans l'émission même de la voix. Ce n'est pas bien chanter à proprement parler, l'allemand est assez déformé, contourné, mais la force de cette expression qui naît d'un corps contraint répond assez extraordinairement au propos même du Winterreise.

L'accompagnement Thomas Adès est, lui, très loin des idées étonnantes de Drake, mais particulièrement juste et sobre. Une très, très belle aventure.

139. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



93)
Mendelssohn, œuvres pour violoncelle & piano
Johannes Moser, Alasdair Beatson (PentaTone)

(parution 9 août 2019)

Nouvel album consacré au violoncelle de Mendelssohn par Johannes Moser, très beau, mais je dois avouer une pointe de frustration – où l'on sent avant tout le grand soliste des plus belles gravures possibles des grands concertos du répertoire, qui a la plus grande éloquence dans les grandes phrases, la projection toujours grande, jusque dans les nuances les plus fines qui sonnent grandes.

Mais pour la tendresse la proximité et l'étagement formel de la musique de chambre, le résultat, quoique extrêmement beau tu n'as pas la force de persuasion de chambristes plus pudiques, moins conditionnés par leur grand son, leur grand geste robuste. (Je répète, ce disque est superbe, pas du tout tonitruant ni de mauvais goût, il va sans dire.)

Il faut dire qu'il passe après la publication en novembre dernier de la version assez ultime de Gary Hoffman. Un disque superbe, donc, mais qui n'est pas une priorité dans mesure où les parutions récentes proposent encore bien mieux.

140. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



94)
Lully, Grands Motets
Millenium Orchestra, García-Alarcón (Alpha)

(parution 16 août 2019)

Cette remise à l'honneur des grands motets de LULLY, notamment son Dies iræ, qui est déjà documenté dans des enregistrements plus anciens quoique tout à fait conscients de la musicologie, procure un plaisir immense à l'amateur de ce répertoire, auquel García-Alarcón apporte des couleurs de terre et d'or, secondé par une équipe de chanteurs remarquable. Le grand diseur Mathias Vidal occupe un nombre d'interventions considérables, à ses standards habituels d'exception. De quoi réévaluer certains de ces motets qui apparaissent ici comme aussi aboutis que les grands Lalande ou Desmarest. Immense réussite.

141. Le dimanche 8 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec



95)
Fauré & Berlioz, mélodies (arrangements avec quatuor à cordes)
Jean-Paul Fouchécourt, Quatuor Manfred (Paraty)

(parution 31 mai 2019)

Après avoir entendu de nombreuses fois Jean-Paul Fouchécourt en salle devenir de plus en plus asséché, privé d'aigu et de projection, je m'interrogeais sur sa possibilité de soutenir n'importe quel programme. Il s'avère que celui-ci, qui réunit des mélodies de jeunesse Fauré avec une version pour quatuor à cordes des Nuits d'été le révèle à son plus haut degré de poésie, où son sens du texte et sa couleur claire portent avec une justesse à peu près inégalée les textes et les atmosphères de Théophile Gautier et Berlioz. Ces arrangements sont de plus fort beaux, et le Quatuor Manfred n'a jamais aussi bien sonné, sans le son un peu ouaté de certains de leurs enregistrements passés. Vraiment à découvrir pour les amateurs de verbe et de mélodie ciselée !

142. Le vendredi 13 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec

96)
Schumann,
DichterliebeSchumann, Lenau & Requiem. Wagner, Wesendonck-Lieder.
Christoph Prégardien, Michael Gees.
(Challenge Classics, 6 septembre 2019.)

→ On retrouve les deux complices très inspirés dans ces grands cycles. Les Lenau (avec le concerto-pour-clarinette-de-Mozart-ien Meine Rose) ne sont pas si souvent gravés en intégralité (même si, au fil des décennies, la discographie en est devenue tout à fait riche), et les Wesendonck ont rarement été enregistrés par des hommes.

Prégardien semble inaltérable, le timbre reste le même (peut-être un peu moins de timbre en haut et un peu plus de roc en bas, ce qui est tout sauf désagréable), et l'expression n'a jamais été aussi travaillée, chaque mot articulé et sculpté, tout en restant sur le principe – qui me séduit de plus en plus avec les ans –  de laisser le poème parler de lui-même, sans chercher à interpréter l'interprétation du compositeur. Gees, sur le même principe, ne ménage pas de surprises, mais apporte une mobilité, un relief, une tension que je ne lui avais pas connues à ce point.

