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Le Partage de l'Univers selon le plus grand compositeur italien du XVIIe s. — La Divisione del Mondo de Legrenzi


opéra royal

#ConcertSurSol #129

Un inédit de Legrenzi, possiblement le meilleur compositeur italien du XVIIe siècle, comment résister ?
Les Talens Lyriques à l'Opéra Royal de Versailles, et mis en scène.
 
On y retrouve ses caractéristiques : entre le récit permanent et le seria, avec des airs ornés très courts (une strophe répétée une fois), où la virtuosité est présente sans constituer le propos principal. Et un grand sens mélodique : rien n'est plat, chaque récitatif coule avec naturel (je ne pourrais en dire autant du génial Monteverdi), chaque air séduit par un galbe spécifique.
    Cela dit, par rapport à ses autres œuvres (Il Giustino, par exemple), ne s'y trouve peut-être pas de moment foudroyant comme dans les Monteverdi, Rossi, Falvetti, même Cavalli.
 
Peut-être est-ce aussi lié au livret, assez catastrophique dans son genre usé ; en fait de Division du Monde (introduite incidemment en une réplique dans grand lien avec le sujet), le livret raconte ceci : les dieux fricotent dans l'Olympe, et Jupiter se fâche un peu, mais pas trop. C'est tout.
    Tout le reste n'est que revirements infinis et successifs (sans réelle logique générale, pour ce que j'en ai pu percevoir), au moyen de tous les poncifs obligés (rapts surnaturels, serments, scène de sommeil…). La fin étant connue et les personnages protégés par leur statut et l'immortalité, l'enjeu paraît mince.
    Un peu d'humour tout de même : « Dolore improvvisa, se potesse morire, m'avresti uccisa », et de l'érotisme à un degré inhabituel (« Se brami goder, vieni al mio petto », ou encore Vénus découvrant son sein nu pour en faire boire le lait à Mars). Hé bien.
 
La mise en scène de Mijnssen en tire un bon parti. Certes l'actualisation dans une salle à manger familiale n'est pas très exaltante visuellement, mais le plateau est toujours animé en rapport direct avec l'action, tandis que de nombreux détails supplémentaires viennent enrichir les psychologies sommaires. Divertissante fureur de Junon qui jette le mobilier sur Jupiter (le plateau paraît dévasté après l'entracte), ou encore les regards enamourésde Neptune et Pluton, contredisant la littéralité du livret, qui annoncent tous les malheurs à venir pour les infortunées amantes des Dieux.
 
Orchestre varié : 2 flûtes (alternant bec et traversos), 2 cornets à bouquin, 6 violons, 2 altos, 2 violoncelles, 1 lirone, 1contrebasse, 3 théorbes (dont 2 alternant avec guitare baroque), 1 harpe, 2 clavecins, 1 orgue, le tout dosé avec finesse au fil des atmosphères, au besoin intime, jamais indolent.
 
Je suis un peu plus réservé sur les voix, toutes bonnes, mais dans le cadre d'une représentation qui propose une édition, un instrumentarium, des modes de jeu puisés dans la recherche musicologique la plus informée, pourquoi diable choisir des techniques vocales qui fleurent aussi nettement leur XIXe (voire XXIe) siècles ?  
    Il faut cependant souligner l'excellence des sopranos, en particulier Sophie Junker dans le très-exposé rôle-pivot du drame, Vénus : je l'avais adorée en Fille du Roi des Elfes dans Elverskud de Gade (une parution de mars, je n'invente rien, dont je parlerai dans les prochains jours), et ici on entend à la fois le potentiel de lyrique romantique et la finesse du placement et de l'élocution – une façon de porter toute l'attention rien qu'avec les mots, du grand art.
    Et aussi les falsettistes très bien recrutés, très sonores – en particulier le miraculeux Paul-Antoine Benos, rond, projeté, un rien trompettant, clairement prononcé, que je me réjouis de voir parvenir aux grandes scènes après avoir fréquemment chanté les louanges de sa technique et de sa musicalité, lorsqu'il était encore étudiant !
 
 Belle découverte, donc, en dépit de ce livret frustrant. Je suis sûr qu'il reste d'encore plus grands Legrenzi (sacrés aussi) à redécouvrir.


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