La solidité vocale et l'élan de Prégardien dans les Wesendonck font véritablement la différence avec beaucoup d'autres versions : l'intensité du texte (aussi raté qu'il soit), sa clarté directe, la stabilité de l'émission et la franchise de l'expression font des merveilles ici.

De quoi satisfaire grandement les amateurs de lied !

143. Le samedi 14 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec

97)
Free America!
par la Boston Camerata
(Harmonia Mundi, 13 septembre 2019.)
→ Airs politiques progressistes fin XVIIIe-début XIXe à Boston, tels qu'en les éditions qui nous sont parvenues : contre la tyrannie, l'esclavagisme, pour la Science – et même l'amitié avec les musulmans !  Les monodies sont jouées brutes, sans accompagnement au besoin, et les textes fournis permettent de goûter la saveur des détournements (Rule Britania devient un chant d'émancipation de Columbia). Paraboles bibliques (Daniel !) ou revendications assez directes, tout l'univers de ces chansons qu'on faisait passer de la main à la main sur un billet, que l'on vendait dans la rue, que l'on publiait dans les revues ou essayait dans les salons… Parfois aussi des pièces polyphoniques, et l'habillage / complément instrumental est très réussi. On remarque particulièrement la fabuleuse basse Koel Frederiksen, d'une profondeur et d'un magnétisme assez formidables.

À la fois un témoignage précieux et un disque tout à fait roboratif.

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98)
Die Winterreise par Peter Mattei
(BIS, 6 septembre 2019.)
→ Le baryton suédois a conservé toute sa splendeur vocale, ce timbre très clair et moelleux (mais en salle, les graves sont impressionnants !). Sa proposition du Winterreise est donc incroyablement voluptueuse et séduisante, davantage fondée sur le lyrisme, il est vrai, que sur le détail du texte comme le font les spécialistes. Mais dans le registre de l'exaltation mélodique, on pourra difficilement se repaître de plus belle voix et d'artiste plus frémissant.

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99)
Magnard, Symphonies 3 & 4
Philharmonique de Fribourg, Fabrice Bollon
(Naxos, 13 septembre 2019.)
→ Longtemps mal servies au disque dans des versions opaques et pesantes, les symphonies de Magnard sortent de leur purgatoire et révèlent, après avoir semblé singer l'esprit germanique en n'en retirant que l'abstraction, tout ce qu'elles doivent au contraire au folklore français. Thomas Sanderling avait déjà mis en évidence l'espace intérieure, la luminosité de ces pages (Symphonie n°2 en particulier) avec Malmö. C'est peut-être encore plus évident avec Fabrice Bollon et le Philharmonique de Fribourg (le second orchestre de la ville – allemande –, après celui de la radio partagé avec Baden-Baden et désormais fusionné avec Stuttgart, où il réside principalement) : on croirait se plonger dans la musique de chambre de d'Indy, avec ses thèmes populaires, ses désirs de danse, ses élans mélodiques !
Malgré sa belle charpente, un chef-d'œuvre de l'esprit français, tout en danses et clartés, se dévoile ainsi. À découvrir absolument.

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100)
Joseph Renner, œuvres pour orgue par Tomasz Zajac.
(DUX, août 2019)
→ Quelque part entre Widor (la sobriété lyrique des adagios des 5 Préludes), Franck (progressions sophistiquées de la Sonate n°2) et Dubois (Suite pour orgue n°1, plus naïve), pas forcément une figure singulière, mais de belles compositions romantiques très agréables. (Je n'ai de toute façon jamais entendu que d'excellents disques chez le spécialiste polonais DUX, jusque dans les choix de répertoire.)

144. Le jeudi 26 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec

101)
Jean Cras, Quintettes (piano-cordes, flûte-cordes-harpe) & La Flûte de Pan
Sophie Karthäuser, Oxalys
(Passacaille, 20 septembre 2019)

→ Superbe assemblage : les deux quintettes, celui léger et pastoral avec harpe, celui plus savant (mais à base de thèmes de marins très dansants !) avec piano, et l'originale Flûte de Pan, quatre mélodies accompagnées par flûte de pan et trio à cordes. L'ensemble à géométrie variable Oxalys est toujours d'excellent niveau : le piano est moins beau que celui d'Alain Jacquon avec les Louvigny, les danses moins évidentes qu'avec les Ferey et les Sine Qua Non – disque paru en fin d'année dernière ! –, mais c'est peut-être la plus robuste techniquement des trois versions récentes.
    Autre avantage : l'ensemble s'adjoint les services d'un véritable paniste (?), et non, comme dans (l'excellentissime) disque Timpani avec Estourelle (et Peintre), une flûte classique. Bien qu'ayant arbitrairement choisi les sept notes qu'utilise l'instrument, Cras, entendait bien faire jouer la pièce avec la version à tubes multiples, ce qui est réussi ici avec un timbre superbe et une réelle verve.
    La déception vient surtout de l'incompréhension de ce que veut faire ici Sophie Karthäuser : comment quelqu'un qui a autant chanté le baroque et Mozart peut-il se satisfaire d'une diction aussi pâteuse, un timbre autant visqueux et uniforme, des attaques aussi molles ? J'ai écouté sans regarder la distribution, je croyais que c'était une vieille chanteuse étrangère, une honnête choriste mezzo en fin de carrière… Je la trouvais de plus en plus opaque, certes, mais à ce point, elle était peut-être souffrante. Dommage en tout cas de ne pas profiter du texte ni d'un joli timbre quand l'écrin est aussi accompli et soigné.

Je recommanderais plutôt les couplages des deux autres disques (avec le Quatuor), ou le disque de mélodies chez Timpani, mais ça reste une excellente fréquentation si on a le disque sous la main, ou si on veut disposer de plusieurs versions !

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102)
Bach, pièces d'orgue célèbres (Toccata & Fugue doriennes, Ein feste Burg…)
Kei Koito, sur le Schnitger de Groningen (DHM, 20 septembre 2019)

→ Comme d'habitude chez Kei Koito ces couleurs vives, ce sens de la danse… difficile de faire plus lisible, bondissant et radieux.

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103)
Scheibl, Wagenseil, Steinbacher…
Concertos pour clavecin styriens
Michael Hell, Neue Hofkapelle Graz (CPO, 20 septembre 2019)

→ Volume très intéressant sur le genre du concerto pour clavecin au cours du second XVIIIe s. dans la région de Graz : Scheibl encore assez baroque (avec son usage assez haendelien des cuivres), Wagenseil (avec violon solo), Steinbach (quelque part entre Bach et les Classiques), une jointure entre la forme brève baroque et le genre concertant classique, qui a le mérite d'illustrer un lieu, une école précis.
Assez bien écrits d'ailleurs (pour moi qui ne suis fanatique ni du concerto pour clavecin, ni de cette esthétique « viennoise » préclassique).

Encore une très belle réalisation de la Hofkapelle. (Je me demande qui peut acheter ça, mais merci CPO de l'oser !)

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104)
Bernier, Bach, Nâyi Osman Dede…
Cantates du Café
Blažiková, Mechelen, Abadie ; Les Masques (Alpha, 20 septembre 2019)

→ Joli projet de mêler différentes sources autour du thème : la cantate narrative française avec Bernier, la fameuse cantate profane de Bach, des pièces persanes du XVIIIe siècle (débutant par le thème gainsbourgien… encore un emprunt ?).
Mon intérêt (on s'en doute) se portait surtout sur la cantate de Bernier, et j'ai été frustré pour une raison très simple : Blažiková (fabuleuse soprane d'oratorio, ou première choriste au Collegium Vocale Gent) chante un français difficilement intelligible et assez avare de couleurs – dans un genre qui repose très largement sur l'éloquence du chanteur-narrateur, je me retrouve privé de l'essentiel du plaisir.
Je n'ai pas encore essayé le reste – je boude un peu.

145. Le vendredi 27 septembre 2019 à , par DavidLeMarrec

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Parutions (sélection) du 27 septembre :

Pas mal de nouveautés sympathiques.
♦♦ Doubles concertos de Bruch (2 pianos, clarinette & alto) de Bruch (ÖRF, Griffiths)
♦♦ Symphonie de chambre d'Arensky (Amsterdam Sinfonietta)
♦♦ Missa Sacra de Schumann, Stabat Mater de Schubert (Hengelbrock, chez DHM).
♦♦ Yardani Torres Maiani (HM).
♦♦ Requiem de Huillet.

Côté interprétations :
♦ Phaëton de LULLY par Dumestre. Très belle version colorée, un peu archaïsante, avec quelques chanteurs remarquables (Zaïcik en Lybie !).
♦ Ascension de Messiaen par la Tonhalle de Zürich.
♦ Concertos pour piano de Dvořák & Martinů chez Supraphon.
♦ Beethoven par le Quatuor Ébène.
♦ Haydn par le Dubok SQ Amsterdam.
Promenoir des amants (mélodies par quatre couples de la Fondation Royaumont, incluant Jean-Christophe Lanièce à son sommet et l'éloquente Célia Oneto-Bensaid), dans des programmes originaux. Les voix passent assez différemment de la réalité (Rosen impressionnant en vrai, pas très beau au disque ; Jacquard au contraire très phonogénique), mais le résultat est très convaincant la plupart du temps, avec quelques très belles découvertes de répertoire.

Et cette réédition :
Airs de cour du Poème Harmonique, tirés de cinq disques déjà publiés chez Alpha. Sommets du genre, et interprétés extraordinairement. (À telle enseigne que je conseillerais plutôt d'acheter carrément les trois ou quatre meilleurs de la série, à commencer par Cœur.)
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146. Le mercredi 2 octobre 2019 à , par DavidLeMarrec


105)
Yost, Concertos pour clarinette…
+ Vogel, Symphonie en ré mineur
Susanne Heilig, Kurpfälzisches Kammerorchester, Marek Štilec

Michèl Yost (ou Michel) est considéré comme le fondateur de l'école de clarinette française. Ces concertos de la pleine période classique (années 1770-1780) illustrent un style extrêmement proche du concerto de Mozart – j'ai souvent eu l'occasion de souligner, dans ces pages, combien le style pour clarinette de Mozart, la grâce de son concerto et de son quintette avec clarinette sont en réalité pleinement de leur temps (ceux de Yost, Neukomm, Hoffmeister, Krommer, Cartellieri , Baermann, Weber en sont très parents, jusque dans la belle couleur mélancolique). Le mouvement lent de chacun reste le meilleur du genre, mais on peut en trouver de comparables, et même de meilleurs mouvements rapides. Ceux de Yost sont particulièrement réussis, couronnés par des cadences (de Susanne Heilig, je suppose) tout à fait éloquentes, originales et généreuses.

On sait qu'en réalité Yost, sans formation sérieuse de compositeur, se faisait aider par son ami Vogel pour composer ces concertos. Le couplage avec une symphonie ardente dudit Vogel – tout à fait dans le genre postgluckiste qui caractérise beaucoup de symphonies du temps, comme la fameuse Casa del diavolo de Boccherini – se justifie ainsi pleinement.

Superbe interprétation de la part d'un orchestre (« de chambre de l'Électorat Palatin ») fondé en 1952 pour jouer la musique de type Mannheim, qui a réellement évolué avec son temps, en tenant compte de tous les apports de la musicologie (jeu très fin et tranchant des cordes, sans vibrato). Susanne Heilig n'est pas n'importe qui non plus : clarinette solo à l'Orchestre de Bielefeld, ancienne musicienne  (en tant que jeune-incorporée, je crois) des deux grands orchestres munichois (Radio Bavaroise et Opéra).

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106)
Le Promenoir des Amants
Lieder et mélodies de Schubert, Loewe, Schumann, Zemlinsky, Debussy, Caplet, Ravel
Garnier & Oneto-Bensaid, Jacquard & Lahiry, Lanièce & Louveau, Rosen & Biel
(B Records, 27 septembre 2019.)

Ces quatre couples de lauréats de la Fondation Royaumont présentent une partie des œuvres travaillées en masterclass (notamment avec Helmut Deutsch ou Véronique Gens…). Les voix passent assez différemment de la réalité (Alex Rosen a un très gros impact en vrai, et paraît peu gracieux au disque ; Jacquard sonne au contraire beaucoup plus phonogénique et focalisée via l'enregistrement), mais l'ensemble est superbe. On a notamment l'occasion d'y entendre le piano éloquent de Célia Oneto-Bensaid et la voix claire, libre, mordante, élégante, insoutenablement séduisante de Jean-Christophe Lanièce.

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107)

Roma '600
I Bassifondi
(Arcana, 27 septembre 2019.)

Musique instrumentale pour trois musiciens (plus les stars violoniste Onofri ou soprane Baráth sur quelques pistes) à divers instruments d'époque (cordes grattées pour deux d'entre eux, flûtes, percussions). Jeux de variations sur thèmes célèbres, compositeurs qui sortent de l'ordinaire, sens du rythme et de l'atmosphère. Un recueil tout à fait réjouissant qui, comme son amusante pochette le suggère, revitalise volontiers l'ancien !

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108)

Asteria
Yardani Torres Maiani (collection Harmonia Nova)
(Harmonia Mundi, 27 septembre 2019.)

J'ai très vivement recommandé cette collection originale, où de jeunes artistes produisent eux-mêmes leurs programmes, souvent assez originaux. Celui-ci ne m'a pas convaincu : le violoniste y présente ses propres compositions planantes (avec clavecin), écrites dans une langue très conservatrice (tonalité assez étale et pauvre). Pourtant j'aime bien Silvestrov et même certains jours Kancheli, mais ici, je n'ai vraiment pas été convaincu par l'intérêt des œuvres.

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109)
Julius Röntgen, Concertos pour piano 3, 6 & 7
Triendl
, Kristiansand Symphony, Bäumer
(CPO, 20 septembre 2019.)

J'avais déjà recommandé les concertos pour violoncelle, pour les admirateurs de Dvořák. Ce disque confirme les aptitudes de Röntgen dans le genre concertant, cette fois à conseiller en priorité aux amateurs de Brahms – le 3 en particulier. Très belle matière musicale, dense et renouvelée, qui force l'admiration.

L'occasion aussi d'admirer une fois de plus Oliver Triendl qui, en plus d'être excellent, documente à une vitesse vertigineuse des corpus très amples et très difficiles : Reizenstein, Papandopulo (2), Suder, Künneke, Gernsheim, Gilse, Urspruch, Genzmer (2), Blumenthal, Goetz, Weingartner, Thuille (2), Kiel, Hermann Schaefer, autant de figures assez peu courues (même si Gernsheim, Goetz ou Thuille connaissent un petit retour en grâce dans les cercles spécialisés, et Gilse & Weingartner des cycles assez complets chez CPO). Autant de choses aussi diverses et difficiles, et aussi bien jouées… le pianiste actuel le plus intéressant à n'en pas douter !
(Les autres, sortez-vous les doigts du Chopin si vous en voulez autant.)

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110)
Julius Röntgen, Concertos pour piano 3, 6 & 7
Triendl
, Kristiansand Symphony, Bäumer
(CPO, 20 septembre 2019.)

J'avais déjà recommandé les concertos pour violoncelle, pour les admirateurs de Dvořák. Ce disque confirme les aptitudes de Röntgen dans le genre concertant, cette fois à conseiller en priorité aux amateurs de Brahms – le 3 en particulier. Très belle matière musicale, dense et renouvelée, qui force l'admiration.

L'occasion aussi d'admirer une fois de plus Oliver Triendl qui, en plus d'être excellent, documente à une vitesse vertigineuse des corpus très amples et très difficiles : Reizenstein, Papandopulo (2), Suder, Künneke, Gernsheim, Gilse, Urspruch, Genzmer (2), Blumenthal, Goetz, Weingartner, Thuille (2), Kiel, Hermann Schaefer, autant de figures assez peu courues (même si Gernsheim, Goetz ou Thuille connaissent un petit retour en grâce dans les cercles spécialisés, et Gilse & Weingartner des cycles assez complets chez CPO). Autant de choses aussi diverses et difficiles, et aussi bien jouées… le pianiste actuel le plus intéressant à n'en pas douter !
(Les autres, sortez-vous les doigts du Chopin si vous en voulez autant.)


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David Le Marrec

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